HAL Id: hal-02725216
https://hal.inrae.fr/hal-02725216
Submitted on 2 Jun 2020
HAL is a multi-disciplinary open access
archive for the deposit and dissemination of
sci-entific research documents, whether they are
pub-lished or not. The documents may come from
teaching and research institutions in France or
abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est
destinée au dépôt et à la diffusion de documents
scientifiques de niveau recherche, publiés ou non,
émanant des établissements d’enseignement et de
recherche français ou étrangers, des laboratoires
publics ou privés.
Comportement compare des bourgeons de l’annee et des
bourgeons latents chez le noyer (Juglans regia L., cv.
Franquette). Consequences sur la morphogenese de
l’arbre
Jean-Claude Mauget
To cite this version:
Jean-Claude Mauget. Comportement compare des bourgeons de l’annee et des bourgeons latents chez
le noyer (Juglans regia L., cv. Franquette). Consequences sur la morphogenese de l’arbre. Agronomie,
EDP Sciences, 1984, 4 (6), pp.507-515. �hal-02725216�
Comportement
comparé
des
bourgeons
de
l’année
et
des
bourgeons
latents chez le noyer
(Juglans
regia
L.,
cv.
«
Franquette
»). Conséquences
sur
la
morphogenèse
de
l’arbre.
Jean-Claude MAUGET
LN.R.A., Laboratoire de Bioclimatologie, Domaine de Crouelle, F 63039 Clermont-Ferrand Cedex
RÉSUMÉ Chez le cultivar de noyer « Franquette », les capacités de croissance des bourgeons latents isolés sont, pendant
la plus grande partie du cycle annuel, beaucoup plus importantes que celles des bourgeons de l’année : en
parti-culier leur dormance est bien moins profonde. Cependant de puissantes corrélations dont les parties les plus
jeunes de l’arbre (pousses feuillées) sont vraisemblablement responsables, empêchent l’expression de ces
poten-tialités plus grandes. De ce fait la morphogenèse de cette variété est liée essentiellement au développement des
bourgeons de l’année. Seules des conditions particulières (taille en vert printanière, action de gammes
thermi-ques élevées en période de dormance) permettent la croissance des bourgeons latents qui confère alors à l’arbre une structure d’apparence désordonnée.
Mots clés additionnels : Ramification, corrélations physiologiques, dormance, température.
SUMMARY A
comparison of
the behaviourof first
year and latent buds in walnut(Juglans regia
L., cv.«
Franquette
»).Effects
on treemorphogenesis.
In the walnut cultivar « Franquette », the growth capacities of isolated latent buds were much greater than those of first year buds during most of the annual cycle : in particular, they showed much less winter
dormancy. However, strong correlations probably involving the youngest parts of the tree (leafy shoots) limited the expression of these greater potentialities. As a result, the morphogenesis of this variety was mainly
determined by the development of first year buds. Only special conditions (early summer pruning, temperatures
above 15 °C during dormancy) allowed growth of latent buds which then gave the tree an apparently
disordered structure.
Additional key words : Branching, physiological correlations, dormancy, temperature.
1. INTRODUCTION
La
population
desbourgeons présents
sur lesrameaux d’un an de la variété de noyer «
Fran-quette
» ne sedéveloppe
pas dans sonintégralité
aumoment du débourrement
printanier.
Chez ce cultivardont le mode de ramification est fortement acrotone, de nombreux
bourgeons
demeurent à l’étatlatent,
vraisemblablement inhibés par les pousses feuillées encroissance : si l’on
supprime
ces dernières au cours del’été,
certains de cesbourgeons
latents entrent alors très facilement envégétation.
Au fil des
années,
cesbourgeons
restent en repos etne
présentent
aucune évolutionapparente.
Un faitremarquable
estqu’ils
conservent durantplusieurs
années des
potentialités
de croissancesusceptibles
des’exprimer après
rupture
de corrélationsprovoquée
mécaniquement
par la taille ou des accidents divers(branches cassées).
Mais la rupture des corrélationspeut
également
présenter
un caractèrespontané
comme FAVIER
(1978)
l’a observé chez «Franquette
» sans que cecomportement
prenne uneampleur
consi-dérable.
Chez d’autres cultivars de noyer, ce
phénomène
semanifeste avec une
fréquence plus grande :
dans ce cas, lareprise
d’activité desbourgeons
latents devientune
composante
essentielle de la structuration del’arbre. Ce
comportement
a étéparticulièrement
étu-dié chez les arbres
tropicaux
sous le nom de réitéra-tion du modèle architectural par OLDEMAN(1972),
EDEL
IN
(1977),
HALLE et al.(1978)
et TOMLINSON(1983) :
selon ces auteurs, l’entrée en activité decer-tains méristèmes latents sous l’action d’un
trauma-tisme ou d’une
brusque
modification del’environne-ment conduit à l’édification d’axes secondaires
repro-duisant, après quelques années,
la structuregéométri-que de l’axe
principal.
Pour
apprécier
le rôlemorphogène
des méristèmeslatents,
il était essentiel dequantifier
au cours d’uncycle
annuel leurspotentialités
de croissanceintrinsè-ques et de les comparer à celles des
bourgeons
de l’année apparuspendant
l’été sur les poussesfeuil-lées : à notre
connaissance,
seul BARNOLA(1976)
atenté une telle
quantification
sur lesbourgeons
desou-che de
jeunes frênes,
tilleuls et noisetiers. En cequi
nous concerne, nous avons basé notre
analyse
surl’étude des comportements des
bourgeons
en boutures de noeuds isolés : cettetechnique
permet
d’estimer lescapacités
d’évolution desbourgeons
en dehors ducomplexe
corrélatifauquel
ils sont soumis sur l’arbre. II.MATÉRIEL
ETMÉTHODES
A. Matériel
végétal
Les
bourgeons
étudiés ont étéprélevés
sur des arbres de la variété «Franquette » greffée
surJuglans
nigra
L.,
implantés
dans le domaineexpérimental
de Mon Désir(I.N.R.A.,
Clermont-Ferrand).
Ces noyers,âgés
d’unequinzaine d’années,
sont conduitsen
gobelets
à 3charpentières ;
ils subissentchaque
année une taille
d’élagage
dans le courant de l’hiver.B. Méthode d’étude
La
figure
1 schématise les différents organesconcer-nés par ce travail et
explicite
laterminologie
employée
dans cet article.
Au moyen de la
technique
des boutures de noeuds isolés(P
OUGET
,
1963 ; N
IGOND
,
1967 ; C
RABBE
,
1968 ; B
ARNOLA
,
1976 ; M
AUGET
,
1976a),
nous avonssuivi le comportement de 2
générations
successives debourgeons
del’année, depuis
leurapparition
à l’ais-selle des feuillesjusqu’au
moment de leurdébourre-ment au verger :
- les
bourgeons
apparus en 1980(= bourgeons
80) :
du 8septembre
1980 au 13 avril1981 ;
- les
bourgeons
apparus en 1981(= bourgeons
81) :
du 10juin
1981 au 26 avril 1982.De la même
façon,
nous avons évalué lescapacités
de débourrement des
bourgeons
latents sur bois d’unan du 21 avril 1981 au 26 avril 1982 : il
s’agissait
àl’exclusion de tout autre, de
bourgeons
1980 nondébourrés au 13 avril
1981 ;
enparticulier,
nousn’avons pas considéré le cas éventuel de
bourgeons
issus de néoformations.
Les pousses de l’année
préalablement
effeuillées etle bois d’un an
(fig.
1)
sontprélevés
sur les arbres àintervalle
régulier (tous
les 8 ou 15j).
Ils sontfrag-mentés en boutures de 8 cm de
longueur
intéressantrespectivement
leur tierssupérieur,
médian et basal. Ces boutures au nombre de50,
ne comportentqu’un
seul noeud
proche
de leur extrémité distale que l’onparaffine ;
leur baseplonge
dans de l’eau ordinaire.On
place
l’ensemble dans des enceintes climatisées :température
constante de 25°C,
jours longs
de 16 h.On note
régulièrement
les dates de débourrement dechaque bourgeon
ainsi conditionné : le délai moyen dedébourrement,
ouDMD,
exprimé
en heures de lapopulation
debourgeons
constitue uneimage
de sacapacité
de croissance moyenne(MAUGET, 1976a).
Hormis ces
prélèvements
systématiques,
quelques
observations
ponctuelles
furent réalisées sur lesbour-geons latents du bois de 2 ans
(bois 79)
les 11 et25
septembre
1981,
le 4 décembre 1981 et le 19janvier
1982.Par
ailleurs,
au cours du mois de novembre1981,
nous avons examiné lecomportement
desbourgeons
latents 1980 sur boutures de noeud
placées
à20,
15 et12 °C : le sens de la
réponse
desbourgeons
soumis àces
températures
inférieures à 25 °Capporte
uneinformation
supplémentaire
quant à l’existence d’un éventuel état dormant(V
EGIS
,
1964).
III.
RÉSULTATS
A.
Comportement
desbourgeons
de l’année1. Ensemble de la
population (fig. 2)
En
1980-1981,
l’évolution du DMD est biencaracté-ristique
ducomportement
automno-hivernal desbour-geons
végétatifs
antérieurement décrit chez le noyer(M
AUGET
,
1976a, 1981, 1982,
1983) :
entrée endor-mance
rapide du
8septembre
au 27octobre,
levée de dormance àpartir
du 24novembre,
début de la post-dormance vers le 20décembre,
le DMD étant alors tombé à un niveaucompris
entre 500 et 600 h.La campagne d’observations de 1981-1982 confirme
ces résultats dans leurs
grandes
lignes :
la dormancemoins
profonde qu’en
1980(DMD
maximal de 1 750 hcontre 2
570)
finit de s’installerplus précocement
(12 octobre)
mais se lève un peuplus
tardivement. Les 2cinétiques
de dormance décrites ici montrentclairement l’existence de 2 maximums du DMD bien
distincts : l’un est situé au mois d’octobre et marque la fin de l’entrée en
dormance,
l’autre a lieu vers la fin du mois de novembre etprécède
immédiatement la levée de dormance.Les résultats de 1981
apportent
une informationsupplémentaire
sur lecomportement
estival desbour-geons, les
prélèvements
ayant
débuté dès le 10juin.
Jusqu’au
17août,
le DMD estpratiquement
constantet relativement élevé
puisque proche
de 500h ;
ilaug-mente ensuite
régulièrement
et atteint 900 h au 11sep-tembre,
datecorrespondant
à l’entréerapide
en dor-mance.2. Gradient de délai de débourrement le
long
durameau
(fig.
3 et4)
Pendant l’entrée en dormance et la
pleine
dormance(de
septembre
à débutdécembre),
lesbourgeons
del’année sur bouture de noeud isolé débourrent
d’autant
plus
rapidement
qu’ils
étaient enposition
d’apti-tude au débourrement est
aujourd’hui
reconnu chezde nombreuses
espèces ligneuses (C
R
A
B
BE, 1968 ;
CHAMPAGNAT et
al., 1971 ;
ARIAS &CRABBE, 1975 ;
BARNOLA,
1976).
Ils’estompe
au moment de la levéede dormance et fait
place
en cours depost-dormance :
- soit à
un
gradient
acrotoned’aptitude
audébourrement : c’est le cas en
1981,
cette situation adéjà
été décrite chez le noyer(M
AU
G
E
T,
1976a)
(fig.
3) ;
- soit à
une absence totale de
gradient :
c’est le cas en 1982(fig. 4).
B.
Comparaison
ducomportement
desbourgeons
latents 80 et desbourgeons
811. Au niveau des
populations (fig. 2)
Nous avons établi cette
comparaison
pour lapériode
du 10juin
1981 au 26 avril 1982.Les
cinétiques
d’évolution des 2populations
debourgeons
sont trèsparallèles
dans letemps :
enparti-culier,
lesphases
d’augmentation
ou de diminution duDMD ont lieu aux mêmes moments.
Cependant
2 faits méritent d’êtresignalés
immédia-tement :
- du 10
juin
à lafin de
décembre1981,
le DMDdes
bourgeons
latents esttoujours
bienplus
faible
quecelui des
bourgeons
de l’année si l’onexcepte
la date du 9 novembre : selon lapériode,
l’écart varie entre200 et 700 h. Par contre, de
janvier
1982jusqu’au
débourrement,
l’aptitude
au débourrement des 2caté-gories
debourgeons
estpratiquement
lamême ;
- la
période pendant laquelle
le DMD est maximalse caractérise chez les
bourgeons
latents par uneremarquable
stabilité de leuraptitude
audébourre-ment : leur délai moyen de débourrement évolue en
effet entre 950 et 1 100 h. Dans le même
temps
lesbourgeons
81 voient leur DMD se situer entre 900 et1 750 h :
l’amplitude
des fluctuations est telle que, le9
novembre,
lesbourgeons
81 débourrentplus
rapide-ment que les
bourgeons
latents(915
h contre 1075)
(fig.
2).
2. Cas des
bourgeons
latents du bois 79(tabl.
1)
Ces
bourgeons
latents,
portés
par le bois de 2 ans,bourgeons
80 ;
enparticulier,
leur DMD est trèsinfé-rieur à celui des
bourgeons
de l’année sauf en début depost-dormance (prélèvement
du 19janvier).
3.
Influence
de la localisation dubourgeon
latent sur sonaptitude
au débourrement(fig. 4!
Contrairement à ce
qui
est constaté pour les bour-geons del’année,
on nepeut
mettre en évidence aucungradient
d’aptitude
au débourrement desbourgeons
latents le
long
du bois d’un an et ceciquelle
que soitl’époque
considérée.IV. DISCUSSION
A. Existence d’un état inhibé et d’un état dormant
chez les
bourgeons
latents et lesbourgeons
de l’année1. Inhibitions par corrélation
Il est maintenant
classique
d’envisager
l’arbre entiercomme un ensemble
d’organes,
siège
d’interactionsmultiples
évolutives dans letemps,
que CHAMPAGNAT(1974) qualifie
decomplexes
de corrélations.En
particulier,
pendant
leprintemps
etl’été,
et cejusqu’à
lami-août,
bourgeons
de l’année etbourgeons
latents sont inhibés par la
présence
des organesvoi-sins. On
peut
distinguer :
- des influences à courte distance de la
part
dufeuillage,
dubourgeon terminal,
de laportion
d’axesusjacent
en cequi
concerne lesbourgeons
de l’année(CHAMPAGNAT,
1955 ; CRABBE, 1970 ; ARIAS, 1974 ;
MAUGET, 1976b ;
EL HA.IZEIN &NEVILLE,
1977) ;
- des influences à
plus longue
distance de la partdes pousses feuillées en croissance pour les
bourgeons
latents.
On met l’inhibition en évidence par
suppression
del’organe
ou du grouped’organes
supposé
responsa-ble : le
bourgeon
inhibé entre alors envégétation.
Cette
période
se caractérise par la constance du délaimoyen de débourrement. PERRET
(1982)
retrouve cerésultat sur les
bourgeons
de l’année de différentes variétés de noyer en travaillant nonplus
au niveau del’organe
isolé mais à celui de laplante
entière dans lesconditions du verger.
L’augmentation marquée
du DMD à la mi-aoûtcorrespond
au moment où des traitements destinés à lever l’inhibition desbourgeons
etpratiqués
surl’arbre entier ne sont
plus
suivis deréponses
apparen-tes
(MAUGET,
1976b ; FAVIER,
1978) :
seules lesbou-tures de noeuds isolés permettent alors de révéler des modifications d’état des
bourgeons
induites par desablations
d’organes,
feuilles parexemple (MAUGET,
1978).
Il y a encore inhibition corrélative mais sonimportance
diminue alors que la dormance s’installeprogressivement.
2.
Caractéristiques de
la dormance desbourgeons
latents
Nous avons
souligné
leparallélisme
de l’évolutiondans le
temps
del’aptitude
au débourrement desbour-geons latents et des
bourgeons
de l’année : de cefait,
nous pouvons
envisager
pour lesbourgeons
latentsl’existence d’une succession de
phases correspondant
àdes états
biologiques
distincts,
analogues
à celles que nous avons identifiées chez lesbourgeons
de l’année(M
AUGET
,
1981,
1983).
La reconnaissance de cespha-ses avait été alors réalisée en
analysant
lesréponses
des
bourgeons
àl’application
detempératures
diffé-rentes : il faudrait conduire une étude
analogue
sur lesbourgeons
latents pour conclure avec certitude que cesderniers sont le
siège
d’une dormance.Cependant,
nous avons pu vérifier que des
bourgeons latents,
pré-levés en novembre 1981 et
placés
à20,
15 et 12°C,
sont, dans ces
conditions, inaptes
au débourrementtout comme des
bourgeons
de l’année soumis à cesmêmes
températures :
cetteincapacité
de croissance àtempérature
inférieure à 25 °C serait l’indice del’exis-tence d’une véritable dormance selon la définition
qu’en
donne VEGIS(1964).
Cette dormance est faible
comparée
à celle desbourgeons
de l’année et, encela,
lecomportement
desbourgeons
latents du noyer ressemblebeaucoup
àcelui des
bourgeons
de souche dejeunes
frênes,
detil-leuls et de noisetiers
(BARNOLA, 1976).
Cette observation n’est pas
surprenante
si l’onadmet
l’hypothèse
de CHAMPAGNAT(1973)
selonlaquelle
le niveau de dormance serait directementfonction de celui des inhibitions corrélatives estivales :
pendant l’été,
lesbourgeons
latents connaissent unemoins
grande
inertie que les axillaires des poussesfeuillées,
cette différencepouvant
être due à lapré-sence des feuilles axillantes dont l’action inhibitrice a
été maintes fois
évoquée (CHAMPAGNAT,
1955 ;
C
R
AB
B
E,
1970 ; MAUGET,
1976b).
3. Post-dormance et installation de corrélations Si nous
poursuivons
le raisonnement ébauchéprécé-demment,
nous pouvons admettre que lapost-dormance commence au début de
janvier
aussi bien pour lesbourgeons
latents que pour lesbourgeons
del’année : ces 2
catégories
debourgeons
sont alors dansun état très
voisin,
du moins en bouture de noeud isoléet, durant toute la
post-dormance,
l’écart entre les DMD nedépassera
jamais quelques
dizaines d’heures.Cependant,
auprintemps, plus
de 80 p. 100 des débourrements observés sur des arbres de «Fran-quette
» sont laconséquence
dudéveloppement
desbourgeons
de l’année(FAVIER, 1978) :
il est doncpro-bable que des corrélations à relativement
longue
dis-tance se sont installées entre l’ensemble des rameaux
de l’année et le bois
plus âgé
aboutissant à lanon-expression
despotentialités
de croissance desbour-geons latents. Des travaux antérieurs nous avaient
déjà
conduit à penser que lapost-dormance
secarac-térisait par
l’apparition
de relations d’inhibitionplus
ou moins
intenses,
selon les conditions demilieu,
entre les
bourgeons
d’un même rameau d’un an(MAUGET, 1983).
B.
Conséquences
morphogènes
des divers états d’inhi-bition desbourgeons
latents et desbourgeons
del’année
1. Période estivale
Les
bourgeons
latents isolésprésentent
une vitessede débourrement environ 2 fois
plus grande
que cellele fait que,
après décapitation
d’une pousse annuelleen
élongation,
lesbourgeons
latents du bois d’un ansous-jacent
sont souvent lespremiers
àréagir
alorsque les axillaires de la pousse
décapitée
évoluent beau-coupplus
lentement.2. Période automno-hivernale
Le
décalage
observé entre le niveau de dormancedes
bourgeons
latents situés sur le bois d’un an ouplus
et celui desbourgeons
de l’annéesuggère
que sil’on
place
l’arbre dans des conditions detempérature
suffisamment élevées il y ait débourrementpréférentiel
des
bourgeons
latents moins dormants. C’est ce quel’on constate sur des noyers introduits en octobre ou
novembre sous une serre dont la
température
estcons-tamment maintenue au-dessus de 15 °C
(fig. 5) :
leursbourgeons
de l’année entrent envégétation
tardive-ment
(mois
dejuin)
et defaçon
erratique (MAUGET,
1983)
mais,
plusieurs
semainesauparavant,
cesdébourrements sont
précédés
de l’entrée en activitédes
bourgeons
latents sur bois d’un an ouplus :
ils évoluent ensuite en pousseslongues d’apparence
nor-male. Ces pousses sont localisées aussi bien en
posi-tion
proximale
que distale sur le vieux boisqui,
de cepoint
de vue, se révèle bien moins hiérarchisé que les rameaux de l’année : on est tenté derapprocher
cefait de l’absence de
gradient
de dormance lelong
du bois d’un an ; toutbourgeon
latentpossède
pratique-ment la même
aptitude
au débourrement. Il en résulte unaspect
désordonné de la structure de l’arbre quel’on
peut
opposer à lamorphologie
issue de la crois-sance desbourgeons
de l’année.Dans le cas de ces
derniers,
les boutures de noeudsisolés révèlent l’existence de
gradients
dedébourre-ment très
marqués
lelong
des rameaux d’un an :gra-dient basitone
pendant
l’entrée en dormance et lador-mance,
gradient
acrotone ou absence degradient
enpost-dormance.
La reconnaissance des relations entreles
gradients
de dormance et le mode de ramificationdu rameau d’un an constitue
aujourd’hui
unepiste
derecherche intéressante d’autant
plus
que descorréla-tions ont
déjà
pu être trouvées entre ledegré
d’acroto-nie et l’intensité desgradients
de débourrement enpost-dormance (M
AU
G
ET
,
1977).
A un autre
niveau,
il ne semble pas existerpendant
la
période
de dormanceprofonde
de liaisonscorrélati-ves très fortes entre rameaux de l’année et vieux bois : le comportement des noyers rentrés sous serre en
novembre montre que la
présence
des rameaux del’année n’entrave pas le
développement
desbourgeons
latents. Il n’en est
plus
de même enpost-dormance :
lorsque
l’onplace
des arbres sous la serre chauffée enjanvier,
seuls lesbourgeons
de l’année entrent envégétation
alorsqu’à
cetteépoque
leuraptitude
audébourrement est encore
légèrement
inférieure à celledes
bourgeons
latents(fig. 5).
Au moment de la
reprise
d’activitéprintanière,
lecomplexe
corrélatif rameaux d’un an — vieux boismanifeste une
fragilité
apparente
puisque
des bour-geons latents sontcapables
de débourrerspontané-ment sur l’arbre entier
(FAVIER, 1978). Cependant
cesdébourrements ne donnent
pratiquement jamais
nais-sance à des pousses
vigoureuses,
cequi
tend à prouver que larupture
de corrélation n’est que de courtedurée : les nouvelles pousses feuillées établissent très
vite leur contrôle sur les
parties plus âgées
duvégétal.
3. Schématisation des
rapports
entre activité desbour-geons et
élaboration de laforme
de l’arbre(fig. 6)
La forme de l’arbre
dépend
en définitive del’expression
despotentialités
de croissance de chacun de sesbourgeons
à un moment donné. Cetteaptitude
à la croissance est la résultante :- des
potentialités
de croissanceintrinsèques (Pi)
desbourgeons
révélées par les boutures de noeudsiso-lés ;
- des inhibitions
(I)
qui répriment plus
ou moinsl’expression
de cespotentialités intrinsèques ;
ellessont fonction de
paramètres
essentiellementbiologi-ques :
voisinage plus
ou moinsproche d’organes
ou groupesd’organes (bourgeons, feuillage,
axe,ensem-ble de
jeunes pousses).
On les met en évidence enétu-diant le
comportement
desbourgeons
sur rameauentier et sur la
plante
entière parcomparaison
avec lesboutures de noeuds
isolés,
mais actuellement on nepossède
aucun moyen de lesquantifier.
La
figure
6 rassemble les informations recueillies etles
hypothèses
permettant
d’élaborer un schéma cohé-rent d’édification de la structure de l’arbre.Les
propriétés
desbourgeons
de l’année et desbourgeons
latents ainsi que les inhibitionsauxquelles
ils sont soumis font
l’objet
desfigures .6a,
6b et 6c : 6a. Evolution de Pi enfonction
de latempérature
et de la
position
dubourgeon
sur l’axe pour lapériode
automnale
(dormance),
d’une part, et lapériode
hiver-printemps
(post-dormance),
d’autrepart.
Laconstruction de la courbe de variation de Pi avec la
température
tient compte des résultats obtenus sur noyer pour lesbourgeons
de l’année(MAUGET,
nonpublié).
Dans le cas desbourgeons
latents,
noussup-posons que le
décalage (dormance)
ou l’absence dedécalage (post-dormance)
par rapport auxbourgeons
de l’année constaté à 25 °C se maintient sur toute la
gamme de
température envisagée.
6b. Evolution dans le
temps
de Pi évaluées à 25 °C 6c. Variation avec le temps des inhibitions I subiesrespectivement
par lesbourgeons
de l’année et par lesbourgeons
latents.L’impossibilité
déjà soulignée
dequantifier
1 confère à cette courbe un caractère assezthéorique.
Lareprésentation adoptée
cherche àillus-trer le passage de 1’« état » de
bourgeon
de l’année àcelui de
bourgeon
latent en excluant naturellement lafraction de la
population
debourgeons qui
sedéve-loppe
en pousses feuillées auprintemps :
pour cettesous-population,
on estime que ledegré
d’inhibitiontend à s’annuler alors
qu’il
se renforce chez les autresbourgeons.
La 2e
partie
de lafigure
6(fig.
6d et6e)
proposeune
interprétation
descomportements
observés auniveau d’arbres entiers dans certaines conditions
parti-culières en fonction des
paramètres
Pi et I :6d. Conditions naturelles
Pendant
l’automne,
l’ensemble desbourgeons
estdormant et
inapte
à la croissance àtempérature
fraî-che ou froide. Ce sont les conditionsthermiques
ren-contrées dans la nature à cette
époque
et, defait,
onn’observe aucune croissance sur l’arbre. Au début de
l’hiver,
la dormance est levée mais les bassestempéra-tures de
janvier
et février n’autorisent pas dedévelop-pement
notable desbourgeons.
Auprintemps,
lerelè-vement
progressif
destempératures
conduit audébourrement d’une
partie
de lapopulation
desbour-geons de l’année et de
quelques bourgeons latents,
ce que nous avonsreprésenté
par unebrusque
augmenta-tion de
l’expression
de leurscapacités
de croissance. Les autresbourgeons
sontbloqués
par les relationsd’inhibition
qui
se sont installéespendant
lapost-dormance et
qui
se renforceront au cours de l’été :aucune
expression
ultérieure de Pi n’estpossible
jusqu’au printemps
suivant.Dans ce cas, la structuration de l’arbre est
due,
pour
l’essentiel,
à l’activité desbourgeons
del’année ;
il existe une hiérarchiemarquée
entre ces derniers(gradients
de débourrement lelong
des axes del’année,
cf.fig. 6a), qui
se traduit par la mise enplace
d’une structure bien
définie,
caractéristique
de lavariété.
6e. Diverses conditions
expérimentales
6e-l.
Forçage
thermique
d’arbresplacés
sous serrechauffée
à l’automneA cette
époque,
lesbourgeons
sontdormants,
leurspotentialités intrinsèques
de croissance sontfaibles ;
toutefois,
elles sontplus grandes
pour lesbourgeons
latents que pour lesbourgeons
de l’année. Latempé-rature de la serre
permet
alors unereprise
d’activité au niveau desbourgeons
latentsqui
ne subissentqu’une
inhibitionpratiquement négligeable
de lapart
des rameaux de l’année. Du fait de l’absence de
hié-rarchisation
spatiale
entrepoints
de croissance sur levieux
bois,
l’ensemble des pousses feuillées résultantde cette entrée en
végétation
confère à l’arbre unestructure
d’apparence
désordonnée.6e-2. Taille estivale et
effeuillaison
pratiquées
dans les conditions naturellesDe tels traitements ont pour
conséquence
unerup-ture des corrélations
physiologiques
aussi bien auniveau des
bourgeons
de l’année que des latents :ceux-ci
possédant
descapacités
de croissanceplus
grandes,
sont lespremiers
à entrer envégétation
sansentraver pour autant le
développement
ultérieur desbourgeons
de l’année situés enposition
distale sur les pousses concernées par les traitements de taille etd’effeuillaison. Cet ensemble de réactions contribue à
perturber
l’architecture de l’arbre.V. CONCLUSION
Chez le cultivar de noyer «
Franquette
», lesbour-geons
qui
ne sedéveloppent
pas lors du débourrementprintanier
demeurent à l’état latent. Ils conservent de fortespotentialités
de croissanceréprimées
par descorrélations
agissant
à l’échelle del’arbre ;
ilssubis-sent des dormances de bien moindre intensité que celle
qu’ils
connaissent l’année de leurapparition.
Les résultats obtenus par BARNOLA(1976)
surfrêne,
til-leul et noisetier montrent
qu’il
est sans doutepossible
de
généraliser
ce comportement à de nombreusesautres
espèces ligneuses feuillues,
fruitières ou fores-tières.Lorsque
des contraintesd’origine mécanique
(taille
par
exemple)
ouclimatique (certaines
gammesthermi-ques) pèsent
sur lesbourgeons
del’année, qui
sontnormalement à
l’origine
de lapopulation
des poussesfeuillées,
lesbourgeons
latents prennent alorsfacile-ment le relais. Chez certains cultivars de noyer
nord-américains,
lesbourgeons
latents débourrentsponta-nément
plus fréquemment
que chez «Franquette
» etévoluent en rameaux
vigoureux qui participent
forte-ment à la mise en
place
de lacharpente
de l’arbre(GERMAIN,
comm. pers.,1982).
LESPINASSE(1977)
aconstaté l’existence de comportements
identiques
chez lepommier.
On ne sait pas si cette contributionplus
importante
desbourgeons
latents est laconséquence
depotentialités
de croissanceintrinsèques plus
grandes
ou
simplement
d’une moindre inhibition de la part desjeunes
pousses enélongation.
Au
plan morphogénétique,
le fait que lescapacités
de débourrement des
bourgeons
latents nedépendent
pas de leur situationplus
ou moinsproximale
ou dis-tale sur l’arbrepourrait expliquer
enpartie qu’il
nesoit
guère possible
deprévoir
les sitesd’apparition
despousses
qui
en sont issues : un noyer que l’on force àse
développer
préférentiellement
àpartir
de ses bour-geons latents n’aplus
la silhouette d’un noyer. Al’inverse,
une hiérarchie depréséances beaucoup
plus
stricte lelong
des rameaux de l’année conduit aumodèle de ramification
caractéristique
del’espèce
oude la variété.
D’autres
expériences
seront nécessaires pour :1 - mieux caractériser la
dormance des
bourgeons
latents,
notamment parl’analyse
de leurréponse
à l’action d’unlarge
éventail detempérature ;
2 - décrire les corrélations s’instaurant entre les
différentes
parties
del’arbre,
parexemple
au moyende tailles
supprimant
du boisd’âge
divers à différentes dates : on pourra alors évaluer lescapacités
decrois-sance des
bourgeons
latents restés surl’arbre,
aussibien en boutures de noeuds isolés que sur la
plante
entière,
et les comparer avec celles relevées sur desarbres non taillés.
Compte
tenu de la variabilité des niveaux dedor-mance
déjà
mise en évidence(M
AUGET
,
1982)
et de ladiversité
génotypique
des modèles architecturauxren-contrée chez
l’espèce
J.regia,
ilimportera
d’étendreces
investigations
à des cultivars autres que «Fran-quette » afin
d’esquisser
unegénéralisation
des méca-nismesexplicatifs qui
pourront êtreproposés.
Reçu le 6 octobre 1983.
Accepté le 8 février 1984.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Arias O., 1974. L’évolution physiologique des bourgeons de cerisier
(Prunus avium L., cv F 12/I ) et ses relations avec leurs potentialités morphogènes. Thèse Doct. Sci. Agron., Gembloux, 193 p. Arias O., Crabbe J., 1975. Les gradients morphogénétiques du
rameau d’un an des végétaux ligneux en repos apparent. Physiol.
vég., 13, 69-81.
Barnola P., 1976. Recherches sur la dormance et la morphogenèse
de quelques espèces ligneuses buissonnantes. Thèse Doct. Etat,
Univ. Clermont-Ferrand, 153 p.
Champagnat P., 1955. Les corrélations entre feuilles et bourgeons
sur la pousse herbacée du lilas. Rev. Gén. Bot., 62, 325-372.
Champagnat P., 1973. Quelques aspects des dormances chez les
végétaux. Bull. Groupe Etude des Rythmes Biologiques, 4, 47-59.
Champagnat P., 1974. Introduction à l’étude des complexes de
cor-rélations. Rev. Cytol. Biol. l!ég., 37, 175-208.
Champagnat P., Barnola P., Lavarenne S., 1971. Premières recher-ches sur le déterminisme de l’acrotonie des végétaux ligneux. Ann. Sci. For., 28, 5-24.
Crabbe J., 1968. Evolution annuelle de la capacité intrinsèque de
débourrement des bourgeons successifs de la pousse de l’année, chez
le pommier et le poirier. Bull. Soc. R. Bot. Belg., 101, 195-204. Crabbe J., 1970. Influences foliaires sur la croissance de la pousse
annuelle du pommier. III. Effets de la suppression de jeunes feuilles
sur la levée d’inhibition et le développement des bourgeons
axillai-res. Bull. Rech. Agron. Gembloux, N.S., 5, 133-151.
Edelin C., 1977. Images de l’architecture des Conifères. Thèse
Doct. 3eCycle, Univ. Montpellier, 255 p.
El Hajzein B., Neville P., 1977. Morphogenèse chez Gleditsia
tria-canthos L. Xi. Etude sur le sens et l’intensité de l’influence
inhibi-trice des jeunes feuilles dans la dominance apicale. Rev. Gén.
Bot., 84, 225-239.
Favier J. F., 1978. Corrélations de croissance chez le noyer.
Mémoire Fin d’Etudes, ENITA, Bordeaux, 55 p. + fig.
Halle F., Oldeman R. A. A., Tomlinson P. B., 1978. Tropical trees
and forests - An architectural analysis. Springer-Verlag, Berlin,
441 p.
Lespinasse J. M., 1977. La conduite du pommier. Types de
fructifi-cation, incidence sur la conduite de l’arbre. LN.V.U.F.L.E.C. éd.,
Paris, 80 p.
Mauget J. C., 1976a. Sur la dormance des bourgeons végétatifs du noyer (Juglans regia L.). C.R. Acad. Sci. Paris, Sér. D, 283,
499-502.
Mauget J. C., 1976b. Croissance et ramification de la pousse de l’année de jeunes noyers (Juglans regia L.). Physiol. Vég., 14, 215-232.
Mauget J. C., 1977. Dormance des bourgeons végétatifs de noyers
(Juglans regia L.) cultivés sous différentes conditions climatiques.
C.R. Acad. Sci. Paris, Sér. D., 284, 2351-2354.
Mauget J. C., 1978. Influence d’une ablation totale du feuillage sur
l’entrée en dormance des bourgeons du noyer (Juglans regia L.).
C.R. Acad. Sci. Paris, Sér. D., 286, 745-748.
Mauget J. C., 1981. Modification des capacités de croissance des
bourgeons du noyer (Juglans regia L.) par application d’une
tempé-rature de 4 °C à différents moments de leur période de repos appa-rent. C.R. Acad. Sci. Paris, Sér. III, 292, 1081-1084.
Mauget J. C., 1982. Relation entre dormance et précocité de
débourrement des bourgeons du noyer (Juglans regia L.) : influence
du génotype et du milieu. 2eCoil. sur les Recherches fruitières,
Bor-deaux, INRA, CTIFL, 95-106.
Mauget J. C., 1983. Etude de la levée de dormance et du
débourre-ment des bourgeons de noyers (Juglans regia L., cv « Franquette »)
soumis à des températures supérieures à 15 °C au cours de leur
période de repos apparent. Agronomie, 3, 745-750.
Nigond J., 1967. Recherches sur la dormance des bourgeons de la
vigne. Thèse Doct. Etat, Univ. Paris XI, 170 p.
Oideman R. A. A., 1972. L’architecture de la forêt guyanaise. Thèse Doct. Etat, Univ. Montpellier, 247 p.
Perret F., 1982. Evolutions des capacités de croissance estivales des
bourgeons du noyer: comparaison intervariétale. Mémoire Fin
d’Etudes, ENITH, Angers, 43 p.
Pouget R., 1963. Recherches physiologiques sur le repos de la vigne (Vitis vinifera L.) : la dormance des bourgeons et le mécanisme de
sa disparition. Ann. Amél. Plant., 13, 1-247.
Tomlinson P. B., 1983. Tree architecture. Am. Sci., 71, 141-149.
Vegis A., 1964. Dormancy of higher plants. Annu. Rev. Plant