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V. LE DROIT À L ENSEIGNEMENT

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V.1. L’obligation scolaire

Cour eur. D.H., req. n° 35504/03, décision Fritz Konrad et autres c.

Allemagne du 11 septembre 2006

Droit à l’instruction – Respect des convictions religieuses et philosophiques des parents – Scolarité obligatoire – Neutralité religieuse de l’État – Édu- cation à domicile – Article 2 du Premier protocole à la CEDH

Extrait EN DROIT

1. Les parents requérants allèguent que le refus de les autoriser à éduquer leurs enfants chez eux méconnaît leur droit d’assurer à ceux-ci une éducation conforme à leurs convictions religieuses, tel que garanti par l’article  2 du Protocole no  1, qui dispose :

« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’État, dans l’exercice des fonc- tions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ».

Les parents requérants soutiennent qu’il est de leur devoir d’éduquer leurs enfants conformément à la Bible et aux valeurs  chrétiennes. Ils déduisent de nombreux passages de la Bible que l’éducation de leurs enfants est une obligation qui leur incombe et qui ne peut aisément être confiée à des tiers. Ils estiment suivre un ordre divin en éduquant leurs enfants chez eux. Si leurs enfants fréquentaient une école primaire, leurs convictions personnelles se trouveraient inévitablement et gravement en conflit avec les programmes et méthodes d’enseignement. La scolarité obligatoire mettrait, par conséquent, sérieusement en péril l’instruction religieuse de leurs enfants, en particulier à cause des cours d’éducation sexuelle et de l’en- traînement à la concentration (comme c’est le cas dans certaines écoles), qui, du point de vue des parents requérants, revient à pratiquer des exercices ésotériques.

Les parents requérants soutiennent que l’obligation de neutralité religieuse faite à l’État rendrait impossible l’éducation de leurs enfants dans une école publique conformément à leurs convictions. Les requérants appartenant à une minorité religieuse, il n’existe aucune école privée qui corresponde à leurs convictions. En outre, les requérants rappellent que l’éducation scolaire à domicile est autorisée aux États-Unis, au Canada, en Suisse, en Autriche et en Norvège. Des pays comme le Danemark, la Finlande et l’Irlande l’ont même prévue dans leur Constitution.

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La Cour relève que le grief des parents requérants concerne principalement la seconde phrase de l’article 2 du Protocole no 1. Cette disposition consacre le rôle de l’État dans le domaine de l’éducation ainsi que le droit des parents à ce que l’éducation et l’enseignement donnés à leurs enfants soient respectueux de leurs convictions religieuses et philosophiques. Cette disposition vise à sauvegarder le pluralisme éducatif, essentiel pour la préservation d’une « société démocratique » au sens où l’entend la Convention (B.N. et S.N. c. Suède, no 17678/91, décision de la Commission du 30 juin 1993, non publiée). En raison du poids de l’État moderne, c’est surtout par l’enseignement public que doit se réaliser ce dessein (Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen c. Danemark, 7 décembre 1976, § 50, série A n° 23).

En outre, la seconde phrase de l’article 2 doit se lire en combinaison avec la pre- mière qui consacre le droit de chacun à l’instruction. C’est sur ce droit fondamental que se greffe le droit des parents au respect de leurs convictions religieuses et phi- losophiques (B.N. et S.N. c. Suède, décision précitée). Par conséquent et eu égard au fait que l’ensemble de l’article 2 du Protocole n° 1 est dominé par sa première phrase, il convient de protéger uniquement celles des convictions des parents qui ne portent pas atteinte au droit de l’enfant à l’instruction (Campbell et Cosans c.

Royaume-Uni, 25 février 1982, § 36, série A n° 48). En d’autres termes, les parents ne sauraient, sous couvert de leurs convictions, méconnaître le droit de l’enfant à l’instruction (B.N. et S.N. c. Suède, décision précitée, et Leuffen c. Allemagne, nº 19844/92, décision de la Commission du 9 juillet 1992, non publiée).

La Cour relève que, en l’espèce, les parents requérants ont introduit leur requête également au nom des enfants requérants. On ne peut donc pas vraiment dire qu’ils cherchent à imposer leurs convictions religieuses contre la volonté de leurs enfants.

Cependant, la Cour partage la conclusion du tribunal administratif de Fribourg selon laquelle, en raison de leur jeune âge, les enfants requérants étaient incapables de mesurer les conséquences de la décision de leurs parents de leur faire suivre une éducation à domicile. Étant donné que les enfants requérants auraient bien du mal, à leur âge, à se déterminer de façon autonome, la Cour estime que les principes susmentionnés sont applicables dans la présente affaire.

Le droit à l’instruction, garanti par l’article 2 du Protocole no 1, appelle de par sa nature même une réglementation par l’État, réglementation qui peut varier dans le temps et dans l’espace en fonction des besoins et des ressources de la commu- nauté et des individus (Affaire « relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique » c. Belgique, 23 juillet 1968, p. 32, § 5, série A n° 6). Il s’ensuit que l’article 2 du Protocole no 1 implique pour l’État le droit d’instaurer une scolarisation obligatoire, qu’elle ait lieu dans les écoles publiques ou grâce à des leçons particulières de qualité (Famille H. c. Royaume-Uni, no 10233/83, décision de la Commission du 6 mars 1984, Décisions et rapports 37, pp. 109, 112 ; B.N.

et S.N. c. Suède, décision précitée, et Leuffen, décision précitée). À cet égard, la Cour relève qu’il semble n’exister aucun consensus entre les États contractants en ce qui concerne la fréquentation obligatoire de l’école primaire. Alors que certains pays autorisent l’instruction à la maison, d’autres imposent la scolarisation dans des établissements publics ou privés.

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En l’espèce, la Cour relève que les autorités et tribunaux allemands ont soigneusement motivé leur décision et ont principalement insisté sur le fait que non seulement l’acqui- sition des connaissances mais également l’intégration dans la société et les premières expériences que l’on peut faire de celle-ci sont des objectifs cruciaux de l’éducation à l’école primaire. Les tribunaux allemands ont conclu que l’instruction à la maison ne permettait pas à un degré égal d’atteindre ces objectifs même si elle offrait aux enfants la possibilité d’acquérir un niveau de connaissances identique à celui d’une éducation dispensée à l’école primaire. Pour la Cour, cette hypothèse n’est pas erronée et relève de la marge d’appréciation laissée aux États contractants lorsqu’ils fixent et interprètent les règles régissant leur système éducatif. La Cour constitutionnelle fédérale a souligné l’intérêt général de la société à prévenir l’émergence de sociétés parallèles fondées sur des convictions philosophiques distinctes et l’importance de l’intégration des minorités dans la société. La Cour estime que cette manière de voir est conforme à sa propre jurisprudence concernant l’importance du pluralisme pour la démocratie (voir, mutatis mutandis, Refah Partisi (Parti de la prospérité) et autres c. Turquie [GC], nos 41340/98, 41342/98, 41343/98 et 41344/98, § 89, CEDH 2003-II).

De plus, les tribunaux allemands ont relevé que les parents requérants étaient libres d’éduquer leurs enfants après la classe et pendant le week-end. Par conséquent, le droit des parents de donner à leurs enfants une éducation conforme à leurs convic- tions religieuses n’a pas fait l’objet d’une restriction disproportionnée. La scolarité obligatoire dans le primaire ne prive pas les parents requérants de leur droit « d’exer- cer envers [leurs enfants] leurs fonctions naturelles d’éducateurs, de les orienter dans une direction conforme à leurs propres convictions religieuses ou philosophiques » (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen précité, § 54, et Efstratiou c. Grèce, 18 décembre 1996, § 32, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI).

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

(…)

C. const., arrêt n° 107/2009 du 9 juillet 2009

Liberté d’enseignement – Libre choix de la forme d’enseignement – Liberté d’expression – Droits de l’enfant – Droit à l’éducation – Enseignement à domicile – Obligation d’inscription dans un établissement organisé ou subventionné par la Communauté – Contrôle du niveau d’études – Échec aux épreuves de certification

Extrait

En ce qui concerne le contrôle de l’enseignement à domicile

B.14.1. Le premier moyen est pris de la violation de la liberté d’enseignement garantie par l’article 24, spécialement § 1er, alinéas 1er et 2, de la Constitution.

Selon les parties requérantes, l’imprécision des termes employés dans le décret accorde au Service général de l’Inspection le pouvoir d’apprécier ce qu’est un

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« niveau d’études équivalent » et de remettre ainsi en cause les choix des parents et des enseignants.

Les requérants estiment que sont également contraires à la liberté d’enseignement les contraintes pédagogiques « abusives » imposées par le décret, notamment les documents à produire à l’inspection (article 13 du décret), le contrôle possible de la scolarité à tout moment (article  14 du décret) dans un bâtiment appartenant aux pouvoirs publics (article 16 du décret), et la sanction possible d’une inscrip- tion obligatoire dans une école organisée ou subventionnée par la Communauté (article 17 du décret).

B.14.2. Dans le deuxième moyen, pris de la violation de l’article 24, § 1er, lu en combinaison avec l’article 19, de la Constitution, les parties requérantes allèguent qu’en imposant que l’enseignement dispensé en dehors de l’enseignement organisé ou subventionné par la Communauté poursuive les objectifs définis par le décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire, soit conforme au titre II de la Constitution et ne prône pas des valeurs qui seraient manifestement incompatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme, le décret attaqué constitue une violation de la

«  liberté de choix  » des parents et enseignants, puisqu’un enseignement qui ne coïnciderait pas avec les présupposés philosophiques ou idéologiques du décret risque d’encourir des sanctions, telles que l’obligation d’inscrire l’enfant dans une école organisée ou subventionnée par la Communauté en cas d’échec.

B.15.1. L’article 24 de la Constitution dispose : (…)

§ 3. Chacun a droit à l’enseignement dans le respect des libertés et droits fonda- mentaux. L’accès à l’enseignement est gratuit jusqu’à la fin de l’obligation scolaire.

Tous les élèves soumis à l’obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse.

(…)

B.15.2. L’article 19 de la Constitution dispose :

« La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de mani- fester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés ».

B.16.1. La liberté d’enseignement garantie par l’article 24, § 1er, de la Constitution assure le droit d’organiser – et donc de choisir – des écoles fondées sur une philo- sophie confessionnelle ou non confessionnelle déterminée. Elle implique également que des personnes privées puissent, sans autorisation préalable et sous réserve du respect des libertés et des droits fondamentaux, organiser et faire dispenser un enseignement selon leur propre conception, tant en ce qui concerne la forme de cet enseignement qu’en ce qui concerne son contenu, par exemple en créant des écoles dont la spécificité réside dans des conceptions déterminées d’ordre pédagogique ou éducatif.

B.16.2. Si la liberté d’enseignement comporte le libre choix par les parents de la forme de l’enseignement, et notamment le choix d’un enseignement à domicile

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dispensé par les parents, ou d’un enseignement dispensé dans un établissement d’enseignement qui n’est ni organisé, ni subventionné, ni reconnu au sens de l’article 3 du décret, ce libre choix des parents doit toutefois s’interpréter en tenant compte, d’une part, de l’intérêt supérieur de l’enfant et de son droit fondamental à l’enseignement et, d’autre part, du respect de l’obligation scolaire.

B.17.1. L’article 24, § 3, de la Constitution garantit en effet le droit de chacun de recevoir un enseignement « dans le respect des libertés et droits fondamentaux », tandis que l’article 24, § 4, rappelle le principe d’égalité entre tous les élèves et étudiants.

L’article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme dispose :

« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’État, dans l’exercice des fonc- tions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ».

L’article 28 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant dispose :

«  1. Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en par- ticulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances [...] ».

L’article 29 de cette Convention dispose :

« 1. Les États parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à : a)  Favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement

de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ;

b)  Inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamen- tales, et des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies ;

c)  Inculquer à l’enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne ;

d)  Préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone ;

e) Inculquer à l’enfant le respect du milieu naturel. [...] »

L’article 22bis de la Constitution, tel qu’il a été complété par la révision constitu- tionnelle du 22  décembre 2008 (Moniteur belge du 29  décembre 2008), dispose par ailleurs :

« Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle.

Chaque enfant a le droit de s’exprimer sur toute question qui le concerne ; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement.

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Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement.

Dans toute décision qui le concerne, l’intérêt de l’enfant est pris en considération de manière primordiale.

La loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent ces droits de l’enfant ».

B.17.2. Le droit à l’enseignement de l’enfant peut par conséquent limiter la liberté de choix des parents et la liberté des enseignants quant à l’enseignement qu’ils souhaitent dispenser à l’enfant soumis à l’obligation scolaire.

La Cour européenne des droits de l’homme considère ainsi que, lorsqu’au lieu de le conforter, les droits des parents entrent en conflit avec le droit de l’enfant à l’ins- truction, les intérêts de l’enfant priment (voy. CEDH, 30 novembre 2004, décision Bulski c. Pologne ; voy. aussi CEDH, 5 février 1990, décision Graeme c. Royaume- Uni, CEDH, 30 juin 1993, décision B.N. et S.N. c. Suède, et CEDH, 11 septembre 2006, décision Fritz Konrad et autres c. Allemagne).

B.17.3. Dans le contexte de l’enseignement, la liberté d’expression garantie par l’article 19 de la Constitution constitue un aspect de la liberté active de l’enseigne- ment, conçue comme la liberté de dispenser un enseignement selon ses conceptions idéologiques, philosophiques et religieuses.

Comme la liberté active de l’enseignement, cette liberté d’expression dans l’ensei- gnement n’est toutefois pas absolue ; elle doit en effet se concilier avec le droit à l’enseignement des enfants, et avec l’objectif d’ouvrir l’esprit des enfants au plura- lisme et à la tolérance, qui sont essentiels à la démocratie.

B.18.1. Le décret attaqué a pour objectif de « s’assurer que les mineurs soumis à l’obligation scolaire bénéficient de leur droit à l’éducation » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2007-2008, n° 521/1, p. 4).

En fixant une période durant laquelle l’enseignement est obligatoire pour tous les enfants, l’obligation scolaire tend à protéger les enfants et à assurer l’effectivité de leur droit à l’éducation.

L’article 1er, § 2, de la loi du 29 juin 1983 concernant l’obligation scolaire dispose :

« L’enseignement et la formation dispensés au mineur soumis à l’obligation scolaire doivent contribuer à son éducation ainsi qu’à sa préparation à l’exercice d’une profession ».

Les travaux préparatoires de la loi précitée du 29 juin 1983, qui a prolongé la durée de l’obligation scolaire, exposent que l’obligation scolaire se définit essentiellement par rapport au contenu pédagogique :

«  Étant donné le point de départ – le droit de chaque jeune à une formation de base, – l’obligation scolaire n’est pas seulement définie en fonction de l’âge mini- mum mais également et surtout en fonction du contenu pédagogique » (Doc. parl., Chambre, 1982-1983, n° 645/1, p. 6).

En ce qui concerne l’enseignement à domicile, il était précisé :

«  Bien que l’enseignement à domicile ne réponde pratiquement plus à aucune réalité sociologique, le § 4 préserve la possibilité, sous les conditions à fixer par

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le Roi, de dispenser un enseignement à domicile, tout en respectant l’obligation scolaire, ceci afin de satisfaire à la liberté d’enseignement prescrite dans l’article 17 de la Constitution » (ibid., p. 7).

B.18.2. Bien que, conformément à l’article  1er, §  6, de la loi du 29  juin 1983 concernant l’obligation scolaire, l’enseignement à domicile permette de satisfaire à l’obligation scolaire, le choix de cette forme d’enseignement – dont la légitimité n’est pas remise en cause par le décret attaqué – ne peut toutefois aboutir à dispenser les parents du respect de cette obligation scolaire – dont le non-respect est par ailleurs pénalement sanctionné – et à méconnaître ainsi le droit de chaque enfant à une formation de base.

La nécessité de veiller au respect de l’obligation scolaire peut ainsi conduire les communautés à instaurer des mécanismes de contrôle permettant de vérifier que tous les enfants reçoivent effectivement, fût-ce à domicile, un enseignement permettant de satisfaire à l’obligation scolaire, afin de garantir ainsi leur droit à l’instruction.

B.18.3. Il convient dès lors d’apprécier si les conditions et contrôles instaurés par le décret attaqué portent atteinte à la liberté pédagogique qu’implique la liberté d’enseignement garantie par l’article 24, § 1er, de la Constitution et si ces mesures sont disproportionnées, en ce qu’elles excéderaient ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs d’intérêt général visés, à savoir garantir la qualité et l’équivalence de l’enseignement.

En ce qui concerne la référence à certaines valeurs

B.19.1. Les articles 3, alinéa 2, et 11, alinéa 2, du décret du 25 avril 2008 per- mettent de contrôler que l’enseignement dispensé « est conforme au titre II de la Constitution et ne prône pas des valeurs qui sont manifestement incompatibles avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950 ».

Ces dispositions établissent une condition à vérifier pour la reconnaissance d’un établissement d’enseignement relevant d’un régime étranger (article  3, alinéa  2) et pour le contrôle du niveau des études de l’enseignement réputé à domicile conformément à l’article 5 du décret (article 11, alinéa 2).

Ces dispositions visent à vérifier que l’enseignement «  n’est pas manifestement incompatible avec les valeurs  de notre société  » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2007-2008, n° 521/1, p. 4) :

« Ainsi en irait-il, par exemple, d’un établissement qui pratiquerait des châtiments corporels ou dont l’enseignement reposerait sur des conceptions racistes, sexistes ou sur toute autre conception discriminatoire » (ibid.).

Ces dispositions permettent ainsi de s’assurer que le droit à l’enseignement de l’enfant s’exerce, conformément à l’article  24, §  3, de la Constitution, «  dans le respect des libertés et droits fondamentaux », parmi lesquels figurent tant le titre II de la Constitution que la Convention européenne des droits de l’homme.

B.19.2. Les requérants n’exposent pas en quoi la référence aux valeurs  fonda- mentales d’une société démocratique, consacrées dans les dispositions précitées,

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pourrait porter atteinte à la liberté d’enseignement, ou à la liberté d’expression, des parents et des enseignants, dès lors que ces derniers doivent respecter le droit à l’enseignement de l’enfant garanti par l’article 24, § 3, de la Constitution.

En ce qui concerne la référence au décret du 24 juillet 1997

B.20.1. L’article  11 du décret du 25  avril 2008 prévoit que le Service général de l’Inspection contrôle le niveau des études dans l’enseignement à domicile, en s’assurant que l’enseignement dispensé « permet au mineur soumis à l’obligation scolaire d’acquérir un niveau d’études équivalent aux socles de compétences, aux compétences terminales, aux savoirs communs requis et aux compétences mini- males visés, respectivement, aux articles  16 et 25 ou 35 du décret du 24  juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre ».

En vertu de l’article  11, alinéa  2, le Service général de l’Inspection s’assure également que l’enseignement dispensé poursuit les objectifs définis à l’article 6 du décret précité du 24 juillet 1997.

B.20.2. Les travaux préparatoires exposent, en ce qui concerne l’article  11 du décret attaqué :

«  Cette disposition fixe le cadre de référence du contrôle du niveau des études.

Compte tenu du principe de la liberté de l’enseignement, il ne peut être question d’imposer le respect des socles de compétences, des compétences terminales, des savoirs requis communs ou des compétences minimales en tant que tels. Par contre, ceux-ci peuvent servir de critère pour l’appréciation du niveau d’études à atteindre pour les élèves relevant de l’enseignement à domicile. Le Service général de l’ins- pection sera donc chargé d’apprécier si l’enseignement prodigué peut raisonnable- ment être considéré comme de nature à atteindre le même niveau de connaissances que celui qui résulterait de l’application des socles et compétences » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2007-2008, n° 521/1, p. 5).

Il est toutefois possible d’obtenir sur demande motivée, conformément à l’article 12 du décret du 25 avril 2008, une dérogation au niveau d’études normalement requis

« lorsque le mineur soumis à l’obligation scolaire présente des troubles de santé, d’apprentissage, du comportement ou lorsqu’il est atteint d’un handicap moteur, sensoriel ou mental ».

De la sorte, « des possibilités d’adaptation sont prévues pour les mineurs présentant un profil particulier » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2007- 2008, n° 521/3, p. 4 ; voy. aussi Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2007-2008, n° 521/1, p. 3).

B.21.1. Le décret précité de la Communauté française du 24  juillet 1997 intro- duit une structure particulière pour la formation, applicable à l’enseignement fondamental et à l’enseignement secondaire ordinaires et spéciaux organisés ou subventionnés par la Communauté française.

L’article 6 du décret du 24 juillet 1997 dispose :

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« La Communauté française, pour l’enseignement qu’elle organise, et tout pouvoir organisateur, pour l’enseignement subventionné, poursuivent simultanément et sans hiérarchie les objectifs suivants :

1°) promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves ;

2°) amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle ;

3°) préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures ;

4°) assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale ».

B.21.2. En prévoyant que le Service général de l’Inspection contrôle que l’ensei- gnement dispensé poursuit les objectifs définis à l’article  6, l’article  11 attaqué tend à s’assurer que l’enseignement dispensé à domicile poursuit le même objectif général que tout enseignement, à savoir l’épanouissement intellectuel et social de tous les enfants.

Pour le surplus, cet objectif correspond à celui que doivent poursuivre, conformément à l’article 1er, § 2, de la loi du 29 juin 1983 concernant l’obligation scolaire, l’enseignement et la formation du mineur, à savoir contribuer à l’éducation du mineur et à sa préparation à l’exercice d’une profession.

B.22.1. Le décret précité de la Communauté française du 24 juillet 1997 institue le concept de socles de compétences. Le concept est défini comme un « référentiel présentant de manière structurée les compétences de base à exercer jusqu’au terme des huit premières années de l’enseignement obligatoire et celles qui sont à maîtriser à la fin de chacune des étapes de celles-ci parce qu’elles sont considérées comme nécessaires à l’insertion sociale et à la poursuite des études » (article 5, 2°).

Il institue également le concept de « compétences terminales », défini comme un

« référentiel présentant de manière structurée les compétences dont la maîtrise à un niveau déterminé est attendue à la fin de l’enseignement secondaire » (article 5, 3°).

L’article 16 du décret précité du 24 juillet 1997 fixe les principes d’élaboration des socles de compétences, tandis que les articles 25 et 35 concernent les compétences terminales, savoirs communs requis et compétences minimales, respectivement pour les humanités générales et technologiques, et pour les humanités profession- nelles et techniques.

Les articles  9 et suivants du décret de la Communauté française du 19  juillet 2001 «  portant confirmation des socles de compétences visées à l’article  16 du décret du 24  juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre et organisant une procédure de dérogation limitée » organisent une procédure permettant de déroger aux modes d’apprentissage décrits dans les socles de compétences.

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B.22.2. Dans l’avant-projet soumis à la section de législation du Conseil d’État, il était prévu que le Service général de l’Inspection devait s’assurer que l’ensei- gnement dispensé à domicile permet « d’acquérir un niveau d’études suffisant en référence aux socles de compétences, aux compétences terminales, aux savoirs communs requis et aux compétences minimales [...] ».

Le terme «  niveau d’études suffisant  » a été remplacé par «  niveau d’études équivalent » afin de tenir compte des observations du Conseil d’État :

« L’expression “niveau d’études suffisant” est particulièrement vague et laisse dès lors un pouvoir discrétionnaire très large au Service général de l’Inspection.

[...]

Le Conseil d’État n’aperçoit pas pourquoi les mineurs soumis à l’obligation scolaire doivent seulement acquérir un “niveau d’études suffisant” en référence aux socles de compétences, aux compétences terminales, aux savoirs communs requis et aux compétences minimales, et ce d’autant moins qu’ils doivent être placés [...] dans des conditions identiques à celles des mineurs provenant d’autres formes d’ensei- gnement pour l’épreuve et les examens qu’ils sont tenus de présenter [...] » (Doc.

parl., Parlement de la Communauté française, 2007-2008, n° 521/1, p. 23).

B.23.1.1. Si la liberté d’enseignement, visée à l’article 24, § 1er, de la Constitution, implique le droit d’organiser et d’offrir, sans référence à une conception philoso- phique confessionnelle ou non confessionnelle déterminée, un enseignement qui trouve sa spécificité dans les conceptions pédagogiques ou éducatives particulières, elle n’empêche toutefois pas que le législateur compétent prenne, en vue d’assurer la qualité et l’équivalence de l’enseignement obligatoire, des mesures qui soient applicables de manière générale, indépendamment de la spécificité de l’enseigne- ment dispensé.

B.23.1.2. En ce qui concerne l’enseignement dispensé à l’aide de moyens publics, la Cour a reconnu qu’en vue d’assurer la qualité et l’équivalence de l’enseignement, le législateur compétent peut prendre des mesures qui sont applicables de manière générale aux établissements d’enseignement, indépendamment de la spécificité de l’enseignement dispensé par ceux-ci (arrêts n° 76/96 du 18 décembre 1996, B.6 ; n° 19/98 du 18 février 1998, B.8.4 ; n° 19/99 du 17 février 1999, B.4.3 ; n° 49/2001 du 18 avril 2001, B.8 ; n° 131/2003 du 8 octobre 2003, B.5.4). À cet égard, les objectifs de développement, les objectifs finaux et les socles de compétences sont un moyen adéquat pour assurer l’équivalence des certificats et diplômes et garantir l’équivalence de l’enseignement dispensé dans les établissements que les parents et les élèves peuvent librement choisir (arrêts n° 76/96 du 18 décembre 1996, B.8.3, et n° 49/2001 du 18 avril 2001, B.10.1).

En ce qui concerne les établissements d’enseignement qui choisissent de ne pas recourir à des subventions publiques, bien que l’autorité publique puisse contrôler la qualité de l’enseignement dispensé, ce contrôle ne peut aller jusqu’à exiger le respect des objectifs de développement, des objectifs finaux ou des socles de compétences.

B.23.2. En se référant aux socles de compétences, aux compétences terminales, aux savoirs communs requis et aux compétences minimales prévus dans le décret

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du 24  juillet 1997, l’article  11 attaqué permet d’apprécier le niveau d’études de l’enfant, par rapport à des « référentiels » clairement établis, de sorte que le niveau d’études sera apprécié en fonction de critères connus des parents et des enseignants, et par conséquent suffisamment prévisibles.

La référence aux socles de compétences, aux compétences terminales, aux savoirs communs requis et aux compétences minimales ne signifie donc pas que leur contenu pourrait être imposé aux enfants relevant de l’enseignement à domicile ; cette référence signifie seulement qu’ils constituent des critères indicatifs des connaissances et aptitudes globales de base qu’un enfant doit, en fonction de son âge, pouvoir maîtriser.

Dans les travaux préparatoires, le ministre a d’ailleurs expressément exposé :

«  La référence aux socles et compétences précités ne peut en aucun cas per- mettre [au Service général de l’Inspection] de porter un jugement sur les pratiques pédagogiques utilisées ou d’imposer quelque contenu que ce soit. Ces normes de référence clairement établies doivent permettre d’éviter tout arbitraire  !  » (Doc.

parl., Parlement de la Communauté française, 2007-2008, n° 521/3, pp. 3-4).

B.23.3. L’article 11 attaqué ne permet donc pas d’imposer un programme aux ensei- gnants de l’enseignement à domicile.

Le texte de l’article  11 attaqué ne prévoit d’ailleurs pas que le Service général de l’Inspection contrôle que le niveau d’études est « identique », mais seulement qu’il est « équivalent » aux socles de compétences, aux compétences terminales, aux savoirs communs requis et aux compétences minimales prévus dans le décret du 24 juillet 1997.

Cette « équivalence » du niveau d’études de l’enseignement à domicile par rapport à l’enseignement organisé ou subventionné doit par conséquent recevoir la même acception que l’«  équivalence  » au sens de la loi du 19  mars 1971 relative à l’équivalence des diplômes et certificats d’études étrangers.

B.23.4. Compte tenu, dès lors, des caractéristiques propres à l’enseignement à domicile et à la liberté d’enseignement, l’appréciation du caractère « équivalent » du niveau d’études doit prendre en considération les méthodes pédagogiques ainsi que les conceptions idéologiques, philosophiques ou religieuses des parents ou des enseignants, pour autant que ces méthodes et conceptions ne méconnaissent pas le droit de l’enfant à recevoir un enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux et ne portent atteinte ni à la qualité de l’enseignement ni au niveau d’études à atteindre.

B.23.5. L’article 11 du décret attaqué ne méconnaît pas la liberté d’enseignement.

En ce qui concerne les modalités du contrôle du niveau des études

B.24.1. En vertu de l’article 14 du décret du 25 avril 2008, le contrôle du niveau des études se fait par le Service général de l’Inspection sur la base des documents pédagogiques visés à l’article 13 du décret et sur l’interrogation des élèves.

Selon l’article 13 du décret, on entend par documents pédagogiques « notamment les manuels scolaires employés, le matériel pédagogique construit et usité, les

(12)

fardes et les cahiers, les productions écrites du mineur soumis à l’obligation sco- laire, un plan individuel de formation ».

Ces documents sont « des traces visibles des moyens mis en œuvre pour assurer l’enseignement » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2007-2008, n° 521/1, p. 5) :

« La consultation de ces documents permettra éventuellement au Service général de centrer son attention sur les familles dans lesquelles la préparation apparaît comme plus faible » (ibid.).

B.24.2. Contrairement à ce qu’allèguent les parties requérantes, la notion de « plan individuel de formation  » n’est mentionnée qu’à titre d’exemple et ne constitue donc qu’un des documents qui peuvent attester d’un programme d’études dans l’enseignement à domicile.

Cette notion n’est pas dépourvue de précision, et la disposition attaquée ne méconnaît donc pas l’article 24, § 5, de la Constitution.

B.25.1. Conformément à l’article  15 du décret, ce contrôle s’effectue de manière individuelle ou pour l’ensemble des mineurs soumis à l’obligation scolaire et pour- suivant l’enseignement à domicile, domiciliés dans une même zone.

En vertu de l’article 16 du décret, ce contrôle du niveau des études se déroule dans un bâtiment appartenant aux pouvoirs publics et choisi par le Service général de l’Inspection.

B.25.2. Les requérants n’exposent pas en quoi le fait que le contrôle du niveau des études s’effectue dans un bâtiment public peut porter atteinte à la liberté d’enseignement.

Pour le surplus, le fait que le contrôle du niveau des études puisse imposer un déplacement aux enfants ne constitue pas une mesure disproportionnée, dès lors que ce déplacement sera limité puisque, comme le prévoit l’article 15 du décret, le contrôle s’effectue par zone, en fonction du domicile de l’enfant.

B.25.3. Les articles  13 et 16 du décret attaqué ne méconnaissent pas la liberté d’enseignement.

En ce qui concerne les conséquences du contrôle du niveau des études

B.26.1. En vertu de l’article 14, un contrôle du niveau des études peut avoir lieu à tout moment, et au moins durant les années au cours desquelles le mineur soumis à l’obligation scolaire atteint l’âge de 8 et de 10 ans.

Les travaux préparatoires exposent :

« En fonction de la situation de chaque enfant, le Service général de l’inspection pourra procéder à un contrôle à n’importe quel moment. Il peut également être requis par le Gouvernement ou la Commission de l’enseignement à domicile. Dans tous les cas, un contrôle devra toutefois avoir lieu durant chacune des années indiquées par cette disposition. De cette manière, un contrôle aura lieu au moins tous les deux ans. Pour les années ultérieures, ces contrôles restent bien entendu possibles, mais ne sont plus obligatoires, puisque les mineurs devront présenter les

(13)

jurys » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2007-2008, n° 521/1, p. 5).

B.26.2. Le fait de permettre qu’un contrôle ait lieu à tout moment tend ainsi à prendre en compte la situation de chaque enfant.

Par ailleurs, le Service général de l’Inspection doit notifier ce contrôle aux per- sonnes responsables au moins un mois avant la date du contrôle (article 14, alinéa 3, du décret du 25 avril 2008).

B.26.3. L’article 14 ne méconnaît pas la liberté d’enseignement.

B.27.1. Après avoir réalisé le contrôle du niveau des études, le Service général de l’Inspection établit dans le mois un rapport et émet un avis sur la conformité à l’article 11 de l’enseignement dispensé à domicile. Le rapport de contrôle et l’avis de conformité à l’article  11 du décret sont notifiés aux personnes responsables qui, dans les dix jours de la notification, peuvent communiquer par écrit leurs observations à la Commission de l’enseignement à domicile, qui statue (article 17, alinéas 1er et 2, du décret du 25 avril 2008).

En cas de décision négative, un nouveau contrôle est effectué, selon les mêmes modalités, au minimum deux mois et au maximum quatre mois à dater de la notifica- tion de cette décision ; si la décision est encore négative, les personnes responsables disposent à nouveau de la possibilité de faire valoir par écrit leurs observations dans les dix jours de la notification (article 17, alinéa 3, du décret du 25 avril 2008).

Un régime spécifique est prévu lorsque le Service général de l’Inspection estime que le mineur relève de l’enseignement spécialisé (article 17, alinéa 6, du décret du 25 avril 2008).

En cas de deuxième décision négative de la Commission, les personnes respon- sables disposent de quinze jours à partir de la notification de la décision de la Commission pour introduire un recours auprès du Gouvernement. Le Gouvernement dispose d’un mois pour se prononcer sur le recours (articles 23 et 24 du décret du 25 avril 2008).

Ce n’est que lorsque le Gouvernement rejette le recours contre une seconde décision négative de la Commission que les personnes responsables sont tenues d’inscrire le mineur soumis à l’obligation scolaire dans un établissement organisé ou subventionné par la Communauté, ou dans un établissement visé à l’article 3 du décret (article  17, alinéa  4, du décret du 25  avril 2008), afin de ne pas lais- ser perdurer une situation de «  sous-scolarisation  » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2007-2008, n° 521/1, p. 6).

B.27.2. Il n’est ni déraisonnable ni disproportionné d’imposer, au terme de cette longue procédure qui prend en compte tant l’avis des personnes responsables que l’intérêt de l’enfant que, dans l’hypothèse de deux constats successifs de lacunes dans le niveau d’études de l’enfant scolarisé à domicile, l’enfant doive être inscrit dans un établissement d’enseignement organisé, subventionné ou visé à l’article 3 du décret.

La liberté de choix des parents quant à l’enseignement qu’ils veulent dispenser à leur enfant n’est ainsi limitée que dans la mesure où leur choix aboutit à un ensei-

(14)

gnement qui a été, par deux fois, considéré comme déficient, et qui méconnaît ainsi le droit à l’enseignement de l’enfant.

L’inscription obligatoire de l’enfant dans un établissement d’enseignement organisé, subventionné ou visé à l’article 3 du décret du 25 avril 2008 assure ainsi à l’enfant qu’il bénéficiera d’un enseignement garantissant un niveau d’études qui soit res- pecte les compétences définies par le décret du 24 juillet 1997, soit a été reconnu conformément à l’article 3 du décret du 25 avril 2008.

Pour le surplus, les parents conservent leur liberté de choix de l’établissement d’en- seignement, qui ne doit pas nécessairement relever de l’enseignement organisé ou subventionné par la Communauté française, puisqu’il peut s’agir d’un établissement reconnu au sens de l’article 3 du décret.

B.27.3. L’article 17 du décret attaqué ne méconnaît pas la liberté d’enseignement.

B.27.4. Les moyens, en ce qu’ils sont dirigés contre les articles 3, 11, 13, 14, 16 et 17 du décret attaqué, ne sont pas fondés.

(…)

Observations

1.

L’article 24 de la Constitution ne fait qu’évoquer l’obligation scolaire, utili- sant cette notion pour délimiter la durée de l’obligation qui pèse sur l’autorité publique d’assurer le choix du cours philosophique dans l’enseignement offi- ciel, de garantir la gratuité de l’accès à l’enseignement et de pourvoir à une éducation morale ou religieuse :

« § 1. […]

Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu’à la fin de l’obligation scolaire, le choix entre l’enseignement d’une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle.

[…]

§ 3. Chacun a droit à l’enseignement dans le respect des libertés et droits fondamen- taux. L’accès à l’enseignement est gratuit jusqu’à la fin de l’obligation scolaire.

Tous les élèves soumis à l’obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse ».

Même si c’est de manière incidente, l’article 24 de la Constitution souligne le lien consubstantiel qui unit l’obligation scolaire à, d’une part, la nécessité de rendre l’enseignement gratuit

1

et à, d’autre part, l’impérieuse obligation des pouvoirs publics de respecter les convictions religieuses et philosophiques des parents à qui ils leur enlèvent la progéniture pour assurer une part de leur éducation

2

.

1 Voy. infra, V.4.

2 Voy. infra, IV.2.

(15)

Engoncée dans son costume du droit de première génération, la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après, «  Convention  »), ignore quant à elle l’obligation scolaire. Cela n’empêche pas sa Cour de considérer, dans l’arrêt annoté, « que l’article 2 du Protocole n° 1 implique pour l’État le droit d’instaurer une scolarisation obligatoire ».

2.

L’enseignement ne pourrait être obligatoire s’il n’est pas gratuit. C’est pour- quoi la loi du 19  mai 1914 rend l’enseignement primaire à la fois obligatoire et gratuit, ce qui suppose le financement de l’enseignement libre

3

. Prolongeant l’obligation scolaire jusqu’à 18 ans, le législateur de 1983 étendit parallèlement la fourniture gratuite des manuels et fournitures scolaires à l’enseignement secon- daire

4

. De même, dès la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (ci-après DUDH)

5

, le droit international des droits de l’homme, à l’exception de la Convention, a lié l’obligatoriété et la gratuité : l’article 13.2 et l’article 14 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (ci-après PIDESC)

6

 ; l’article 28 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant de 1989 (ci-après CIDE)

7

 ; l’article 14.2 de la Charte des droits fon- damentaux de l’Union européenne de 2000 (ci-après la Charte)

8

.

3.

En revanche, tout comme les autres instruments internationaux

9

(à l’excep- tion de la CIDE, concentrée qu’elle est sur le droit des enfants )

10

, l’article 2,

3 Voy. D. laurEys, « L’enseignement gratuit et obligatoire en Belgique a 100 ans (1914-2014). Depuis, une démocratisation croissante de l’enseignement  ?  », Analyse de l’ihoes, n°  133, 16  décembre 2014, www.ihoes.be/PDF/Analyse_IHOES-133.

pdf. Voy. déjà, en ce sens, avant l’adoption de la loi de 1914, O. orBan, Le droit constitutionnel de la Belgique, t. III, Libertés constitutionnelles et principes de législation, Liège/Dessain, Paris/Giard&Brière, 1911, pp. 547 à 556. Sur les débats qui précé- dèrent l’adoption de la loi de 1914, voy. s. Van DrooghEnBroECk et D. DE JonghE, « L’envers des droits constitutionnels : les devoirs constitutionnels », in m. VErDussEn et n. BonBlED (dir.), Les droits constitutionnels en Belgique – Les enseignements jurispruden- tiels de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’État et de la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 2011, pp. 423 et 424 ; et m. El BErhoumi, Le régime juridique de la liberté d’enseignement à l’épreuve des politiques scolaires, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 76 et pp. 96 à 99.

4 Art. 8 de la loi du 29 juin 1983 concernant l’obligation scolaire, modifiant l’article 12 de la loi du Pacte scolaire.

5 Art. 26.1 : « Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseigne- ment élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire […] ».

6 Art. 13.2. Les États parties au présent Pacte reconnaissent qu’en vue d’assurer le plein exercice de ce droit : a) L’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous […] ».

Art. 14 : « Tout état partie au présent Pacte qui, au moment où il devient partie, n’a pas encore pu assurer dans sa métropole ou dans les territoires placés sous sa juridiction le caractère obligatoire et la gratuité de l’enseignement primaire s’engage à établir et à adopter, dans un délai de deux ans, un plan détaillé des mesures nécessaires pour réaliser progressivement, dans un nombre raisonnable d’années fixées par ce plan, la pleine application du principe de l’enseignement primaire et obligatoire pour tous ».

7 «  1. Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances :

a) Ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous […] ».

8 « [Le droit à l’éducation] comporte la faculté de suivre gratuitement l’enseignement obligatoire ».

9 Art. 26.3. de la DUDH : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants » ; art.  13.3. du PIDESC  : «  Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l’État en matière d’éducation, et de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions » ; art. 14.3. de la Charte : « 3. La liberté de créer des établissements d’enseignement dans le respect des principes démocratiques, ainsi que le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l’exercice ».

10 Les articles 28 et 29 de la CIDE, relatifs au droit à l’enseignement, ne contiennent pas pareille garantie.

(16)

deuxième phrase, du Premier protocole à la Convention consacre explicitement l’obligation qui pèse sur les États de respecter les convictions religieuses et philosophiques des parents

11

. Dès son arrêt Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen

c. Danemark du 7 décembre 1976, la Cour européenne des droits de l’homme

adoptait l’interprétation suivante de cet article, synthétisée dans l’arrêt com- menté :

« 50. […] La seconde phrase de l’article 2 (P1-2) doit se lire en combinaison avec la première qui consacre le droit de chacun à l’instruction. C’est sur ce droit fonda- mental que se greffe le droit des parents au respect de leurs convictions religieuses et philosophiques, la première phrase ne distingue pas plus que la seconde entre l’enseignement public et l’enseignement privé.

Les travaux préparatoires, qui revêtent sans doute une importance particulière pour une clause ayant donné lieu à de si longues et ardentes discussions, confirment l’interprétation qui se dégage de prime abord du libellé de l’article 2 (P1-2). S’ils montrent sans conteste, ainsi que l’a rappelé le Gouvernement, le prix que beaucoup de membres de l’Assemblée [c]onsultative et nombre de gouvernements attachaient à la liberté d’enseignement, c’est-à-dire la liberté de créer des écoles privées, ils ne révèlent pas pour autant l’intention de se contenter de garantir celle-ci. À la diffé- rence de certaines versions antérieures, le texte finalement adopté ne la proclame pas en termes exprès et il ressort de maintes interventions et propositions, citées par les délégués de la Commission, que l’on n’a pas perdu de vue la nécessité d’assurer dans l’enseignement public le respect des convictions religieuses et philosophiques des parents.

La seconde phrase de l’article 2 (P1-2) vise en somme à sauvegarder la possibilité d’un pluralisme éducatif, essentielle à la préservation de la “société démocratique”

telle que la conçoit la Convention. En raison du poids de l’État moderne, c’est surtout par l’enseignement public que doit se réaliser ce dessein ».

La Cour soulignait encore que «  c’est en s’acquittant d’un devoir naturel envers leurs enfants, dont il leur incombe en priorité d’“assurer [l’] éducation et [l’] enseignement”, que les parents peuvent exiger de l’État le respect de leurs convictions religieuses et philosophiques. Leur droit correspond donc à une responsabilité étroitement liée à la jouissance et à l’exercice du droit à l’instruction » (§ 53).

Elle précisera ultérieurement que « l’éducation des enfants est la somme des procédés par lesquels, dans toute société, les adultes tendent d’inculquer aux plus jeunes leurs croyances, coutumes et autres valeurs, tandis que l’enseigne- ment ou l’instruction vise notamment la transmission des connaissances et la formation intellectuelle »

12

. C’est donc tant dans l’éducation que dans l’ensei- gnement ou l’instruction que les convictions parentales doivent être respectées.

11 « Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’État, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ».

12 Cour eur. D.H., arrêt Campbell et Cosans c. Royaume-Uni du 25 février 1982, Série A, n° 48, § 33.

(17)

4.

L’obligation scolaire, indissociable de la gratuité et du respect des convic- tions des parents, se décline en deux contraintes. La première pèse sur l’enfant et ses parents : la liberté de choisir un enseignement est en fait une obligation.

Pour paraphraser Giron, « [l]a liberté de choix n’est pas la liberté de l’absti- nence » (A). La seconde s’impose au système scolaire : l’enseignement est libre, mais il doit être de qualité. Pour citer Giron, «  la liberté de l’enseignement n’est pas la liberté de l’ignorance »

13

(B).

A. La liberté de choix n’est pas la liberté de l’abstinence

5.

Il y a un certain paradoxe à vouloir conjuguer la liberté d’enseignement et la scolarité obligatoire. C’est que cette liberté est transcendée par le droit à l’éducation dont la jouissance est obligatoire

14

. D’aucuns n’ont au demeurant pas hésité à affirmer que, face à une telle donne juridique, il est abusif de parler d’un véritable «  droit de l’Homme  »

15

. D’autres, au contraire, ont pertinem- ment observé que, loin de contrarier la nature du droit à l’éducation comme droit de l’homme, l’obligation scolaire en assure l’effectivité – non seulement contre les décisions parentales, mais aussi contre l’éventuelle immaturité des choix de l’enfant lui-même – ainsi que l’égale jouissance

16

. L’arrêt annoté de la Cour constitutionnelle s’inscrit dans cette perspective : « en fixant une période durant laquelle l’enseignement est obligatoire pour tous les enfants, l’obligation scolaire tend à protéger les enfants et à assurer l’effectivité de leur droit à l’éducation »

17

. Il s’agit là de l’un des rares devoirs que le constituant a expressément imposé aux citoyens

18

.

Ce souci de grande effectivité est généré par la spécificité du droit à l’éduca- tion, qualifié d’« empowerment right »

19

, ou encore, pour reprendre les termes d’Y. Daudet

20

, de « droit d’amont ». L’idée, exprimée par Mme K. Tomasevski (Rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à l’éducation), est que le droit à l’éducation est une « clef d’accès aux autres droits de l’Homme » : « De

13 a. giron, Le droit public de la Belgique, Bruxelles, A. Manceaux, 1884, p. 463.

14 Voy. S. Van DrooghEnBroECk et X. DElgrangE, « Le droit à l’éducation, obligation positive des États », L’éducation et les droits de l’homme, Strasbourg, Recueil des cours de l’Institut international des droits de l’homme, 2008.

15 Voy. L. kühnharDt, Die Universalität der Menschenrechte  : Studie zur ideengeschichtlichen Bestimmung eines politischen Schlüsselbegriff, Munich, 1987, p. 340.

16 Voy., à ce sujet, K.D. BEitEr, The Protection of the Right to Education by International Law, Martinus Nijhoff Publishers, Leiden/Boston, 2006, pp. 31 et 32 et les références citées.

17 C. const., arrêt n° 107/2009 du 9 juillet 2009, B.18.1. Affirmation répétée dans les arrêts 168/2009 du 29 octobre 2009, B.7.1 ; n° 80/2014 du 8 mai 2014, B.12.1 ; 60/2015 du 21 mai 2015, B.15.1.

18 s. Van DrooghEnBroECket D. DE JonghE, «  L’envers des droits constitutionnels  : les devoirs constitutionnels  », op.  cit., pp. 423 à 426.

19 Le concept d’« empowerment right » (par opposition aux « survival rights », aux « membership rights » et aux « protection rights ») est attribué à J. DonnElly et R. hoWarD, « Assessing national human rights performance : a theoretical framework », Human Rights Quarterly, vol. 10, 1988, pp. 214 et 215.

20 Y. DauDEt, « Les instruments juridiques internationaux relatifs au droit à l’éducation », Le droit fondamental à l’éducation : les droits et les obligations qui découlent des instruments internationaux. À cura di Claudio Zanghi e Karel Vasak, Messine, 23-24 novembre 2001, Giappicheli Editore, Torino, 2003, p. 7.

(18)

nombreux droits fondamentaux, en particulier les droits liés à l’emploi et à la sécurité sociale, ne sont pas accessibles à ceux qui n’ont pas reçu d’instruction.

L’éducation a un effet multiplicateur. Lorsque le droit à l’éducation est garanti, le respect des droits et libertés individuels s’en trouve renforcé. Inversement, lorsque ce droit est nié ou violé, les individus sont privés de nombreux droits et libertés »

21

. La Cour Suprême américaine n’avait fondamentalement pas affirmé autre chose dans la célèbre affaire Brown v. Board of Education of Topeka

22. Il

en va de même pour la Cour européenne des droits de l’homme : « l’enseigne- ment est un type très particulier de service public, qui ne profite pas seulement à ses usagers directs mais qui sert aussi d’autres buts sociétaux. En fait, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que « [d]ans une société démocratique, le droit à l’instruction [est] indispensable à la réalisation des droits de l’homme [et] occupe une place [...] fondamentale [...] »

23

.

6.

La liberté de choix des parents et la garantie du respect de leurs convictions ne peuvent porter atteinte au droit de l’enfant à l’instruction. Il y a, aux yeux de la Cour européenne des droits de l’homme, une hiérarchie entre deux droits garantis  : «  le droit des parents au respect de leurs convictions religieuses s’incline devant le droit fondamental de l’enfant à l’instruction (Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, précité, § 52) et que lorsqu’au lieu de le conforter, les droits de parents entrent en conflit avec le droit de l’enfant à l’instruction, les intérêts de l’enfant priment »

24

.

La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi estimé que c’est à bon droit que le Grand-Duché de Luxembourg a refusé d’accorder la dispense de l’obligation scolaire le samedi à des parents, membres de l’Église adventiste du 7

e

 Jour, dont le culte prescrit le repos absolu ce jour-là

25

.

7.

Le libre choix d’une école constitutionnellement garanti en Belgique doit être articulé avec ce principe d’obligation scolaire. Aux yeux de la Cour constitutionnelle dans le second arrêt annoté, le choix ne se limite pas aux établissements de la Communauté et à ceux qu’elle subventionne : la liberté d’enseignement « comporte le libre choix par les parents de la forme de l’ensei- gnement, et notamment le choix d’un enseignement à domicile dispensé par les parents, ou d’un enseignement dispensé dans un établissement d’enseigne-

21 Rapport annuel présenté par Mme K. Tomasevski, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation, E/CN.4/2001/52, n° 11.

22 Cité et analysé par K.D. BEitEr, The Protection of the Right to Education by International Law, op. cit., p. 18.

23 Cour eur. D.H., arrêt Velyo Velev c. Bulgarie du 27  mai 2014, §  33. La Cour renvoie à son arrêt Leyla Sahin c. Turquie (gde ch.) du 10 novembre 2005, § 137, et, plus récemment, à son arrêt Ponomaryovi c. Bulgarie du 21 juin 2011, § 55.

24 Cour eur. D.H., décision du 27 avril 1999, Martins Casimiro et Cerveira Ferreira c. le Luxembourg ; décision du 30 novembre 2004, Bulski c. Pologne.

25 Décision Martins Casimiro et Cerveira Ferreira préc. Voy. E. BriBosia, J. ringElhEim, et I. roriVE, « Aménager la diversité : le droit de l’égalité face à la pluralité religieuse », Rev. trim. D.H., 2009/78, p. 354.

(19)

ment qui n’est ni organisé, ni subventionné, ni reconnu […] »

26

. Le droit belge consacre dès lors une instruction obligatoire, pouvant être satisfaite à domicile, plutôt qu’une véritable obligation scolaire

27

.

Cette interprétation n’est pas incompatible avec l’article 2 du Protocole n

o

 1 de la Convention. En effet, dans le premier arrêt annoté, la Cour européenne des droits de l’homme considère que la scolarisation que l’État a la faculté d’imposer peut avoir « lieu dans les écoles publiques ou au travers de leçons particulières de qualité ». Dans cet arrêt, elle « relève qu’il semble n’exister aucun consensus entre les États contractants en ce qui concerne la fréquen- tation obligatoire de l’école primaire. Alors que certains pays autorisent l’ins- truction à la maison, d’autres imposent la scolarisation dans des établissements publics ou privés ». Elle laisse dès lors la décision à la marge d’appréciation des États, tout en estimant que l’interprétation retenue par la Cour constitu- tionnelle allemande, lorsque celle-ci souligne « l’intérêt général de la société à prévenir l’émergence de sociétés parallèles fondées sur des convictions philosophiques distinctes et l’importance de l’intégration des minorités dans la société », « est conforme à sa propre jurisprudence concernant l’importance du pluralisme pour la démocratie ». La Cour européenne des droits de l’homme permet donc, et même encourage, les États à imposer la fréquentation d’une école.

Dans un arrêt Sampanis du 5  juin 2008, elle précise avoir «  plus récem- ment souligné l’importance de la scolarisation des enfants dans des écoles primaires, non seulement pour l’acquisition des connaissances mais aussi pour l’intégration des enfants dans la société. La Cour a par ailleurs admis l’utilité du système de scolarisation obligatoire pour éviter l’émergence au sein d’une société de deux entités aux convictions philosophiques différentes (Konrad et

autres c. Allemagne (déc.), no

  35504/030, 11  septembre 2006). Au vu de ce qui précède, la Cour souligne l’importance particulière, dans les systèmes où la scolarisation au sein d’établissements publics ou privés est obligatoire, de l’inscription à l’école de tous les enfants en âge scolaire, importance encore accrue lorsque les enfants appartiennent à des minorités »

28

. L’on aperçoit que la scolarisation obligatoire a gagné en densité entre l’arrêt commenté de 2006 et cet arrêt de 2008. En effet, dans cet arrêt ultérieur, la Cour européenne des droits de l’homme reprend à son compte le raisonnement de la haute juridiction allemande et omet de rappeler la marge d’appréciation des États.

26 C. const., arrêt n°  107/2009 du 9  juillet 2009, B.16.2  ; n°  168/2009 du 29  octobre 2009, B.5.2. Dans ses arrêts ulté- rieurs relatifs à la Communauté flamande, la Cour vise « le choix d’un enseignement à domicile dispensé par les parents, ou d’un enseignement à domicile collectif dispensé dans un établissement qui n’est ni agréé, ni financé, ni subventionné » (arrêts nos 80/2014 du 8 mai 2014, B.10.2 ; 60/2015 du 21 mai 2015, B.13.2).

27 R. VErstEgEn, « Het leerlingenstatuut in de Vlaamse Gemeenschap », T.J.K., 2008, p. 169. Le terme néerlandais « leerplicht » est, dès lors, davantage idoine que sa version française d’obligation scolaire.

28 Cour eur. D.H., arrêt Sampanis c. Grèce du 5 juin 2008, § 66. Sur cet arrêt, voy. infra, VI.1.

(20)

À l’inverse, la Cour suprême des États-Unis a, dans un arrêt d’espèce il est vrai, donné raison aux membres d’une communauté amish qui entendaient obtenir, au titre des aménagements raisonnables, non pas le droit de faire poursuivre la scolarité de leurs enfants à domicile, ce que l’État du Wisconsin leur accordait, mais une dérogation leur permettant de remplacer, à partir de quatorze ans, l’enseignement par une formation pratique au sein de la com- munauté

29

.

8.

L’instruction obligatoire fait aussi naître une obligation positive à l’adresse des pouvoirs publics : « l’obligation scolaire, qui vise à garantir l’exercice réel du droit à l’enseignement dans l’intérêt de l’enfant, doit pouvoir être contrôlée de manière effective »

30

. Dès lors, les communautés ont le devoir de mettre en place des mécanismes « permettant de vérifier que tous les enfants reçoivent effectivement, fût-ce à domicile, un enseignement permettant de satisfaire à l’obligation scolaire, afin de garantir ainsi leur droit à l’instruction »

31

. Cepen- dant, à Bruxelles, le contrôle de l’obligation scolaire revient à l’autorité fédérale qui, en pratique, délaisse totalement cette compétence

32

.

L’obligation scolaire postule aussi une obligation des pouvoirs publics de garantir une offre scolaire suffisante. Néanmoins, la répartition constitution- nelle des compétences en matière d’enseignement à Bruxelles fait qu’aucune communauté n’est responsable de la scolarisation de l’ensemble des enfants bruxellois, et que les communautés française et flamande ne le sont pas davantage solidairement. En quelque sorte, à Bruxelles, elles sont dispensées de l’obligation que leur fait l’article  24, §  1

er

, alinéa  3, de la Constitution, d’organiser un enseignement, qui renvoie implicitement à l’exigence du Pacte scolaire d’ouvrir des écoles « là où le besoin s’en fait sentir ». En raison de l’insuffisance des moyens qu’elles mobilisent pour faire face au boom démogra- phique bruxellois, la Région de Bruxelles-Capitale a pris l’initiative de financer des infrastructures scolaires. La Cour constitutionnelle a toutefois rappelé à la Région la loi d’airain du fédéralisme financier à la belge interdisant à une entité d’octroyer des moyens là où elle n’est pas matériellement compétente

33

.

29 Wisconsin v. Yoder, 406 US 205 (1972). Il semble que, depuis, la Cour soit revenue à une conception plus restrictive des aménagements raisonnables (voy.  G. CaCErEs, «  L’aménagement raisonnable en matière religieuse  : lorsque les concepts franchissent l’Atlantique », Rev. dr. int. dr. comp., 2012/1, pp. 17 à 19).

30 C. const., arrêts nos 107/2009 du 9 juillet 2009, B.41.2, et 168/2009 du 29 octobre 2009, B.23.2 ; arrêt n° 60/2015 du 21 mai 2015, B.33.

31 C. const., arrêts nos  107/2009 du 9  juillet 2009, B.18.2, et 168/2009 du 29  octobre 2009, B.7.2  ; arrêt n°  80/2014 du 8 mai 2014, B.12.2 ; arrêt n° 60/2015 du 21 mai 2015, B.15.2.

32 H. Dumont et S. Van DrooghEnBroECk, «  L’interdiction des sous-nationalités à Bruxelles  », A.P.T., 2011/3, pp.  207 à 208  ; X. DElgrangE et M. El BErhoumi, « Écoles flamandes de Bruxelles : la préférence linguistique validée », obs. sous C. const., arrêt n° 7/2012 du 18 janvier 2012, A.P.T., 2012/2, pp. 385 à 401.

33 Voy. C. const., arrêt n°  67/2012 du 24  mai 2012. X. DElgrangE et M. El BErhoumi, «  Le découpage des compétences régionales et communautaires à Bruxelles ou la tentation de la transgression », in P-O. DE BrouX, B. lomBaErt et D. yErnault (dir.), Le droit bruxellois. Le bilan après 25 ans d’application (1989-2014), Bruxelles, Bruylant, 2015, pp. 77 et s.

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