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Enjeux de l’adhésion des exploitants agricoles aux services agricoles rémunérés dans le district d’Abidjan pp. 171-184.

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ENJEUX DE L’ADHÉSION DES EXPLOITANTS AGRICOLES AUX SERVICES AGRICOLES RÉMUNÉRÉS

DANS LE DISTRICT D’ABIDJAN

STAKES IN THE MEMBERSHIPORT OF THE FARMERS TO THE AGRICULTURAL SERVICES PAID

IN THE DISTRICT OF ABIDJAN

SILUE Clément

Doctorant en Sociologie Institut d’Ethno Sociologie Université Félix Houphouët Boigny

(Cocody-Abidjan)

RESUME

Dans le cadre de restructuration des services agricoles, la Côte d’Ivoire a initié le processus de contractualisation. Cet article qui se veut une contribution à l’amélioration des prestations de services rémunérés dans le milieu rural, s’est fondé sur l’hypothèse selon laquelle l’environnement institutionnel et le profil socio-économique des exploitants agricoles déterminent leur adhésion à la contractualisation des services agricoles.

Il ressort que non seulement le processus de contractualisation est une pratique très ancienne mais que le profil des producteurs reste également déterminant dans leur adhésion à ce processus. Pour réduire les iniquités entre les producteurs, la contractualisation des services agricole devra nécessairement reposer sur des sources financement à la fois publiques et privées.

Mots-clés : Exploitants agricoles - contractualisation - Pratique très ancienne - Profils socio-économiques - Adhésion - Iniquité.

ABSTRACT

As part of restructuring of agricultural services, Côte d’Ivoire has initiated the process of contracting. This article is a contribution to the improvement of services paid in rural areas, is based on the assumption that the institutional environment and the socio-economic profile of farmers determine their adherence to contractual agricultural services. It appears that not only the contracting process is a very ancient practice, but the profile of producers also remains decisive in their adherence to this process. To reduce inequities between producers of agricultural contracting services must necessarily be based on funding from both public and private sources.

Key words : Farm operators - contracting - Practice Profiles very old - socioeconomic - Membership - Iniquity.

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INTRODUCTION

La recherche de la performance de l’agriculture comme fer de lance de l’économie en Côte d’Ivoire, reste et demeure une préoccupation des dirigeants de ce pays. L’une des mesures préconisées pour impulser le développement agricole est la contractualisation des services agricoles recommandée conjointement par la Banque Mondiale et le Gouvernement ivoirien à la suite de la revue à mi-parcours du Programme National des Services Agricoles (PNASA) sur la période 1994 à 2003.

Au niveau de l’environnement politique et institutionnel, l’on a également pu observer d’importantes mutations notamment la décentralisation, la démo- cratisation, la restructuration des services agricoles.

Ces changements font naître de nouveaux besoins en matière de conseil agricole.

Pour s’adapter au nouveau contexte et en vue d’assurer la pérennité des services pour une agriculture durable, la restructuration des services agricoles est intervenue. Ainsi, l’Etat a-t-il consacré la vulgarisation unifiée avec la dissolution de trois ex- structures d’encadrement agricoles et de recherche agronomique par la création d’une structure de conseil agricole l’Agence Nationale d’Appui au Développement Rural(ANADER) en 1993 et le Centre Nationale de Recherche Agronomique(CNRA) en 1998. Pour soutenir la restructuration des services agricoles, l’Etat a mis en place le Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil Agricoles(FIRCA) créé en décembre 2002, constituant ainsi une source de financement susceptible de faciliter l’accès des producteurs aux services agricoles rémunérés. C’est également une source d’accroissement des productions et d’amélioration de la productivité des exploitations. En outre, la participation financière des bénéficiaires permet d’introduire la notion de service dont le producteur détermine l’objectif, évalue les résultats, réutilise ou non le prestataire de service. C’est dans ce processus de mutations successives et profondes au cours des dernières années qu’intervient la contractualisation comme stratégie de mobilisation et d’engagement des acteurs publics ou privés impliqués dans la fourniture des services agricoles généralement rémunérés.

Dans nombre de pays africains, le conseil agricole évolue fortement.

Après un retrait progressif des Etats des fonctions de vulgarisation et, dans la décennie 1990, l’arrêt des programmes «Formation et Visite» financés par la Banque Mondiale, l’on assiste par ailleurs, à l’émergence d’initiatives portées

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par une diversité d’acteurs (organisations de producteurs, ONG, agro-industries, fournisseurs d’intrants, etc.) et la plus ou moins forte reconnaissance par les Etats de la pluralité des approches.

Cependant, ces nouveaux acteurs ont des ressources limitées et des objectifs spécifiques et donc l’offre de conseil reste encore largement en deçà des demandes exprimées par les producteurs et les autres opérateurs des filières pour répondre aux défis actuels portant par exemple sur l’amélioration de la sécurité alimentaire des exploitations, l’accroissement de la productivité et des revenus, la préservation des ressources naturelles.

C’est dans ce contexte qu’ont été initiées, en Afrique de l’Ouest et du Centre, des actions pour renouveler les approches de la vulgarisation agricole et favoriser le développement d’un conseil à l’exploitation agricole familiale (CEF). Les principes de cette approche ont été précisés lors d’un atelier qui s’est tenu à Bohicon (Bénin) en 2001 réunissant des responsables d’organisations professionnelles agricoles(OP), des gestionnaires de dispositifs de conseil, des conseillers de terrain et des chercheurs.

Les principes du conseil aux exploitations familiales concernent essentiellement l’approche globale de l’exploitation (famille-exploitation, ensemble des activités,..).

Sur la base de ces principes, diverses expériences ont été menées avec des modalités de mise en œuvre dépendant des contraintes ou opportunités auxquelles font face les exploitations, des objectifs des acteurs institutionnels pilotant le dispositif, de leur capacité de financement, etc. Suivant les situations, un accent plus ou moins fort a été mis sur l’approche technique ou sur la gestion comptable, sur le conseil individuel ou le conseil en groupe. De même, une diversité de modes de gestion des dispositifs ou de financement des activités a été imaginée. Actuellement, le CEF s’est installé dans le paysage institutionnel de plusieurs pays.

Le désengagement des Etats et l’émergence du secteur privé posent la question de la pérennité des systèmes de conseil agricole et donc de leur financement. De même, il semble admis que la majorité des organisations ne peuvent pas supporter la totalité du coût du conseil, et pas seulement dans les pays du Sud. En effet, les producteurs éprouvent de plus en plus de réelles difficultés à s’engager financièrement dans la durée suite à des revenus insuffisants ou irréguliers.

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Les deux(2) structures de conseil et de recherche que sont l’ANADER et le CNRA ont été dotées d’une autonomie de gestion administrative et financière pour s’adapter à l’évolution de ce contexte. Dans cette même logique, la contractualisation des services agricole se généralise de plus en plus en impliquant les Organisations Professionnelles Agricoles(OPA) et les autres partenaires du milieu.

Cet article fait la catégorisation des acteurs impliqués dans la fourniture des services agricoles, son utilisation et son financement, qui ont des rôles bien spécifiques : les acteurs chargés de la fourniture de services agricoles ou encore les prestataires ; les usagers qui sont les demandeurs de services agricoles ou clients et les bailleurs de fonds chargés du financement de ces services.

Les objectifs visés étaient le renforcement de la collaboration entre les structures de recherche et de vulgarisation afin d’améliorer le transfert des acquis de la recherche et de favoriser la mise au point, avec la participation des agriculteurs, d’innovations technologiques qui répondent à leurs problèmes et souhaits, et permettent de lever les contraintes liées aux systèmes de production. Et l’approche de type client-fournisseurs, basée sur la logique de la contractualisation.

MÉTHODES ET MATÉRIEL

Pour traiter notre interrogation de départ à savoir «quels défis à l’adhésion des exploitants agricoles aux services agricoles rémunérés ?» nous avons retenu les communes de Anyama, Bingerville, Port-bouet, Yopougon et Songon. Bien entendu le choix du site d’enquête a tenu compte du critère de ruralité qui est le lieu où l’activité agricole est pratiquée par les exploitants au sein de ces communes et de l’intérêt plus ou moins manifesté par ces acteurs pour la contractualisation des servies agricoles.

Notre échantillonnage a porté sur trois unités enclines à la contractualisation des services agricoles et se réparti comme suit :

• 49 usagers ou clients composés de 30 exploitants agricoles pris individuellement et 19 organisations professionnelles agricoles ;

• 2 prestataires de services comprenant l’ANADER et le CNRA respectivement chargés de la fourniture du conseil et la recherche agricoles ;

• 2 bailleurs de fonds chargés de contribuer au financement des services agricoles. Ce sont le FIRCA et la FAO.

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En outre, la collecte des données s’est poursuivie auprès des responsables du Ministère chargé de l’agriculture en vue de faire le point sur la politique agricole en Côte d’Ivoire et de l’option prise concernant le cadre réglementaire et institutionnel en matière de contractualisation des services agricoles.

Pour chacune des unités d’enquête identifiées des interviews ont été réalisées auprès des acteurs identifiés à partir de guides d’entretiens spécifiques à travers soit d’entretiens individuels soit d’entretiens de groupes (focus group).

Comme méthode d’analyse qualitative nous avons eu recours à la méthode fonctionnaliste des données collectées.

Pour mieux cerner les facteurs déterminants, nous avons également eu recours aux quatre modèles explicatifs et interprétatifs de la réticence des exploitants à adopter le processus de contractualisation.

RÉSULTATS

A l’analyse des données collectées, il ressort ce qui suit:

La contractualisation des services agricoles, une réalité nouvelle en Côte d’ivoire ?

En Côte d’Ivoire, le monopole de la fourniture des services agricoles était assuré par l’Etat ivoirien via les Sociétés de Développement en milieu rural des cultures industrielles telles que le café, le cacao, le coton, le riz.

Le dispositif mis en place pour la fourniture des biens et services était public et centralisé. La fourniture des biens et services s’appuyait sur l’identification des demandes des producteurs. Le financement des biens et services agricoles combinait subvention et contribution des producteurs agricoles dont l’accès à l’investissement était facilitée par un service financier public.

Très souvent, ce dispositif était sécurisé par un prélèvement direct des remboursements de crédits sur la collecte de produit agricole dont l’Etat détenait le monopole. La circulation de l’information, le contrôle de la qualité des biens et services étaient assurés selon cette même logique de la contractualisation.

Dans une étude la FAO1 évoque qu’avant la libéralisation, les engrais, pesticides et semences étaient fournis aux agriculteurs, généralement à titre gratuit, par des agences d’Etat ou par des coopératives «officielles». Ces

1- FAO 2000 : Difficultés d’approvisionnement d’intrants. Rares sont négociants qui proposent des intrants à crédit compte tenu des difficultés de remboursement.

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agriculteurs payaient plus tard pour ces intrants, opération qui se faisait au moyen de déductions pratiquées au moment de l’achat de la récolte.

La politique de privatisation et du désengagement de l’Etat dès 1980, ont conduit au démantèlement de ce dispositif de services publics.

La théorie économique sous-jacente à cette politique pose l’hypothèse que face à la demande, le marché va faire émerger une offre de biens et services adaptés à la demande, en assurant la coordination et, ce faisant, assure l’allocation optimale des ressources financières la destruction du système public centralisé a conduit une multiplication des acteurs et une atomisation forte du processus de décision.

Dans ce contexte, l’on est en droit de s’interroger sur le rôle que conserve l’Etat dans ce dispositif restructuré.

A l’analyse de ce qui précède, l’on peut affirmer que la contractualisation des services agricoles n’est pas une réalité nouvelle. Elle a initialement existé dès les premières années des indépendances de la Côte d’ivoire et se présente sous différentes formes.

Au départ, elle se présentait sous forme de contrats essentiellement de production entre l’Etat et les producteurs dans la fourniture des biens et services agricoles subventionnés.Ces accords visaient des quotas de productions attendues par l’Etat.

Aujourd’hui, avec la libéralisation et le désengagement de l’Etat, le nouveau contexte actuel est sous-tendu par des accords entre producteurs et acteurs privés.

Une nouvelle étude publiée par le Service de la commercialisation et des financements ruraux de la FAO constate que le remplacement des offices de commercialisation d’Etat par le secteur privé a rencontré un «succès modéré».

Les revenus des producteurs sont en général plus élevés et les paiements sont effectués plus rapidement. Il y a toutefois, un revers de la médaille. Dans la plupart des pays les négociants du secteur privé sont peu enclins à fournir aux agriculteurs les intrants de productions nécessaires et ce fait a conduit à un déclin de la production aussi bien qu’à un déclin de la qualité de certaines récoltes.

L’adhésion des exploitants est-elle effective ? Quels sont les facteurs déterminants de ceux-ci

Plusieurs facteurs, isolément ou en combinaison avec d’autres sont déterminants dans le respect des contrats. Ce sont : le coût des prestations et paiement du

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conseil, les mécanismes garantissant le respect des contrats, la confiance et la fidélité, le niveau d’instruction et le statut social, la capacité de négociation.

Le coût des prestations et paiement du conseil

L’accessibilité du conseil agricole rémunéré n’est pas toujours aisée pour bon nombre de producteurs qui se heurtent au coût des services. En effet, les exploitations de petites tailles et de type familial ne favorisent pas toujours l’acquisition de ces services à cause des faibles revenus qu’ils tirent de leurs exploitations.

Ainsi, des groupes informels rencontrés notamment à Yopougon, pratiquant les cultures maraîchères et les cultures vivrières se contentent de recourir à l’appui conseil de l’ANADER sur la base de contrats verbaux ou informels basés sur la confiance mutuelle qui malheureusement n’est pas fourni à terme à cause de nombreuses discontinuités dans la conduite du conseil.

Cet état de fait pourrait s’expliquer par l’absence de contrat de collaboration écrit entre les structures prestataires et les producteurs qui ne prévoit pas de dispositions contraignantes aux respects des engagements respectifs.

Le coût du conseil s’avère également être un frein à la participation des producteurs dans le cas où ceux-ci perçoivent comme inique le fait de devoir payer pour accéder aux connaissances.

En général, les producteurs, même les plus pauvres, acceptent de payer pour des services de conseil s’ils sont sûrs d’en retirer un bénéfice réel dans une période de temps acceptable.

Pour les producteurs, la volonté de payer ou non est largement dépendante de la perception qu’ils ont de la valeur du service et de son coût, plutôt que des considérations purement monétaires (ou de l’intérêt général ou particulier du service proposé).La volonté de payer se trouve renforcée quand les producteurs ont un réel contrôle sur le service mais aussi quand les modalités de paiement ont été négociées avec eux.

La volonté de payer dépend aussi, bien entendu, de la nature du service.

Les producteurs sont plus enclins à payer quand le conseil proposé apporte un réel avantage par rapport à ceux, les plus classiques, qu’ils recevaient gratuitement. C’est le cas particulièrement pour les conseils liés aux cultures commerciales, en revanche, c’est plus difficile pour ceux à effets différés, par exemple des conseils liés à l’amélioration de pratiques sur le long terme.

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Le paiement des services par les clients renforce leur position mais aussi celle de ceux qui les fournissent car leur statut professionnel s’accroît dans la mesure où ils peuvent montrer qu’ils ont des choses tangibles à apporter à leurs clients.

A l’analyse, il ressort que la majorité des exploitants ne peuvent supporter la totalité des coûts du conseil. Cependant leur consentement ou leur capacité à payer le conseil dépend notamment du degré d’ouverture sur le marché, du revenu du producteur, de la taille de l’exploitation, et de l’attitude au risque.

Les mécanismes garantissant le respect des contrats L’obligation morale

L’obligation morale, la crainte de la poursuite devant les tribunaux, la crainte de perdre sa réputation et la crainte de la perte d’une relation d’affaires, sont autant de facteurs qui fondent la confiance, et la fidélité sont des mécanismes qui garantissent le respect des contrats entre partenaires.

L’obligation morale est une disposition mentale ou comportementale où les parties s’engagent à faire ou ne pas faire quelque chose. Ce type d’obligation est spécifique aux contrats verbaux ou informels qui lient les prestataires aux producteurs.

Décrivant, les règles de bonnes conduites nécessaires au respect des engagements convenus par les parties au contrat, l’obligation morale permet de garantir le respect des engagements aux contrats dits verbaux.

Cependant, son usage courant dans les agricultures africaines et spécifiquement dans les agricultures ivoiriennes est à l’origine de nombreux désagréments causés par les prestataires aux producteurs étant donné que la majorité de ceux-ci est analphabète, les preuves écrites sont difficiles à fournir par les ruraux devant les instances de juridiction ou de règlements des litiges qui surviennent au cours de l’exécution de ces contrats.

La confiance et la fidélité

La confiance est un mécanisme essentiel. Elle fonde également le respect des engagements. Ce mécanisme a été cerné à travers les partenaires d’échange et les structures prestataires pour la fourniture de conseil. Les partenaires d’échange tels que les agro-industriels (IDH, SAPH et TRCI) à travers les arrangements contractuels essentiellement implicites c’est-à-dire

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basés sur des accords informels développent des réseaux d’approvisionnement qui contribuent à fidéliser et asseoir la confiance des producteurs.

En l’absence de contrats écrits entre producteurs et usiniers, l’approvisionnement en caoutchouc naturels ou latex et ce, dans le contexte actuel de libéralisation des ventes, ces agro-industriels mettent en place des stratégies pour fidéliser la clientèle. Ces derniers interviennent auprès des producteurs, comme c’est le cas précis de l’agro-industriel TRCI (Tropical Rubber Côte d’Ivoire) à travers :

• l’octroi de primes sur les achats des produits,

• l’implication des intermédiaires tels les acheteurs privés pour garantir les approvisionnements,

• les services d’encadrement et parfois l’octroi de crédit aux producteurs.

Dans cette même logique, les structures prestataires que sont l’ANADER, le CNRA, les ONG dans le souci de la crainte de perdre leurs réputations s’efforcent de maintenir ou de renforcer leur qualité professionnelle à travers non seulement le respect des engagements contractés mais aussi et surtout la qualité du conseil agricole fourni aux producteurs.

Comme nous pouvons le constater, la confiance repose donc sur des liens forts à travers la reconnaissance de la qualité professionnelle et de la crédibilité du partenaire. La confiance et la réputation sont donc au cœur du respect des engagements contractuels .Cette confiance est basée ici non seulement sur la réputation acquise à travers des transactions répétées, mais surtout à travers les relations sociales entretenues avec les producteurs.

Les producteurs mettent l’accent sur la capacité de l’agro-industriel à hono- rer ses engagements notamment en ce qui concerne le paiement régulier de leurs productions.

L’engouement et la fidélité autour de certains usiniers s’expliquent aussi par les possibilités d’octroi de crédits aux producteurs qui sont ensuite recouvrés à partir des paiements des produits par le même usinier. Ce processus de fidélisation est davantage entretenu par les acheteurs privés.

En effet, beaucoup d’entreprises agro-industrielles ont peur de perdre leur approvisionnement par les producteurs. Cette crainte peut être la porte principale par laquelle ces entreprises respectent leurs obligations contractuelles.

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Plusieurs mécanismes sont susceptibles ; isolément ou en combinaison avec d’autres d’assurer le respect des contrats (Greif, 1993, Plateau 1994a et 1994b ; Fechamps, 1996) dont le sentiment de culpabilité c’est à dire une émotion négative par laquelle un individu se punit lui-même pour avoir violé une obligation morale.

Le respect des contrats peut également être assuré par la crainte de poursuite devant les tribunaux ou autres instance de juridiction de règlement des conflits.

Pourtant, pour que les tribunaux assurent le respect des contrats, il faut que la menace d’une action en justice se fonde sur des preuves écrites. Ce qui est rarement le cas pour les contrats en vigueur dans le milieu rural en Côte d’Ivoire.

Le niveau d’instruction et le statut social

L’un des facteurs déterminants à la participation des producteurs à la contractualisation est le niveau d’instruction. S’y ajoute le statut social des producteurs car la faiblesse des revenus de ceux-ci ne favorise pas leur accès aux services agricoles rémunérés.

A titre d’illustration nous pouvons citer les cas des producteurs rencontrés à Bingerville et à la Riviera-Palmeraie l’un des quartiers du District d’Abidjan qui en plus de leur niveau d’instruction atteignant le supérieur bénéficient d’un statut social privilégié parce que ces producteurs exercent une double activité leur permettant de disposer de revenus supplémentaires. Ils sont respectivement entrepreneur de bâtiment et Adjoint au Maire de Marcory et pratiquent parallèlement des activités agricoles.

Les producteurs, dans leur grande majorité n’étant pas instruits, la compréhension des négociations aboutissant à la signature et les modalités de mise en œuvre des contrats ne sont pas explicites pour ces derniers qui s’engagent avec des partenaires dans cette voie d’élaboration des contrats formels. Si le faible niveau d’instruction apparaît comme un facteur limitant dans la conception et l’exécution des contrats formels ce n’est pas le cas de certains producteurs qui non seulement ont un niveau d’instruction élevé et aussi une capacité financière leur conférant une position sociale leur permettant de jouir d’un standard minimum de vie et d’accéder au conseil agricole de leur choix.

La capacité de négociation

Il s’agit de la capacité relative des différents acteurs à obtenir des conditions avantageuses d’une part pour la fourniture de prestation de conseil agricole

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et d’autre part pour les transactions commerciales en vue de garantir un bon approvisionnement des complexes agro-industriels. Cette capacité est fortement liée au renforcement des compétences, à l’accès à l’information, mais également à la distance du producteur, au marché, ainsi qu’au caractère périssable des productions.

L’atténuation du risque est l’une des plus importantes motivations à l’établissement d’un contrat, alors que la perception de qui assume le risque est un facteur important qui affecte la durabilité des relations contractuelles.

Certaines sources de risque peuvent être identifiées a priori et leur partage entre les parties peut être négocié, mais beaucoup de sources de risques ne sont pas prévisibles ou pleinement couvertes par les contrats. Il s’en suit un besoin correspondant de renforcer les capacités en matière de négociation et d’application de contrat.

Pour être efficace, la négociation d’un contrat exige que les exploitants soient non seulement de bons négociateurs mais qu’ils aient une solide base d’informations leur permettant de négocier.

DISCUSSION

L’expérience de la contractualisation à travers l’usage de contrats écrits demeure une pratique récente dans le milieu rural en Côte d’Ivoire. Par conséquent, l’absence d’un cadre formel de collaboration prévoyant des mécanismes juridictionnels au respect des engagements entre prestataires et producteurs, n’a pas toujours favorisé la conduite des actions convenues avec rigueur et à terme. De même, il ressort de la revue de littérature effectuée qu’aucune publication n’existe sur la contractualisation des services agricoles pourtant la pratique de ce processus dans le milieu rural et en particulier dans le secteur agricole est une réalité dans ce pays.

L’hypothèse selon laquelle le niveau d’instruction des exploitants, le statut socio –économique, et l’appartenance à une OPA déterminent l’adhésion des producteurs à la contractualisation des services agricoles rémunérés s’est vérifiée. En effet, les producteurs alphabétisés, jouissant d’une situation financière améliorée et/ou appartenant à une organisation professionnelle sont plus en enclins à recourir aux services agricoles rémunérés.

Ainsi, selon Moussa (2006) le conseil ou le service agricole payant provoque une baisse de la demande en services, un accès inégal à l’information parmi les producteurs, et une altération des relations de confiance entre ces derniers.

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De manière plus générale, le développement d’un conseil payant est source de sélection des producteurs, voire d’exclusion.

Il faut également signaler qu’en plus des facteurs déterminants de la participation des exploitants aux services agricoles (coût des prestations et paiement du conseil, les mécanismes garantissant le respect des contrats, la confiance et la fidélité, le niveau d’instruction et le statut social), l’article a relevé que l’appartenance à une organisation professionnelle agricole favorise la capacité de négociation des exploi- tants et détermine leur adhésion à la contractualisation des services agricoles. A preuve, l’Association Nationale des Organisations Professionnelles Agricole de Côte d’Ivoire(ANOPACI) est parmi les organisations de notre pays au sein de laquelle se trouve l’ensemble des filières de production. Aussi est-elle devenue l’interlocutrice incontournable des pouvoirs publics, des bailleurs de fonds et des partenaires au développement face aux questions qui concernent le monde agricole. C’est en ce sens que Guyer (1987) soutient que les acteurs de l’échange que sont les producteurs doivent également disposer de capacité de négociation avec les pouvoirs publics afin d’obtenir des soutiens financiers ou logistiques et éventuellement des mesures de protection par rapport à des importations trop perturbatrices.

La participation financière des producteurs doit être adaptée à leurs ressources.

Elle peut-être cependant déterminante pour s’assurer de leur engagement dans les démarches de conseil.

Par ailleurs, il apparaît en perspectives d’investir dans le renforcement des capacités des prestataires afin que ceux-ci soient capables de bien comprendre les réalités et les demandes paysannes pour être en mesure de proposer des services répondant aux attentes de ces derniers. Le renforcement de leurs compétences doit s’étendre à divers domaines couvrant le développement rural ; le renforcement des capacités des producteurs ; la promotion de l’alphabétisation des producteurs; le renforcement de la professionnalisation des producteurs, la garantie du financement public ; la mise en place de modalités souples et adaptées aux ressources des producteurs ; la promotion des actions d’information et de sensibilisation des producteurs sur l’intérêt de la contractualisation de services agricoles.

CONCLUSION

La contractualisation des services n’est pas une nouvelle en réalité en Côte d’Ivoire. Cependant, c’est le dispositif pour la fourniture de ce conseil qui a évolué vers une implication financière de plus en plus importante des producteurs dans ce processus.

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Différentes sources de financement des services agricoles peuvent être sollicitées pour mobiliser les ressources financières pour le financement des services agricoles ou le conseil agricole et peuvent regroupées en deux grandes catégories : ressources privées et ressources publiques. Cependant, le financement des services agricoles connaît des limites essentiellement liées au manque de volonté des producteurs pour payer un conseil qui autrefois a toujours été fournis de façon dite gratuite par les institutions publiques ; à la faiblesse des ressources financières de la majorité des producteurs, mais aussi à la difficulté d’évaluer l’intérêt directe et à court terme des conseils fournis.

Si l’on veut garantir l’adhésion des producteurs à ce processus, il conviendrait de mener des actions en faveur du niveau d’instruction des producteurs, de la réduction du coût des prestations fournies, la mise en œuvre de mécanismes susceptibles de garantir le respect des contrats conclus, et la capacité de négociation des producteurs.

Le recours à ces deux sources de financement remplissent à la fois, une fonction d’intérêt général et une fonction d’intérêt particulier. Il s’agit en fait de concevoir des mécanismes de financement en mesure de promouvoir une offre diversifiée de conseils agricoles visant à réduire les dépenses publiques et les iniquités entre producteurs.

C’est à cette condition que la contractualisation des services agricoles pourra être un moyen pour à la fois booster la production agricole et surtout réduire les iniquités entre producteurs.

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Références

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