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Droits fondamentaux et vidéosurveillance par les particuliers et les autorités des espaces ouverts au public

FLÜCKIGER, Alexandre

FLÜCKIGER, Alexandre. Droits fondamentaux et vidéosurveillance par les particuliers et les autorités des espaces ouverts au public. In: Schwarzenegger, Christian & Nägeli, Rolf (Hrsg.).

Drittes Zürcher Präventionsforum : Videoüberwachung als Prävention ?. Zürich : Schulthess, 2010. p. 195-226

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14370

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(2)

Droits fondamentaux et vidéosurveillanc. e par les particuliers et les autorités des espaces

ouverts au public

Alexandre Flückiger

Les développements technologiques de la vidéosurveillance dissuçsive des lieux ouverts au pubUe portent une atteinte accrue aux libertés. Les bases légales doivent être adaptées en conséquence, selon la nature publique ou pr;vée du surveUlant.

Lorsque le surveillant est un particulier, les règles actuellement de soft law le' régissant d,evraient être gravées dans le marbre de' la loi fédérale sur la pro.tection des données. Lorsqu'une autorité fédérale est derrière la caméra, le regroupement des bases légales actuellement morcelées pel'mettrait de traiter de 'manière plus cohérente la problématique. Lorsque "autorité cantonale filme, le chantier des bases légales cantonales devrait être achevé ,au plus vile afin·de prendre en compte les exigences accrues désormais posées par le Tribunalfédéral.

Content

J. Introduction ... ,., .... , ... 196

II. La vidéosurveiUance dissuasive par les particuliers des propriétés priyées accessibles au public ......... 198

1. Introduction ... , ... :... . ...... 198

2. Le droit féd.ral ... 199

3. Le droit du Conseil de l'Europe ......... : ... , ... 201

a) La Convention européenne des droits de l'homme ... : ... 201

b) La Convention pour la prot~ction des personnes à l'égard du traitement . automatisé des données à caractère personneL ... : .... ~ .......... 203

c) Les recommandations de la Commission de Venise .................. 204

Ill. La vîdéosutveillance di~suasive des espaces publics par les autorités ...... 206

1. Introduction ... : ...... ; ............ 206

2. Les libertés en cause ... : ... : ... ,., ... 207

3, L'existence d'une atteinte ... ... , ... ,.,208

4. La base légale ............ 213

5, L'intérêt public .. , .. , .. , ... , .. ,., ... , .. ,." .. , ... ,' .. , .. " .... " .. , .. "., .. , .. " .. , .. , .. , .. "., .. , ... , .. ,217

6. La proportionnalité., .. , .. , .. "., .. , .. , ~,., .. , .. ,., .. ;, .. , ... , .. , .. , .. , .. , .. ".".""", .... ";,,., .. 219

a) L'aptitude ........ 219 b) La nécessité ... . ... 222

c) La pesée des intérêts .. , .... , ... ,. .. ... , .. , .. , ... 223

IV. Conclusion ... , ...... . ............... 224

(3)

I.

Introduction

Banalisation. Tel pourrait être aujourd'hui le maître-mot en matière de vidéosurv"eillance. Banques et commerces l'ont testée depuis longtemps avec succès auprès de leufs clients. Les grandes métropoles ont naturellèment suivi dans l'espoir d'assurer la sécurité de leurs habitants. Casinos' ou centres aquatiques' sont mêmes dorénavant obligés d'y recourir'.

Or cette banalisation n'empêche pas une atteinte aux droits fondamentaux.

L'espace public, puisque chacun peut y être librement vu, se prête par nature il est vrai au dévoilement des faits et gestes de tout un chacun. De l'obser- vation par les passants à la surveillance des voisins, le contrôle social est aussi ancien que la civilisati.on:

"Et puis il y a·vait aussi, je ne m'en rendis pas compte immédiatement, ceUe difficulté, insoupçonnable pour nous autres profanes, à laquelle doit savoir faire face tout pickpocket digne de ce nom: il faut qu'il se défasse, sans en laisser aucune trace, des preuves palpables de son vol.

Rien de plus· malaisé, dans une ville qui jamais ne dort, où des millions d'yeux vous épient, que. de trouver la protection de quatre murs derrière lesquels on soit complètement caché [ ... ] Il y.a derrière chaque fenê~·e, chaque vitrine, chaque rideau, cbaque pot de fleurs, deux yeux qui vous épient; vous êtes à cent lieues de vous croire sUJveillé, vous pensez errer à travers les rues solitaire, ignoré, et vous êtes environné d'espions bénévoles. La curiosité tend tout autour de notre existence lin réseau de mailles fines sans 'cesse renouvelé.,,4

Voir réf. note 82 ci-dessous.

En matière d'homicide par négligence, le Triblmal fédéral a admis une violation des règles de prudence lors d'une noyade dans un parc de loisirs aquatiques, car "une surveillance par caméHI. subaquatique aurait, avec une haute vraisemblance, évité la survenance du résultat" (TF, alrêt 6S.35812004 du 10 novembre 2004, consid. 5.3.et 6:2).

Sur l'obligation de recollrir à la vidéosurveiiIance, voir RUEoG/FLOCKlGERlNo- vEMllERlKLAUSER (nnte 6), p. 73 ss.

ZWEIG STEPHAN, "Révélation inattendue d'un métier". La peur.· Le livre de Poche

2002,-p. 101 s., où l'allteur observe l'activité d'un pickpocketen "plein 'ravail" à Paris sur les grands boulevards. Je remercie Maurice Calmet, étudiant, de m'avoir fait connaître ce texte.

(4)

Qu'aurait donc changé la vidéosurveillance? Lorsqlle les juristes ont com- mencé à s'intéresser à cette problématique, les dOlmées étaient visionnées Sur des téléviseurs noir/blanc et les images emegistrées sans son, en basse définition, à une fréquence de quelques images au maximum par seconde sur des bandes magnétiques constamment réeffacées et réemegistrées.

Aujourd'hui l'emegistrement des données, leur diffusion par les réseaux électroniques, le réalisme toujours croissant des images, l'automatisation de l'a'nalyse des images, le pilotage à distance des caméras, leur miniaturisation, . la généralisation des vidéos dans les téléphones portables, le cOllplage des diverses bases de données entre ellès facilitant le profilage des individus sont en train de devenir la norme. Demain, les développements technologiques que l'on entrevoit déjà nè feront. qu'augmenter insidieusement les risques de mésusage et de dérive, rendant la vidéo surveillance bien plus intrusive que les yeux décrits par Stephan Zweig et cachés derrière les pots de fleur.

L'objet de la présente réflexion ne portera que sur la vidéosurveiHance dissuasive, c'est-à-dire la surveillance des lieux Ollverts au pllblic afin de dissllader les individus d'adopter un comportement déviant. Le droit vaudois définit celle-ci comme la vidéosurveillance "à laquelle on recourt pour éviter la perpétration d'iofraciions sur un certain lieu." (art. 4 al. 1"' ch. 14 LPrD- . VD). Elle 0 'abordera pas la vidéosurveillance invasive, c'est-à-dire la

surveillance secrète de lieux publics ou privés, réglementée par les 'règles du droit pénal, de la prqcédure pénale et. du droit policier. La vidéosurveillance d'observation, c'est-à-dir~ la surveillance de. lieux sans volonté de modifier le comportement des utilisateurs (régulation du trafic. routier ou ferroviaire notamment); ne sort toute(ois du champ · de notre analyse que si les emegistrements ne contiennent aucune donnée personnelle. Tel est pourtant de moins en moins le cas en raison des nouvelles technologies qui rendent les individus de plus en plus identifiables (meilleure résolution des·

camérasl

Sur ces catégories, voir BAERlSWYL, Videoüberwachung Lm Rechtsfreien Raum7 Datenschutzrechtliche Aspekte modemer Ûbelwachung mittels optischen Geraten, DrGMA, 2002, p.

n

RUEGG JEAN/FLOCKIGER ALEXANDREINOVEMBER VALÉRIElKLAUSER FRANCISCO, Vidéosurveillanc'e et risques dans l'espace à usage public: Représentations des risques, régulation sociale et liberté de mouvement, Travaux du CETEL no 55, Genève, octobre 2006, p. 41. Voir éga1t:~ment LLER MARKUS!WYSSMANN

(5)

La surveillance dissuasive des lieux ouvertB au public n'est pas l'apanage des autorités publiques. Ces dernières vont concentrer leur action sur le domaine public (les rues, les places, les ponts, les parcs ou les promenades) et les éléments du patrimoine administratif ouvert au public (musées ou ter- rains de sport communaux)'. Les particuliers vont eux, par ces dispositifs, dissuader des individus de commettre des infractions sur leurs propriétés privées accessibles au public (commerces, places privées ouvertes au pub- lic) ..

Il. La vidéosurveillance dissuasive par les particuliers des propriétés privées accessibles au public

1. Introduction

L'analyse de la vidéosurveillance par les particuliers ne vise ici que la sur- veillance dissuasive des lieux en mains privées accessibles au public. On n'envisage pas la vidéosurveillance du domaine secret ou du domaine privé protégés par l'article 1 79qu",,, du Codepénat', ni la prisé d'images vidéo par les détectives privés pour le compte des compagnies d'assurances9, ni la

URSULA, 2005, "Polizeiliche Videoüberwachung: Rechtssetzungszusttlndigkeit nach bemischem Polizeigesetz", JAB 2005, p. 542 s. Par conséql).cnt, on trouvera désormajs des bases légales pour identifier les propriétaires des véhicules sur la ba- se d'enregistrements vidéo dès lors que la police ne se cantorule plus à la simple observation des flux pow' les réguler (voir par exemple en droit tessinoÎs la compétence donnée à la police d'enregistrer le son et la vidéo pour identifier les véhicules à l'aide de systèmes de reconnaissance automatique des plaques d'immatriculation: art. 9b legge sulla polizia, RS-TI 1.4.2.1). En droit allemand, la Cour constitutiowlelle a critiqué J'absence de base légale relative à l'utilisation des techniques vidéo pour la poursuite des infractions routières (BVerfQ 2 BvR 941/08,

Il aoOt 2009). .

. HOTTELIER MICHEL, La réglementarion du domaine public à Genève; La Semaine

judiciaire Il, 2002, p. 123-126; MOOR PIERRE, Droit adminiStratif, vol. Ill, Berne

1992, p. 253 ss., 321 ss. .

RS31J.0.

Voir CourEDH, Vel'fièl'e c. Suisse, 1" juille< 2008, § 130; AEBI-MOLLER REGINA!

EICKER ANDREASNERDE MICHEL, ,.Verfolgung von Versicherungsmissbrauch mit- tels Observation: Grenzen aus Sicht des Privat-, des 6ffentlichen und des Straf- t'echts", Juslel/C/' du 3 mai 2010.

(6)

surveiHance des trav~illeurs, dont!a base légale vient d'être critiquée par le . Tribunal fédéral lo .

2. Le droit fédéral

La vidéosurveillance dissuasive par les privés des lieux accessibles au public est régie par le droit fédéral. Les cantons ne sont compétents que pour réglementer la vidéosurveillance par les autorités communales et cantonales.

L'article 2 al.· 1 de la loi fédérale sur la protection des données (LPD)ll distingue entre les organes publics fédéraux (art. 16 ss) et les personnes privées (art. 12 ss.) .. Les règles applicables aux personnes privées en matière de protection des données s'appliquent, car la Confédération n'a pas légiféré de manière spécifique. En matière de vidéosurveillance par des personnes privées, les règles générales de la LPD sont précisées par un acte de soft law édicté par le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT): un Aide-mémoire sur la vidéosurveillance ~ffecluée par des· personnes privées l'. Ce texte répète lès grands principes de licéité et de proportiotinalité pour l'autorisation d'un système et précise quelques points relatifs à l'installation et l'utilisation de celui-ci:·

1. "... informer les personnes entrant dans le champ des caméras de

surveillance de l'utilisation d'un tel système par le biais d'un avis bien visible. Dans le cas où les images sont reliées à un fichier, l'avis· doit également indiquer auprès de qui le droit d'accès peut être effectué si cela ne ressort pas du contexte."

2. " ... prendre· les mesures organisationnelles et techniques appropriées aftn de protéger les données perSonnelles coritre tout traitement non autorisé."

'0 11 12

Yoir ci-dessous, note 81.

RS 235.1.

PFPDT, Aide-mémoire .l'W' la vidéosur1'eillance elfectuée par des personnes privées, Berne, 3 janvier 2003. Le Préposé a également adopté des "Explications sur la vidéosurveillance sur le. lieu de t.ravail" du 31 mars 2004 et un texte intitulé

"Exploitation d.e caméras web confOlIDe aux exigences de la protection des données" (non daté, publié sur le site suivant: <www.edoeb.admÎn.chlthemenJ 00567/00569».

(7)

3. _ "L'installation d'une caméra doit être effectuée de façon à ce que n'entrent dans son champ que les images strictement nécessaires à la surveillance envisagée."

4. ..Les données ne peuvent être utilisées que dans le cadre de la protection contre les atteintes aux biens et aux personnes. Elles ne peuvent donner lieu à d'autres utilisations."

5. "La communication' de données personnelles enregistrées par une caméra est interdite sauf dans les cas prévus ou autorisés par la loi ... "

6. ..Les données personnelles enregistrées par une caméra doivent être effacées dans un délai particulièrement bref. En effet la constatation d'Wle infraction aux biens ou aux personnes aura lieu dans la plupart des cas dans les heures qui suivent sa Perpétration. Un délai de 24 heures apparaît donc suffisant au regard de la finalité poursuivie dans la mesure où aucune atteinte aux biens ou' aux personnes n'est constatée dans ce délai. Ce délai peut être plus long dans certains cas de vidéosurveillance de lieux privés non accessibles au public (principe de la proportionnalité). En cas d'utilisation de technologies respectueuses de la protection des données ( .. privacy filter", technologies de floutage) et du stockage d'images exclusivement sous forme' chiffrée, le délai peut être prolongé également."

Le respect et la mise en œuvre effectifs de cet aide-memoire demanderaient à être sérieusement évalués. La nature recommandationnelle du texte, son imprécision sur certains points, couplée au fait que Ie' contrôle incombe à une autorité fédérale aux ressources limitées, ne laissent pas présumer une obser- vation scrupuleuse. Comme aucune procédure fomlelle d'autorisation n'est exigée pour de telles installations, l'application et le suivi ne peuvent pas être assurés. Le Préposé fédéral a bien procédé à quelques contrôles par le passé, mais ceux-ci restent très sporadiques et limitésn Le même problème

"

Voir pa~ exemple la recommandation du 18 février 2009 à propos d'une caméra de

surveillance installée dans le Chalet SJ. CeHe·ci ne concerne cependant pas la:

surveillance de lieux librement accessibles au public, mais un chalet privé loué pour des fêtes et des colonies de vacances et équipé d'W1e caméra fixée sur une pOlte près de l'entrée des douches et de la biblioûlèque et qui ne peut pas être d,ébranchée par les locataires.

(8)

se pose pour la surveillance 'des caméras web", La création des bases juridiques chargeant les autorités cantonales de protection des données de surveiller l'application du droit dans ce domaine serait opportune, La pratique montré d'ailleurs que certaines autorités cantonales s'emparent informellement de la question ("Handy ais Videokamera: die Aufi1Ghmen im Internet "15),

3. Le droit du Conseil de l'Europe

a) La Convention européenne des droits de l'homme

Le droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l'article 8 CEDH est la disposition 'principalement visée en l'espèce. Alors que les droits .fondamentaux ne montrent en principe d'effets que dans la relation verticale entre autorités et particuliersl6, il se peut qu'ils en déploient directement ou indirectement entre individus, Les Etats ont dans ce cas une "obligation posi- tive" d'adopter des mesures législatives notamment dans le domaine des 'relations entre particuliers17, La Cour a eu l'occasion de le rappeler . dans deux jurisprudences illustratives concernant la Suisse à ce propos en rapport avec l'article 8 CEDH18.

14

"

16

17

18

Pour des raisons de capacité, le Préposé, de son, propre aveu, n'es.t pas en mesure de procéder à des contrôles systématiques des caméras web (Ile rapport' d'actiyité 2003/2004, p, 36) (voir ci-dessus, note 12),

Datenschutzbeauftragter des Kantons Zug, Tiitigkeitsbericht 2009,. p. 1655.

AUER ANDREAStrvIALINVERNI GIORGIOIHOTTELlER M1CHEL~ Droit constitutionnel suisse: les droits fondamentaux, 2e édition, vol. Il, Beme 2006, p. 57 SS.; GRISEL ETIENNE, Droits fondiunèntallx, Berne 2008, p, 13 55,

CourEDH, Marc/çx c, Betgiqlle, 13 juin 1979, § 31; Balla c, Italie, 24 février 1998,

§ 33; Craxi (nO 2) c, Italie, 17 juillet 2003, § 73 55, Voir ég, réf. cit. ci-dessous note 18,

.Dans l'affaire Jiiggi c. Suisse, la Cour a rappelé que "si l'article 8 a essentiellement

pour objet de prémunir l'individu contre les ingél'e'nces arbitraires des pouvoirs pul(lics, il ne se contente pas de commander à l'Etat de s'abstenir de pareilles ingérences: à cet engagement négatif peuvent s'ajouter des obligations .positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée ou familiale. Celles-ci peuvent impliquer la prise de mesures visant au respect de la vic privée jusque dans les rela- tions des individus entre eux., [ ... ] Pour détenniner si une telle obligation existe, il faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre "intérêt général et les intérêts de

(9)

L'Etat doit, dès lors, en matière de vidéo surveillance, 'non seulement s'abstenir de s'ingérer illégalement dans la vie privée des individus, mais aussi empêcher autrui de faire de même19 En l'espèce, on trouve opposés le droit d'une personne de contrôler l'accès à sa propriété privée ·et le droit d'une autre qui tient à la protection de sa vie privée, Il s'agit sUi' cette base de parvenir à un équilibre entre les intérêts en cause qui doit être atteint "au moyen d'une législation et d'une pratique administrative appropriées et d'un contrôle administratif et judiciaire"20,

La surveillance par caméras vidéo exercée par des pnves doit ainsi être justifiée selon les critères de l'article 8 al. 2 CEDH21: elle doit être "prévue par la loi" et constituer "une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui,"

La Commission de Venise, dans son Avis sur la vidéosurveillance dans les sphères publiques et privées par des opérateurs p'rivésn, conclut en disposant que "la législation nationale devra définir clairement la base juridique de la surveillance et la nécessité de l'atteinte compte tenu des

intérêts protégés, "",

On notera qu'en droit interne, l'effet horizontal des,droits fondamentaux se déduit de l'.article 35 al. 1" et 3 Cst. Cet effet èst indirect en'principe dans la mesure où ces droits doivent être pris en compte daus l'interprétation et

19

"

21 22

"

l'individu" (CourEDH, Jiiggi c. Suiss~, 13 juillet 2006, § 33), Voir aussi CourEDH, Emanel el aulres c. Suisse, 13 décembre 2007, § 63, Voir egalement CourEDH, Calmanovici c. Roumanie, 1 cr juillet.2008, § 130: "la Cour a conclu au respe~t par les autorités de leurs obligations positives découlant du respect effectif de la vie privée dans une affaire où l'intéresavait fait l'objet d'une surveillance visuelle, englobant également la prise de photos et d'images vidéo, de la' part de détectives ·· privés employés par une. compagnie d'assurances (Verlière c. Suisse [déc.], n' 41593/98, CEDH 20Dl-VII)",

Commission de Venise (note 32), ch. 38, p. 6.

Commission de Venise (note.32), ch. 42, p. 6.

CO.l11mission de Venise (note 32), ch. 46, p. 7.

Commission de Venise (note 32).

Commission de Venise (note 32), ch. 58, p. 8.

(10)

l'application du droit". Les . droits fondamentaux ne déploient pas un effet horizontal direçt généralisé et ne peuvent dès lors pas, sur le plan du droit interne, être invoqués directement entre particuliers2'.

b) La Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à coractère personnel

La vidéosurveillance relève également du champ d'application de la Conven- tion pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981, entrée en vigueur en Suisse le 1" février 199826, ainsi que de son Protocole additionnel du 8 novembre 200 1 concernant les autorités de contrôle et les

flux transfrontières de données27. .

Cette convention a pour but de garantir à toute personne physique le respect de ses libertés fondamentales,. et notamment de son droit à la vie privée, à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel la concernant (art. l "). Elle s'applique à la vidéosurveillance dans la mesure où les images et les sons ainsi traités sont des "données à caractère personnel", à savoir "toute infonnation concernant une personne physique identifiée ou·

identifiable" (art. 2 let. a).

Toute personne doit dès lors pouvoir (art. 8):

2.

"

26 27

connaître l'existence ·et les flllalités principales d'un système de vidéosurveillance ainsi que l'identité et la résidence hàbituelle ou le princip'!l établissement du détenteur de l'installation;

obtenir la ·confirmation de l'existence Ou non de dOlmées à caractère personn~lla concernant ainsi que la communication de ces dernières;

ZIMMERMANN TRISTAN, "V effet horizontal des droits fondamentanx ou le garant de la dignité humaine", in:· DUNAND JEAN-PH1LlPPE!MAHON PASCAL (éd.), Le droit décloisonné, Zurich [etc.] 2009, p. 40 '5.; AUERlMALlNVERNrlHOTTELlER (note 16),

p: 62. .

MAHON PASCAL, Petit commentaire, p. 315; AUERIMAUNVERNI/HoTTELlER (note 16), p. 63; GRlSEL (note (6), p. 15.

RS 0.235.1.

RS 0.235.11, entré en vigueur pour la Suisse le 1 er avril 2008.

(11)

· obtenir la rectification des données ou leur effacement lorsqu'elles ont été traitées en violation des principes de base de la protection des données" (traitement loyal et licite; finalités déterminées et légitimes;

adéquation, pertinence et proportionnalité des données; exactitude des données; conservation sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire aux. finalités pour lesquelles elles sont emegistrées; garanties appro- priées pour les données sensibles);

disposer d'un recours,

Le public doit en outre être informé de la présence de caméras" et la sécurité des données doit être garantieJO,

c) Les recommandations de la Commission de Venise

Président de la Commission des affaires juridiques et des droits de l'Homme de l'Assemblée parlementaire, Dick Marty a demandé à la Commission européeIllle pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) de savoir dans quelle mesure la vidéosurveillance était "compatible avec les droits fondamentaux", Celle-ci a répondu en deux parties en rendant deux avis, l'un concemant la surveillance par les autorités publiques3\ l'autre par les particuliers32 que nous avons mentionné ci-dessus,

30

li 32

Voir art. 5 et' 6 de la Convention pour la protection des perS01Ules à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel.

Commission de Venise (note 32), ch, 88, p, ]3,

Art. 7 de la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel.

Voir ci-dessous, note 42.

Commission de Venise, Avis sur la vidéosurveillance dans les sphères publiques et.

privées par des opérateurs privés et dans la sphère privée par les autorités publiques et la protection des droits de l'homme, Venise, 1er et 2 juin 2007 (CDL-

AD[2007]027),

(12)

L'intérêt porté à la surveillance par les pilliiculiers va de pair avec la démocratisation des matériels et le développement d'Internet qui conduit à généraliser la vidéosurveillance depuis tous les points du globeJJ.

Se fondant sur l'article 8 CEDH et la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personne, la Commission de Venise a formulé les recommandations sui- vantes à l'adresse des Etats membres:

33

3l 36

Adopter des "nouvelles réglementations inventives [ ... ] pour faire face à la menace qui pèse sur les droits fondamentaux comme les droits à la vie privée et à la liberté de circulation ainsi que le droit de bénéficier d'une protection particulière en ce qui concerne les données à caractère personnel qui sont collectées."J4

"Des règles juridiques devraient s'appliquer à toutes les situations dans lesquelles une surveillance est exercée, dans l'espace public, privé et semi-privé, ainsi qu'à tous les opérateurs, publics et privés,.y compris aux opérateurs privés auxquels des fonctions publiques sont délé- guées.'d5

"Une opération de vidéosurveillance menée compte tenu d'impératifs de sécurité ou de sûreté ou dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la criminalité doit respecter les conditions énoncées à l'article 8 de la CEDH."

"En ce qui concerne la protection des personnes lorsque des données à caractère personnel sont rassemblées et. traitées, les réglementations doivent, à tout le moins, suivre les conditions posées par la Directive

~5/46/CE, notamment à ses articles 623 et 724 qui reprennent l'article 5 de la Convention européenne pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personne1."J6

"Le public doit être prévenu qu'il est surveillé sauf si le système de surveillance est évident. Cela signifie que, concrètement, on pourra

Commission de Venise (note 32), p. 2.

Commission de Venise (note 32), ch. 97, p. 14.

Commission de Venise (note 32), ch. 98, p. 14.

Commission de Venise (note 32), ch. 99, p. 15.

(13)

présumer que la personne observée est consciente qu'elle fait l'objet d'une surveillance ou qu'elle a donné son consentement sans ambiguïté

, . ,,37

a ce sUJet.

"Une autorité indépendante spécialisée doit être mise en place, comme plusieurs pays européens l'ont fait, afin de garantir le respect des condi- tions prévues par le droit inteme donnant effet aux principes et pre- scriptions du droit intemational en matière de protection des individus et des données à caractère personnel. ,,38

"Une personne 'qui a des raisons de penser qu'elle a fait l'objef d'ùne surveillance et que des données la concemant ont été enregistrées devrait avoir le droit de demander à avoir accès aux données et à les cOlTiger ou à les détruire sauf si des raisons de sécurité doivent primer pendant un certain délai. Elle devrait aussi avoir le droit d'être informée de toute utilisation qui est faite de ces données par la personne qui les a réunies ou par toute autre personne à laquelle les données ont été trans-

férées.,,~9 .

"L'ensemble du dispositif de· surveillance devrait être approuvé et sous ' licence et être accessible pour que les autorités effectuent des contrôles périodiques si les circonstances l'exigent."'·

III. La vidéosurveillancedissuasive des espaces publics par les autorités

1. Introduction

Comme on l'a déjà évoqué,la Commissiou de Venise a adopté deux rapports relatifs à la vidéosurveillance4l. Alors q~e l'un est consacré à la surveillance

"

39 40 41

Commission de Venise (note 32), ch. 100, p. 15.

Commission de Venise (note 32), ch. 100, p. 15.

Commission de Venise (note 32), ch. lOI, p. 16.

Commission de Vènise (note 32), ch. 102, p. 16.

Voir ci-dessus, note 32.

, i

(14)

des lieux publics par les particuliers, l'autre l'est à celle exercée par les autorités publiques". '

, Le lieu public y est défini comme "un endroit auquel quiconque, en principe,

peut' accéder librement, sans distinction, ' à tout moment et en toutes

cir~onstances.,,43. Il comprend non seulement le domaine public (rues"

places, ponts, parcs, promenades) et le patrimoine administratif (écoles, hô- pitaux, musées, terrains de sport en mains publiques)44 mais également les lieux privés ouverts au public (discothèques, cafés)45.

D'un point de vue juridique, la différence majeure avec la vidéosurveillance par des particuliers réside dans le fait que les droits fondamentaux déploient d'abord leurs effets dans la relation verticale entre les autorités et les individus46. Ainsi en droit suisse, "quiconque assume une tâche de l'Etat est tenu de respecter les droits fondamentaux et de contribuer à leur réalisation"

(art. 35 al. 2 Cst.).

2. Les libertés en cause

On peut relever plusieurs libertés potentiellement mises en cause par la vi- déosurveillance: le droit au respect de la sphère privée (art. 13 al. 1" Cst., art. 8 CEDH, art. 19 Pacte II4'), la liberté personnelle, et plus particulière- ment la triple garantie de l'intégrité physique et psychique et de la liberté de mouvement (art. 10 al. 2 Cs!.), le droit d'être protégé contre l'emploi abusif des dooo6es personnelles (art. 13 al. 2 Cs!.; Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère

46 47

Commission de Venise, Avi's sur la vidéosurveillance dans les lieux publics par les autorités publiques et la protection des droits de l'homme, Venise, l6. et 17 mars 2007 (CDL-AD[2007]014).

Commission de Venise (note 42), ch. 8, p. 4.

HOTTELIER MICHEL, La réglementation du domaine public à Genève, La Sema;ne judiciaire 2002 II, p. 123-126; MOOR PIERRE, Droit administratif, vol. III, Berne 1992, p. 253 ss., 321 ss.; GRISEL ANDRE, Traité de droit administratif, vol. II, Neuchâtel 1984, p. 525 ss.

Commission de Venise (note 42), ch. 9, p. 4.

AUERlMALlNVERNI BOTTELIER (note 16), p. 57 ss.; GRlSEL (note 16), p. 13 ss.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques (RS 0.103.2).

(15)

personnel") bu la liberté de réunion (art. 22 Cst.; art. 11 CEDH; art. 21 Pacte Il).

Le Tribunal fédéral a jugé que la vidéo surveillance dissuasive des lieux ac- cessibles au public par les autorités touchait les garanties des articles 13 al. 2 Cst. et 8 al. 1" CEDH. Il a laissé ouverte la question de savoir si l'article 10 al. 2 Cst. l'était également4'.

Le Département fédéral de justice et police rajoute à la liste la protection de la dignité humaine (art. 7 Cst.)'o

3.. L'existen'ce d'une atteinte

La vidéosurveillance ne pose problème que dans la mesure où elle porte une atteinte aux libertés précédentes.

Lorsqu'une personne se rend dans un lieu ouvert au public, elle sera poteniiellement vue, reconnue ou observée par des tiers, sans que l'on puisse nécessairement déceler une quelconque atteinte à ses.libertés. La question est en revanche· différente lorsqu'une machine se substitue à l'œil, La Commis,

'sion de Venise a bien mis en évidence ces dissemblances. Tout d'abord en

montrant l'impact des perfectionnements technologiques, dépassant les possibilités d'observation humaine:

48 49 51>

51

"La vidéosurveillance, à plusieurs égards, est bea.ucoup plus efficace que l'observation humaine. Tout d'abord, la technologie s'est con-. sidérablement améliorée et peut être extrêmement ingénieuse: ainsi, la vision de nuit est possible, les possibilités· de zoom et de pistage automatique. sont courantes, et certains faits, détails et traits précis qui· seraient invisibles ou non visibles à l'oeil nu peuvent être détectés. Un dispositif intelligent peut même détecter de fausses barbes ou de fausses moustaches et peut comporter un système de reconnaissance faciale ou vocale."Sl

RS 0.235.1.

ATF 136187, 112; 133177,80.

Département fédéral de justice et police, Vidéosurveillance exercée en vue d'assurer la sécurité dans les gares, les aéroports et les autres espaces publics, Rapport du 28 septembre 2007, p. 25..

Commission de Venise (note 42), ch. 17, p. 6.

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1":nsuite en soulignant l'élargissement du champ même de la surveillance:

"la possibilité de reproduire la même image sur plusieurs moniteurs pouvant être ·visualisés par plusieurs observateurs améliore les· possibilités de contrôle de certains événements, faits ou comporte- ments qui, autrement, pourraient échapperI··a~ention d'un observa- teur sur le terrain." [ ... ) Il devient ainsi plus facile d'observer de manière envahissante et permanente les personnes et les "lieux; le champ de vision, par rapport à l'observation humaine, s'en trouve élargi."" . .

La caméra peut en outre facilement enregistrer et conserver les images, qui peuvent ensuite 'être traitées, utilisées abusivement ou diffusées sur Internet sans connaissances techniques particulières".

La Commission de Venise en, conclut dès lors que "si l'on compare la vidéosurveillance' à l'observation humaine en l'état achlel des choses, il devient évident que [celle-ci] offre bien .plus de possibilités et pourrait donc être bien plus attentatoire aux droits de l'homme que l'observation humaine,,,S5

La'Cour européenne des droits de l'homme a considéré, dans le même sens,

que la communication aux média de la vidéo d'une tentative de suicide enregistrée par des caméras surveillance était une ingérence grave dans la vie privée alors· même que la personne a tenté de mettre fm à ses jours dans un lieu public au moment des faits'6

La Cour distingue cependant selon la technique utilisée. Dans l'affaire Perry c. Royaume-Uni, elle a jugé que "la surveillance des faits et gestes d'une personne dans un lieu public aU moyen d'un dispositif photographique ne

'mémorisant pas les données visuelles ne constitue pas en elle-même .une

forme d'ingérence dans la vie privée"". Elle se référait à la décision de la Commission dans l'affaire Herbecq et autre c. Belgique dans laquelle ceIle-

"

13

55

"

57

Commission de Venise (note 42), ch. 17, p. 6.

Commission de Venise (note 42), ch. 18, p. 6.

Commission de Venise (note 42)', ch. 19 et 20, p. 6.

Commission de Venise (note 42), ch. 21, p. 6.

CourEDH, Peck c. Royaume-Uni, 28 janvier 2003, § 87.

CourEDH, Perry c. Royaume-Uni, 17 juillet 2003, § 38; repris dans CourEDH, 'Ca/manovici c. Roumanie, 1 er juillet 2008, § qO.

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ci avait jugé que "les systèmes de prise de vueS dont se plaint le requérant sont susceptibles d'intervenir sur la voie publique ou dans des locaux · occupés régulièrement par les utilisateurs des dits systèmes, dans un but de surveillance des lieux pour en garantir .la sécurité. En l'absence de tout enregistrement, on voit mal comment les données visuelles recueillies pourraient être portées à la connaissance du public ou utilisées à ·d'autres fins que des fins de surveillance des lieux. La Commission relève encore que les données qui pourraient être recueillies par une personne se trouvant derrière des écrans de contrôle sont identiques à ce.lles qu'elle aurait pu obtenir par sa présence sur les lieux"s8. Dès lors, selon la Cour, "l'.utilisation ordinaire de . caméras de surveillance dans des rues et dans des édifices publics, tels que .des centres commerciaux ou des commissariats, où elles visent ·un but légi-

time et identifiable, ne soulève en elle-même aucune difficulté au regard de . l'article 8 § 1 de la Convention"" .

D.ans l'affaire PG el J.H. c. Royaume-Uni, la Cour avait déjà relevé cette distinction:

"Une personne marchant dans la rue sera forcément vue par, toute autre personne qui s'y trouve aussi. Le fait d'observer cette scène pu- blique par des moyens techniques (par exemple un agent de sécurité exerçant une surveillance au moye,TI d'un système de télévision en, cir- cuit fermé) revêt un caractère similaire. En reva,nche, la création d'un enregistrement systématique ou permauent de tels éléments apparte- nant au domaine public peul donner ljeu à des considérations liées' à la vie privée. ,,60 .

Dès lors selon la Cour "le fail de recueillir systématiquement de telles· données et de les mémoriser peut soulever des questions liées à la vie privée,,61 qui se fonde sur les arrêts Rolaru c.Roumanie62 et Amanri c. Suis- se63, où elle a jugé que la collecte de données par les services de sécurité

"

61

62

CommEDH, Herbecq et Ligue 'des droits de l'homme c. Belgique, -14 janvier 1998,

§ 3.

CourEDH, Perly c. Royaume-Uni, 17 juillet 2003, § 40.

CourEDH, PG el J.H. c. Royol/me-Vni, 25 septembre 2001, § 57.

CourEDH, Peny c. Royoume-Uni, 17 juillet 20()3, § 38; repris dans CourEDH,

Calmanovici c. Roumanie, 1er juillet 2008, § 130. . CourEDH, ROIOru c. Roumanie, 4 ruai 2000, § 43-44.

CourEDH, Amonn c. Sl/isse; 16 février 2000, § 65-67.

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relative à des personnes précises' constituait une ingérence dans la vie privée de ces dernières, bien que ces données aient é,té recueillies sans recourir à des techniques de surveillance secrète,

La vidéo surveillance utilisée à des fins de sécurité dans un lieu public ou , accessible au public ne porte ainsi pas atteinte à la sphère privée dès lors que les données obtenues ne sont pas enregistrées et pour autant qu'il s'agisse de l'utilisation "ordinaire"" de caméras de surveillance. On précisera que cette conclusion doit être comprise d'une part dans le contexte de l'affaire, c'est- à-dire dans l'exemple de lieux publics dans lesquels des personnes vont et viennent indistinctement et non si les caméras devaient être braquées conti- nuellement sur une personne détern1inée dans un bureau par exemple.

)J'autre part cette conclusion ne saurait valoir qu'en l'état de la technique au moment des faits. )Jès lors que la vidéosurveillance s'informatise, elle recèle un potentiel d'atteintes' à la sphère privée indépendamment de l'enregistre-

ment des données6s Tel sera le cas si des données ,visuelles sont portées en direct à la connaissance du public sans enregistrement. Cet exemple reste cependant théorique dans la mesure où les caméras numériques, aujourd'hui courantes, et la diffusion sur Internet permettent, voire impliquent, l'enregistrement, même provisoire, des données. On devrait dès lors d,ésor- mais ne trouver que peu d'exemples de situations exemptes d'atteinte: Tel pourrait encore être le cas des rétroviseurs électroniques que l'on peut trou- ver dans certains véhicules. Mais ce type d'instruments n'entre pas dans 'la catégorie de la, vidéosurveillance par les autorités publiques destinée à dis- suader les citoyens de commettre des infractions.

En matière de vidéosurveillance' invasive, le Tribunal fédéral semble égale- ment porter attention à l'existence ou non d'un enregistrement. Il a jugé, en 2005, que la vidéosurveillance par la police d'un garage souterrain, espace

"quasi' public" dans lequel la personne surveillée ne demeure qu'un temps limité, et dont le dispositif emice automatiquement les enregistrements après 24 heures, ne constituait pas une atteinte grave aux droits de la pèrsonnHlité du recourantM En revanche, la vidéosurveillance invasive effectuée par un

64 CourEDH,'Perry c. Royaume-Uni, 17 juillet 2003, §

40.

RUEGG/FLüCKlGERlNoVEMBERlKLAUSER (note 6), p. 54.

L'arrêt a ·été rendu dans le contexte de J'admissibilité de l'utilisation de preuves obtenues de manière illicite. l' Z/./ Recht ha! es envogen, die Tiefgarage sei ein ,qUQ-

si-ofJentlicher' Roum, {n dem sich die Übenvachten in der Regel zeitlich eng be- '

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détective privé et utilisée par l'autorité pour refuser des prestations d'assurance-accidents constitue une atteinte .au respect de la vie privée ga- ranti par [' article 13 CSt.67 Le Tribunal fédéral a depuis lors eu l'occasion de juger que la conservation durant cent jours des enregistrements résultant de la vidéo surveillance dissuasive constituait une atteinte non négligeable (" nicht unerheblich ,,)68 aux droits fondamentaux et qu'une disposition sur la vidéo surveillance rédigée de façon trop imprécise portait atteinte aux droits fondamentaux en ne satisfaisant pas aux conditions minimales en matière de densité nOlmative69.

Il en découle que la vidéosurveillance dissuasive des lieux publics restreint les droits fondamentaux et doit être fondée sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et être proportionnée au but visé (art. 36 Cst.). On re- trouve ces conditions en droit conventionnel (art. 8 al. 2 CEDH) selon leqnel l'ingérence doit être prévue par la loi et constitner une ,mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté pu- blique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la pré- vention des infractions pénales, à la 'protection de la santé 01.\ de la morale, on à la protection des droits et libertés d'autrui.

Le noyan dur des libertés n'est dans tous les cas pas atteineo.

67

68

69 70

grenzt aujha/ten. Zwarfand die Oberwachung nmd um die Uhr slalt, die Aufnah- men wurden aber automatisch aile 24 Stunden gel6scht. Unter diesen Umstiinden kann âne schwere Beeintriichtigung der PersonUchkeitsrechte des Beschwerdefüh- rers vernein! werden ", ATF 131 1 272, c. 6.2 [Co non publié auxATF].

ATF 129 V 323, 325; dans le cas d'espèce, l'atteinte était cependant couverte par l'art. 47 LAA, justifiée

par

un intérêt' public et propo'rtionnelle; voir aussi un arrêt . de la 2' Cour civile du TF du IS'décembre 1997, SJ 1998 301, confirmé par la Cour européenne des droits de l'homme JAAC 65 (2001) n0134, p. 1381, qui concernait une vidéosurveillance effectuée par une compagnie d'assurances, considérée en

l'espèce comme confonne à l'art. 28 CC (voir ci-dessus, note 18).

ATF 133 1 77, 87.

ATF 136187, 115.'

JOHRI'YvONNE, Handkommentar zum Datenschutzgesetz, Zurich 200S, Art. 17, N 45; DFJP (note 50), p. 28.

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4. La base légale

Les exigences en matière de base légale varient en fonction de la gravité de l'atteinte. Plus la loi restreint les libertés, plus elle doit être précise et prévoir elle-même les éléments essentiels de la réglementation (ait. 36 al. 1" et 164

al. 1" let. b. Cst.)71 On retrouve le .même mécanisme au niveau de la

CEDH72.

La Commission de Venise demande d' adopter' des "réglementations ex- presses" sur la vidéosurveillance des lieux publics par les autorités dans la meSure 01) cette technique est aujourd'hui "particulièrement perfection- née"n Ces réglementations doivent être conçues selon les impératifs sui- vants74:

11

74

,,- Une opération dé vidéosurveillance menée compte ten.u d'impé- ratifs de sécurité ou de sûreté, ou dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la. criminalité, doit respecter les conditions énon- cées à l'article 8 de la CEDH. .

En ce qui concerne la protection des personnes lorsque des dqn- nées à caractère persormel sont rassemblées et traitées, les régle- mentations' doivent, à tout le moins, suivre mutatis mutandis les conditions posées par la Directive 95/46/CE, notanunent en ses ar- ticles 638 et 739, qui reprennent l'article 5 de la èonvention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des dOlUlées à caractère personnel.

Les gens doivent être prévenus qu)ils sont surveillés dans l~s lieux publics, sauf si le système de surveillance est évident. Cela signifi, que, concrètement, on pourra présumer que la perso~ne observée est consciente qu'elle fait l'objet d'une surveillance ou qu'elle a donné son consentement sans ambigui.'té à ce sujet.

Une autorité indépendante spécialisée doit être mise en place, comme l'ont fait plusieurs États européens, afin de garantir le res- pect des conditions prévues par le droit interne donnant effet aux principes ~t prescriptions du· droit international en matière de pro- tection des individus et des données à caractère personneL"

AUERIMALINVERNIIH01TELIER (note 16), p. 90.

COt.nmission de Venise (note 42), ch. 51 ss., p. 12.

Commission de Venise (note 42), ch. 81, p. 16.

Commission de Venise (note 42), ch. 82 s., p.16 s.

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