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LES CONFLITS FONCIERS DANS LA VILLE DE KORHOpp. 118-137.

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Texte intégral

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ABOU DIABAGATE1 - aboudiaba76@yahoo.fr, TÉRÉ GOGBE1 - gogbetere@yahoo.fr,

ZANA SOULEYMANE COULIBALY2 - Coulsoul6@yahoo.fr.

Institut de Géographie Tropicale Université Félix Houphouët-Boigny 1- Enseignant-chercheur

2- Doctorant Enseignant-chercheur

Revue Africaine d’Anthropologie, Nyansa-Pô, n° 19- 2015

LES CONFLITS FONCIERS DANS LA VILLE DE KORHOGO

RÉSUMÉ

La ville de Korhogo, principale ville du Nord, a connu un développement décrit comme extraordinaire depuis la crise politico-militaire de septembre 2002, qui a partitionné la Côte d’Ivoire en deux zones : l’une sous contrôle gouvernementale et l’autre dirigée par la rébellion ou forces nouvelles. Les effets pervers de cette crise ont été davantage favorables à son essor, entre temps devenue la capitale de la zone rebelle Centre-Nord-Ouest. Ils ont boosté son économie par l’économie de guerre pendant près d’une décennie.

La concentration de populations qui en résulte a augmenté la demande en espace à lotir. Les conflits liés à la production et l’occupation des terrains se sont accrus et mettent en cause l’Etat et des détenteurs coutumiers et des propriétaires de lots pour diverses raisons avec ce que cela comporte comme désagrément sur l’espace urbain. Le présent article veut comprendre la multiplication des conflits et leurs incidences spatiales dans la ville de Korhogo. Pour ce faire, la méthodologie utilisée s’est axée sur la recherche documentaire, l’observation du terrain et un entretien auprès des acteurs intervenants dans la gestion foncière (responsables de structures et propriétaires de lots). Les résultats obtenus ont porté sur l’état des lieux des conflits, sur leurs sources et sur leurs impacts sur le paysage urbain.

Mots-clés: Korhogo, Foncier, Gestion, Impact.

ABSTRACT

The city of Korhogo, the main northern city, was a development described as extraordinary since the political-military crisis of September 2002, which partitioned Ivory Coast into two zones: one under government control and the other headed by rebellion or new forces. The perverse effects of this crisis

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war economy for almost a decade. The concentration of populations resulting increased demand for space subdivision. Conflicts related to production and occupations of land have increased and involve the State and customary holders and lot owners for various reasons with what it entail inconvenience of urban space. This article wants to understand the multiplication of conflicts and their spatial impacts in the town of Korhogo. To do this, the methodology has focused on documentary research, field observation and an interview with stakeholders involved in land management (structures managers and owners of lots). The results focused on the inventory of conflicts, their sources and their impact on the urban landscape.

Keywords: Korhogo, Land, Management, Impact.

INTRODUCTION

Dans les pays en développement, la ville est perçue comme le lieu propice pour la réalisation des ambitions idylliques pour un mieux-être. Cette perception de la ville occasionne un afflux massif de populations, qui s’accompagne d’une demande de logements et donc d’espace à bâtir. L’extension de la ville que cela nécessite alors entraîne une production de lots. Ainsi, assiste-t-on à une course effrénée à la propriété foncière. Cette triste réalité est constatée dans de nombreuses villes ivoiriennes, surtout dans les grandes villes dont Korhogo, capitale du Nord de la Côte d’Ivoire.

Korhogo, chef-lieu de la région du Poro est en pleine expansion.

Hier cinquième ville du pays, elle est devenue la quatrième. Si le Nord de la Côte d’Ivoire est stigmatisé comme une zone d’émigration, la ville de Korhogo paradoxalement ne cesse de grandir. En effet, cette agglomération a vu sa population décupler de 16000 habitants en 1960 à 162000 habitants en 1997. Sa population est estimée à 173882 en 2007 et à 208845 en 2011 (INS 2012). La carte de distribution spatiale de la population de la Côte d’Ivoire, fait apparaître de façon plus ou moins nette, cinq foyers de peuplement dont la zone dense sénoufo autour de Korhogo (Atlas de la population et des équipements 2007). Quant à sa superficie, elle est passée de 2500 ha en 1985 à 3300 ha en 2000, puis à 4500 ha à ce jour (Services techniques de la Mairie 2013) et compte vingt six quartiers nés du bourgeonnement permanent de nouveaux quartiers à la périphérie de

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la ville. Alors que les autorités déconcentrées et décentralisées sont commises à la tâche de production de lots urbains, des initiatives privées s’activent d’ardeur. Le foncier urbain n’est plus l’apanage des pouvoirs publics ; l’extension spatiale échappe à tous les services officiels. Malgré les dispositions afférentes, la ville est sujette à des conflits depuis une quinzaine d’années. Les conflits fonciers y sont récurrents. Il ne se passe pas de semaine sans que les autorités en charge de la question ne soient saisies. L’insécurité foncière est patente. Son développement spectaculaire augmente la demande d’espaces à bâtir, posant le problème de la production de lots et de la maîtrise foncière.

La question qui taraude les esprits alors est pourquoi tant d’insécurité foncière à Korhogo? Quels sont les acteurs en cause (impliqués) et les intérêts en jeu ? Comment ces conflits impactent- ils le paysage urbain et comment sont-ils gérés ?

Cet article essaie de comprendre la multiplication des conflits autour du foncier dans la ville de Korhogo et leurs incidences spatiales quand d’aucuns avancent que la grave crise qu’a connu la Côte d’Ivoire, entre 2002 et 2011, tire son essence dans ces conflits fonciers qui naissent et s’éternisent dans les régions (Atlas de la population et des équipements 2007).

Pour répondre à ces préoccupations, nous avons eu recours à une méthodologie axée sur la recherche documentaire pour recenser toutes les informations concernant la ville de Korhogo, les ouvrages relatifs à la production et à la consommation d’espace ainsi que l’insécurité foncière qui les accompagnent. Aussi, avons-nous mené une série d’entretiens auprès des différents acteurs intervenants dans la gestion du foncier de la ville et par une observation de terrain dans le but d’apprécier l’impact de cette gestion conflictuelle. Ces entretiens ont porté sur un échantillon de quinze (15) responsables de structures agissant dans le foncier. Pour comprendre l’origine des conflits, mais aussi leur gestion nous avons adressé un questionnaire à cent cinquante propriétaires de lots dans les dix (10) quartiers où les conflits fonciers sont récurrents (Cocody, Téguéré, Petit Paris, Résidentiel 2, Résidentiel 3, Haoussabougou, Sonzoribougou, Natiokobadara, Chelezo et Air-France), en raison de quinze (15) par quartier.

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Les données collectées et traitées à partir de ces différentes techniques, ont permis d’abord de faire l’état des lieux des conflits, ensuite d’analyser leurs sources, et enfin de dégager leurs impacts sur le paysage urbain.

1- KORHOGO, UN NID DE CONFLITS FONCIERS

La ville de Korhogo est une métropole régionale ; elle est la capitale du Nord de la Côte d’Ivoire frontalière au Mali et au Burkina Faso. Comme telle, elle est en proie à des conflits fonciers. Mais la situation est fréquente et récurrente depuis la crise politico-militaire, de septembre 2002, qui a partitionné le territoire ivoirien en deux zones. L’état de non droit qui s’est installé dans la partie Centre- Nord-Ouest (CNO) et l’économie illicite afférente ont concentré davantage de populations et créer l’anarchie dans l’espace urbain avec ce que cela comporte comme conflits pour l’appropriation et l’occupation du sol. La relative prospérité nourrit par l’économie de guerre a créé une forte pression sur l’espace. La crise qui a engendré une économie frauduleuse de commerce de pierres précieuses (or, diamant), de motos, de carburants, de cacao dont le Burkina Faso voisin en était devenu un exportateur, a profité à la ville de Korhogo.

Egalement, la présence de l’université Péléféro Gon Coulibaly a boosté l’économie et la demande de logements de la ville. Ainsi, il ressort d’une part, des zones de fortes intensités de conflits (variant de trois à six conflits par semaine) et d’autre part, des zones à faibles conflits (de deux conflits par semaine à un conflit par mois), comme l’illustre la figure 1.

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Figure 1 : Carte de répartition des zones à conflits de Korhogo

Visiblement, la ville de Korhogo est un nid de conflits fonciers.

Mais, ces conflits sont récents en référence à leur prédominance dans les quartiers d’expansion ou périphériques, le noyau central étant presque épargné. Ils sont prégnants dans les quartiers dont les noms sont évocateurs tel Cocody à la lumière de la commune chic d’Abidjan où toute personne rêve vivre et si possible y bâtir sa propre maison. En toute hypothèse, ce quartier, à l’instar des autres quartiers résidentiels, est prisé par les bourgeois de l’économie de guerre dont des hommes politiques et des militaires parmi eux des gradés.

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2- LES SOURCES (ORIGINES) DES CONFLITS FONCIERS

Les conflits fonciers à Korhogo, qui sont de deux ordres majeurs (conflits entre propriétaires terriens débouchant sur le non respect des normes de lotissement, et conflits entre acquéreurs de terrains), minent la ville.

2.1- Des lotissements non respectueux des normes

Les procédures de lotissement, c’est-à-dire l’ensemble des règles mises en place par l’administration pour contrôler la réalisation des lotissements ne sont pas scrupuleusement observées. Dans le principe, « la législation foncière fait de l’Etat ivoirien le seul propriétaire de la terre. C’est lui qui par l’intermédiaire des procédures de lotissement change le sol rural en sol urbain » (Atta 1984). Se faisant la production de lots dans la commune est du ressort de la municipalité sous la supervision du Préfet. En fonction des demandes ou sollicitations, elle initie des opérations de lotissement. Cependant, le lotissement suit un circuit bien déterminé (Cf schéma 1).

Schéma 1: Circuit d’implantation d’un lotissement à Korhogo Source : Préfecture de Korhogo, 2014

MCUH = Ministère de la Construction de l’Urbanisme et de l’Habitat Avant la transformation de l’espace rural choisi, une enquête de commodo et d’incommodo est lancée dans le but de négocier avec les détenteurs de l’espace et de les indemniser. L’Etat par le biais de ses services techniques, en l’occurrence le Ministère de la Construction et de l’Urbanisme départemental, veille au bon déroulement de l’opération.

Son action se situe donc en aval et en amont du lotissement. Lorsque le terrain est connu, les responsables du lotissement contactent un géomètre qui, à son tour, délimite la zone à lotir. Ensuite, le ministère de

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la construction et de l’urbanisme conçoit le projet de morcellement. Par la suite, le projet est soumis au Maire et à l’ensemble du Conseil Municipal pour adoption. Après l’approbation de la municipalité, c’est au Ministère de la Construction et de l’Urbanisme que revient l’habilité d’approuver ou non le travail envisagé, de vérifier si les normes préconisées par la législation foncière et urbanistique sont respectées. Ainsi pour chaque lotissement, un cahier de charges est soumis au lotisseur. Mais le cahier de charge n’est pas toujours respecté par les initiatives privées qui interviennent ou s’immiscent dans l’extension du tissu urbain, depuis ces quinze dernières années, afin d’aider à résorber la forte demande de terrains. En effet, des groupes de familles possédant des titres fonciers sur des parcelles initient des lotissements. C’est l’exemple des membres de la famille Sacrou qui ont fait le lotissement du quartier CIDT Extension, situé après l’usine d’égrenage de la LCCI sur l’axe Korhogo-Ferké. Cela n’est pas l’apanage des détenteurs coutumiers de Korhogo ; à Abidjan,

« Les propriétaires autochtones Ebrié et Akyé violent les règles d’urbanisme et font des lotissements privés » (Ouattara 1999).

Pour entreprendre un lotissement privé, un certain nombre de pièces (une demande d’autorisation, un extrait topographique, un titre de propriété, un certificat d’urbanisme, une note de présentation du projet, un plan de situation au 1/5000) devrait être fourni et présenté aux autorités de la ville pour leur avis. Après la constitution du dossier et l’accord des autorités, le lotissement suit à quelques figures près la démarche empruntée par le lotissement administratif.

Malheureusement nombre d’acteurs privés réalisent des lotissements sans réel titre foncier. Ce type de lotissement qui ne suit pas la procédure administrative légale, vise uniquement à enrichir le propriétaire terrien après la vente des lots. Ce phénomène s’est amplifié depuis la crise militaro-politique du 19 Septembre 2002 qui a partitionné le pays en deux (zone gouvernementale et zone assiégée). Certains opérateurs franchissent le seuil du tolérable, en morcelant des réserves pour les vendre. Ce sont les cas d’une partie du quartier Sozoribougou qui occupe la réserve d’eau de la Sodeci et du quartier Résidentiel 3.

Cette insécurité foncière née de l’acculturation juridique se traduit par un grand nombre de lotissements illégaux et spontanés à la périphérie de la ville (Deler, Le Bris et Schneier, 1992 cités par Brenoum et Kra 2003).

Ces mêmes auteurs, en 1985, trouvent que la tenure coutumière est plus

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forte que la légalité foncière étatique dans les villes ivoiriennes. Ainsi, le décret n°71-74 du 26 février 1971, relatif aux procédures domaniales et foncières accorde-t-il à la coutume traditionnelle une reconnaissance de jure. Il ressort de leurs études que pour la majorité de la population urbaine, la principale référence en matière foncière reste la coutume.

2-2- Le jeu des acteurs et les conflits fonciers

Les conflits sont variés dans leur forme et se définissent par le jeu des acteurs.

2-2-1- Les conflits entre acteurs privés

Les conflits à l’intérieur des villages, très souvent, prennent leurs sources dans le partage des terres en termes d’héritage (Atlas de la population et des équipements 2007). A Korhogo, il arrive souvent que deux familles se réclament propriétaire d’une même portion de terre.

Mais les cas les plus fréquents concernent des membres de la même famille opposés par le système de succession, notamment les neveux et les fils du propriétaire terrien (10 % des propriétaires enquêtés sont concernés par ce conflit).

Le système de succession traditionnel en pays sénoufo est matrilinéaire, ce qui fait du neveu maternel l’héritier légal de l’oncle. La terre, dans ce cas, se transmet de génération en génération entre membres de la famille maternelle et son appropriation exclut d’office les fils qui eux pensent être les ayants droit au nom du droit moderne. La question de fond ou épineuse est comment transformer des terres de la famille maternelle en terres de la famille paternelle alors que le matrilignage les a acquises quelquefois au prix du sang (Brenoum, 2012). Quoi qu’il en soit, la coutume reste vivace et les palabres de plus en plus fréquents, posant un véritable problème dans la gestion du foncier.

2-2-2- Les conflits entre commission et détenteurs coutumiers

La commission d’attribution et de retrait de lots dans la ville de Korhogo est constituée des autorités décentralisées représentées par la Mairie, des autorités déconcentrées (le Préfet), du Ministère de la Construction de l’Urbanisme et de l’Habitat (MCUH) et de la Direction Générale des Impôts (DGI) est très souvent en conflit avec des détenteurs coutumiers.

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Les conflits entre la commission et les acteurs privés naissent des lotissements illégaux. « Lorsque les négociations entre les détenteurs coutumiers et l’Etat n’aboutissent pas, elles conduisent à une attitude de fermeté qui aboutit parfois à des conflits » (Ouattara 1999). En effet, certains propriétaires terriens trouvent les indemnités compensatrices de cession de portion de terre à lotir à l’Etat très insignifiantes et décident de morceler la terre qui est sous leur contrôle pour la vendre. Dans la plupart des cas, ces lotissements sont sans autorisation et sans réel titre foncier ; ils ne tiennent pas compte des règles d’urbanisme et surtout des réserves administratives. Plus de 80% des lotissements à Korhogo sont le fait d’initiative privée avec un but lucratif inavoué devant une demande sans cesse forte, corroborant les propos de Ouattara (1999) selon lesquels l’une des causes de la spéculation foncière est la pression de la demande de lots et le développement des logiques spéculatives qui précipitent le morcellement des champs et des réserves. Les lots qui en résultent sont de très petites superficies (environ 200 m2 contre plus de 600 m2 dans les anciens quartiers). Quant aux prix de vente, ils sont de plus en plus élevés (2000000 à 5000000 fcfa) dans la mesure où l’objectif principal est de se faire le maximum de profit. Ils sont fonction du statut et de la réputation du quartier. De 400000 fcfa en 1985, le prix du lot au quartier Résidentiel est passé à 5000000 fcfa en 2015 pour la même superficie de 1200 m2 (Cf. figure 2 et graphique 1).

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Figure 2 : Carte de la dynamique spatiale de Korhogo

Graphique 1 : Evolution du coût des lots au quartier Résidentiel

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2-2-3- Les conflits entre la commission et des propriétaires de lots

Les conflits entre autorités administratives et propriétaires de lot concernent les retraits de lots attribués non mis en valeur dans le délai prescrit et aux conditions de construction. Pour ce qui est des retraits de lot, ils font partie des mesures que l’Etat ivoirien a mis en place pour gérer les terrains urbains en vue de donner fière allure au paysage urbain. En effet, à compter de la date de délivrance du permis de construire, un délai de deux ans est accordé pour la mise en valeur du terrain. L’article 18 de la loi N°65-248 du 04 Août 1965 relative au permis de construire stipule à cet effet que « le titulaire d’un permis de construire doit obligatoirement dès l’ouverture du chantier indiquer de façon apparente et visible la voie principale, et lisiblement sur un panneau (le nom du responsable de la direction technique des travaux ; le numéro du permis de construire suivi de sa date de délivrance ; le numéro du lot et d’îlot. Les lots non mis en valeur dans un délai de 5 ans minimum et 10 ans maximum à compter de la date d’attribution font l’objet d’un retrait pur et simple ». En référence à la Loi, les autorités administratives procèdent aux retraits des lots non mis en valeur pour les réattribuer à d’autres demandeurs (3 à 5 retraits par mois). Toute opération normale de retrait doit se faire en présence de tous les membres de la commission et doit être précédée d’une enquête de Commodo et Incommodo. Selon certains propriétaires victimes interviewés (10%), ces opérations de retrait ne sont pas toujours transparentes.

Par ailleurs, la non-conformité du modèle présenté dans le dossier technique pour l’obtention du permis de construire occasionne l’arrêt des travaux par les agents du ministère de la construction et de l’urbanisme en collaboration avec ceux du service technique de la mairie. De même, l’absence de permis de construire amène les agents à marquer sur l’un des murs ADM (pour la mairie) et ADMCU (pour le ministère de la construction et de l’urbanisme) en vue d’une démolition (Cf. photo 2).

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Les différentes effigies utilisées (MK = Mairie de Korhogo et AD

= A Démolir) sont des techniques mises en place pour interpeller et confondre les propriétaires qui ne sont pas en règle vis-à-vis de l’autorité.

(Cliché Konaté, décembre 2014)

Photo 2 : Une maison marquée pour être détruite

C’est que tout bénéficiaire d’un lot qui a un projet de construction doit se conformer à la réglementation en vigueur relative à la mise en valeur du terrain urbain par la délivrance d’un permis de construire.

Selon la loi 65-248 du 04 Août 1965 relative au permis de construire, son article premier déclare : « quiconque désire entreprendre une construction à usage d’habitation ou non, doit, au préalable, obtenir un permis de construire ». L’article 3 de cette loi précise que le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées respectent les plans d’urbanisme et d’alignement approuvés, les règlements d’urbanisme, les servitudes de salubrité, de sécurité publique de caractère architectural, de conservation des sites imposées par les lois et règlements. A Korhogo, la population ne s’intéresse pas particulièrement au permis de construire jugé contraignant. Le nombre de propriétaires de lots mis en valeur en disposant reste très insignifiant ; sur cent cinquante propriétaires enquêtés de la ville en 2012, seulement dix neuf possèdent un permis de construire, soit un taux de 12,70 % contre 87,30 %. Ce phénomène a pris de l’ampleur depuis la crise du 19 Septembre 2002 vu que l’Etat n’avait aucun contrôle sur la zone Centre-Ouest-Nord alors sous la direction des Comzones rebelles.

Pour échapper au contrôle, certains propriétaires non en règle préfèrent construire les dimanches et jours fériés. D’autres, par contre, offrent des pots de vin aux agents en charge du contrôle pour garder le silence pendant le déroulement des travaux.

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2-2-4- L’empiètement sur le lot du voisin

La ville de Korhogo vit également des conflits liés aux empiètements sur le lot du voisin. En effet, entre deux voisins, existent divers conflits relatifs à un problème de clôture ou à un problème de délimitation de lot. Certains propriétaires arrivant les premiers sur l’îlot construisent en débordant sur le lot du voisin. D’autres utilisent l’une des limites du lot comme un mur de la maison. Ces cas de figure créent des désagréments entre les deux voisins. Pire, certains propriétaires animés de mauvaise foi déplacent les bornes fixées en réduisant par conséquent les dimensions de la propriété du voisin. Une fois découverte, la victime demande que justice soit faite par la restitution de la portion de terre expropriée. Dans ce cas, la réparation de l’injustice entraîne souvent la démolition d’une partie de la maison envahissante voire une compensation financière dont le montant est fixé, raisonnablement par la victime.

De même, l’identification des lots est une source de problèmes que les autorités de la ville gèrent fréquemment. En effet, après l’attribution du lot, plusieurs propriétaires ont du mal à identifier leur terrain. Ce n’est pas toujours qu’ils sollicitent les services compétents (service technique de la mairie ou du ministère de la construction et de l’urbanisme départemental). Cette situation s’explique par le fait que les agents des services compétents exigent toujours une somme d’argent chaque fois qu’ils sont sollicités à aider à l’identification d’un lot. La reconnaissance s’effectue avec le concours d’un tiers avec ce que cela comporte comme désagrément. La méconnaissance de son lot entraîne l’occupation de celui d’une autre personne, occasionnant de multiples conflits et rendant pénible le travail des agents des services techniques.

Aussi par pure ruse, certains propriétaires voulant bénéficier de deux voies de circulation mais surtout d’espaces morts s’installent précipitamment et frauduleusement aux extrémités des îlots, faisant fi des références de leurs lots. Cette pratique est pour la plupart l’apanage de personnes nanties qui usent de la supercherie pour occuper illicitement les lots, et qui, en cas de contestation, proposent un échange de lot et ajoutent le prix d’achat du lot occupé injustement à la victime de la supercherie.

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2-2-5- La multi attribution

A Korhogo, il arrive souvent qu’un même lot soit vendu à plusieurs personnes. Ce problème est surtout régulier chez les organisateurs des lotissements villageois. En effet, les propriétaires terriens, après le lotissement de leurs terres, vendent les lots en délivrant des lettres d’attribution provisoires et des attestations de vente qui permettront aux acheteurs de faire la demande de la lettre d’attribution définitive et les autres documents administratifs. Certains des organisateurs de lotissement villageois et propriétaires terriens, de mauvaise foi, vendent le même lot à plusieurs acquéreurs tout en leur délivrant à chacun une lettre d’attribution provisoire et une attestation de vente. Au niveau de la ville de Korhogo, il n’existe pas de conflit de compétence entre les autorités administratives décentralisées et déconcentrées dans le cadre de la gestion du foncier.

3- LES IMPACTS DES CONFLITS SUR LE PAYSAGE DE LA VILLE ET LEUR MODE DE GESTION

Les conflits fonciers inventoriés dans la ville de Korhogo sont des facteurs influençant la transformation de l’espace urbain. En effet, ces conflits entraînent des conséquences lisibles dans l’espace : terrains non viabilisés, des constructions inachevées, la précarisation du bâti dans certains quartiers. Il s’agit de montrer d’une part les impacts des problèmes fonciers et d’autre part, les modes de gestion de ces problèmes.

3-1- Les impacts spatiaux des conflits fonciers

Les conséquences des problèmes fonciers existants sont perceptibles dans le paysage urbain korhogolais et méritent une attention particulière. De ce fait, ce volet analyse d’abord les conséquences liées à la multi occupation, ensuite à l’occupation anarchique et enfin celles liées à la vente illégale de terrains.

3-1-1- Un paysage urbain « émaillé » de friches

Dans les quartiers du centre ville, foisonnent de nombreux espaces vides et de nombreuses constructions inachevées. De ce fait, l’on s’interroge sur la prise en compte du problème de la multiple occupation par les autorités administratives dans la mesure où

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l’obligation de mettre en valeur le terrain dans un délai de deux ans est l’une des conditions citées sur la lettre d’attribution. La non mise en valeur dans le délai autorise la commission à procéder au retrait du lot et à sa réattribution. Certains de ces lots sont sources de conflits et ne peuvent pas être mis en valeur car ils ont été attribués à plusieurs personnes. C’est cette raison qui explique, en partie, la présence de nombreuses maisons inachevées qui enlaidissent le paysage. Sur les lots attribués à plusieurs personnes, certaines constructions sont immédiatement détruites ou vendues dès que la première personne à qui le lot a été attribué fait valoir un titre foncier. Ces lots réservés et ceux sources de conflits deviennent des friches dans l’espace urbain et donne à la ville une image de paysage inachevé. « Le paysage dégage une impression d’inachèvement, de dispersion, d’improvisation, d’abdication générale » (Cazes et Domingo 1990). Les friches sont devenues des dépotoirs de toutes sortes de déchets solides et liquides où se dégagent des odeurs nauséabondes vectrices de maladies (Cf. photo 3).

Photo 3 : Lot conflictuel devenu un dépotoir sauvage d’ordures

(Cliché Konaté, décembre 2014)

En général, dès qu’un problème est identifié, tout le processus

de mise en valeur observe un arrêt jusqu’à sa résolution.

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3-1-2- L’occupation anarchique de certaines zones

Certaines populations occupent des espaces de manière illégale et font un lotissement anarchique surtout lorsqu’elles pensent que les autorités administratives ne sont pas attentives. Dans la ville de Korhogo, les habitants ont profité de la période de crise (2002- 2010) pour occuper de façon anarchique une partie de la retenue d’eau de la Sodeci. Tout comme cette réserve d’eau, une partie du quartier de Cocody à été occupée et lotie. Ce constat rend très difficile l’électrification et l’approvisionnement en eau potable. Non viabilisés, ces quartiers avec leurs bâtis très précaires présentent un paysage de campagne. Par conséquent, certaines populations font des branchements parallèles pour bénéficier de l’électricité depuis les zones ayant respectées les règles d’urbanisme. De même, les ordures ménagères et les eaux usées foisonnent dans l’espace (Cf. photo 4).

A l ’ i n s t a r d u q u a r t i e r Commerce, le phénomène d’écoulement des eaux usées est présent dans les zones mal loties et où aucune règle d’urbanisme n’est respectée.

(Cliché D. Abou, décembre 2013)

Photo 4 : Vue d’écoulement des eaux usées (quartier commerce) Nguimalet (2007) le traduit si bien : « l’anarchisme dans l’occupation du sol soumet les quartiers populaires à des formes de vulnérabilité d’ordre physique et socio-économique (inondation, absence de services d’assainissement, présence de cultures périurbaine) ».

3-1-3- Conséquences de la vente illégale du domaine public La vente du domaine public est un trafic récurent dans la ville.

Selon les informations reçues des habitants, ces domaines sont vendus avec la complicité de certains agents administratifs et responsables de quartiers intervenant dans la gestion foncière. « Les opérations foncières sont souvent occultées soit pour des raisons de

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fraudes fiscales, soit par l’effet des pratiques condamnables d’agents immobiliers » (Derycke 1970). Ils privent d’espace les projets destinés à la construction d’infrastructures de base.

Dans de pareilles situations, tout projet de réalisation d’infrastructure orienté vers le quartier ne peut aboutir le laissant avec son aspect de paysage rural ; le projet est alors orienté vers un autre quartier remplissant les conditions. C’est l’aspect que donne le quartier Résidentiel 3 qui a vu sa maternité lui être retirée au profit du quartier Nagnénéfou.

3-2- Les modes de règlement des problèmes fonciers Une fois les problèmes identifiés, un ensemble de mesures est pris afin de les résoudre. Les modes de règlement varient en fonction de la nature des problèmes et des autorités sollicitées. A Korhogo, comme dans la quasi-totalité des villes de Côte d’Ivoire, les autorités mandatées par l’Etat Ivoirien pour le règlement des litiges fonciers sont les autorités administratives déconcentrées et décentralisées. Ces autorités sont épaulées dans leur tâche par les autorités coutumières dans la mesure où ce sont elles qui maîtrisent le mieux l’histoire du peuplement et donc des terres de leur localité (Brenoum 2012). Mieux, « Le régime coutumier volontairement ignoré par les textes officiels est resté efficace dans le contrôle de l’accès à la propriété. Cela oblige l’Etat à négocier avec les détenteurs coutumiers » (Atta 1984). Lorsqu’un lot est attribué à deux ou plusieurs personnes, le premier à le mettre en valeur ou à établir les documents administratifs afférents le conserve. Dans ce cas, il est demandé au vendeur de trouver des lots aux autres demandeurs ou de leur rembourser la somme d’argent remise. Le plus souvent, les autorités procèdent à la suspension des lettres d’attribution si les cas de multiples attributions sont fréquents dans la zone. Dans la ville de Korhogo, les conflits entre les autorités et les propriétaires sont liés au retrait des lots non mis en valeur depuis plusieurs années. La législation foncière autorise la commission d’attribution et de retrait des lots urbains à retirer tout lot non mis en valeur dans le délai et à le réattribuer sans indemniser l’ancien propriétaire. Mais, pour des raisons sociales, les autorités coutumières et administratives unissent leurs forces pour trouver aux anciens propriétaires, des lots à la périphérie de la ville.

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Pour les problèmes relatifs aux sites occupés de façon illégale, les agents du ministère de la construction et de l’urbanisme procèdent à l’arrêt immédiat des travaux et à la destruction de certaines constructions. La construction est détruite quand le plan n’est pas conforme. En ce qui concerne les cas de retard au niveau des documents administratifs, il est demandé au propriétaire de régulariser la situation de son lot. Quand les autorités sont saisies pour les questions d’empiètement et d’indentification des lots, elles procèdent à une visite sur le terrain à l’issu de laquelle il est demandé à celui qui a occupé le terrain illégalement de le libérer et de détruire la partie débordante de sa construction. Souvent, avec l’accord des deux voisins, l’occupant est chargé de rembourser l’argent du véritable propriétaire du terrain ou de lui trouver un autre terrain pour le contenter.

CONCLUSION

La réglementation en vigueur fait de l’Etat Ivoirien, le premier responsable du foncier. C’est donc lui qui a le monopole de la création et de l’organisation de l’espace urbain. Korhogo, chef-lieu de la région du Poro avec sa croissance démographique et spatiale incontrôlées, est en proie à une course effrénée à la propriété foncière. Cette course est à la base de nombreux problèmes qui rendent difficile la gestion du foncier urbain. De ces dysfonctionnements dans la gestion foncière, naissent deux sortes de conflits : les conflits avant lotissement (succession ou héritage, faibles indemnités) et les conflits après lotissement (limite de lots, identification des lots, double attribution des lots, retrait du lot et conditions de construction), qui influencent négativement le paysage urbain, les cadres et conditions de vie des populations à travers l’omniprésence des espaces vides, des constructions inachevées, la prolifération des dépôts sauvages d’ordures et des eaux usées, des branchements électriques anarchiques. De ce fait, les autorités administratives et coutumières doivent conjuguer leurs efforts pour réduire d’une part, les conflits et d’autre part, pour apporter des solutions idoines et satisfaisantes aux partis en conflits quelque soit la nature et l’ampleur des conflits. La réduction des conflits se fera par la production régulière et abondante de lots à bâtir pour tous les niveaux de revenus de la population.

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