• Aucun résultat trouvé

Le réaménagement en profondeur de la carte communale à La Réunion

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le réaménagement en profondeur de la carte communale à La Réunion"

Copied!
17
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-02529562

https://hal.univ-reunion.fr/hal-02529562

Submitted on 2 Apr 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Le réaménagement en profondeur de la carte communale à La Réunion

André Oraison

To cite this version:

André Oraison. Le réaménagement en profondeur de la carte communale à La Réunion. Revue juridique de l’Océan Indien, Association “ Droit dans l’Océan Indien ” (LexOI), 2001, pp.139-154.

�hal-02529562�

(2)

139

LE REAMENAGEMENT EN PROFONDEUR DE LA CARTE COMMUNALE A LA REUNION

(Une réforme administrative de longue haleine en faveur de l'épanouissement de la démocratie locale)

Par André ORAISON

Professeur de droit public à l’Université de La Réunion

Comme dans l'ensemble des D.O.M.-T.O.M., La Réunion traverse une zone de turbulences. Dans les différents "confettis de l'Empire", il est partout question de réformes administratives. Mais si dans certaines des Frances ultramarines comme la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française, des partis politiques rêvent de modifications institutionnelles de grande ampleur, voire d'autonomie ou d'indépendance, la classe politique de La Réunion – toutes tendances confondues – semble se contenter de réajustements administratifs dans le cadre traditionnel de la République française. C'est dire qu'il n'y a dans l'île, en ce début de XXIème siècle, ni parti autonomiste de nature à remettre en cause le statut départemental établi au lendemain de la Libération et consolidé en 1996 avec la mise en œuvre de "l'égalité sociale individuelle" ni, a fortiori, parti indépendantiste de nature à briser tout lien avec la France métropolitaine

1

.

Certes, les D.O.M. demeurent toujours des éléments irremplaçables de l'organisation administrative de la France d'outre-mer. Il est certain qu'en dépit des échecs patents sur le plan économique (taux de chômage élevé à La Réunion où près de la moitié de la population est privée d'emploi), l'application progressive de la loi du 19 Mars 1946 a apporté des bouleversements dans la société réunionnaise au point de vue infrastructurel, social, sanitaire et scolaire ainsi qu'au niveau des mentalités : les Réunionnais cherchent de plus en plus à s'ouvrir sur le monde extérieur proche comme la zone Sud-Ouest de l'océan Indien ou plus lointain comme l'Europe occidentale. Mais cela ne signifie pas que La Réunion soit entièrement satisfaite de ses structures administratives qui remontent pour la plupart à la fin de la Seconde guerre mondiale.

1 Le Parti Communiste Réunionnais (P.C.R.) a revendiqué entre 1959 et 1981 un régime d'autonomie dans le cadre de la République française. Cependant, il a mis sous le boisseau cet objectif lors de l'accession à la magistrature suprême de François MITTERRAND le 10 Mai 1981. Dès le 12 Mai 1981 et à l'initiative de son Secrétaire général M. Paul VERGES, le P.C.R. considère en effet acceptable dans une Déclaration solennelle le projet socialiste sur l'outre-mer français qui prévoit une large décentralisation administrative et non pas l'autonomie interne pour chacun des quatre D.O.M. Voir ORAISON (A.),

« Quelques réflexions critiques sur le Parti Communiste Réunionnais », A.P.O.I., 1978, pp. 107-134 et

« A propos de la décolonisation de l'île de La Réunion (L'attitude des communistes réunionnais de 1946 à 1996 : qui est responsable de la départementalisation sur le plan politique ?) », R.D.I.S.D.P., 1998/1, pp.

1-34.

(3)

140

Le moment est alors venu d'envisager les espérances immédiates des Réunionnais. Engagé par tous les partis politiques et mis en lumière par les médias depuis une décennie, un débat récurrent porte sur des questions administratives : le redécoupage cantonal, la création d'un second département afin de rééquilibrer le Nord et le Sud de l'île ou encore – ce sera l'objet de la présente étude – le découpage des grandes communes en vue de rapprocher l'Administration des Administrés.

Cependant, ces réformes ne font pas toutes l'unanimité dans la classe politique locale. Sans être fondamentalement hostile à la bidépartementalisation qu'ils considèrent en fait comme un gadget peu utile et très onéreux, la plupart des élus réunionnais appartenant à l'U.D.F. et au R.P.R. semblent s'orienter dans une autre direction pour rapprocher les citoyens de l'Administration. Les forces locales de droite préfèrent en effet la création de nouvelles municipalités par découpage des communes existantes comme celles de Saint-Louis

1

, de Saint-Paul

2

(la plus vaste de la France hexagonale par son étendue après Arles) ou de Saint-Pierre

3

. Pour sa part, la "gauche plurielle" locale (communistes et socialistes) n'est pas hostile à une telle réforme mais considère qu'elle devrait être synchronisée avec la bidépartementalisation. Au moins sur le plan des principes, le découpage communal de l'île fait aujourd'hui l'unanimité dans la classe politique réunionnaise

4

.

On sait par ailleurs que la création d'un second département à La Réunion ne se fera pas dans l'immédiat. Certes, le Gouvernement de M. Lionel JOSPIN avait bien adopté en Conseil des ministres le 5 Avril 2000 un projet de loi d'orientation sur les D.O.M. devant instituer la bidépartementalisation à La Réunion au 1er Janvier 2001. Mais au dernier moment – dans la nuit du 15 au 16 Novembre 2000 lors du vote définitif de la loi – et en accord avec les cinq députés de La Réunion (trois communistes, un socialiste et un divers droite), il a renoncé au moins

1 Par décision du 19 Janvier 2000, le Conseil municipal de Saint-Louis a autorisé le maire à engager une procédure administrative visant à créer deux nouvelles entités (les communes de La Rivière et de Saint- Louis) sur le territoire de l'actuelle commune sous réserve de la création préalable de deux nouveaux cantons sur le territoire de Saint-Louis. Voir « La procédure de découpage communal est lancée à Saint- Louis », Témoignages, Jeudi 27 Janvier 2000, p. 3.

2 Constitué le 28 Mars 1997 à l'initiative de M. Yvon LUCAS, un "Collectif pour la création de nouvelles communes à Saint-Paul" souhaite diviser l'actuelle commune de Saint-Paul – comptant en 1999 quelques 87 000 habitants répartis sur un territoire au demeurant très accidenté de 241 kilomètres carrés (soit près du dixième de la superficie de La Réunion !) – en cinq nouvelles collectivités de base, à savoir : Bois de Nèfles, Guillaume/Bellemène, La Saline, Saint-Paul-ville /Saint-Gilles-Les-Bains et Tan Rouge/Saint- Gilles-Les-Hauts. Voir « Réforme administrative et développement. Engager sans attendre la concertation pour créer de nouvelles communes à Saint-Paul », Témoignages, Mercredi 3 Mai 2000, p. 5.

3 Le député-maire de Saint-Pierre – M. Elie HOARAU – prévoit à terme de découper la "capitale du Sud"

en trois nouvelles communes de plein exercice : Saint-Pierre-ville, Grand-Bois et La Ravine des Cabris.

Voir « Réorganisation administrative et développement. Une réponse à Jean-Louis RABOU », Témoignages, Mercredi 2 Février 2000, p. 2.

4 Cf. PEAUDECERF (S.), Esquisse de recherche en géographie politique appliquée : l'aménagement du maillage communal réunionnais, Mémoire de D.E.A. de géographie réalisé sous la direction de M. Jean- Louis GUEBOURG, Professeur de Géographie à l'Université de La Réunion, Année universitaire 1998- 1999, 81 pages.

(4)

141

provisoirement et pour des raisons tactiques à cet objectif

1

. Contestée sur d'autres points par la droite parlementaire (U.D.F.-R.P.R.), la loi a finalement été déclarée, dans son ensemble, conforme à la Constitution du 4 Octobre 1958 par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 Décembre 2000 (J. O. R. F., 14 décembre 2000, pp. 19830-19834). La Haute instance a notamment déclaré conforme à la Loi fondamentale de la Vème République l'article 62 qui crée le Congrès dans chacun des D.O.M. – "congrès des élus départementaux et régionaux" – pour décider de leur évolution statutaire ou de transferts de compétences tout en précisant qu'il n'était pas

"une troisième assemblée délibérante mais un moyen de concertation entre le conseil général et le conseil régional d'un D.O.M.»

2

.

La bidépartementalisation étant ainsi écartée tandis que le Congrès est rejeté par toute la classe politique locale, reste la solution du réaménagement de la carte communale réunionnaise. Dès à présent, une question fondamentale se pose.

Pourquoi faut-il découper certaines communes ? Pour comprendre le problème, une comparaison s'impose entre La Réunion et la France hexagonale.

Contrairement à la plupart des départements métropolitains où il y a depuis la Révolution de 1789 un "maillage communal" extrêmement serré avec très souvent pléthore de petites collectivités de base, parfois fantomatiques (certaines d'entre elles que l'on peut qualifier de "microvillages" sont quasiment et depuis longtemps dépourvues d'administrés en raison de l'exode rural !

3

), La Réunion – comme les trois départements français d'Amérique

4

– souffre depuis toujours d'une sous- administration communale aiguë.

Alors qu'un département métropolitain d'une superficie moyenne de 5.000 kilomètres carrés et regroupant 400.000 à 800.000 personnes compte de 400 à 600 communes (c'est-à-dire beaucoup trop !), La Réunion souffre d'un mal opposé

5

. Elle

1 Cf. ORAISON (A.), « A propos du projet de bidépartementalisation à La Réunion (Une réforme administrative salutaire) », R.J.P.I.C., Mai-Août 2000, pp. 191-206 et De MONTVALON (J.-B.), « Le Gouvernement renonce à créer un second département à La Réunion », Le Monde, Vendredi 17 Novembre 2000, p. 8.

2 Cf. commentaire de la décision du Conseil constitutionnel in Le Monde, Dimanche-Lundi 11 Décembre 2000, p. 28.

3 Parmi ces microvillages, 1 087 ont moins de 50 administrés et une cinquantaine ne dépassent pas 10 habitants ! Voir HABIB (A), « Rouvroy-Ripont (Marne) : 7 habitants et bien des soucis », Le Monde, Mardi 24 Octobre 2000, p. 16.

4 La Guadeloupe, la Guyane et la Martinique comptent 90 communes pour une population d'un million d'habitants.

5 On peut à l'occasion mesurer la justesse de l'observation de M. Sébastien PEAUDECERF lorsqu'il déclare qu' "à l'émiettement communal métropolitain s'oppose à La Réunion un maillage communal très lâche" (précité, p. 60). Pour remédier aux inconvénients de l'émiettement communal de la France hexagonale, comparé avec la situation existante dans les Etats voisins de l’Union européenne, une loi du 16 Juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes a voulu encourager la fusion des municipalités faiblement peuplées par le biais d'incitations financières non négligeables.

Malheureusement, cette réforme administrative tout à fait louable au niveau des principes a échoué faute d'adhésion des populations locales. De fait, la loi du 16 Juillet 1971 est aujourd'hui "mise aux oubliettes".

Voir à ce sujet DUPUIS (G.), GUEDON (M.-J.) et CHRETIEN (P.), Droit Administratif, Editions Armand COLIN, 1998, pp. 236-237.

(5)

142

ne dispose en effet et depuis longtemps que de 24 collectivités de base – souvent très peuplées, étendues et difficiles d'accès en raison du relief accidenté de l'île – pour régler le sort de 705.000 citoyens répartis sur 2.512 kilomètre carrés alors qu'il en faudrait – à notre avis – au moins le double

1

!

En ce début de siècle, il importe donc de trouver un juste milieu. Comment assurer le réaménagement de la carte communale réunionnaise ? Comment satisfaire les discours "scissionnistes" des populations locales ? C'est à ces questions qu'il faut répondre. Assurément, tout comme la bidépartementalisation de l'île, le découpage communal à La Réunion aura toujours des partisans et des adversaires. Il est vrai que, comme toutes réformes administratives, il n'a pas une valeur absolue. C'est dire qu'il présente des avantages qui nous paraissent de plus en plus évidents (II) et des inconvénients qui semblent de moins en moins insurmontables (I).

I/ L

ES INCONVENIENTS RELATIFS DU DECOUPAGE COMMUNAL A

L

A

R

EUNION

Voici déjà une première remarque incontestable. Il ne sera certainement pas possible de remédier avant longtemps à la sous-administration communale qui sévit à La Réunion. D'abord, les maires actuellement en place et à la tête de petites féodalités hésitent le plus souvent à proposer un découpage communal qui aurait pour effet de leur ôter une partie de leur pouvoir. Par ailleurs, des inconvénients objectifs à la création de nouvelles collectivités de base sur le territoire des grandes communes existent dans le département de La Réunion comme dans n'importe quel département métropolitain. Qui pourrait le nier ? Quelles sont alors les différents obstacles à surmonter ?

En vérité, comme toute réforme administrative efficiente, la division des communes existantes de La Réunion en deux ou plusieurs collectivités infra- étatiques nouvelles est une réforme qui implique un coût financier non négligeable (B) et une procédure longue et complexe (A).

A/ La procédure longue et complexe du découpage communal

C'est un fait. Il n'est pas facile de mettre en œuvre une réforme visant au découpage communal en général et dans les D.O.M. en particulier. Sans doute, parle-t-on depuis longtemps d'une telle réforme à La Réunion

2

. Pourtant, il a eu très peu de création de collectivités territoriales nouvelles par découpage des municipalités existantes dans le département de l'océan Indien au XXème siècle. La dernière expérience réussie a été réalisée il y a 35 ans ! Elle remonte en effet à un

1 En l'An 2000 et depuis 1965 (date de création de la dernière collectivité de base : Cilaos), La Réunion ne compte en effet que 24 communes : (Les) Avirons, Bras-Panon, Cilaos, Entre-Deux, (L') Etang-Salé, Petite Ile, La Plaine-des-Palmistes, Le Port, La Possession, Saint-André, Saint-Benoît, Saint-Denis, Saint- Joseph, Saint-Leu, Saint-Louis, Saint-Paul, Saint-Philippe, Saint-Pierre, Sainte-Marie, Sainte-Rose, Sainte-Suzanne, Salazie, Le Tampon et Trois-Bassins.

2 Cf. ORAISON (A.), « La sous-administration communale à La Réunion (objectif : 40 collectivités de base) », La Revue Administrative, Mai-Juin 1977, pp. 301-304.

(6)

143

arrêté préfectoral en date du 5 Février 1965 "érigeant en commune distincte la section de Cilaos détachée de la commune de Saint-Louis»

1

. Aucune des tentatives récentes de découpage de communes existantes n'a par ailleurs encore abouti. Mais il est vrai aussi – comme le fait remarquer M. Bruno GEOFFROY – que la procédure devant conduire à la création de nouvelles collectivités de base sur le territoire des communes actuelles "se présente comme une course d'obstacles"

2

.

En vérité, si l'on se réfère aux articles L. 2112-2 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales (C.G.C.T.) qui fixe le droit positif applicable en la matière, le réaménagement de la carte communale en France et plus précisément la scission des communes existantes implique une procédure rigoureuse et une série d'opérations plus ou moins complexes tant au niveau juridique qu'au plan économique. Par ailleurs, cette procédure et ces opérations doivent impérativement prendre en considération la coordonnée paramétrique de la durée.

En tout premier lieu, qui peut lancer la procédure de scission d'une commune ? Le plus souvent, l'initiative du projet de découpage communal émane du conseil municipal de la commune concernée et s'exprime sous forme d'une délibération spéciale autorisant le maire à lancer une "étude de faisabilité"

administrative, économique et financière afin de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause sur le découpage éventuel. La législation en vigueur précise par ailleurs que la demande de découpage communal n'est recevable que si elle est entérinée par le conseil municipal dans un délai d'un an au moins après que celui-ci ait pris connaissance de ladite étude.

Cette procédure a été suivie à La Réunion dans les quatre collectivités de base aujourd'hui officiellement candidates à la partition. C'est le cas à Saint-Leu le 23 Décembre 1996 (décision de l'organe délibérant confirmée le 21 Septembre 1998 après examen de l'étude de faisabilité) où il est question de créer deux nouvelles entités autonomes sur le territoire de la commune existante "par l'érection des cantons de Piton Saint-Leu et de Saint-Leu en communes distinctes". C'est aussi le cas à Saint-Louis le 17 Juin 1998 (décision confirmée le 19 Janvier 2000)

3

, à Saint- Pierre le 20 Octobre 1998 (décision non encore ratifiée) et à Cilaos le 27 Novembre 1998 (décision confirmée le 18 Février 2000). A l'issue de cette énumération, il est possible de tirer une conclusion partielle : depuis le milieu de la décennie "90", l'idée d'un découpage du territoire de certaines communes de La Réunion a gagné du terrain et semble s'imposer, sinon dans les faits, au moins dans les esprits.

Le tiers des électeurs inscrits de la commune ou de la section de territoire peut aussi – par voie de pétition – proposer un projet de découpage. Cependant, la demande émanant du conseil municipal ou des populations locales n'est pas

1 Cf. Arrêté n° 200 DAG-2 in Recueil des Actes Administratifs de la Préfecture de La Réunion, 1965, p.

30.

2 Cf. GEOFFROY (B.), « Pourquoi Saint-Leu stoppe son projet. Le découpage communal est impossible », Le Quotidien de La Réunion, Mercredi 5 Juillet 2000, p. 8.

3 Cf. « Vers l'indépendance de la Rivière », Le Quotidien de La Réunion, Jeudi, 20 Janvier 2000, p. 8.

(7)

144

immédiatement recevable : elle ne l'est que si elle est confirmée à l'expiration du délai d'une année. Le cas ne s'est pas encore présenté à La Réunion

1

.

Le pouvoir central peut lui aussi prendre l'initiative de modifier les circonscriptions territoriales des communes. En son nom, le préfet peut ouvrir la procédure même si les conseils municipaux ou les populations intéressées ne formulent aucune demande en ce sens ou même si une pétition recueille moins du tiers des signatures des électeurs. Mais l'hypothèse est rare. Le découpage communal n'a en vérité aucune chance de réussir sans une large adhésion populaire

2

.

Dès lors qu'elle est lancée, comment se déroule la procédure d'instruction ? Une fois saisi de la demande de découpage, le préfet a l'obligation de poursuivre la procédure jusqu'à son terme même si son pouvoir de décision reste entier sur le fond. Deux phases doivent alors être distinguées.

D'abord, le préfet doit prescrire une enquête d'utilité publique portant sur le projet de découpage communal et sur les conditions de sa réalisation. Les modalités de cette enquête ne font pas l'objet de dispositions légales impératives. Dans la pratique, le représentant de l'Etat désigne un commissaire-enquêteur chargé de recueillir les observations des populations intéressées. Ces dernières sont elles- mêmes nécessaires "à l'établissement d'un véritable avis" ou avis personnel

3

. L'idée dominante qui doit être respectée est que tous les habitants des communes concernées soient mis à même de présenter leurs observations et ceci en connaissance suffisante du projet envisagé. La procédure d'instruction comporte ensuite l'intervention de commissions syndicales (une par future commune) qui sont chargées de donner leur avis sur le projet de découpage communal. Le nombre de ses membres est fixé par l'arrêté préfectoral instituant la commission. Par ailleurs, les membres de la commission sont choisis parmi les personnes éligibles au conseil municipal de la commune et sont élus selon les mêmes règles que l'élection des conseillers municipaux des communes de moins de 2 500 habitants. La commission élit par ailleurs en son sein son président.

Le déroulement de la procédure implique également les avis des organes délibérants de certaines collectivités locales. D'abord, les conseils municipaux

1 Des citoyens prennent parfois des initiatives afin d'obtenir le découpage des collectivités de base. Voir LEBRETON (J.-M.), « Où en est le découpage de Saint-Paul ? » Le Journal de l'Ile, Dimanche, 19 Novembre 2000, p. 59.

2 En présentant son projet visant à diviser sa commune en deux collectivités nouvelles – la commune de La Rivière et la commune de Saint-Louis – le maire a souligné qu'une décision aussi importante ne peut d'abord être prise que par les intéressés eux-mêmes, "en toute connaissance de cause, en toute liberté de choix dans la plus grande transparence après une campagne d'information suivie d'un débat ouvert à tous"

dans la mesure où "il s'agit d'une mutation administrative majeure et du devenir d'une population de plus de quarante mille habitants". M. Guy ETHEVE précise que "chaque habitant pourra avoir autant d'informations, d'explications et de discussions qu'il le voudra avant de se décider". Voir « La procédure de découpage communal est lancée à Saint-Louis », Témoignages, Jeudi 27 Janvier 2000, p. 3.

3 La circulaire du 20 Avril 1989 rappelle cette exigence qui découle de la jurisprudence administrative.

Voir à ce sujet l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 22 Mai 1981 dans l'affaire BRULEZ et autres in Rec.

LEBON, 1981, pp. 233-234.

(8)

145

intéressés donnent un avis qui prend la forme d'une délibération. Bien entendu, l'avis doit être donné après clôture de l'enquête publique et après que la commission syndicale ait elle-même donné le sien. Le conseil municipal doit donner un avis définitif au vu des résultats de l'enquête et de l'avis de la commission.

Pour sa part, le conseil général peut être saisi afin d'émettre à son tour un avis sur le projet de découpage communal. Mais son avis n'est pas nécessaire si le projet ne modifie pas les limites cantonales et si les conseillers municipaux et les commissions syndicales intéressés sont d'accord sur la modification proposée.

Enfin, un décret en conseil d'Etat est requis, sur la proposition du ministre de l'Intérieur, lorsque la modification territoriale porte atteinte aux limites cantonales existantes. En revanche, lorsque la redéfinition de la carte communale ne porte pas atteinte à ces limites, un arrêté préfectoral suffit

1

.

Après une ultime délibération du conseil municipal, le préfet prononce la dissolution de la commune existante et met en place une délégation spéciale dans chacune des communes nouvellement créées s'il s'écoule moins de trois mois avant les élections générales.

Comme toute réforme qui se veut efficiente, la multiplication des communes à La Réunion implique – outre une procédure longue et complexe (A) – un coût financier non négligeable (B).

B/ Le coût financier non négligeable du découpage communal

Tout d'abord, les partisans des grandes communes existantes ou du statu quo font valoir que la réorganisation en profondeur de la carte communale à La Réunion est une opération qui aura – comme toute réforme – des conséquences financières au niveau des dépenses publiques comme au niveau des recettes publiques. Qui pourrait nier une telle assertion ?

En vérité, les équipements ou investissements nouveaux indispensables et parfois très lourds comme, par exemple, la construction de nouvelles mairies et de bâtiments aptes à accueillir les différents services techniques ainsi que le recrutement du nouveau personnel communal – capables de garantir la continuité et la qualité même du service public dans les nouvelles entités administratives – devront être, en grande partie, financés par les Réunionnaises et les Réunionnais sous une forme ou sous une autre : taxes locales, subventions, octroi de mer et emprunts publics.

A l'occasion, comment résoudre, sur le plan patrimonial, le problème crucial de la dévolution des biens mobiliers et immobiliers ainsi que le sort du personnel communal titulaire et non-titulaire ? Par ailleurs, comment va-t-on trancher le problème du partage équitable des dettes de l'ancienne municipalité entre les

1 Les décrets portant modification des limites territoriales des communes existantes font l'objet d'une publicité au J.O.R.F. Pour leur part, les arrêtés préfectoraux portant création de nouvelles communes sont publiés à la diligence du préfet dans le Recueil des actes administratifs de la Préfecture. Néanmoins, mention en est toujours faite au J.O.R.F.

(9)

146

nouvelles entités ? De quels équipements disposeront exactement ces dernières ? Comment leur assurer des recettes en quantité suffisante ? Mais d'autres questions fondamentales se posent encore. Par exemple, en combien de nouvelles communes faut-il découper la collectivité locale existante ? En deux, en trois ou en quatre ? Par ailleurs, quels critériums mettre en œuvre pour délimiter les nouvelles collectivités de base ? Enfin et surtout, comment être assuré que les nouvelles entités administratives auront une identité propre qui soit ressentie et partagée comme telle par leurs habitants ?

Ce sont assurément toutes ces questions techniques qui sont de nature à retarder de manière durable – sinon à décourager ou à rendre quasiment impossible – la mise en œuvre effective du processus de découpage communal à La Réunion

1

.

De surcroît, une circulaire du ministère de l'Intérieur en date du 20 Avril 1989 fixe un certain nombre de recommandations ou de directives aux préfets et leur demande de ne répondre favorablement "aux projets de scissions" des communes existantes que si un certain nombre de conditions élémentaires sont réunies.

Certaines de ces conditions méritent ici d'être mentionnées.

Il faut d'abord que la demande de scission des communes existantes corresponde "à une volonté réelle des populations concernées" et présente "un lien direct avec l'intérêt général". Mais il faut encore qu' "une étude prospective approfondie des finances" des futures collectivités infra-étatiques permette "de s'assurer au préalable de leur viabilité financière", c'est-à-dire sans augmentation de la pression fiscale pour les contribuables des nouvelles municipalités.

Assurément, l'objectif de la réforme est de préserver une qualité du service public communal qui soit au moins égale à celle qui existait avant la survenance de la scission. Les quatre collectivités réunionnaises qui se sont engagées dans ce processus de découpage – à savoir les communes de Cilaos, de Saint-Leu, de Saint- Louis et de Saint-Pierre – ont déjà satisfait à cette condition. Toutes ont en effet confié au Cabinet d'expertise comptable FIDECOREX l'examen de cette étude de

faisabilité économique et financière qui a été remise à leurs maires respectifs.

La circulaire ministérielle du 20 Avril 1989 apporte au demeurant des précisions concernant le concept de "viabilité financière" des nouvelles communes.

Elle suggère en effet des regroupements ou associations entre les nouvelles collectivités de base : "Un accord doit pouvoir être réalisé entre les collectivités concernées sur le modalités financières et patrimoniales de la scission et sur la gestion conjointe future des principaux services publics, par exemple dans une structure de coopération intercommunale". Si d'un côté, on découpe certaines communes existantes, de l'autre il faut faire jouer la solidarité entre les nouvelles collectivités locales et effectuer leur regroupement dans des structures adéquates comme le souhaite d'ailleurs le Législateur. Ces deux opérations ne s'opposent nullement. Elles sont même tout à fait complémentaires.

1 Cf. en ce sens l'interview de M. Jean-Luc POUDROUX, maire de la commune de Saint-Leu et Président du Conseil général de La Réunion, in Le Quotidien de La Réunion, Mercredi 5 Juillet 2000, p. 9.

(10)

147

Il est certain que la coopération intercommunale est la condition sine qua non à la fiabilité des nouvelles collectivités infra-étatiques dans un certain nombre de domaines qui intéressent la vie quotidienne des habitants. C'est l'opinion du Président du Conseil régional de La Réunion pour qui "la coopération intercommunale est liée au "découpage des grandes communes". Après avoir constaté que la coopération intercommunale avait connu des avancées substantielles à La Réunion au cours des dernières années, M. Paul VERGES – Sénateur communiste et Président du P.C.R – précise le 5 Juillet 1999 que "seule la coopération intercommunale peut permettre de réaliser cette réforme administrative nécessaire qu'est la création de nouvelles communes»

1

.

En vérité, la partition des grandes municipalités de La Réunion ne s'oppose pas à l'établissement de lien de coopération entre nouvelles collectivités par le truchement de multiples structures de regroupement communal toujours efficientes et parfois très anciennes – syndicats intercommunaux à vocation unique institués en vertu d'une loi du 22 Mars 1890, syndicats intercommunaux à vocation multiple (S.I.V.O.M.) et districts urbains prévus par une ordonnance du 5 Janvier 1959, communautés urbaines envisagées par la loi du 31 Décembre 1966 ou encore communautés de villes et communautés de communes prévues par la loi d'orientation du 6 Février 1992 relative à l'administration territoriale de la République – qui sont autant d'espaces de solidarité pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire.

Concrètement, le département français de l'océan Indien regroupe depuis la fin de la décennie "90" la totalité de ses 24 communes dans des structures de coopération intercommunale généralement créées "pour une durée illimitée" et plus précisément dans des communautés de communes qui sont actuellement régies par les articles L 5214-1 à L 5214-29) du Code Général des Collectivités Territoriales (C.G.C.T.). En l'espace de deux ans (1996-1997), cinq Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (E.P.C.I.) à fiscalité propre ont ainsi été créés dans la région Réunion pour permettre à leurs membres d'associer leurs savoir-faire et leurs moyens financiers et techniques à la réalisation d'objectifs communs à court, moyen et long terme.

On peut citer la Communauté Intercommunale du Nord de La Réunion (C.I.N.O.R.) qui regroupe trois collectivités (Saint-Denis, Sainte-Marie, Sainte- Susanne)

2

. Créée par arrêté préfectoral du 22 Octobre 1997, elle est opérationnelle depuis le 1er Janvier 1998. Il faut également citer la Communauté des Communes de l'Est (C.C.E.). Créée le 19 Décembre 1996 et opérationnelle depuis le 1er Juillet 1997, elle rassemble six communes (Bras-Panon, La Plaine-des-Palmistes, Saint- André, Saint-Benoît, Sainte-Rose, Salazie). On peut encore citer la Communauté des Communes de la Côte Ouest (C.C.C.O.) qui associe trois entités (Saint-Leu, Saint-

1 Cf. son discours prononcé à l'occasion des Journées réunionnaises de l'intercommunalité in « Nos collectivités face aux défis du développement », Témoignages, Vendredi 9 Juillet 1999, p. 5.

2 Cf. « Partenariat C.I.N.O.R.-Eco-Emballages sur le tri sélectif. Bientôt les poubelles à choix multiples », Le Journal de l'Ile, Vendredi 25 Août 2000, p. 11.

(11)

148

Paul, Trois-Bassins) depuis le 27 décembre 1996 et la Communauté des Communes du Sud (C.C.S.) qui en regroupe cinq depuis le 31 Décembre 1997 (L'Entre-Deux, L'Etang-Salé, Les Avirons, Le Tampon, Saint-Joseph).

Il faut enfin citer la Communauté Intercommunale des Villes Solidaires (C.I.V.I.S.) qui se substitue au Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple de La Réunion (S.I.V.O.M.R.) créé le 6 Octobre 1983. Depuis le 20 Avril 1997, la C.I.V.I.S. unit sept municipalités (Cilaos, La Possession, Le Port, Petite-Ile, Saint- Louis, Saint-Philippe, Saint-Pierre). Mais il est déjà question de transformer la plupart de ces communautés de communes en communautés d'agglomérations avec une aide financière non négligeable de la part de l'Etat au cours de la période 2001- 2002.

Les différentes formes de regroupement communal sont en effet consacrées et encouragées par la loi du 12 Juillet 1999

1

. Votée à l'initiative du ministre de l'Intérieur – M. Jean-Pierre CHEVENEMENT – cette loi est "relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale" qui existe dans des domaines aussi diversifiés et essentiels que le développement économique, sanitaire et culturel et la promotion du tourisme ayant en tout ou partie un intérêt communautaire, l'aménagement du territoire et la mise en œuvre d'une politique à long terme du logement et de l'urbanisme, la protection et la mise en valeur du cadre de vie et de l'environnement, la création d'un service public de transports en commun urbains et scolaires, la lutte contre la divagation des carnivores domestiques et la gestion de fourrières animalières, la prévention des incendies, le traitement des eaux usées, la gestion, l'assainissement et la distribution de l'eau potable ainsi que la collecte sélective, le transport, l'élimination et la valorisation rationnelle des ordures ménagères et autres déchets assimilés (objets encombrants et carcasses de véhicules).

Ainsi, la multiplication des communes envisagée à La Réunion ne peut plus être considérée comme une opération hasardeuse sur le plan financier. Elle est rendue possible par les différentes formes de regroupement communal ainsi recensées et déjà mis en œuvre avec succès au cours des dernières années. En guise de conclusion paradoxale et néanmoins logique, on pourrait dire avec M. Elie HOARAU – député-maire de Saint-Pierre – que "le développement de la coopération intercommunale à La Réunion a été un facteur décisif en faveur du découpage communal»

2

.

Après avoir analysé les inconvénients de moins en moins pénalisants de la multiplication des collectivités infra-étatiques de base à La Réunion (I), nous devons maintenant présenter les avantages de plus en plus évidents de ce découpage communal (II).

1 Dans la circulaire du ministre de l'Intérieur du 20 Avril 1989, la coopération intercommunale est proposée comme un moyen pour les nouvelles communes de gérer de manière conjointe leurs principaux services publics.

2 Cf. « Réorganisation administrative et développement. Le découpage communal : une idée qui a mûri ces dernières années », Témoignages, Mardi 1er Février 2000, p. 2.

(12)

149

II/ L

ES AVANTAGES DE PLUS EN PLUS EVIDENTS DU DECOUPAGE COMMUNAL A

L

A

R

EUNION

Pourquoi faut-il une réorganisation en profondeur de la carte communale à La Réunion ? Pourquoi vouloir découper certaines collectivités de base ? Pourquoi vouloir des communes plus petites sur les plans démographique et territorial ? Pourquoi l'idée d'un découpage communal a-t-elle gagné du terrain au cours des cinq dernières années ? En vérité, tous les observateurs de droite comme de gauche s'accordent à trouver dans une telle opération certains avantages.

Comme la bidépartementalisation (mise sous le boisseau depuis le 16 Novembre 2000 pour des raisons tactiques par le Gouvernement de M. Lionel JOSPIN en accord avec les forces de progrès de La Réunion) et le découpage cantonal, le découpage de certaines des 24 communes du département de l'océan Indien doit répondre à un double impératif. Il faut en effet assurer le renforcement de la démocratie au niveau local (b) et tenir compte, en tout premier lieu, de l'évolution démographique dans le département de La Réunion depuis la Libération (a).

A/ L'évolution démographique dans le département de La Réunion

Tous les élus politiques favorables à la refonte de la carte communale locale mettent l'accent sur la nécessité de tenir compte de la croissance démographique de La Réunion qui est en vérité spectaculaire depuis la mise en œuvre de la loi de départementalisation du 19 Mars 1946.

A cet égard, on peut souligner avec le député-maire communiste (P.C.R.) de Saint-Pierre qu'il faut désormais compter avec "la prise de conscience de l'impact démographique sur l'évolution de la situation à La Réunion en général mais aussi sur la situation d'une commune et sur sa gestion en particulier". M. Elie HOARAU précise qu'il y a "désormais chez bon nombre de décideurs – dont les élus – un réel souci d'intégrer les effets de la situation démographique pour mieux appréhender la gestion municipale et, au-delà, concevoir l'avenir de la collectivité»

1

.

De fait, le développement démographique de l'île est considérable depuis la fin de la Seconde guerre mondiale : répartie sur 2 512 kilomètres carrés, la population de La Réunion comptait à peine 230 000 habitants le 19 Mars 1946 au moment de son classement en département d'outre-mer alors qu'elle en compte 705 000 d'après le dernier recensement effectué en 1999. C'est dire que le chiffre initial a été multiplié par trois au cours des 53 derniers années en raison de l'amélioration des conditions de vie de ses habitants sur les plans social, sanitaire et culturel.

Cette évolution rapide s'est traduite par l'émergence de grande communes à La Réunion sur le plan démographique. Pour bien appréhender ce phénomène, on peut au demeurant établir une comparaison simple. Dans la mesure où la France

1 Cf. article précité in Témoignages, Mardi 1er Février 2000, p. 2.

(13)

150

compte plus de 36500 communes réparties entre une centaine de départements selon une circulaire du 20 Avril 1989, il y a donc, en moyenne, 365 communes par département métropolitain contre 24 seulement à La Réunion et environ une commune pour 1 595 habitants en Métropole contre 29375 dans le D.O.M. de l'océan Indien occidental ! A la suite de cette étude comparative, il est permis d'opposer en quelque sorte les "micro-communes" de la France hexagonale aux

"méga-communes" de l'île de La Réunion ! La différence est déjà considérable. Mais elle risque encore de s'accroître dans les années à venir.

Le découpage communal à La Réunion doit en effet prendre en considération une autre coordonnée paramétrique. Il doit être envisagé à la lumière des perspectives démographiques du département des Mascareignes. Faut-il en effet préciser que l'île de La Réunion devrait connaître encore une forte croissance de la population par rapport à la France hexagonale au cours des trois prochaines décennies et qu'elle dépassera vraisemblablement le cap du million d'habitants en 2025 ?

Encore en grande partie rurale, la population de La Réunion est par ailleurs très dispersée. Elle vit dans de très nombreux écarts et parfois même dans des gros bourgs très peuplés et géographiquement distincts les uns des autres. De surcroît, elle est implantée sur une "île-continent" où le relief volcanique et montagneux ainsi que l'érosion provoquée par les fortes pluies ne facilitent pas les communications entre les habitants. Le résultat est là : beaucoup de Réunionnais sont ainsi éloignés ou se sentent éloignés des chefs-lieux communaux, des élus municipaux et, en premier lieu, de leurs maires.

Contrairement à beaucoup de citoyens métropolitains, ils n'ont pas toujours le sentiment d'appartenir à une "communauté d'intérêts". Faut-il préciser qu'en période cyclonique, pendant l'été austral, les communes rurales situées dans les cirques de Cilaos et de Salazie sont souvent isolées du reste de l'île tandis que l'accès au cirque de Mafate – lui-même partagé entre les communes de La Possession et de Saint-Paul par la rivière des Galets – se fait encore à pied

1

?

Ainsi, des changements importants s'imposent comme le souligne le maire de Saint-Leu et Président du Conseil général de La Réunion. Pour M. Jean-Luc POUDROUX, la création de nouvelles collectivités de base est indispensable si l'on veut avoir "des communes à taille humaine" et conduire "une politique de proximité»

2

. C'est dire que la création de nouvelles communes à La Réunion doit tenir compte de ces coordonnées paramétriques qu'on ne retrouve pas dans la plupart des départements métropolitains. Mais il en est d'autres qu'il importe de présenter. Il

1 Les Mafatais ont déjà le sentiment de former une communauté d'intérêts spécifique par rapport aux habitants de La Possession et de Saint-Paul. Aussi aspirent-ils à une gestion de proximité et à la création d'une "commune à part entière" comme le souligne M. Alain HOAREAU en sa qualité de Président de l'Association possessionnaise des îlets de Mafate. Voir « Et pourquoi pas une commune à Mafate ? », Le Quotidien de La Réunion, 25 Mai 2000, p. 13.

2 Cf. « Rien n'est fait pour nous aider à découper », Le Quotidien de La Réunion, Mercredi 5 Juillet 2000, p. 9.

(14)

151

faut ainsi tenir compte de la nécessité du renforcement de la démocratie au niveau local (b).

B/ La nécessité du renforcement de la démocratie au niveau local

D'emblée, une réflexion générale s'impose : la loi du 2 Mars 1982 relative aux droits et aux libertés des communes, des départements et des régions, la loi d'orientation du 6 Février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, la loi du 4 Février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, la loi du 12 Juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et la loi d'orientation du 13 Décembre 2000 sur l’outremer instaurent de nouvelles relations entre les collectivités territoriales et l'Etat. Elles leur confèrent de nouvelles responsabilités dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales afin de mettre en œuvre l'aménagement rationnel du territoire, de favoriser la modernisation du service public et de permettre l'épanouissement de la démocratie locale. A ce titre, la création de nouvelles communes outre-mer s'inscrit dans cette perspective de décentralisation.

Le découpage communal est une nécessité impérieuse à La Réunion. Il doit en effet permettre l'approfondissement de la décentralisation administrative, le renforcement de la démocratie au niveau local par une meilleure représentation des citoyens et par une participation toujours plus grande des populations intéressées à la gestion de leurs propres affaires. Souvent avancée par les élus municipaux eux- mêmes, cette argumentation est fondamentale. Elle semble même prendre de plus en plus d'importance comme le souligne le député-maire communiste de Saint-Pierre. A l'occasion, M. Elie HOARAU n'hésite pas à employer un langage imagé et à entrer dans le concret pour exprimer l'idée qu'on n'administre bien que de près et que, dès lors, il faut sans cesse rapprocher l'Administration communale et les élus locaux des Administrés :

"L'évolution sociale a eu aussi des incidences propres. Pour faire face à la crise et pour subvenir à ses besoins en logement, travail, animation sociale, etc., la population a pris de plus en plus l'habitude de s'adresser aux élus municipaux dont les maires. Ces dernier, du fait de la décentralisation mais aussi de la multiplication des formes de traitement social du chômage (C.E.S., contrats de ville, emplois- jeunes...) sont de plus en plus en première ligne. C'est dans ce contexte que sont nées l'expression "le maire est un élu à portée de gifle" mais aussi l'idée de multiplier les élus dits de proximité»

1

.

Dans le cadre de la départementalisation décidée par la loi du 19 Mars 1946, il y a manifestement un déficit certain de démocratie à La Réunion alors même que ce D.O.M. a connu une explosion démographique sans précédent tout au long de la seconde moitié du XXème siècle. Concrètement, il y a aujourd'hui un nombre insuffisant de représentants des collectivités de base et notamment d'élus municipaux et de maires. Dès lors, "des pans entiers de la population réunionnaise

1 Précité, p. 2.

(15)

152

ne sont pas représentés" ou sont superficiellement représentés comme le constate, dans une Tribune libre publiée par Témoignages le 3 Mai 2000, M. Yvon LUCAS.

L'ancien conseiller municipal de Saint-Paul devait ainsi conclure : "Pour être adaptées efficacement à la situation, aux nécessités du quotidien, aux besoins et aux aspirations du citoyen, cette administration et cette gestion (locales) doivent être conduites au plus près du terrain, au plus près de la population»

1

.

Dès lors, il faut constituer des entités administratives plus homogènes. C'est dire que la multiplication du nombre des communes à La Réunion apparaît comme une ardente obligation. Une telle opération aura pour effet d'augmenter le nombre des élus locaux qui, par définition, sont plus proches que quiconque des administrés.

Ainsi, le maire de Saint-Louis souligne-t-il que la division de sa commune en deux nouvelles collectivités doit avoir pour effet de "faire émerger de nouveaux responsables" en faisant passer de 39 à 70 le nombre des élus, "soit deux fois 35 élus pour les deux futures communes". M. Guy ETHEVE précise que "la création des nouvelles communes de Saint-Louis et La Rivière... doit favoriser le développement de la démocratie : les habitants, davantage représentés dans chacune des deux futures communes (un conseiller municipal pour 500 habitants au lieu comme aujourd'hui d'un élu pour 1000 habitants), se sentiront plus impliqués dans les décisions prises, ce qui développera leur participation à la vie publique locale»

2

.

On peut également citer le point de vue plus global de M. Michel VERGOZ – chef de file de la rénovation socialiste et Premier secrétaire fédéral du P.S. à La Réunion depuis le 30 Novembre 2000 – lorsqu'il déclare à la presse locale : "20 communes de plus à La Réunion, ce serait 600 conseillers municipaux supplémentaires, 300 femmes investies dans la vie publique, une formidable réoxygénation de la démarche politique et un renforcement de la politique de proximité»

3

.

Au cours des prochaines années, la réorganisation en profondeur de la carte communale réunionnaise permettra, en d'autres termes, de rapprocher de manière substantielle l'Administration locale des administrés, les conseillers municipaux et les maires des citoyens, les élus et la population et améliorera, en fin de compte, l'exercice de la démocratie à l'échelon local. Sur un plan plus général, la multiplication en nombre raisonnable des communes de La Réunion au cours des prochaines années aura pour effet – comme le souligne à juste titre M. Jean-Louis RABOU, Rédacteur en chef du journal Le Quotidien de La Réunion et de l'Océan

Indien – de "rapprocher l'île de la démocratie française»4

. Que dire alors en guise de réflexions finales ?

Réflexions finales

1 Cf. « Engager sans attendre la concertation pour créer de nouvelles communes à Saint-Paul », article précité, p. 5.

2 Précité, p. 3.

3 Cf. Interview in Le Journal de l'Ile, Lundi 20 Novembre 2000, p.10.

4 Cf. « Découper les communes », Le Quotidien de La Réunion, Samedi 26 Juin 1999, p. 1.

(16)

153

Une première réflexion s'impose. Le débat opposant la droite et la gauche à propos du réaménagement administratif de La Réunion au niveau communal est plutôt serein par rapport à la querelle statutaire qui a opposé au cours de la période 1959-1981 les partisans de la départementalisation (droite et socialistes) à ceux de l'autonomie de l'île (gauche communiste).

Ce constat est prometteur. Cependant, rien ne doit être entrepris dans la précipitation lorsque l'on vise, à terme, à doubler le nombre des collectivités de base dans le département de l'océan Indien.

Des études sérieuses doivent en effet être menées à tous les niveaux – impliquant un débat permanent et une consultation des populations intéressées par la voie du référendum sur la base de la loi d'orientation du 6 Février 1992, relative à l'administration territoriale de la République, qui encourage le renforcement de la démocratie locale en donnant aux édiles la possibilité de consulter directement les habitants des communes ou de la loi du 4 Février 1995, relative à l'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, qui a ouvert à ces derniers la possibilité de demander à être consultés

1

– pour réaliser dans les premières décennies du XXIème siècle les grandes réformes administratives justifiables pour une multitude de raisons à la fois politiques, économiques, sociales et culturelles et toutes, spécifiques à La Réunion.

Au moment où le Gouvernement de la "gauche plurielle" animée par M.

Lionel JOSPIN propose pour l'outre-mer français, des réformes administratives "à la carte" (comme c'est le cas en en Europe pour la Corse, en océan Pacifique pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française

2

ou encore dans le canal de Mozambique pour Mayotte), le moment est peut-être venu de faire preuve de souplesse et d'audace dans la zone Sud-Ouest de l'océan Indien.

C'est dire que s'imposent dans ce contexte propice

et

la bidépartementalisation de La Réunion en vue d'assurer un développement équilibré du Nord et du Sud de l'île comme le souhaitent les partis politiques de la gauche réunionnaise et la création de nouvelles communes afin de rapprocher l'Administration des citoyens et de constituer, par voie de conséquence, un réservoir plus important de responsables politiques comme le réclament à juste titre tous les partis politiques de l'île

3

.

Loin de s'opposer, ces deux réformes vont dans le sens de l'intégration de La Réunion au sein de la République française, de nouvelles avancées dans la voie de la déconcentration des structures étatiques, de l'approfondissement de la

1 La loi du 16 Juillet 1971 prévoyait déjà un référendum en matière de fusion de communes. Voir FRANCOU (J.-P.), « Le référendum local. Heurs et malheurs », Droit Administratif, Editions du Juris- Classeur, Juillet 2000, pp. 4-8.

2 Cf. GOESEL-LE BIHAN (V.), « La Nouvelle-Calédonie et l'Accord de Nouméa : un processus inédit de décolonisation », A.F.D.I., 1998, pp. 24-75.

3 Cf. ORAISON (A.), « A propos du projet de bidépartementalisation à La Réunion. Création de deux départements : une réforme administrative salutaire », Le Quotidien de La Réunion, 21 Février 2000, p.

19.

(17)

154

décentralisation administrative et de l'épanouissement de la démocratie au niveau local. C'est dire qu'elles nous paraissent à la fois nécessaires et complémentaires.

C'est là notre ultime réflexion.

Etude achevée le 9 février 2001

Références

Documents relatifs

Cet atelier traite donc les compo- sitions de Lasertex et toutes les com- positions T^X réalisées par nos clients (fichiers dvi ou T^X avec éventuelle- ment des corrections pour

La fragilité du pays implique que les taux d’intérêt exigés par les investisseurs pour prêter à Chypre sont toutefois supérieurs à ceux observes pour la plupart des autres pays

Les NTMG consistent à modifer le génome par di- verses techniques (de mutagenèse, d’inserton de diverses substances...) qui s’appliquent désormais directement sur des cellules

Comme la possession d’une carte permettant d’effectuer des retraits aux DAB peut être à l’origine d’un biais de sélection dans notre estimation, nous utilisons un modèle

un avantage en termes de sécurité et de confort opératoires. Il est indispensable pour respecter l’intégrité de l’incision en per- et postopératoire. Il permet sur- tout

Poggio, en tant que noyau villageois historique de la commune, répond non seulement aux caractéristiques d’un espace urbanisé, mais peut être également inscrit comme un

Une convention à été choisie qui utilise le dernier paramètre d'une fonction asynchrone en tant que fonction que l'appelé utilisera pour notifier l'appelant de la fin de son

Une convention à été choisie qui utilise le dernier paramètre d'une fonction asynchrone en tant que fonction que l'appelé utilisera pour notifier l'appelant de la fin de son