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Application de la cryoconservation des embryons à la
protection des ressources génétiques chez le lapin
T Joly, M Theau-Clément, F Drouet-Viard, H de Rochambeau, Jp Renard
To cite this version:
Article
original
Application
de
la
cryoconservation
des
embryons
à
la
protection
des
ressourcesgénétiques
chez le
lapin
T Joly
M
Theau-Clément
FDrouet-Viard
4
H de Rochambeau
3
JP
Renard
1 Institut national de recherche
agronomique, unité de biologie du développement, 78352 Jouy-en-Josas, Cedex;
2
ISARA, 31, place Bellecour, 69002 Lyon Cedex;
3
Institut national de recherche agronomique, station d’amélioration génétique des animaux, Auzeville BP 27, 31326 Castanet-Tolosan Cedex;
4 Institut national de recherche
agronomique, unité de pathologie du lapin,
37380 Nouxilly, France
Résumé - L’établissement d’une cryobanque de gamètes et d’embryons peut constituer
aujourd’hui
une aide précieuse pour garantir le maintien de la diversitégénétique
animaleet la protection des populations menacées d’extinction. Nous avons entrepris d’établir une telle banque chez le lapin, espèce à la fois d’intérêt zootechnique, mais aussi modèle
pour
la recherche biomédicale. Dans un premier temps, nous avons défini les conditionstechniques pour l’établissement d’une banque d’embryons à partir de la souche en cours
d’homogénéisation «hyperféconde» de l’INRA, choisie comme référence. Nous avons
ensuite commencé à appliquer ces techniques à la cryoconservation de plusieurs types
de populations : une souche à grand effectif et de haute valeur zootechnique, la souche INRA A 1077, sélectionnée depuis 18 générations sur la taille de portée et maintenue en
population fermée; une race à effectif réduit, le «Brun Marron de Lorraine»; une lignée
d’intérêt biomédical constituée par 3 familles sélectionnées sur la variabilité allotypique des gènes codant pour la chaîne lourde des immunoglobulines; enfin, une lignée mutante,
le lapin dit «sauteur d’Alfort». Cette recherche devrait nous permettre de définir les choix
scientifiques et économiques qui présideront à l’extension de ce travail de conservation à
d’autres populations de lapin, notamment des lignées transgéniques et des clones.
conservation / diversité génétique / cryobanque / lapin
Summary - Cryopreservation of embryos applied to the protection of genetic re-sources in the rabbit. The establishment of a cryobank of gametes and embryos would
be useful for maintaining animal genetic diversity and protecting populations threatened
species which is of interest from both zootechnical and biomedical points of view. We first defined the technical parameters for establishing an embryo bank using the INRA
’hyper-fecund’ line. Subsequently we have begun to apply these techniques of cryopreservation to
the following populations : a strain with a large population size and high zootechnical
va-lue, INRA A-1077, selected over 18 generations for litter size and maintained as a closed breeding group; a breed with reduced population size, the ’Brun-marron de Lorra,ine’; a
line of biomedical interest consisting of 3 families selected for allotypic variation in genes
coding for the immunoglobin heavy chain; and a mutant strain referred to as the ‘jumping
Alfort’
rabbit. This research should allow us to define the scientific and economic choices important in the extension of thiswork
to other rabbit populations, particularly transgenic lines and clones.conservation / genetic diversity / cryobank / rabbit
INTRODUCTION
Chez les animaux
domestiques,
l’utilisation intensive d’unpetit
nombre de races se traduit par unappauvrissement
de la variabilitégénétique
despopulations
souventissues de
longs
efforts de sélection et menace les races depetits
effectifs(FAO, 1987).
La définition destratégies
de conservation devient unimpératif
que la recherche nepeut
ignorer
ne serait-ce que pourcorriger
des erreurs commisesparfois
avec ou en son nom.Dans le même temps, chez les animaux dits de laboratoire
(la
sourissurtout),
des outils comme la
transgenèse
associée maintenant à lamutagenèse
insertionnelle ciblée permettent de créer de nouvelleslignées
qui
deviennent autant de modèlesirremplaçables
pour l’avancée des connaissances fondamentales et leursapplications
à des fins biomédicales. Associés auxprogrès
en cours dans l’établissement des cartesgénétiques
et aux méthodesd’introgression
degènes
dans unepopulation,
ces outilsseront demain utilisés chez
plusieurs espèces domestiques.
Dans les 2
situations,
la conservation d’une diversitégénétique
menacée ou foisonnanteapparaît
commeindispensable
pour ouvrir de nouveauxchamps
à la meilleure utilisationpossible
de caractèresphénotypiques
qui
résultent leplus
souvent de
l’expression
deplusieurs gènes
combinants leurs effets au sein dugénome.
Notre travail vise à fournir chez uneespèce domestique
prise
commemodèle,
lelapin
( Oryctolagus cuniculus),
une base de références concrètes pour la mise enplace, l’organisation
et l’utilisation de méthodes de conservation ex situ destinées àrenforcer les actions
indispensables
de conservation in situdéjà
à l’oeuvre chez cetteespèce
et dont ledéveloppement
doit être activementpoursuivi.
Une des méthodes de choix pour la conservation ex situ consiste àplacer
desembryons
et desgamètes
dans l’azoteliquide
à latempérature
de -196°Cpuisque
l’on a montréqu’à
cettetempérature
onpouvait
conserver desspermatozoïdes
bovinspendant plus
de 30 anset des
embryons
de sourispendant plus
de 13 ans sans modifier leuraptitude
à donner des descendants normalement fertiles(Wood
etal,
1987).
Ces durées serontprobablement
allongées
au fur et à mesure que l’ondisposera
du reculexpérimental
suffisant. Eneffet,
à latempérature de —196°C,
seules des réactionsphotophysiques
peuvent se
dérouler,
celles-cirisquant
d’induire une ionisation du milieu cellulairecet effet par
l’exposition d’embryons
de souris àl’équivalent
d’environ 2000 années de radiations n’ont eu aucuneconséquence génétique
sur les souris issues de cesembryons
après transplantation
dans des femelles receveuses(Glenister
etal,
1984),
cequi
indique
que la durée de conservation n’a dans ces conditions aucun effet néfaste sur les cellules.Plus d’une centaine de races et variétés de
lapin
ont été à cejour
inventoriéespar la World Rabbit Science Association pour une
population
mondiale estimée àplus
de 700 millions d’individus(Lukefahr, 1985).
Cet inventaire encore trèspartiel
montre
qu’on
peut
accéder avec cetteespèce
à despopulations
constituées defaçons
très différentes.À
la diversité des situationsgénétiques
rencontrées,
lelapin joint
un autre avantage. Chez cetteespèce,
des méthodes decongélation
ontdéjà
été définies pour 2 typescellulaires,
lesspermatozoïdes
et lesembryons;
l’insémination artificielle avec du spermecongelé
peut être utilisée enpratique
(Courot,
1977; Theau-Clément etVrillon,
1989)
et lestechniques
decryopréservation
d’embryons
(Whittingham
etAdams,
1976)
sontcompatibles
avec des taux dedéveloppement
à terme similaires à ceux obtenus en l’absence decongélation
(Renard
etal,
1984).
ÉTABLISSEMENT
D’UNECRYOBANQUE
D’EMBRYONS :DONNÉES
TECHNIQUES
L’utilisation des basses
températures
pour lapréservation
ex situ dugénome
des mammifèresdomestiques
a faitl’objet
de nombreux travaux. Les auteurs formu-lent des recommandationsparfois
précises
(FAO, 1987)
maisqui
s’appuient
sur des donnéesexpérimentales partielles.
Il est en effetlargement
faitappel
à des considérationsthéoriques
ou à des situations modèlesqui
empruntent àplusieurs
espèces
à la fois les données nécessaires à l’établissement destratégies
de conser-vation(Brem
etal,
1982;
Renard etal,
1983;
Smith,
1984;
Yamada etKimura,
1984).
Lapremière
partie
de notre travail a donc consisté à mesurer lesparamètres
techniques
conditionnant la mise en oeuvre d’unecryobanque d’embryons
dela-pin.
Nous avons choisi commepopulation
de référence la souche n° 1029 de l’INRA. Cette souche est utilisée pour l’étudegénétique
des composantesphysiologiques
de la taille desportées
(Bolet
etal,
1991).
Méthode de
congélation
retenueNous avons
pris
leparti
de recourir à destechniques
de stimulation hormonale etd’insémination artificielle pour
disposer
de références surl’apport
de ces méthodes à la constitution d’unebanque d’embryons.
Latechnique
desuperovulation
décrite parKennelly
et Foote(1965)
a été modifiée de lafaçon
suivante : une dose de 2 mg depFSH
(Stimufol,
RhôneMérieux,
France)
est administrée par voie sous-cutanée en 5injections
à 12 h d’intervalle(respectivement
0,25; 0,25; 0,625; 0,625
et0,25
mg) ;
8 h
après
la dernièreinjection,
les femelles sont inséminées(Theau-Clément
etRoustan,
1991),
avant induction de l’ovulation par unanalogue
de GnRH(0,2
ml de Buséréline enintramusculaire;
Réceptal,
Distrivet,
France);
lesembryons
sontcollectés au stade morula 65 h post coi’turn
après abattage
des femelles etperfusion
du tractus
génital
à l’aide d’une solution salinetamponnée
(tampon
phosphate,
années
(Garnier
etal,
1988)
etqui
permet derécupérer
lesembryons plusieurs
fois de suite sur une même femelle n’a pas été retenue pour cepremier
travail. Elle le sera ultérieurement pour définir les conditions strictes de sonapplication
dans le cas où le nombre de femelles de lapopulation
à conserver est très faible.La méthode de
congélation
retenueimplique l’emploi
d’uncongélateur
program-mablepuisqu’elle
est réalisée dans des conditionsd’équilibre
de variation de latempérature
(Mazur, 1990).
Ledispositif
que nous utilisons estportable
(Cryo-cell 1200.
IMV,
L’Aigle
France)
et son maniementsimple
en fait unappareil
bienadapté
pour intervenir directement dans desélevages.
La méthodeemployée
com-prend
3étapes.
Lapremière
consiste àremplacer
unepartie
de l’eau intracellulairepar une solution de cryoprotecteur; pour
cela,
lesembryons
sontplongés chaque
fois
pendant
5 minutes dans 3 bains successifs contenantrespectivement 0,5, 1,0
et1,5
M dedi-méthyl
sulfoxide(DMSO),
avant d’être introduits dans unepaillette
enplastique
du type de celles utilisées dans l’industrie de l’insémination artificielle bovine(0,25
ml;
IMV)
mais modifiées pour permettre une identification sur unjonc
deplastique.
Dans un 2e temps, lespaillettes
sontéquilibrées
à -7°Cpendant
10 minutes dans lecongélateur programmable prérefroidi;
cetteopération
permetde mettre le milieu environnant les cellules en surfusion et favorise
l’apparition
d’unpremier
cristal deglace.
La troisièmeétape
consiste alors à abaisser lentement latempérature
à une vitesse de0,5°C
par minutejusqu’à
-30°C,
cequi
permet unedéshydratation
progressive
mais suffisante des cellules avant leur immersion dans l’azoteliquide
à -196°C. Ladécongélation
s’effectue en réchauffant leplus
rapidement possible
lespaillettes
pour éviter la recristallisationéruptive
de laglace
intracellulaire. Leplus simple
pour cela est de les faire passer directement de l’azoteliquide
dans un bain-marie à 20°C. Le cryoprotecteur est retiré enplaçant
lesem-bryons
successivementpendant
5 minutes dans 2 bains contenant1,0 puis 0’,5
M de DMSO. La survie desembryons
est mesurée par le taux dedéveloppement
ob-tenu soit
après
24 h de culture(taux
d’embryons
au stadeblastocyste
«épanoui»)
soit par transfertchirurgical
dans les cornes utérines ou oviductes d’une femellepseudogestante.
Un
premier
bilanSoixante-quinze
femellesâgées
de4,5
mois et élevées dans les mêmes conditions d’environnement ont été utilisées comme donneuses(n
=40)
et receveuses(n
=35)
d’embryons. Après application
d’un traitement desuperovulation,
nous avonscongelé
en moyenne11,5
embryons
par femelle traitée. La variabilité deréponse
au traitement est élevée. Plus du quart des animaux(11/40,
soit27,5%)
ne donnent aucunembryon congelable ;
les autres fournissent en moyenne15,
9 f 13embryons
par individu. Le bilan de la
congélation
est évalué in vivo àpartir
du tauxde
développement
à terme desembryons
(après
transfert dans des receveusessynchronisées)
ou in vitroaprès
24 h de culture(tableau
I).
Près de 90% des
embryons congelés
sont intacts à ladécongélation
etplus
de60% de ces
embryons
cultivés in vitro ou transférés sontcapables
de sedévelopper
et donner naissance à des
lapereaux
viables.La distribution des donneuses en fonction du nombre de descendants obtenus est
Ces résultats montrent que sur les 19 femelles
qui
ont donné au minimum 9embryons congelés
ettransplantés,
18(94,7%)
d’entre elles ont eu au moins 1 descendant viable et 7(36,8%)
plus
de 10lapereaux,
soit une moyenne de9,5
descendants par femelle(180/19).
Endéfinitive,
ces différents éléments nouspermettent d’en déduire
qu’après congélation
d’au moins 9embryons, plus
de 80%des
accouplements
(16/19)
donnent 3 descendants viables ouplus
cequi,
comptetenu d’une mortalité entre la naissance et la
puberté
d’environ20%,
estcompatible
avec l’obtention d’un
couple
dereproducteurs
adultes.Des essais sont en cours pour confirmer ces
premiers
résultats et définir despa-ramètres
techniques
plus précis
pour l’établissement deprotocoles d’échantillonnage
et de
gestion
desaccouplements
des animaux donneursd’embryons
en prenant encompte la variabilité individuelle de
réponse
des femelles. Troisparamètres
tech-niques
permettront alors de déterminer le nombred’embryons
qui
doivent êtrecongelés :
- laprobabilité
pour uncouple
donné dereproducteurs
d’obtenir au moinsun descendant de
chaque
sexe; ceparamètre dépend
directement de l’efficacitétechnique
de lacryoconservation ;
- le nombre d’animaux
retenus pour
représenter
génétiquement
lapopulation
à conserver; ce nombredépend
desobjectifs génétiques
visés et du coût de laconservation ;
- le
plan
d’accouplements
nécessaires pourpouvoir
réaliser unéchantillonnage
correct de la
population.
On estime que pour unepopulation
d’effectifréduit,
dequelques
centaines d’individusseulement,
l’échantillon doitreprésenter
au minimum 20accouplements
de parents le moinsapparentés
possible
(Woodford, 1990).
Pour cespopulations, l’objectif
est de conserver le maximum deproduits
de différentsaccouplements.
Pour lespopulations
deplusieurs
milliersd’individus,
destechniques
d’échantillonnage
permettentd’organiser
lesaccouplements
pour maintenir laplus
CHOIX DE POPULATIONS DE
RÉFÉRENCE
Dans le cadre de l’action que nous
conduisons,
4 races(ou souches)
fontl’objet
d’un programme de conservation. Chacunecorrespond
à un type depopulation
différent. Souche àgrand
effectifpossédant
une haute valeurzootechnique :
la souche A 1077 de l’INRACette
population
est un bonexemple
des races àgrands
effectifs(plusieurs
milliersd’animaux).
Les animaux sont utilisés pour leuraptitude
à laproduction
de viande(principalement
les races néo-zélandaise etcalifornienne)
ou de fourrure(races
Rex,
Angora).
Certaines souches issues de ces races fontl’objet
deplans
d’améliorationgénétique
rigoureux
(Matheron
etPoujardieu,
1984).
C’est le cas de la souche A 1077.Celle-ci,
d’origine
néo-zélandaiseblanche,
est sélectionnée artificiellement dans les installations de la station INRA de Toulousedepuis
1976 pour améliorer la taille de laportée
au sevrage. Les animauxdisponibles aujourd’hui
sont les descendants de 11 mâles et 53 femelles fondatrices. La souche fermée dèsl’origine
est à sa
vingtième génération
de sélection. Elle est conduite en 11 groupes dereproduction
formés enpratique
de 4 mâlespleins
frères et de 11 femelles. La valeur des coefficients deconsanguinité
est connue; à la dix-huitièmegénération,
elle était de0,144 ± 0, 037
chez les mâles et0,153
f0,041
chez les femelles(Poujardieu,
communicationpersonnelle).
La sélection sepoursuit
selon unplan d’accouplements
précis
(Matheron
etChevalet,
1977)
qui
vise à distribuer l’ensemble desgènes
sur l’ensemble des individus et donc à éviter que ne se constituent despseudo-isolats
génétiques.
L’échantillon desreproducteurs
utilisés pourproduire
lesembryons
peut dans ces conditions
correspondre
auxaccouplements
telsqu’ils
sontprévus
dans la
gestion
normale de la souchepuisque,
pour unegénération
donnée,
onpeut considérer que tous les
reproducteurs
qui
donneront des futursreproducteurs
sont des fondateurs. La conservation sous forme
d’embryons congelés
vise d’abord à constituer une réserve degènes disponibles
en cas decatastrophe
(problèmes
sanitaires sur la
population
debase,
destruction del’élevage
parincendie...).
Mais elle constitue aussi un témoin pour estimer leprogrès génétique
réalisé sur unepériode
de 5 ou 10 ans.Race à effectif réduit : le «Brun-marron de Lorraine»
À
côté des«grandes
races» directementexploitées
pour uneproduction,
on trouveun
grand
nombre de racespossédant
desqualités
sans valorisationéconomique
directe,
isolées par des éleveurspassionnés
attachés leplus
souvent à des caractères dephanères
(aspect
dupelage,
colorationparticulière).
Cespopulations
d’une centaine d’animaux sont souvent menacées d’extinction. Dans un pays comme laFrance,
il en existe actuellement encore unequarantaine
bien caractérisées par référence à unstandard,
etqui
forment despopulations
depetits
effectifs maintenus in situ chez les éleveurs(Rochambeau
etVrillon,
1980).
Laplupart
d’entre elles nesur une
période
consécutive de 5 ans, l’intérêt par les éleveurs collectionneurs étantalors manifestement insuffisant.
La race que nous avons retenue comme
premier
modèle pour la conservation de cetype de
population
est le Brun-marron de Lorraine. C’est une racelégère d’origine
française,
créée au début du siècle par C Kauffmann et obtenue par croisement du Garenne et du Noir et Feu. Ceslapins
depetite
taille ont unpoids
moyen adulte de1,5
à 2kg,
une conformation et une coloration depelage
dérivée dulapin
de garenne. L’intérêtprincipal
de cette race réside dans sa bonneadaptation
à des conditionsprécaires d’élevage
(température, microbisme).
Mais face au peu d’intérêt actuel des éleveursfrançais,
elle n’estplus représentée
que par àpeine
une centaine d’individus. En accord avec la Fédérationfrançaise
decuniculture, l’objectif
est de conserver desembryons
encomplément
d’animaux vivants. L’échantillon à conserver estconstitué de 10 familles issues
d’élevages
différents et comprenant chacune un mâleet 2 femelles. Le coefficient de
parenté
entre individus des différentes familles estconsidéré comme
pratiquement
nul. Le schéma de circulation des mâles fondateurs utilisés pourl’accouplement
a été décrit par Rochambeau et Chevalet(1989).
Lesembryons
collectés sur les femelles de deuxièmegénération
constituent donc le stockreprésentant
au maximum la variabilitégénétique
actuelle de la race Brun-marron de Lorraine.Une
lignée
d’intérêtpotentiel
pour la recherche fondamentale : leslapins
porteursd’allotypes
raresLes
lignées
utilisées pour la recherche fondamentale et biomédicale sont maintenues leplus
souvent enpetits
effectifs dequelques
dizaines d’individus. C’est le caspar
exemple
delignées
delapins histocompatibles
qui
présentent
un intérêt pourles études
d’immunopathologie
et pour l’étudefondamentale
ducomplexe majeur
d’histocompatibilité
(CMH)
dont la structure estplus proche
de celle de l’hommeque ne l’est par
exemple
celle de la souris(Marche
etal, 1989;
Laverrière etal,
1989).
C’est aussi le cas pour la
lignée
que nous avonschoisie, qui
est constituéepar des animaux sélectionnés par le Dr A Kelus
(depuis
de nombreuses annéesà l’Institut
d’immunologie
deBâle)
sur la variabilitéallotypique
desgènes
codantpour la
production
desimmunoglobulines.
Les animaux dechaque allotype
sonttrès
homogènes
entre eux(Mage
etal, 1982;
Knight
etal,
1985).
En1990,
unevingtaine
d’individusreprésentant
3allotypes différents,
alibas(souche
Kelus),
3R4K bas et 2H4G4F ont servi de fondateurs pour 3 familles maintenues à lastation de
pathologie expérimentale
de l’INRA deNouzilly
(P
Coudert,
données nonpubliées).
Le taux deconsanguinité
de ces familles est maintenant élevé et laprolificité
des femelles estfaible,
de 0 à 3lapereaux
parportée ;
le coût d’entretien d’un tel troupeau est trop élevé pour une demandeponctuelle. L’objectif
de notretravail est donc de conserver ces familles
uniquement
sous formed’embryons
et de semencecongelés.
Vingt-deux
femelles ont étéaccouplées
avec 11 mâles de mêmeallotype
puis
sacrifiées afin decongeler
leursembryons.
Encomplément,
la semence de 8 mâles a étécongelée.
Un total de 264embryons
et 137paillettes
de semencereprésentant
les 3 souches de lalignée
est maintenant mis à l’abri. Ces souches sont ainsiUne
lignée
issue d’une mutationmonogénique :
lelapin
dit «sauteurd’Alfort»
Contrairement à la situation
qui
prévaut
chez lasouris,
leslignées
caractérisées parl’effet d’un seul
gène
sont peu nombreuses. Il y a peu de mutationsmonogéniques
naturelles isolées(Letard, 1935)
et le nombre delignées transgéniques quoiqu’en
augmentation rapide
est encore faible(Massoud
etal,
1991;
Aigner
etal,
1993) .
Nous avons choisi comme
exemple
unelignée
issue d’une mutationspontanée,
celle dite du«lapin
sauteur d’Alfort». Laparticularité
de cettepopulation
semanifeste par un comportement locomoteur
original :
l’animal sedéplace
sur les membres antérieurs en soulevant son arrière train à la verticale de satête;
il fait le«poirier».
Ce caractèremonogénique
récessif apparu à la suite d’une mutationspontanée
(Letard, 1935)
est associé chez laplupart
des animaux à une cataracte(pénétrance variable).
La soucheprésente
donc un double intérêt : c’est un modèlepossible
pour lamicrochirurgie
oculaire et pour lasémiologie neurologique.
Actuellement,
cettepopulation comprend plusieurs
dizaines d’individus conser-vés in situ dans 6élevages agréés
permettant la fourniture desujets
pour la recherche(Boucher,
1991).
L’intérêt de lacryobanque
est depréserver
ex situ cegène
original.
L’échantillon est donc constitué d’un seulcouple
d’animauxhomozygotes
pour ce
gène
et leurs descendants sont utilisés comme donneursd’embryons.
Seulesquelques
dizainesd’embryons congelés
suffisent poursauvegarder
cette mutation. PERSPECTIVESLe programme de
cryopréservation
est actuellement étendu à deslignées
transgéni-ques
(Massoud
etal,
1991)
et à des groupesparticuliers
dereproducteurs.
Ces derniers sont constitués par des clônesd’embryons,
c’est-à-dire des lotsd’embryons
de même constitutiongénétique
obtenus par transfert des noyaux d’unembryon
donneur au stade morula(environ
64noyaux)
dans autantd’ovocytes
receveurs énucléés. Cesembryons
peuventaprès transplantation
dans une femelle porteuse donner naissance à desjeunes
viables et normalement fertiles(Heyman
etal,
1990).
Les taux de réussite sont encore faibles
puisque
seulement 5 à 10% d’entre eux sedéveloppent
à terme. Mais on peutanticiper
une meilleure maîtrise de cettetech-nologie sophistiquée
dans lesprochaines
années,
cequi
justifie déjà
la mise àl’abri,
dans unecryobanque,
depetits
lotsreprésentatifs
de ce typed’ embryons.
Les
embryons
etspermatozoïdes
d’autres races dont le choix est actuellement à l’étude devraientprochainement
être à leur tourpris
en compte. Il deviendra alorspossible
d’examiner l’effet dugénotype
desembryons
sur leur taux de survieaprès
décongélation.
Eneffet,
lesembryons
delapin
manifestent apparemment, selon leurorigine génétique,
desdifférences
de sensibilité aux processus decongélation-décongélation
(Vicente
et GarciaXimenez,
1993).
Ces différences sont aussi mises en évidence chez la souris(Pomp
etEisen,
1990).
Chez cetteespèce
toutefois,
lestaux de survie
après décongélation
ne varient entre eux que de 35% cequi
amène à neprendre
en compte ces données que pourajuster
la taille de l’échantillon.Les résultats
acquis
chez lelapin
pourront alors être utilisés pour définir les basesde l’économie d’un
plan
rationnel de conservation dupatrimoine
génétique
d’unepopulations végétales
(Joly
etTrommeter,
1991). À
terme, l’introduction dans labanque
delignées
de cellulestotipotentes
congelées
devra être considérée. Ces cellules dites ES(embryonic
stemcells)
ou EG(embryonic
germinal
cells)
sont deplus
enplus
utilisées chez la souris car ellesprésentent
l’intérêt depouvoir
participer
à la formation de lalignée germinale
au sein de chimèresd’agrégation,
et donc de voir leurs caractères transmis auxdescendants,
notammentaprès
introduction ouremplacement
ciblé d’uneséquence génique
donnée par recombinaisonhomologue.
Les résultats chez lelapin
sont toutefois encore très limités(Moens
etal,
1992).
L’intérêt d’une
banque
se mesure auxéchanges qu’elle
permet entre différentspartenaires.
Des modalités de fonctionnementimpliquant
des relationscontrac-tuelles entre laboratoires de recherche et éleveurs et prenant en compte les
conséquences
des décisions concernant la brevetabilité éventuelle deslignées
ani-males(Milligan
etLesser, 1989;
Hermitte etJoly,
1991)
sont actuellementexpéri-mentées à l’échelon national.
L’élargissement
à d’autres pays va constituer une deuxièmeétape
qui
seraengagée
à travers une action concertée de la commission des Communautéseuropéennes
soutenue par la directiongénérale
pour la science, larecherche,
et ledéveloppement
(DG
XII,
programme PL920184).
Unefaçon
demontrer que les
responsables
des ressourcesgénétiques
des paysd’Europe
doiventrapidement
et concrètement se rassembler. Mais aussi un début deréponse
à l’am-bitieux programme debanques d’embryons
de souris et delapin
mis actuellement enplace
auxÉtats-Unis
(Gershon, 1993)
par l’Institut national de la santé(NIH),
banques
qui pourraient
constituer unpremier
pas pour d’autresespèces
animales. REMERCIEMENTSNous tenons à remercier G Arnold et les responsables de la Fédération française de cuni-culture pour l’intérêt qu’ils portent à cette recherche. Nous remercions aussi B Poujardieu
pour ses conseils lors de la préparation de ce document. Cette recherche, initiée en 1991, a été financée par l’INRA dans le cadre de son action Agrotech
(programme
Prodige)
et par la Fondation pour la recherche médicale
(FRM)
qui nous permet aujourd’hui depoursuivre notre travail.
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