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Texte intégral

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Andrea Oberhuber, Corps de papier. Résonances. Avec des accompagnements

de Catherine Mavrikakis, Nicole Brossard et Verena Stefan.

María Dolores Picazo

Résumé

Compte rendu de Andrea Oberhuber, Corps de papier. Résonances. Avec des accompagnements de Catherine Mavrikakis, Nicole Brossard et Verena Stefan.

Abstract

Review of Andrea Oberhuber, Corps de papier. Résonances. Avec des accompagnements de Catherine Mavrikakis, Nicole Brossard et Verena Stefan.

Montréal, Nota bene, Coll. Nouveaux Essais Spirale 2012, 238 pp.

ISBN : 978-2-89518-442-3

Dans le contexte général de la pratique intermédiale, qui soutient une grande partie de la littérature et de l’art modernes, les écritures de l’intime et de la mémoire constituent un espace privilégié pour tout processus d’hybridation, dans la mesure où l’excentricité et la fragmentation du moi moderne semblent réclamer sans conteste des formes d’expression perméables et décloisonnées. Partant de ce fait, Andrea Oberhuber propose dans Corps de papier, à la fois une réflexion approfondie sur un corpus de cinq femmes auteurs –dont trois artistes aussi-, qui jalonnent l’histoire de l’écriture du corps, et un exemple bien réussi de lecture critique, elle-même intermédiale.

La citation de Jean-Luc Nancy insérée en exergue, « Le corps est une enveloppe », annonce autant la valeur nucléaire accordée au corps dans cet ouvrage que la multiplicité de voies/voix possibles pour l’aborder. « Dans une société du spectaculaire, le corps devient écran de projection, à la fois du désir et des fantasmes du soi et de l’Autre »(13) ; c’est sur ces jeux de miroirs, de regards réfléchis – parfois obliques, parfois enchâssés- que se développe le livre protéiforme d’Andrea Oberhuber.

Dans son chapitre introductif, l’auteure retrace l’histoire du corps féminin dans les Arts, depuis le XIXè siècle, et signale trois moments historiques privilégiés : les débuts du premier romantisme, les années 1930 à 1970 et le début du XXIè siècle. Sur ces trois périodes qui lui sont chères, Andrea Oberhuber greffe les trois axes thématiques qu’elle va développer autant dans ses analyses postérieures sur les cinq femmes écrivains qui font l’objet de sa réflexion que dans les textes de création personnelle qui les suivent. Ces lignes vectorielles sont constituées par la perception de l’étrangeté du corps, marqué par la différence sexuelle et raciale, chez Claire de Duras ; par sa métamorphose permanente, chez Claude Cahun, Leonora Carrington et Unica Zürn ; et par son acceptation définitive, comme lieu d’échange, grâce à l’action bénéfique de l’écriture et de l’art, chez Élise Turcotte.

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Oberhuber dans cette démarche. Son but vise plutôt une lecture radiale où à ses réflexions « savantes » sur les œuvres de ces cinq femmes écrivains -« mosaïque précieuse de la corporéité féminine imaginaire » (16)-, viennent s’ajouter dans un jeu de résonances parfaitement accordé des accompagnements de Catherine Mavrikakis, Nicole Brossard et Verena Stefan, huit images –dont la plupart sont propres- et cinq textes de création personnelle. L’ensemble crée une symphonie à plusieurs voix enchevêtrées, qui permet une compréhension bien plus riche des écrivaines analysées, par le biais de cette approche multiple. Mais, cet agencement polyphonique suppose aussi une matérialisation très bien réussie de composition texte-image, dans laquelle la combinaison de l’écriture analytique et de l’écriture de création ouvre une variante moderne de la réflexion sur les écritures de l’intime.

D’autre part, cette ouverture du livre à des regards multiples, ainsi qu’à des formes d’expression différentes, opère une perméabilisation des frontières génériques et des langages artistiques qui s’accorde pleinement avec l’air du temps ; et ce, aussi bien du point de vue de la création artistique que de celui de l’approche comparatiste contemporaine, axée elle aussi sur l’hybridation. L’imbrication d’instances énonciatives et l’insertion d’images découvrent ainsi un nouvel espace de lecture métis et composite, placé à l’entre-deux du lisible et du visible.

Or, de cet enchevêtrement de voix qui s’y déploient et se répondent en écho, il convient de remarquer notamment le dédoublement de la voix d’Andrea Oberhuber, qui alterne dans chacune des trois parties du livre un discours analytique et un discours fictionnel soit sous forme de journal (Journal de Claire de Duras), de lettres (adressées à Claude Cahun, Leonora Carrington et Unica Zürn respectivement) ou de livre d’heures (Livre d’heures d’Andrina). À chaque fois, ces textes voisins de l’autobiographie prolongent la réflexion sur ces auteures, par la mise en place d’un dialogue de fiction qui permet l’ouverture à d’autres espaces d’échange que la seule réflexion ne saurait permettre. S’y inscrivent également des aveux personnels d’Andrea Oberhuber, au sujet de l’écriture, de ses goûts littéraires ou de son métier de professeur, qui contribuent à saisir toute la puissance expressive de la pratique intermédiale, particulièrement riche dans les écritures de l’intime. Mais, en dernière instance, cette pratique suggère aussi une reconsidération du statut littéraire lui-même, dans la mesure où elle réclame une lecture non linéaire qui facilite l’enchâssement naturel de tous les éléments composants. L’orientation des gender studies guide les analyses des cinq écrivaines mentionnées. Ainsi, confrontant les deux romans de Claire de Duras, Ourika (1823) et Edouard (1825), à partir du schème de la différence et de l’altérité, Andrea Oberhuber met en relief la double tension de l’auteure entre les Lumières et le Romantisme, d’un côté, et « le centre et la périphérie », de l’autre, afin d’expliquer son oubli dans l’histoire littéraire.

Dans les deux cas, les héros ressentent l’étrangeté de leur corps, au sein d’une société dont les valeurs normatives excluent la différence et « s’érigent en obstacle de l’épanouissement de l’individu » (36).

Par la couleur de sa peau, Ourika est d’abord cruellement rejetée par la société cultivée qui semblait en principe l’avoir accueillie ; mais, pire encore, l’héroïne a tellement assumé le discours de la doxa qu’elle paraît accepter sa négritude comme une véritable maladie. Il s’ensuit qu’au-delà du débat

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sur le racisme et l’exclusion sociale, Claire de Duras focalise surtout son récit sur les troubles identitaires qui en découlent pour l’héroïne, «conséquences psychiques et physiques de ce stigmate pour l’image de soi du personnage principal » (43).

Édouard est marginalisé pour sa condition de roturier ; le rang social semble ici l’élément perturbateur de la différence, tout comme avant la couleur de la peau pour Ourika. Mais, dans ce deuxième roman, aux différences sociales se greffent aussi les rapports entre les sexes qui accordent toute l’intensité au drame durassien, par les confusions identitaires qui s’ensuivent. Malgré sa sensibilité, Édouard ne peut accepter que Natalie de Nevers, exerçant son indépendance personnelle, renonce à sa condition noble pour l’épouser. Ce renversement de rôles souligne la confusion des sexes, au point de faire d’Édouard « un être quasi androgyne, capable de séduire une femme (…) elle aussi androgyne en quelque sorte » (48).

L’ambigüité finale des deux récits –Ourika se réfugie dans un couvent et Édouard s’embarque pour l’Amérique- annonce, selon Andrea Oberhuber, le sens figuré des deux romans : « des tombeaux qui signalent la fin d’une ère, celle de l’aristocratie française » (49). Ce qui révèle, en même temps, la position de Claire de Duras dans un entre-deux mouvant de transition entre les Lumières et le premier Romantisme, qui expliquerait, avec son choix d’un genre narratif « féminin » et sa condition de femme écrivain, sa disparition de l’histoire littéraire.

Les fragments d’un faux Journal de Claire de Duras, écrit par procuration différée dans le temps, et l’accompagnement de Nicole Brossard qui clôturent ce chapitre déploient, par le biais de l’empathie poétique, toute l’étendue de la prégnance symbolique du corps dans l’écriture de l’intime.

Dans la seconde partie de son ouvrage, Andrea Oberhuber aborde trois sujets à la dérive, Claude Cahun, Leonora Carrington et Unica Zürn, dont la problématique identitaire adopte la forme de la fiction et de la métamorphose de soi. Dans les trois cas, une seconde activité artistique est exercée de façon permanente et parallèle à l’écriture et vient s’ajouter à la recherche autobiographique. La photographie, la peinture et le dessin, pratiqués respectivement par chacune de trois écrivaines, permettent un développement plus large de la quête identitaire qui dépasse les limites strictes de l’écrit, et montrent par là même la puissance expressive de la pratique intermédiale dans toute son étendue.

Partant du caractère cryptique des Aveux non avenus (1930) de Claude Cahun, dont l’hermétisme provient aussi bien de la structure composite de l’œuvre que de la confusion générique de la voix narrative -tantôt masculine, tantôt féminine ou neutre-, Andrea Oberhuber explore les recoins et les points de fuite l’ouvrage. Elle analyse la manière dont les fragments textuels et visuels révèlent les multiples facettes d’un sujet polymorphe qui repousse continuellement ses propres limites. Elle en conclut que cette écriture protéiforme, qui s’engage dans plusieurs genres, adoptant toute sorte de tons et de rythmes, représente l’impossibilité de tout dire et de tout avouer de soi-même ; en tant que projet autobiographique, elle confirme donc sa vocation d’écriture « appelée au devenir et à l’inachèvement » (90).

Par une superposition semblable d’instances énonciatives, axée cette fois-ci sur l’alternance d’une voix qui rapporte du passé une « souffrance incontrôlable » et d’une autre voix qui du présent

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traduit un certain bonheur, Leonora Carrington brouille dans En-bas (1973 ; 1èreéd. 1944) les limites

entre la folie et la raison. C’est à traves le dédoublement de ces deux voix, -qui métaphoriquement représentent aussi la dualité de l’intériorité et de l’extériorité du corps- que l’auteure réussit à découvrir les abîmes de sa mémoire et de son corps et, par là, à prendre conscience de son aliénation mentale ; après quoi, « la métamorphose [pourra] aboutir, et le « je » [sera] apte à se reconstruire » (95).

Dans L’Homme-Jasmin (1971) d’Unica Zürn, le dédoublement lui-elle repose sur le rapport domination-soumission. L’écrivaine, qui assume en général le pôle de la soumission par sa condition de patiente, réalise aussi une inversion des instances et, en conséquence, un renversement de sa condition de disciple soumis, lorsqu’elle voit en danger l’intégrité de son corps. À mesure que s’aggrave la santé psychique d’Unica Zürn, la narration cède la place à d’autres voix, sous forme de lettres, d’images et de calligraphies, qui traduisent la conscience de la nature hybride de son corps, à la frontière de la réalité perceptible et de l’imaginaire. C’est donc, par le biais du regard que la patiente projette sur elle-même, et par le jeu de miroirs qui s’établit entre le corps et les diverses formes d’expression artistique, que l’auteure parvient à la conscience de son corps hybride, dont l’image évoque également l’espace interstitiel où se situe l’esthétique zürnienne.

Dans les trois cas, la mise en place de ces stratégies discursives innovatrices, contraires au récit autobiographique traditionnel, résulte d’une conscience nette de la perméabilité et de la « peaurosité » des genres. La vision fragmentaire et éclatée de soi, la superposition de voix narratives et les jeux d’identité entre les instances énonciatives appellent la notion de « transfrontalité », aussi bien générique qu’intermédiale, dont l’ouvrage d’Andrea Oberhuber lui-même fournit un exemple extraordinaire.

À cela contribuent de façon singulière, les trois lettres qui complètent le chapitre, en ouvrant de nouvelles de pistes que la réflexion analytique n’a pu révéler. À la manière d’échos sonores, les lettres adressées aux trois auteures antérieurement étudiées permettent de « se mettre au diapason avec l’autre et son œuvre (…), ouvre[nt] des fenêtres [et] donne[nt] lieu à des croisements d’idées inattendus » (153). Par son caractère fragmentaire et digressif et sa forme apparente d’échange conversationnel, la lettre procure une plus grande liberté d’approche à l’auteure visée. Mais, c’est surtout par le rapport intime qu’elle implique et les nouvelles voies d’interprétation inter-textuelle qui s’en dérivent que la lettre arrive à dévoiler les significations les plus secrètes des textes analysés.

La maison étrangère (2002) de l’écrivaine québécoise Élise Turcotte fait l’objet de la troisième partie du livre. La dualité énonciative provient ici de l’alternance passé/présent, portée par la condition de doctorante d’Élisabeth, dont les recherches sur le Moyen Âge la font plonger dans un passé mystique qui déclenche « ses interrogations sur sa propre place dans le monde actuel » (165). À ce va-et-vient temporel vient s’ajouter le thème de l’oubli, qui deviendra le leitmotiv récurrent, à travers lequel Élisabeth prendra conscience de son étrangeté par rapport à son corps et au monde.

Andrea Oberhuber parcourt avec minutie le chemin qui mène la narratrice du rejet total de son corps, résultant de l’abandon de son amant, à sa nouvelle réappropriation ; seul moyen, avec la sexualité, d’arriver à « maintenir le lien avec autrui, de rester humain et d’échapper à la solitude à l’état pur » (183). Le départ de Jim ayant provoqué chez Élisabeth le désir de se débarrasser de son corps, la narratrice

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semble se trouver à l’aise dans la dichotomie corps/âme, dérivée de ses recherches du Moyen Age. Dès lors, elle se voit partagée entre une quête spirituelle et une corporéité remarquablement sensuelle. Or, c’est grâce à la re-connaissance du corps, opérée par la re-découverte de documents médiévaux, qu’Élisabeth parvient à résoudre la dualité passé/présent. Dans ce contexte, l’insertion du Livre d’heures d’Élisabeth (Élise) –qui préfigure d’ailleurs celui d’Andrine (Andrea) quelques pages plus loin- s’avère extraordinairement pertinente.

Si Élisabeth trouve dans cette pratique une source d’inspiration qui la conduit finalement à l’écriture de ses pensées personnelles, Andrea Oberhuber, en résonance avec elle, recourt à l’écriture diaristique pour exprimer, sous une identité dédoublée à peine masquée, ses réflexions intimes au sujet de l’écriture, de sa condition d’expatriée ou de la solitude… S’y mêlent aussi d’autres voix, sous forme d’exergues ou d’intertextes filés, qui viennent à parfaire enfin cet excellent travail de tissage sonore, dont la clé se retrouve à la fin de l’ouvrage : « Dire je ne va pas de soi » (205).

Étant des formes paradigmatiques de la littérature de l’intime, le livre d’heures tout comme la lettre et le journal servent à Andrea Oberhuber d’espaces privilégiés pour montrer la perméabilité des frontières génériques dans ces écritures, où la notion de transfrontalité se révèle particulièrement pertinente. « Écrire est une atteinte à la « peaurosité » des frontières entre ce que je juge dicible et ce qui me paraît indécent » (205).

Il convient aussi d’attirer l’attention sur la graphie que présentent les textes non-analytiques, reproduits avec un type d’écriture différent, ainsi que sur les photomontages d’Andrea Oberhuber, insérés dans son ouvrage de façon stratégique. La dualité et le dédoublement antérieurement évoqués, se retrouvent ici sous forme d’une mise en page différente, d’une alternance de photos en noir et blanc et de photos en couleurs ou dans leur disposition elle-même, souvent en symétrie, qui contribuent de façon remarquable à montrer la nature intermédiale de Corps de papier.

Nénmoins, cette composition en mosaïque, soutenue sur un réseau de reflets et de résonances multiples, ne présente aucune fissure, même si les jointures de l’assemblage se montrent parfois. La puissance de la dynamique vectorielle du corps qui parcourt toute l’œuvre assure fermement son unité ; et, par ailleurs, ce sont souvent les creux de ces points de jonction qui favorisent la cohésion de l’ensemble, par la sonorité expansive de leurs lignes de failles.

Cette double scène analytique et créatrice, mise en place par Andrea Oberhuber, et dans laquelle viennent s’enchâsser par moments d’autres voix, forme un ensemble choral original e innovateur qui invite à la reconsidération des modèles de lecture critique, voire du littéraire même. Placée à l’entre deux de la réflexion et de la fiction, du lisible et du visible, par la double condition d’écrivaines et d’artistes des auteures étudiées, Andrea Oberhuber propose elle-même une œuvre interstitielle qui réclame un regard à la fois panoramique et transversal.

María Dolores Picazo, Université Complutense de Madrid. mdpicazo@ucm.es

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