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Pouvoirs locaux et structures étatiques: concurrence et coopération entre collectivités infra-étatiques

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Pouvoirs locaux et structures étatiques: concurrence et coopération entre collectivités infra-étatiques

LEVRAT, Nicolas

LEVRAT, Nicolas. Pouvoirs locaux et structures étatiques: concurrence et coopération entre collectivités infra-étatiques. Cahiers français , 1994, no. 268

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:38007

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Les régimes politiques européens en perspective Cahiers Français no 268 Pouvoirs locaux et structures étatiques

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Pouvoirs locaux et structures étatiques Concurrence

et coopération entre

collectivités infra-étatiques

L'émergence de pouvoirs locaux et régionaux constitUe l'un des

développements institutionnels marquant de l'évolution politique contemporaine de l'Europe. Prolongeant ainsi la réflexion d'Alain Delcamp sur la diversification des structures étatiques autour des phénomènes de la décentralisation, de l'autonomisation et de la régionalisation, Nicolas Levrat analyse ici les nouvelles formules de coopération qui se sont mises en place afin de pallier certaines rigidités dont témoigne aujourd'hui la gestion rationnelle de la chose publique en Europe.

Distinguant les mécanismes qui

s'établissent au sein d'un ordre juridique national de ceux qui concernent la coopération entre collectivités infra- étatiques de différents États, Nicolas Levrat souligne toute la variété des solutions élaborées en tentant d'établir une véritable typologie traduisant la souplesse de ces formes institutionnelles et propose ainsi une sorte de négatif de la photographie de l'organisation des

pouvoirs infra-étatiques en Europe.

C.F.

Il est révélateur qu'un ouvrage consacré aux régimes politiques en Europe en cette fin de xx• siè- cle, parallèlement à une partie centrée sur le fonc-

tionnement des institutions qui examine les trois ordres de pouvoirs que l'on connaît traditionnelle- ment - législatif, exécutif et judiciaire - consacre une partie séparée aux institutions du pouvoir infra-étatique. Cela constitue la reconnaissance de l'émergence de pouvoirs locaux et régionaux (1), qui est 1 'un des développements institutionnels marquants de l'évolution européenne contempo- raine. Cette tendance peut être expliquée par de nombreux facteurs organisationnels - tels que la complexité toujours croissante des tâches relevant de la compétence des autorités publiques, qui rend impossible le maintien d'une gestion centralisée de l'ensemble des fonctions étatiques- ou politiques, qui se matérialisent dans le désir croissant des citoyens d'être associés à la gestion de la chose publique. Ainsi des r~gles sur la répartition du pouvoir au sein d'un Etat démocratique ont-elles été imaginées, développées puis codifiées, dans différentes législations nationales ainsi que par la Charte européenne de l'autonomie locale au plan européen (2) ; le principe directeur de cette distri- bution du pouvoir serait le principe de subsidiarité.

Mais la décentralisation, autonomisation, régiona- lisation - les termes sont multiples pour décrire une réalité fort semblable - du pouvoir a égale- ment induit de nouvelles limites dans la gestion rationnelle de la res pub/ica. Les nombreux pou- voirs ainsi créés ne sont pas la panacée permettant de gérer toutes les questions relevant de la compé- tence des pouvoirs publics. Les réalités évoluent et les structures se retrouvent toujours en déséquilibre par rapport aux besoins et aux aspirations stes citoyens. Certes, le credo des partisans de l'Etat néo-libéral peut laisser croire que la concurrence qui s'instaure inévitablement entre des centres de pouvoir multipliés - le monopole étatique brisé, des pouvoirs locaux ou régionaux se trouvent pla- cés en situation de concurrence - développerait des solutions originales, plus adaptées et rationnelles sur le plan économique, permettant de mieux faire face aux évolutions des besoins. Cette idée n'est probablement pas dénuée de fondement, et nous verrons même des cas où la pratique reconnaît expressément la légitimité d'une telle concurrence.

Mais il existe aussi des problèmes dont la résolu- tion implique l'existence d'un niveau patticulier de traitement, qui ne correspond à aucune structure de

(1) 11 s'agit d'une terminologie standard, retenue par le Conseil de l'Europe notamment. Elle n'implique cependant pas que tous les pays européens ne possèdent que deux niveaux de pouvoirs itûra- étatiques, ni que les niveaux existants dans différents États euro- péens peuvent être classifiés dans des catégories homogènes. Par commodité cependant, nous utiliserons fréquemment cette distinc- tion communément acceptée.

(2) La Charte européenne de l'autonomie locale est une Convention élaborée au sein du Conseil de l'Europe (Convention 125 de la Séiie des traités européens) aujourd'hui ratifiée par les 15 États européens suivants : Allemagne, Autriche, Chypre, Danemark, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Liechstenstein, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suède, Turquie.

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pouvoir public ,existante. Il serait cettes possible d'imaginer un Etat dont les structures institution- nelles seraient en permanente évolution, s'adaptant aux types de questions à résoudre ; mais une telle conception se heurterait à l'idée de permanence et de stabilité que le principe même d 'institutionnali- sation véhicule. D'autre p,art, on imagine aisément les difficultés qu'un tel Etat présenterait pour ce qui est d'un contrôle démocratique d'institutions ainsi en mutation permanente.

La conception de formules de coopération, ponc- tuelles ou durables, à objectif clairement défini ou plus général, paraît par contre être une solution plus légère qui permet aux nombreux niveaux de pouvoirs existants de s'associer de façon souple, cotTespondante aux besoins, afin d'apporter une solution rationnelle aux enjeux de la gestion publique d'une société démocratique moderne.

Ainsi des mécanismes de coopération existent entre les différentes collectivités publiques infra- étatiques. Nous allons dans cette étude examiner la variété des solutions qui ont été développées, tentant d'élaborer une typologie utile. Il est cepen- dant difficile de donner à certains critères de classi- fication une prépondérance claire sur les autres, aucune hiérarchie n'existant entre des dichotomies qui se situent dans des ordres logiques différents.

Ainsi l'on peut distinguer entre les coopérations volontaires et les coopérations instituées obligatoi- rement, par la loi ; ou entre les coopérations visant un but unique et celles permettant de remplir de multiples fonctions, les coopérations basées sur le droit public de celles basées sur le droit privé, ou encore des formules qui ne regroupent que des col- lectivités de même niveau, par contraste avec des formules mixtes ou divers types de collectivités - voire d'autres types de personnes juridiques, publiques ou parfois privées - sont réunies. Mais on le comprend, ces critères de distinction peuvent être panachés selon bien des formules, et il n'est ainsi pas possible de parvenir à un ordonnance- ment logiquement structuré.

Une distinction pourtant fondamentale nous per- mettra d'ordonner notre classification, entre les mécanismes qui ne prennent corps que dans un ordre juridique étatique, et ceux plus nouveaux et plus complexes, qui concernent la coopération de collectivités infra-étatiques situées en des pays différents. Cette étude se limitera aux pays membres de 1 'Union européenne, auxquels nous avons ajouté les quatre pays candidats à 1 'adhésion au l" janvier 1995.

Pour ce qui est de la concurrence entre collectivités infra-étatiques, elle est moins facile à ord01mancer.

En effet, contrairement à la coopération qui s'ins- crit au sein de mécanismes qui en limitent les variétés possibles, la concunence peut prendre des formes multiples. Aussi ce ne sera pas une classifi- cation selon des types de concurrence différents, mais un aperçu des aires au sein desquelles des pouvoirs locaux, de même niveau ou de niveaux différents, se retrouvent principalement en situa- tion concurrentielle.

Concurrence, et coopération au sein de l'Etat

Le domaine privilégié de l'action des collectivités infra-étatiques reste bien entendu la sphère natio- nale. Ainsi logiquement, les occasions pour ces collectivités de se retrouver en situation de concur- rence ou réunies par un processus de coopération sont plus nombreuses. Nous avons, sommairement, distingué entre les situations qui concernent des collectivités de même niveau et celles qui, au contraire, impliquent une concutTence ou une coopération entre différents niveaux de pouvoir.

Les aires de concurrence

Nous verrons qu'à 1 'intérieur des structures éta- tiques, il existe une pluralité de domaines de concurrence entre collectivités de même niveau, alors que les collectivités de niveaux différents ne développent que peu d'interactions concurren- tielles. L'explication principale est sans aucun doute à chercher dans le fait que la plupart du temps, les compétences de chaque niveau de col- lectivités sont définies afin qu'une telle concur- rence n'ait pas à se produire. Ainsi les constitu- tionnalistes connaissent bien le concept des conflits de compétences, qui se tranchent en droit par les juridictions appropriées Uuridiction constitution-

nelle ou administrative, selon le rang des normes conduisant à un conflit positif (3) de compétences).

(3) Par opposition au conflit négatif de compétences, qui conduit à laisser une fonction inaccomplie, car aucun niveau d'administration ne se Je voit attribué. Ce type de conflit est généralement rapide- ment tranché prn· le législateur, alors que la résolution des conflits positifs est souvenllaissée au pouvoir judiciaire.

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Cette gestion par le judiciaire de ces conflits entre niveaux différents désamorce, grâce à la valeur de précédent qu'acquièrent les jugements des juridic- tions saisies, la concurrence dans les faits entre ces différents pouvoirs. La situation est tout autre entre les collectivités de même niveau.

Entre collectivités de même niveau

L'un des domaines évident de la concurrence, même s'il ne conduit souvent pas à une concur- rence ouverte, est le besoin pour les collectivités locales d'attirer des ressources. Ainsi les res- sources les plus directes proviennent de l'impôt perçu par une collectivité. Tous les États européens autorisent leurs collectivités locales, conformé- ment aux termes de la Charte européenne de 1 'autonomie locale, à acquérir une part de leurs moyens par le biais «de redevances et d'impôts dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi» (4). li est même des cas où il est permis pour ces collectivités de fixer 1 'assiette de l'impôt. Ainsi peut s'instaurer une véritable com- pétition entre collectivités de même niveau, qui cherchent à attirer sur leur territoire des opérateurs économiques en leur proposant des conditions fis- cales plus favorables que les collectivités de même niveau voisines. Ce principe du fédéralisme fiscal impose aux collectivités d'un niveau particulier cl' offrir des services de la meilleure qualité pos- sible au coût le plus économique. Cette compétiti- vité entre collectivités locales implique bien entendu que les personnes assujetties à l'impôt vont choisir de s'installer dans une collectivité locale principalement en raison des coûts de 1 'impôt ou du niveau de service, et non par exemple du cadre géographique ou d'attaches familiales. En conséquence, c'est surtout par rap- port à la fiscalité des personnes morales, beaucoup plus susceptibles de se relocaliser pour des raisons fiscales, que cette compétition peut être perçue.

Un autre moyen pour les collectivités infra-éta- tiques d'acquérir des ressources est de bénéficier·

de transferts de fonds étatiques. Ainsi chaque année un certain nqmbre de projets importants sont co financés par 1 'Etat et une commune ou une région. Il est fréquent que sur des projets dont l'importance dépasse le rayonnement d'une seule collectivité infra-étatique, par exemple la construc- tion d'un aéroport ou une ligne de TGV, des col- lectivités infra-étatiques se placent en situation de concurrence. Il est alors intéressant de relever qu'en pareille circonstance l'État souhaite privilé- gier pour ces investissements des structures de coopération par rapport à des collectivités tra- vaillant individuellement et que des conditions d'accès aux subventions étatiques plus favorables pour des collectivités groupées au sein d'une asso- ciation conduisent à l'établissement d'un tel méca- nisme de coopération. Ainsi pa:adoxalement dans une situation concurrentielle, l'Etat parvient à faci- liter la coopération entre collectivités.

Un autre domaine de concunence que la pratique de certains pays révèle concerne la fourniture des services. Ainsi par exemple en Norvège, il est pos- sible pour un comté d'acheter ou de vendre des services à d'autres comtés, principalement dans les domaines de la culture, de l'éducation et de la santé. De fait, ces collectivités se retrouvent en situation de concurrence économique directe, selon les lois du marché. Encore plus flagrante en ce sens, la situation pour ce qui conceme la foumiture de services publics sur la base de la loi de 1 'offre et de la demande au Royaume-Uni. Ainsi la loi de 1970 sur les biens et services des collectivités locales autorise une commune à répondre par l'intermédiaire de ses propres services publics à un appel d'offre lancé par une autre collectivité locale.

Entre collectivités de niveaux différents

Nous l'avons mentionné dans l'introduction de ce paragraphe, up.e telle concunence est fort limitée au sein de l'Etat. En effet, dans la mesure où les compétences de chaque niveau de collectivités sont clairement définies par la loi, il existe peu de domaines où ces différentes collectivités peuvent se retrouver en compétition directe. Ce n'est que lors des processus de révision législative concer- nant le pattage des compétences - il est dans la norme que l'intervalle entre de telles révi- sions importantes soit d'une dizaine d'années seu- lement- qu'une telle concunence peut se matéria- liser. Elle est alors souvent exprimée par 1 'intermédiaire d'associations nationales représen- tant les différents niveaux en compétition.

Les mécanismes de coopération

La brièveté de cette étude rend impossible une ana- lyse détaillée des nombreux mécanismes de coopé- ration qui existent au sein de chaque État. D'autant plus qu'une telle étude implique le plus souvent l'intelligence d'une grande part du droit public de chaque ordre juridique étatique. De même, le fait que les mécanismes de coopération sont pour une large mesure liés aux institutions de 1 'ordre juri- dique national rend impossible toute proposition de catégories européennes homogènes selon les- quelles nous pourrions décrire quelques méca- nismes de coopération types. Aussi avons nous choisi de privilégier une approche qui distingue différents modes de coopération.

Une analyse fonctionnelle aurait certes permis de déterminer des catégories exclusives les unes des autres, ce qui bien entendu aurait facilité la com- préhension. En revanche une telle classification aurait regroupé au sein de mêmes catégories des

(4) Charte européenne de l'autonomie locale, Article 9, para- graphe 3.

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mécanismes qui juridiquement possèdent des pro- priétés distinctes. Ainsi une catégorisation selon les modes de coopération nous a paru préférable.

Son inconvénient est de ne pas permettre une clas- sification aussi catégorique, et nous devrons exa- miner une succession de binômes antinomiques caractéristiques, qui peuvent ensuite se combiner de multiples manières pour produire les modes, de coopération particuliers existant au sein d'un Etat emopéen. Afin de ne pas rester dans des considéra- tions trop théoriques ou abstraites, nous illustre- rons ces différentes catégories par des exemples pris de la pratique des différents Etats européens.

Coopérations obligatoires

La règle, dans 1 'immense majorité des formes de coopération, est que les collectivités infra-étatiques initient leur coopération sur une ,base volontaire. Il existe cependant des cas où l'Etat peut imposer, pour l'exécution de certaines tâches particulières, la constitution de mécanismes de coopération obli- gatoire.

Tout d'abord il est des mécanismes qui prennent les mêmes formes et appellations que les méca- nismes volontaires, mais peuvent être instaurés par décision d'une autorité étatique « en cas de besoin » (5). Dans d'autres situations, une telle faculté est laissée à l'État dans des domaines spéci- fiques. Ainsi par exemple les « Associations de Communauté d'Intérêts» au Danemark ne peuvent être rendues obligatoires que dans le domaine des transports publics ou pour la gestion des déchets chimiques. De même en Suède où des associations obligatoires peuvent être exceptionnellement cons- tituées dans le domaine du logement, de la planifi- cation régionale ou pour les transports publics.

Un autre cas particulier d'association obligatoire, généralement instituée par une loi, concerne les grandes agglomérations, dont l'étendue géogra- phique couvre plusieurs collectivités infra-éta- tiques distinctes. Ainsi par exemple en France, quatre communautés urbaines (Bordeaux, Lille, Lyon, Strasbourg) ont été constituées autoritaire- ment par une loi de 1966. Relevons que la gestion des grandes villes par l'association obligatoire des collectivités locales qui les composent a connu des fortunes diverses en Europe, et que dans plusieurs cas de telles créations ont été ensuite supprimées par 1 'autorité qui les avait instituées (6). Une autre cause de suppression de ces mécanismes de coopé- ration est la fusion des différentes collectivités locales ainsi regroupées en une entité unique, comme ce fut par exemple le cas en Belgique avec 6 fédérations de communes créées en 1971 par la loi, et supprimées le 31 décembre 1976 en consé- quence d'un vaste processus de fusion de com- munes prenant effet au 1•' janvier 1977.

Ainsi on observe que ce mode de constitution auto- ritaire de mécanismes de coopération est générale- ment le résultat du constat par l'autorité supérieure de l'existence soit d'un dysfonctionnement des mécanismes de coopération volontaire dans cer- tains secteurs importants, soit de l'absence d'un

niveau de gouvernement particulier dont l'enver- gure correspondTait à l'aire de gestion de pro- blèmes spécifiques.

Coopérations aux fonctions déterminées par la loi

Il ne faut pas confondre cette qualification avec celle examinée au paragraphe précédent. Dans la plupart des cas en effet il s'agit de mécanismes de coopération que les collectivités infra-étatiques sont libres d'utiliser ou non, mais dont les fonc- tions sont soit définies précisément, soit restreintes par la loi. Dans de nombreux cas cependant, les associations ou syndicats de communes ou de col- lectivités régionales peuvent librement déterminer dans leur statuts les fonctions qu'ils souhaitent devoir accomplir. Pour ce qui est des mécanismes aux tâches déterminées de par la loi, on peut distin- guer trois catégories.

D'une part les mécanismes de coopération à fonction (ou vocation selon la terminologie du droit français) unique, tels par exemple que l'étaient obligatoirement les syndicats de com- munes français lors de leur création législative en 1890, et jusqu'en 1959, date à laquelle la loi les a autorisés à s'occuper d'objets multiples. En Alle- magne, les Zweckverband (unions administratives) sont en principe limitées à un objet unique, mais il leur est possible de remplir plusieurs fonctions, dans la mesure où celles-ci sont connexes. En Autriche par contre, la Constitution limite encore les syndicats intercommunaux à un but unique, sauf si par souci d'opportunité, une Joi leur permet de déroger à cette règle. Le ratio derrière cette exi- gence restrictive est de maintenir l'autonomie des communes, qui pourrait être mise en danger par une coopération conduisant à une trop grande inté- gration (7).

D'autre part, les mécanismes dont toutes les tâches sont définies de par la loi, comme c'est le cas en France pour les communautés urbaines ou les communautés de communes.

Enfin, on trouve une catégorie intermédiaire pour laquelle la loi fixe un certain nombre de fonctions minimales qui doivent être nécessairement accom- plies par ces mécanismes, mais à laquelle les col- lectivités partenaires sont libres de confier d'autres fonctions par l'intermédiaire des statuts. Ainsi en est-il par exemple des communautés de villes ou des syndicats de villes en France, qui doivent rem- plir quelques fonctions minimales mais peuvent

(5) Ce sont les termes utilisés par la loi britanique pour ce qui con- cerne la création d'un<< Joint board» obligatoire, alors qu'il s'agit le plus souvent d'une forme de coopération volontaire entre com- munes. La Constitution grecque prévoit la possibilité pour Je légis- lateur d'imposer la constitution d'association obligatoire, mais celui-ci n'a encore pas rait usage de cette possibilité.

(6) Ainsi les exemples malheureux des villes d'Amsterdam, Londres ou Rotterdam.

(7) Voir l'article 116(a) de la Constitution autrichienne, en parti- culier les paragraphes 1 et 2.

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·s'en adjoindre d'autres, ou également des syndi- cats « manocommunidades » en Espagne dont les tâches minimales sont fixées par un décret législa- tif du 18 avril 1986.

Mécanismes de coopération créant une personnalité juridique autonome

Certains mécanismes de coopération ne permettent pas la constitution d'une personnalité juridique indépendante de celle de leurs membres. Ainsi par exemple les Agences qui permettent à plusieurs municipalités en Allemagne de regrouper certains de leurs services sans pour autant créer une entité juridique distincte des membres ou encore le sys- tème de la « Lead authority » au Royaume-Uni, qui permet à une collectivité locale d'exercer une ou plusieurs tâches pour le compte d'une autre.

Il existe par contre des cas où une personnalité juridique autonome, distincte de celle des collecti- vités parties au mécanisme de coopération, est créée comme une résultante de ce mécanisme. Se pose alors la question du rattachement de cette nouvelle personne juridique au droit privé ou au droit public. Dans certains cas, Je choix est laissé aux partenaires de la coopération qui, selon les tâches qu'ils souhaitent accomplir par l'intermé- diaire de leur mécanisme de coopération, choisi- ront le droit privé ou le droit public ; ainsi par exemple les « intercommunales » en Belgique peu- vent être constituées selon Je droit public ou le droit privé. La règle penche cependant vers les associations de droit public, ce qui est logique dans la mesure où ces associations sont appelées à accomplir - à un niveau différent - certaines des fonctions publiques des collectivités qui les com- posent. Ainsi par exemple dans tous les pays qui connaissent les syndicats de commune, ceux-ci relèvent toujours du droit public.

Par contre, lorsque des collectivités publiques infra-étatiques s'associent, non pour accomplir une tâche (un service) publique mais par exemple pour défendre leurs intérêts par les moyens du droit privé, alors elles choisissent des mécanismes de droit privé, beaucoup plus souples que leurs vis-à- vis de droit public (8). Ainsi l'exemple le plus fla- grant est celui des associations nationales de pou- voirs locaux ou régionaux, qui sont toujours constituées selon le droit privé, même si dans cer- tains cas la loi leur reconnaît une fonction dans des procédures publiques (9).

Mécanismes de coopération possédant des ressources propres

En règle générale, les mécanismes de coopération ne sont pas dotés de la capacité de percevoir des ressources propres par un mécanisme de finance- ment public direct. Par contre, rien n'empêche les membres parties à un mécanisme de coopération institué de transférer des moyens permettant à celui-ci d'exercer ses fonctions. De même, dans la mesure où un organisme de coopération dispose d'une personnalité juridique, la plupart des activi-

tés du droit privé qui pourraient être rémunéra- trices lui sont ouvertes. Et sauf exceptions men- tionnées par la loi, il est également possible à de tels mécanismes possédant une personnalité juri- dique propre de recourir à l'emprunt comme moyen de financement.

Il est par contre quelques cas où il est spécifié que de tels mécanismes de coopération peuvent être autorisés à remplir de véritables fonctions fiscales, leur permettant ainsi de prélever des ressources propres selon les moyens qu'offre le droit public. Il en fut ainsi des agglomérations de communes en Belgique, et il en est encore ainsi des groupements de municipalités et communes en Grèce qui peu- vent bénéficier de taxes et de droits imposés en leur faveur (10).

Coopérations entre partenaires de différents niveaux

La coopération institutionnalisée s'effectue en général entre collectivités de même niveau, pour des raisons similaires à celles qui limitent la con- currence entre collectivités de différents niveaux, à savoir une répartition généralement claire des com- pétences. Il existe cependant quelques exceptions.

Ainsi au Danemark dans le domaine de l'emploi et des transports publics, il est possible pour les com- munes et les comtés de coopérer. En France, la constitution de syndicats mixtes paraît aisée, mais la pratique montre que c'est une formule peu usi- tée. Des cas de coopération plus étonnants encore sont ceux qui permettent de joindre dans un même organisme de coopération des partenaires publics et des partenaires privés. Cela est possible pour les intercommunales belges, ainsi qu'au sein de

« Consortiums » en Espagne, ou par le biais de sociétés mixtes en France.

Coopération de type local (régional) ou national

Une distinction existe le plus souvent en droit entre ces deux types de coopération, comme nous 1 'avons déjà relevé précédemment. Cette diffé- rence est généralement due à l'objet de la coopéra- tion qui est distinct ; les formules de coopération de type local ou régional visent à la réalisation en commun de services ou de fonctions de la collecti-

(8) Voir N. Levral, le paragraphe intitulé <<Distinction entre le droit public et le droit privé pour déterminer la capacité de choix du droit applicable >> pour une réflexion approfondie sur cette ques- tion, in Le droit applicable aux accords de coopération transfron- tière entre collectivités publiques infra-étatiques, PUF, Paris 1994, pp. 225-235.

(9) Ainsi par exemple en Finlande, l'Association nationale des pouvoirs locaux siège dans des commissions gouvernementales consultatives. En Suède, les associations nationales négocient avec l'État les niveaux de transferts de fonds publics qui seront inscrits au Budget national. Au Portugal, le Gouvernement est obligé par un diplôme légal à consulter l'Association nationale des municipa- lités portugaises, constituée selon le droit privé.

(10) Voir le document du Conseil de l'Europe, StrucTure el fonc- tionnement de la démocratie locale et régionale (Grèce), p. 19.

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vité publique, alors que les associations nationales possèdent généralement un but de représentation commune des intérêts des membres, en particulier dans les relations avec les organes étatiques natio- naux. Mais il existe quelques législations qui définissent ces différences. Ainsi en Suède, c'est la loi qui affirme que les associations locales sont de droit public (11), alors que les associations nationales sont, constituées selon le droit ptivé.

Dans certains Etats, les autorités étatiques ont la faculté de déterminer des aires géographiques que les mécanismes de coopération entre collectivités infra-étatiques ne peuvent pas transgresser. Tel est le cas en Grèce et, dans une certaine mesure, en Italie.

Pour ce qui est des associations nationales, il n'existe en général pas de règles relatives à leur constitution ; en conséquence elles s'organisent selon les mécanismes du droit privé. Notons une disposition intéressante de l'ordre juridique portu- gais qui prévoit que pour qu'une association de municipalités puisse être considérée comme une association nationale, elle doit regrouper au mini- mum 100 membres. La pratique tend cependant à la constitution d'une association unique au niveau national, pour chaque niveau de collectivité infra- étatique, ce qui permet de mieux défendre les inté- rêts des collectivités de ce niveau dans des négociations avec l'État que s'il existait des asso- ciations rivales.

En conclusion de ce paragraphe, on constate que ces différentes distinctions permettent de définir un grand nombre de mécanismes de coopération par panachage des différentes caractéristiques. Dans la mesure où les mécanismes de coopération se veu- lent être des mécanismes souples conçus pour répondre de la manière la plus adéquate à des besoins particuliers, il n'est guère surprenant de constater qu'ils ne peuvent être réduits à quelques catégories simple~ qui se retrouveraient de façon récurrente d'un Etat européen à l'autre. Il faut cependant noter que des traditions juridiques et des structures sociales comparables font que les méca- nismes de coopération sont souvent plus proches entre pays voisins - par exemple on peut relative- ment aisément dessiner les contours d'un modèle nordique de la coopération - qu'entre pays aux systèmes forts différents.

Concurrence et coopération sur la scène européenne

Il est relativement nouveau de considérer l'exis- tence et les actions des collectivités publiq.J.leS infra-étatiques au dehors de la sphère de leur Etat d'appartenance. En effet, les relations internatio- nales publiques ont longtemps été sonsidérées comme le domaine le plus réservé de l'Etat-Nation au sein desquelles il apparaissait inimaginable que

les pouvoirs locaux ou régionaux aient pu avoir

un~ ex~ste_nce l?ropre. Mais en Europe, c'est auJourd hUt prattque courante pour ces entités publiques de défendre leurs intérêts sur la scène internationale, et plus particulièrement européenne.

En effet, comme nous allons le voir, le développe- ment d'institutions européennes aux structures tou- jours plus complexes permet d'offrir des méca- nismes de représentation, de participation et de financement, directement à ces collectivités, sans qu'il leur soit besoin de faire représenter leurs inté- rêts par les canaux habi_tuels (le Ministère des Affaires étrangères) de l'Etat-Nation. Et sans sur- prise, l'on constate que dans cette nouvelle sphère d'activités, les collectivités infra-étatiques ont développé des pratiques de coopération et trouvé des terrains de concurrence.

Les mécanismes de coopération

Nous commencerons cette fois par la coopération, car il apparaîtra que la concurrence dans les rela- tions transnationales ne se situe que dans la pers- pective de mécanismes de coopération existants avec des institutions européennes. Très sommaire- ment, nous avons distingué quatre mécanismes de coopération transnationaux. Ceux-ci impliquent des formes juridiques de la coopération qui peu- vent se révéler particulièrement complexes, et la brièveté de cette étude ne permet de donner qu'un sommaire descriptif de ces mécanismes, sans per- mettre d'entrer dans les arcanes de leur fonctionne- ment (12).

(Il) Loi sur les associations de collectivités locales (1985:894).

( 12) Nous renvoyons Je lecteur pour une présentation plus com- plète et détaillée de ces mécanismes à notre ouvrage, Le droit applicable aux accords de coopération transfrontière entre collec- tivités publiques infra-étatiques, op. cil.

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Les associations internationales de pouvoirs locaux ou régionaux

Tout comme les associations nationales de pou- voirs locaux ayant vocation à défendre et à repré- senter les intérêts des collectivités qui en sont membres, ces associations ont des statuts de droit privé. Etant donné qu'il n'existe pas de statut d'association privée en droit international, c'est nécessairement selon un droit privé national que ces associations sont constituées. Trois associa- tions occupent principalement la scène euro- peenne.

Le Conseil des Communes et Régions d'Europe, la plus ancienne de ces associations a été créée en 1951 à Genève. C'est une association de droit fran- çais, qui compte aujow·d'hui quelque 100 000 mem- bres, réunis dans des associations nationales, dans 25 pays européens. En 1992, cette association s'est incorporée dans une association de pouvoirs locaux mondiale (International Union of Local Authori- ties) et en est devenue la branche européenne.

La Fédération Mondiale des Villes Jumelées n'est pas à proprement parler une association représentant tous les intérêts de certaines collecti-

Concurrence et coopération en Europe centrale et orientale

Contrairement à ce que pourraient laisser penser les appel- lations généralisatrices usuellement employées, la situation des institutions infra-étatiques dans les pays d'Europe cen- trale et orientale est loin d'être uniforme. Ainsi certains pays ont des collectivités locales de petite taille, comme la Répu- blique tchèque et la République slovaque, avec une moyenne de 1 BOO habitants par collectivité locale (1), alors que la Pologne cannait des communes qui ont en moyenne 15 500 habitants et la Bulgarie de grandes communes de plus de 35 000 habitants, toujours en moyenne. Certes ces statistiques ne doivent pas être prises au pied de la lettre, et elles dissimulent des disparités non négligeables dans chaque situation nationale ; cependant, elles montrent la nécessité de ne pas considérer ces pays comme présen- tant des caractéristiques institutionnelles uniformes.

Une coopération difficile

Une constante par contre est l'absence de niveau de pou- voir autonome à l'échelon régional dans tous ces pays - à l'exception notable du grand État fédéral qu'est la Fédé- ration de Russie, qui compte 88 " sujets de la Fédération "

(2), et dans une certaine mesure la Roumanie. Il existe certes partout une forme d'administration régionale, mais il s'agit toujours de formes déconcentrées d'administration de l'État. On trouve cependant souvent des conseils consulta- tifs élus au niveau régional, soit au suffrage direct- c'est le

vités infra-étatiques, mais uniquement leurs inté- rêts en tant que partenaires à des jumelages. C'est également une association de droit français.

Dernière née de ces grandes associations, l' Assem- blée des Régions d'Europe a vu le jour en 1985 à Louvain-La-Neuve, à l'initiative d'Edgar Faure, régionaliste convaincu. 11 s'agit d'une association de droit privé français dont le siège se trouve à Strasbourg (13). Outre des régions, l'ARE compte aussi parmi ses membres, des communautés de tra- vail transfrontalières. En ce sens, elle pounait éventuellement apparaître comme une tëdération au sein de laquelle se regrouperaient des orga- nismes issus de la coopération transfrontalière.

Le jumelage

Méthode ancienne de coopération déjà, le jume- lage sous sa forme traditionnelle est une formule

( 13) La proximité des institutions européennes, et notamment le Conseil de l'Europe, a certainement joué un rôle impm1ant dans le choix de cette implantation. Mais également important est le fait que le droit local alsacien des associations permet des formules juridiques plus souples que la loi de 1901.

cas des conseils de judet (3} en Roumanie, qui élisent ensuite leur Président - soit composés de membres dési- gnés par les organes élus des collectivités locales se trou- vant sur le territoire de la région, ainsi par exemple les petites diètes au sein des Voïvodies (4} où chaque com- mune est appelée à désigner deux représentants. L'on peut voir dans une telle procédure, prévue par la loi, une forme de coopération obligatoire institutionnalisée. Cependant les décisions de cette petite diète ne s'adressent pas aux com- munes qui y sont représentées, mais au Voïvode, le repré- sentant régional de l'État au niveau régional ; en consé- quence, il est difficile de considérer cela comme une coopération entre les communes el/es-mêmes.

Ce très bref survol montre en premier lieu qu'il n'y a guère de possibilités, à l'exception notable de la Roumanie où les judets constituent presque un second niveau de collectivi-

tés autonomes de concurrence ou de coopération entre col- lectivités de différents niveaux. Dans le cas de la Russie, les formes institutionnelles des pouvoirs locaux pourront être, conformément à la Constitution du 12 décembre 1993, définie par chaque sujet de la Fédération avec un grand niveau d'autonomie (5}. Cela revient à dire que pour l'ins- tant, la structure des collectivités locales n'est pas encore clairement définie, et que de ce fait, il est difficile pour de telles collectivités de songer à coopérer.

(1) Ce chiffre inclut les villes. La population moyenne au sein des communes rurales est donc encore beaucoup plus faible (environ 800 habitants). Source : Structure et fonctionnement de la démo- cratie locale et régionale, Conseil de l'Europe.

(2) Cette appellation recouvre des entités fort différentes les unes des autres. Ainsi l'on y trouve pêle-mêle, des Républiques autonomes, des Régions (classées entre grandes régions et petites régions), et deux villes (Moscou el St-Petersbourg).

(3) L'équivalent du département en Roumanie.

(4) Unité régionale en Pologne, il en existe à ce jour 49.

(5) Selon les articles 12, 72m, et 130 à 133 de la Constitution. La Fédération est cependant en train d'élaborer une loi fixant les prin- cipes généraux auxquels devront se conformer les sujets de la Fédération pour l'élaboration de leurs structures institutionnelles.

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qui n'implique pas de véritables engagements juri- diques de la part des collectivités partenaires. Il s'agit plutôt d'un engagement à coopérer de bonne foi, que l'on pourrait qualifier d'accord de type politique (14). Pour cette raison, la plupart des Etats tolèrent que leurs collectivités locales - les jumelages ne concernent guère les collectivités régionales, aux fonctions spécialisées le plus sou- vent, et qui n'ont pas une relation aussi directe avec le citoyen - s'engagent dans ce type de relations sans restriction particulière. Exceptions à cette règle, la Grèce qui exige qu'un avis conforme soit prononcé par le ministère des Affaires étrangères avant qu'un projet de jumelage soit autorisé à être concrétisé, de même que l'Italie, où le ministère des Affaires étrangères doit

« vérifier que ces accords ne soient pas en contra- diction avec les grandes lignes de la politique étrangère italienne» (15).

Dernièrement, des accords basés sur les principes du jumelage ont cependant pris une orientation plus politique dans des circonstances particulières.

Ainsi l'adoption de villages roumains par des col- lectivités locales d'Europe en 1989-1990, lorsque

Deux types de concurrence

Pour ce qui est de la concurrence entre collectivités du même niveau, celle-ci existe principalement pour ce qui est de l'attribution des ressources. L'ancien système communiste conduisait de fait à une distribution des res- sources à partir du centre, et il n'existait aucune autonomie fiscale à un niveau local ou régional. Ainsi même l'existence de nouvelles dispositions légales prévoyant une certaine mesure de ressources propres pour les collectivités locales n'a pas totalement éliminé le réflexe de se tourner vers le centre pour l'obtention de ressources, et les collectivités locales se retrouvent donc souvent en concurrence pour l'attribution des transferts de fonds étatiques. Dans la mesure où ceux-ci ne se font pas toujours selon des critères objectifs clairement établis, il existe ainsi une concurrence presque" sauvage"· De même pour ce qui est des parte- nariats avec l'étranger ; la coopération transfrontière est principalement considérée dans sa dimension écono- mique, et des collectivités locales d'un même pays se situent en concurrence pour l'attraction de partenaires étrangers " riches Ces deux types de concurrence paraissent cependant liés à la période actuelle de transition et ne devraient pas constituer des aires de compétition à long terme.

Une coopération embryonnaire

En ce qui concerne la coopération, la situation est de manière générale peu formalisée. Seul le droit polonais semble prévoir des syndicats intercommunaux dotés d'une personnalité juridique distincte de celle de leurs membres, ou des accords intercommunaux permettant l'exécution de tâches d'intérêt commun par une collectivité pour le compte d'une ou de plusieurs autres. Dans les autres États d'Eu- rope centrale et orientale, le droit à la coopération des col- lectivités locales est largement reconnu, étant entendu que les formes de coopération restent celles du droit civil (asso- ciation à but non lucratif ou de type commercial). Dans cer- tains pays, les domaines dans lesquels peut s'exercer une telle coopération sont limités ; ainsi par exemple en République tchèque, la coopération ne peut se développer que dans le domaine socio-culturel, l'enseignement et la santé. On constate donc que l'on ne trouve guère les diffé-

le plan de systémisation du Président Ceaucescu prévoyait l'élimination pure et simple de villages dans son pays, était plus qu'un accord de portée exclusivement locale comme le sont habituelle- ment les accords de jumelage (16). Suite au chan- gement de régime intervenu en Roumanie, les communes partenaires à ces accords ont maintenu leurs liens et transformé en coopération/assistance économique les relations nouées avec ces villages roumains (17).

(14) Vo.iJ: N. Levral, op. cir., pp. 276-283 pour une discussion de ce concept dans ce contexte particulier.

(15) Srruc:ture et fonctionnement de la démocratie locale et régio- nale (Italie), p. 27. Pour la Grèce, même document, p. 20.

( 16) Ce sont principalement des communes belges, françaises, suisses et britanniques qui participent au projet d'Opération Villages Roumains. Des associations nationales et une coordina- tion internationale de ces associations existent aujourd'hui. Pour des informations plus générales sur ces opérations, voir Le Monde, du 11-12 septembre 1994, supplément« Heures locales», p. I et V.

(17) Les villages en question ne sont pas toujours des collectivités locales. Beaucoup se situent à un niveau infra-communal dans 1 'organisation tenitoriale roumaine actuelle.

renees entre plusieurs formes de coopération permettant de résoudre des fonctions diverses comme cela existe dans les pays de l'Union européenne, mais que la coopération bien que très largement tolérée par le droit, en reste à une forme embryonnaire en raison de l'absence de structures propres permettant des réalisations concrètes.

La coopération transfrontière

Pour ce qui est de la coopération transfrontière, il faut rele- ver qu'il existe étonnamment peu d'entraves fixées par les ordres juridiques nationaux. Cela a permis aux asso- ciations nationales de collectivités locales de ces pays de rapidement s'affilier aux grandes organisations internatio- nales (ARE, CCRE). Il existe cependant des cas où il n'a pas été possible aux collectivités locales de se réunir en une seule association nationale, comme par exemple en Bulgarie ou en Hongrie, ce qui écarte dans une large mesure les collectivités de ces pays de la coopération inter- nationale entre collectivités infra-étatiques. La coopéra- tion transfrontalière de voisinage se développe éga- lement. Il existe maintenant quelques organismes régionaux de coopération transfrontalière, tel par exemple l'Euro- région des Carpathes, qui réunit des collectivités de Hongrie, Pologne, République slovaque et Ukraine (la Roumanie est pour l'instant réticente à laisser ses collectivi- tés infra-étatiques participer à cette Euro-région). Il faut cependant constater dans les faits qu'un tel exemple de coopération " transfrontalière " relève plus de l'initiative des États que de celle des collectivités concernées. Ainsi l'Euro- région des Carpathes est-elle née d'un accord inter-éta- tique signé le 17 février 1993 à Debrecem (Hongrie). Ainsi dans cette Europe centrale et orientale, les processus de mise en place de l'autonomie locale et régionale sont en cours, et ils s'accompagnent sans surprise de l'apparition d'une certaine concurrence et de mécanismes de coopéra- tion entre les collectivités infra-étatiques ainsi créées. La fai- blesse des institutions au niveau local et régional empêche cependant que la coopération connaisse des formes aussi élaborées et diverses que dans les pays de l'Union euro- péenne.

Nicolas Levral

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Autre développement récent, le « projet des ambassades de la démocratie locale » (18) qui implique le soutien par des communes de diffé- rents pays européens à une collectivité locale dans un pays de l'ex-Yougoslavie où il existe encore un Gouvernement local dont la composition n'est pas basée sur des ctitères d'exclusion ethnique. De telles ambassades regroupent ainsi des communes en Bosnie-Herzégovine, Croatie, ex-République Yougoslave de Macédoine et Voïvodine (Serbie) avec des partenaires en Belgique, Espagne, France, Italie, Hongrie, aux Pays-Bas et en Suisse.

Ces deux dernières formes de coopération trans- frontière, si elles s'inspirent bien des mécanismes du jumelage, en dépassent largement l'objet et les engagements. Aussi il conviendra d'observer leur évolution. D'autre part, il faut constater que ces deux opérations s'inscrivenr dans des cadt·es poli- tiques particuliers, où les Etats européens tolèrent sans réagir une dégradation de la situation de col- lectivités locales dans certaines conditions extrêmes. Des collectivités locales décident alors d'agir directement et conjointement dans une dynamique de coopération, afin de pallier l'immo- bilisme de la politique internationale étatique sur des questions qui concernent la survie de collecti- vités locales dans un pays étranger.

La coopération transfrontière

Il s'agit avec cette forme de coopération d'un domaine excessivement complexe sur le plan juri- dique. Le but est de perl!lettre à des collectivités locales situées dans des Etats différents, de déve- lopper une coopération pour la gestion de ques- tions concrètes d'intérêt commun, similaire à ce qui existe au plan national. Les difficultés sont cependant considérables, car les partenaires à ces relations sont des entités publiques non souve- raines, situées dans des ordres juridiques diffé- rents. Les formes de coopération basées sur des accords de droit privé sont les plus simples à concevoir, mais elles ne permettent de remplir qu'un nombre relativement limité de fonctions; en effet, l'usage de la puissance publique par le biais de mécanismes de droit privé est à exclure. Les formes de coopération relevant du droit public sont délicates à mettre en œuvre, dans la mesure où elles impliquent l'articulation de normes de droit public issues de plusieurs ordres juridiques natio- naux.

Afin d'essayer de favoriser le développement de ce type de relations, particulièrement utiles pour les collectivités locales ou régionales situées à la péri- phérie des États et qui souyent souffrent des effets de la frontière proche, les Etats européens ont tenté de codifier certaines règles dans des Conventions internationales qui instituent des mécanismes qui devraient permettre aux collectivités infra-éta- tiques intéressées de coopérer directement au tra- vers des frontières. Ainsi la Convention-cadre sur la coopération des collectivités ou autorités territo- riales adoptée dans le cadre du Conseil de 1 'Europe

en 1980 et aujourd'hui ratifiée par 19 États euro- péens (19) reconnaît l'importance de cette forme de coopération, mais sans offrir sur le plan juri- dique de véritables méthodes de coopération effi- cace (20). Les États membres du Conseil de l'Europe travaillent donc à la rédaction d'un Protocole additionnel à cette Convention, qui per- mettrait de mettre à disposition des collectivités territoriales intéressées, des mécanismes de coopé- ration transfrontalière ayant des conséquences juri- diques précises. Ceci autoriserait une coopération efficace visant à la résolution de problèmes concrets, tels par exemple que la gestion en com- mun de services publics.

Des accords de portée géographique plus réduite existent également. Ainsi un accord entre les pays nordiques conclu dans le cadre du Conseil des Pays ,nordiques en 1977. Une convention entre les trois Etats membres du Benelux signée en 1986 et entrée en vigueur en 1991 prévoit des méca- nismes tels que la création d'organes communs à des collectivités situées de part et d'autre d'une frontière internationale, ce qui constituerait un saut qualitatif considérable pour ce qui est des méca- nismes accessibles aux collectivités infra-étatiques dans la recherche de solutions à leurs problèmes de nature transfrontalière. Enfin, une Convention entre deux Liinder allemands et les Pays-Bas pro- pose des solutions avancées aux communes qui jouxtent la frontière entre les deux pays, telles que la création de syndicats de communes transnatio- naux, ou la conclusion d'accords administratifs transfrontaliers.

La pratique de la coopération transfrontière par les collectivités infra-étatiques est abondante. De simples accords visant à la résolution d'un pro- blème très concret à l'institution de véritables organismes de coopération transfrontalière que sont les «Communautés de travail » (21) ou plus récemment les « eurorégions » (22), les collecti- vités locales concernées sont actives dans le déve- loppement de nouvelles formes de coopération.

Outre les progrès accomplis sur le plan des cadres juridiques qui permettent d'inscrire dans la légalité ces formes de collaboration, un programme de l'Union européenne apporte depuis quelques

(18) Voir pour une description de ce programme, le document du Conseil de 1 'Europe CPL(XY), n° 2.

(19) Les États parties à cette Convention sont: l'Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, 1 'Allemagne, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, le Liechstenstein, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne, le Portugal, l'Espagne, la Suède, la Suisse et l'Ukraine.

(20) Pour une analyse critique de cette Convention, voir l'article d'Emmanuel Decaux <<La Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territo- riales», in RGDIP, t. 88/3, 1984, pp. 538-620.

(21) On trouve ainsi, par ordre chronologique d'apparition, les Communauté de travail, des Alpes Orientales (Aip-Adria), des Alpes (Arge-Aip), des Alpes occidentales, du Jura, des Pyrénées.

(22) C'est une tenninologie qui s'est développée avec les orga- nismes créés le long des frontières situées sur l'axe rhénan, et qui connaît aujourd'hui un grand succès en Europe centrale et orientale.

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