REVUE MÉDICALE SUISSE
WWW.REVMED.CH 18 mai 2016
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Le type de stent actif doit être adapté aux profils des patients
MICHAEL BALAVOINE Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 1000-1
Le stent. Voilà bien un domaine que l’on pensait inamovible. Eh bien non. Là aussi, comme un peu partout en méde- cine, les connaissances et les techni ques deviennent de plus en plus spécifiques et les choix complexes. Le point avec le Dr Philip Urban, cardiologue à l’Hôpital de la Tour et premier auteur d’un ar- ticle sur un stent sans polymère paru le 14 octobre dernier dans le New England Journal of Medicine.1
Commençons par un peu d’histoire…
Comment et pourquoi les stents sont-ils apparus ?
En fait, c’est une histoire suisse, au moins en partie. En 1977 à Zurich, Andreas Gruentzig a introduit l’angioplastie par ballon. Avec le temps, deux inconvénients sont apparus. D’une part, on observait une resténose. Après quelques mois, les artères rétrécissaient à nouveau. D’autre part, il y avait de nombreux cas dans lesquels l’ar
tère concernée réagissait mal et se bou
chait dans les heures qui suivaient l’opéra
tion. Les stents ont été introduits dix ans plus tard, par Ulrich Sigwart à Lausanne et Jacques Puel à Toulouse. Ils ont permis de réduire les risques de resténose et de pré
venir l’occlusion subaiguë qui était fré
quente avec les ballons.
La technique s’est ensuite complexifiée avec la possibilité d’avoir des stents en- robés en plus des stents « nus ». Quels sont leurs avantages ?
On a effectivement depuis les années 2000 des stents actifs qui offrent non seulement un support mécanique à l’artère mais qui ont également à leur surface un polymère, donc du plastique, qui contient un médi
cament antiprolifératif. Ce polymère libère le médicament durant une période de plu
sieurs mois. Ce type de stent a comme avantage de réduire le risque de rétrécis
sement de l’artère qui est de 20 à 25 % avec les stents nus. Toutefois, il y a un prix à payer. Avec cette technique, l’artère cica
trise plus lentement qu’avec un stent nu et le patient doit prendre une combinaison de médicaments antithrombotiques pen
dant plusieurs mois pour éviter la forma
tion d’un caillot de sang dans le stent.
Ces stents enrobés ne sont donc pas adé- quats pour un patient qui a un risque hémorragique élevé ?
Exactement. Si le risque hémorragique est élevé, le patient ne pourra pas prendre de médicament antithrombotique et des com
plications sévères peuvent apparaître. Pour ce type de patients nous avons donc testé un stent sans polymère. La
surface a été modifiée (micro
structurée), ce qui permet de libérer le médicament sur une période d’un mois plutôt que sur une période plus longue de trois, quatre ou six mois. Le résultat de notre étude mon
tre qu’un stent sans polymère associé à un traitement anti
throm bo tique bref a de meilleurs résultats qu’un stent nu. En fait, pour les patients avec un risque hémorragique élevé, les ré
sultats de la pose de ce type de stent sem
blent identiques à ceux d’un stent enrobé classique mais sans les complications qu’une antiagrégation plaquettaire prolon gée peut
provoquer. Et le nombre de ces patients est assez important : à peu près 20 % de ceux qui subissent une intervention, ce qui n’est pas rien.
Ce nouveau type de stent va-t-il coûter plus cher ?
Il est plus compliqué à construire et va pro
bablement coûter plus cher. Mais au final, il permettra d’éviter de nombreuses com
plications, donc sur le long terme c’est rentable aussi pour le système de santé.
Vous avez opté pour un stent sans polymère. D’au tres tes- tent des stents bio résor ba- bles. Pourquoi et pour qui ? Même s’il n’a pas encore fait ses preuves, le concept du stent biorésorbable est atti
rant. Après deux à trois ans, ce type de stent a complètement disparu de l’artère.
Ce qui pourrait être un avantage pour évi
ter les complications vasculaires tardives.
Cette technique nécessite par contre une anti agrégation plaquettaire prolongée. Elle est donc adap tée pour des patients plutôt
LEs stENts sANs
pOLyMèrE sONt AdAptés pOur LEs pAtIENts quI
ONt uN rIsquE HéMOrrAgIquE
éLEVé
fig 1 pose d’un stent sans polymère
Homme de 67 ans, angor instable deux semaines après une importante hémorragie digestive haute, traitée par transfusions sanguines et inhibiteurs de la pompe à protons (IPP).
A. Lésion serrée de l’IVA (artère interventriculaire antérieure proximale) ; B. résultat après pose d’un stent sans polymère.
Ensuite : aspirine et clopidogrel pendant 1 mois, puis clopidogrel seul au long cours.
A B
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interview
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jeu nes qui peu vent prendre des antiagré
gants. Le stent résorbable pourrait être dans ces cas précis avantageux, car ces pro
fils de patients ont souvent une vingtaine d’années de maladie coronarienne devant
eux. Ne pas avoir les artères pleines d’im
plants qu’on ne peut plus enlever pourrait être un avantage pour traiter des événe
ments tardifs où la présence de nombreux stents pourrait parfois s’avérer probléma
tique. Mais c’est une approche qui n’est encore ni prouvée ni suffisamment testée.
Il s’agit donc pour l’heure d’hypothèses.
Le médecin traitant va-t-il s’y retrouver dans ces options thérapeutiques qui de- viennent de plus en plus variées ? Les guidelines sont effectivement en train de se complexifier. Avant, c’était le fameux
« one size fits all ». Aujourd’hui, on remar que que, parmi les stents actifs, certains sont plus adaptés pour des profils de patients bien précis. Il y a de plus en plus de don
nées dans la littérature pour recommander de trouver le bon équilibre entre throm
bose et risque hémorragique. Pour l’ins
tant, c’est encore assez simple. Lorsque le risque hémorragique est bas à modéré, on
donne un antiagrégant pendant assez long
temps après la pose d’un stent actif. Quand le risque hémorragique est élevé, il faut utiliser un autre stent, probablement celui sans polymère que nous avons étudié. Mais ce n’est que le début de la spécialisation.
Les durées de traitement vont notamment s’affiner. On se dirige vers des prises en charge « à la carte ». Et finalement, comme c’est un peu partout le cas en médecine, la pose d’un stent va devenir, elle aussi, per
sonnalisable.
MICHAEL BALAVOINE Médecine et Hygiène 46, chemin de la Mousse 1225 Chêne-Bourg
michael.balavoine@medhyg.ch
1 Etude multicentrique (68 centres et 2400 patients) à lire : Urban P, et al. Polymer-free drug-coated coronary stents in patients at high bleeding risk. N Engl J Med 2015;373:2038-47.
fig 2 stent sans polymère avec surface abluminale
microstructurée
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