R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
C ENTRE D ’É TUDES ET DE M ESURES DE
LA P RODUCTIVITÉ
Concepts et terminologie de la productivité
Revue de statistique appliquée, tome 2, n
o1 (1954), p. 89-96
<
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CONCEPTS ET TERMINOLOGIE DE LA PRODUCTIVITÉ
(Note communiquée par le Centre d’Études
et
de Mesures de la Productivité)
La Commission des Mesures de Productivité du Comité National de la Productivité a
pensé qu’il
serait utile de condenser dans un document delarge in f ormation
lesdéfinitions
que lesspécialistes
ont été amenés àdégager,
con-cernant le
concept
deproductivité
et lesdifférentes
notionsqui s’y
rattachent.Un
groupe
de travail a été constitué dans ce but : il estcomposé
de MM.Jean DAYRE,
ConseillerTechnique
ait Commissariat Général à la Produc-tivité ; Jean GOUIN, Inspecteur
duTravail ; Jean PREVOT, C’he f
duBureau Central de
Statistique
industrielle au Ministère de l’Industrie et ditCommerce ; Roger REMERY,
Directeur du Centre d’Etudes et de Mesures de la Productivité.Un document
d’ensemble,
en coursd’élaboration, comprendra
troisparties :
I° La notion de
productivité
et sescorollaires ;
2° Les
techniques
de laproductivité 30
L’évolution de laproductivité.
M.
Remery
a bien voulu moitscommuniquer
le texteproposé par
leGroupe
deTravail,
en cequi
concerne lapremière partie.
1. LA PRODUCTIVITÉ
Le sens de ce mot, récemment
passé
dansl’actualité,
a évolué et s’estprécisé
au cours destemps. D’après
le dictionnaireétymologique Larousse,
on verraitapparaître
le terme pour la pre- mière fois dans un article deQUESNAY,
Chefdel’Ecole desPhysiocrates,
en 1766. Pendantlongtemps,
le sens du mot est resté assez vague. Le Littré
(1883)
donne la définition « Faculté deproduire »
etcette définition se retrouve encore dans le Larousse
(édition
de1946-49).
Cependant,
dès le début du XXesiècle,
les économistes attachaientdéjà
au motproductivité
un sens
plus précis,
celui derapport (mesurable)
entreproduit
et facteurs. C’est le sens, notam- ment, que lui attribuaitexplicitement
Albert AFTALION dans son article « Les trois notions de laproductivité
et les revenus »(Revue
d’EconomiePolitique, 1911).
Cette
signification
nouvelle estaujourd’hui
consacrée dans lelangage économique.
Laproduc-
tivité n’est
plus
considérée comme unefaculté,
uneaptitude,
mais comme unrésultat,
un effet : lerapport
de l’effet au moyen, duproduit
aux facteurs.Dans son sens le
plus général,
onpeut
dire que laproductivité
est la mesure de l’économie des moyens. Elle est d’autantplus
forte que les moyens mis en oeuvre pour atteindre une fin donnée sontplus
réduits.D’un
point
de vueplus technique,
on définira laproductivité
commeexprimant
la «produc-
tion par unité de facteur ».
Toutefois,
cette définition condenséepeut
s’entendre en deux sensdifférents,
selon que l’onrapporte
laproduction
à l’un des facteurs ou à l’ensemble des facteurs de laproduction,
1-1. - LES
PRODUCTIVITÉS SPÉCIFIQUES
DESDIFFÉRENTS
FACTEURS.Si on
rapporte
laproduction
à l’un desfacteurs,
on obtient laproductivité spécifique
dufacteur considéré. Telle est la notion
générale
retenue parl’Organisation Européenne
deCoopé-
ration
économique (0.
E. C.E.)
à la suite des travaux d’une Commission d’étudesprésidée
par M. Jean FOURASTIE.On
lit,
eneffet,
auparagraphe
2 de laTerminologie
de laProductivité, publiée
en décem-bre 1950 par l’O. E. C. E. : « La
productivité
est lequotient
d’uneproduction
par l’un des facteurs de laproduction.
Onparle
ainsi de laproductivité
ducapital,
des investissements, des matières pre-mières,
selon que l’onrapporte
laproduction
aucapital,
aux investissements, aux matières pre-mières,
etc... ».Il est
précisé,
auparagraphe
3 : « La notion laplus
usuelle de laproductivité
est laproduc-
tivité du travail humain.
Lorsqu’on parle
deproductivité
sans autrequalification,
c’est de laproduc-
tivité du
travail qu’il s’agit ».
Il ressort de cette définition que les mesures de
productivité spécifique
font intervenir, autant quepossible,
lesrapports
dequantités physiques.
Ces
rapports
sont formulés tantôt sous la forme directequi
vient d’êtreindiquée (production
par unité de
facteurs),
tantôt sous la forme inverse, celle d’une consommationspécifique
par unité deproduit.
On
utilise,
engénéral :
La forme directe pour mesurer la
productivité
des facteurs fixes tels que la terreagricole (production
parhectare)
et lescapitaux
fixesincorporés
dans leséquipements (production
parmachine, etc...) ;
La forme inverse
(consommation
par unité deproduit)
pour mesurer l’économie d’utili- sation des facteurs variables tels que le travailhumain,
les matièrespremières, l’énergie...
Parexemple,
on mesurera laproductivité
de la main-d’oeuvre dans un atelier en évaluant le nombre d’heures de travail d’ouvriersdépensées
par unité deproduit ;
demême,
on évaluera le rendement d’utilisation des combustibles dans une usinethermique
enkilogrammes
de charbon consommés par kilowatt-heureproduit,
L’intérêt d’utiliser cette notion de consommation
spécifique
par unité deproduit
est que l’on aboutit ainsi à desgrandeurs
additives. Parexemple,
on feraapparaître
que l’unité d’un pro- duit donné est obtenue en additionnant telles consommations de main-d’oeuvre,d’énergie,
de ma-tières
premières, d’équipement,
etc...Du fait
qu’elles
utilisent desquantités physiques,
les notions deproductivité spécifique (ou
deconsommation
spécifique)
ontl’avantage
d’être trèsexpressives,
aisément accessibles aux hommesqui
travaillent dans le concret(ingénieurs, agents
de maîtrise,ouvriers).
Il convient,
toutefois, d’interpréter
avec discernement les indices ainsiobtenus ;
eneffet,
l’accroissement de laproductivité spécifique
des facteurs lesplus
habituellement considérés(produc-
tivité du
travail, productivité
de la terre, rendement d’utilisation d’une matièrepremière) peut,
dans certains cas, coïncider avec une
augmentation
duprix
de revient de laproduction,
même si lesprix
d’achat des facteurs n’ont pasaugmenté.
Un tel résultatpeut
seproduire
si laproductivité spécifique
de certains autresfacteurs, plus
rarementpris
en considération, a diminué sansqu’on
y aitpris garde ;
parexemple,
la substitution d’un travailmécanique
à un travail manuelpeut,
danscertains cas, conduire à une
augmentation
du coût unitaire desproduits
et, parconséquent,
à une dimi-nution de la
productivité
de l’ensemble desfacteurs,
bien que cette transformation accroisse engénéral
très sensiblement laproductivité spécifique
du travail humain. Ilpeut
en être ainsilorsque
la machine est faiblement utilisée et si le coût
d’usage
del’équipement
compense, et audelà,
l’écono- mie de main-d’oeuvre par unité deproduit.
1-Z. - NOTIONS
SYNTHÉTIQUES
DE LAPRODUCTIVITÉ.
C’est
pourquoi
il est intéressant deconsidérer,
enregard
de laproductivité spécifique
de cha-que
facteur,
un groupe de notionssynthétiques qui
mettent enjeu
l’ensemble des facteurs et s’obtien- nent en combinant les effets de chacun d’eux.Cette observation conduit à définir notamment la
productivité globale
des facteurs et laproductivité intégrale
du travail.1-3. - LA
PRODUCTIVITÉ
GLOBALE DES FACTEURS.La
productivité globale
des facteurspeut
être définie comme lerapport
du volume dela
production
au volume total des facteursdépensés
dans lecycle
deproduction.
Telle est la notion
exprimée
par Albert AFTALION dans l’articleprécité
de1911, qui
définitla
productivité globale
comme « lerapport
entre laproduction
totale obtenue en untemps
donné etl’ensemble des
agents employés
à cetteproduction
».En
pratique,
cetteproductivité globale s’exprime
de lafaçon
laplus
commode par une esti- mation envaleur, puisque
laproduction
est engénéral hétérogène
et que les facteurs deproduction
le sont
toujours.
Desprécautions
doivent alors êtreprises
pour éliminer les effets des variations deprix,
cequi
revient à dire que, dans les mesurescomparatives,
on doit calculer les valeurs desproduits
comme celles des facteurs à l’aide d’unsystème
deprix
normalisés. Il s’ensuit que les indices deproductivité
obtenus(par rapport
à une référencedonnée) dépendent
dusystème
deprix
utilisé pour faire la
comparaison.
Cette relativité de laproductivité globale
auxprix
d’évalua-tion a été clairement mise en lumière dans divers travaux
théoriques.
Voir notammentl’ouvrage
de M. Jean DAYRE «
Productivité,
Mesure duProgrès » (page 43).
En
résumé,
l’accroissement de laproductivité globale
mesure le bilan d’ensemble des écono- miesphysiques
réalisées sur la consommation totale des facteurs deproduction.
La réduction du coûtpeut résulter,
soit d’un abaissement desprix
desfacteurs,
soit d’une meilleure utilisation de cesfacteurs. L’accroissement de la
productivité globale
des facteurs reflète ainsi la réduction de coût obtenue ensupposant
éliminées les fluctuations desprix. Toutefois,
cette évaluation laissesubsister,
comme on l’a dit à l’alinéa
précédent,
l’influence de la structure deprix
choisie comme base.La
productivité globale peut
se relier auxproductivité spécifiques
des différents facteurs dont ellereprésente
une moyennepondérée.
1-4. - NOTIONS DE
PRODUCTIVITÉ
FAISANT INTERVENIR LE TRAVAILINTÉGRÉ:
LA
PRODUCTIVITÉ INTÉGRALE
DU TRAVAIL.Parallèlement,
d’autres recherches ont été faites en vue de mesurer laproductivité
parrapport
au travail humain
qu’on
retrouve à la source même de laplupart
des valeurs. Eneffet,
toutedépense
de matières
premières, d’équipement
ou de services d’une naturequelconque
seramène,
à très peuprès,
à unedépense
de travail humain(le
travailqu’il
a fallu fournir pourproduire
cesmatières, équipements
etservices).
On arrive ainsi, en additionnant le « travail visible » et le « travailincorporé»
dans les autresfacteurs,
àdégager
la notion deproductivité
du travail total ou « travailintégré
». Cette notionexprime,
àl’inverse,
ce que coûteglobalement
l’unité duproduit
en travailhumain.
Elle est
esquissée,
sous le nom deproductivité
totale auparagraphe
15 de laterminologie
de l’O. E. C. E. On la trouve
développée,
sous le nom de «productivité globale
» ou «productivité
totale nette » dans une note du
Groupe
de Travail des Statisticiens de la Productivité au Commissa- riat Général du Plan(voir
FOURASTIE : LaProductivité,
page55).
M.DAYRE,
dansl’ouvrage précité,
arepris
cette notion sous le nom deproductivité intégrale
du travail afin de ladistinguer
à la fois de la
productivité globale
des facteurs et desproductivités (brute
ounette)
du seul travail visible. Cet auteursouligne
les difficultés d’une mesure directe de laproductivité intégrale
du travailet montre comment le
prix
salarial endonne,
sous certaines réserves, une mesure indirecte etapproximative.
On
peut
définir leprix
salarial d’une marchandise comme le «prix
évalué en unités desalaires » obtenu en divisant le
prix
monétaire de la marchandise par un salaire horairetype pris
comme unité de valeur. Ce salaire
type peut être,
selon la conventionadoptée,
soit le salaire de ma- noeuvre debase,
soit une moyennepondérée
des salaires de différentescatégories correspondant
au travail total
impliqué
dans le processus deproduction.
On démontre que leprix
salarial calculésur la base du salaire horaire varie sensiblement comme l’inverse de la
productivité intégrale
dutravail.
Sans aller
jusqu’au
calculcomplet
de laproductivité intégrale
dutravail,
ilpeut
être utile dans lapratique,
notamment dans descomparaisons
entreentreprises,
de faire des mesures danslesquelles
certains facteurs deproduction
autres que letravail,
parexemple, : l’équipement, l’énergie,
sont évalués en
équivalents
de travail.1-5. -
EXPRESSIONS
DE LAPRODUCTIVITÉ
EN VALEUR NETTE.Peut-on,
en conservantl’optique
de laproductivité
du travail et en seplaçant
d un stadedonné du processus
productif,
trouver une formulequi
rendecompte
de l’action combinée des divers facteurs de laproduction,
le travail visible et les autres facteursqui
lui sont associés ? Dans cetteligne
derecherche,
on est amené àdégager
une notionnouvelle,
laproductivité
nette dutravail, qui correspond
à la valeurajoutée
par unité de travail.Pour calculer cette
productivité
nette dutravail,
onpartira
d’une évaluation du «produit
net »ou valeur
ajoutée
en fonction du travail. Ceproduit
net nepeut,
engénéral,
êtreexprimé
en volumephysique ;
on te mesurera donc en valeur en serappelant
les conditions que celaimplique (Cf.
paragraphe
1.3ci-dessus).
Leproduit
net sera enconséquence
défini comme la différence entre la valeur brute de laproduction
et la valeur totale de tous les autres facteursdépensés
dans lecycle
deproduction (y compris
les services ducapital).
Il esfprécisé
que ces valeurs deproduits
et de facteursdoivent,
pour larigueur
descomparaisons,
être calculées selon unsystème
normalisé deprix
et nonaux
prix variables du marché,
Si on divise ensuite le
produit
net ainsi calculé par laquantité
de travail visibledépensée dans
le
cycle
deproduction,
on obtient taproductivité
nette du travail. On aboutira à desexpressions
nuancées suivant que les
quantités
de travail(évaluées
parexemple
enheures)
seront fournies parune
simple
addition ouqu’elles
serontpondérées,
selon la nature destâches,
par des coefficientsappropriés
dequalification
ou depénibilité.
La notion de
productivité
nette du travailprésente
unepropriété
intéressante dans les études relatives à laproductivité
nationale. Onpeut
démontrer en effet quel’indice,
parrapport
à unepériode
donnée deréférence,
de laproductivité
d’ensemble du travail national coïncide avec la moyennepondérée
par lesquantités
detravail,
des indices deproductivités
nettes du travail desdifférentes branches de l’économie nationale
(voir
à cesujet,
J.DAYRE,
op.cité, chapitre
VII etpage
61).
Il convient toutefois d’utiliser cet indice avec discernement car ses variations, à l’échelle d’uneentreprise
ou d’uneindustrie,
ne reflètent pastoujours
exactement le mouvement de laproduc-
tivité
globale
des facteurs.La notion de
productivité
nette,qui
vient d’êtredégagée
en fonction du travailvisible, peut
être
élargie
à d’autres facteurs de laproduction.
C’est ainsiqu’on définira,
de manièreanalogue,
une
productivité
nette del’équipement,
del’énergie
ou de tel autre facteurparticulier.
En ce sens, on
peut
concevoir laproductivité
nette del’entreprise (et
nonplus
du seul travailvisible)
comme traduisant l’action combinée de ces facteurs internes : travail etcapital.
Dans cetteconception,
leproduit
net del’entreprise
est la différence entre leproduit
brut et le total des facteurs externes(capital exclu).
Ceproduit
net estrapporté
aucomplexe
formé par l’association du travail et ducapital.
1-6. -
RÉSUMÉ
DESDIFFÉRENTES
NOTIONS.On
peut représenter
le processus de laproduction
par le schéma suivant :Les différentes notions de la
production peuvent
alors êtrereprésentées
par les formulesci-après :
Les termes de ces diverses fractions sont évalués en unités
physiques
si cela estpossible
et envateur dans le cas contraire pour certains calculs
particuliers.
Les estimationscomparatives
en valeurdoivent être faites en utilisant un
système
deprix
normalisé pour lesproduits
comme pour les fac- teurs ; ondoit,
deplus,
serappeler
que cesystème
deprix normalisé, quelqu’il
soit, exerce sur leschiffres obtenus une influence
qu’il
estimpossible
d’éliminer.1-7. -
PRODUCTIVITÉ
ET COUT.Quelle
que soit la définitionparticulière utilisée, l’expression numérique
de laproductivité
se
présente
comme l’inverse d’un coût deproduction (au
sens où le mot coût deproduction désigne
le coût unitaire du
produit
relatif aux facteursenvisagés).
La
productivité spécifique
d’un facteurparticulier
est l’inverse de ce que coûte l’unité deproduit
enquantités
de ce facteurparticulier.
Laproductivité intégrale
du travail est l’inversede ce que coûte l’unité de
produit
en travailintégré (visible
etincorporé).
Laproductivité globale
des facteurs varie comme l’inverse du
prix
de revient, àprix
constant des facteurs.1-8. -
PRODUCTIVITÉ
ETÉVOLUTION
A LONG TERME DEL’ÉCONOMIE.
L’évolution à
long
terme de l’économie estdans
une trèslarge
mesure, le reflet du mouvement de laproductivité.
L’accroissementplus
ou moinsrapide
de laproductivité
au cours destemps
setraduit dans la
longue période
par l’élévationgraduelle
des niveaux de vie en mêmetemps
que par deschangements
de structure de la consommationqui exigent
uneadaptation
corrélative de la struc- ture de laproduction
et del’emploi.
Ces effets ont été mis en lumière dans les livres fondamentaux de M. Jean FOURASTIE(Le
GrandEspoir
du XXesiècle,
Machinisme etBien-être)
dont un boncondensé a été
publié
par l’auteur sous le titre « Laproductivité
». Voirégalement,
en cequi
concerne l’étude de l’évolution de laproductivité
dans diversesbranches,
lapublication
de l’Institut deConjonc-
ture, due à la collaboration de M. André VINCENT : « Le
Progrès technique
en Francedepuis
100 ans »
(1944). Signalons,
sur leplan international, l’ouvrage
de l’économiste australien Colin CLARK : « Conditions of economic progress ». On notera toutefois que cet auteur utilise assez peu la notion deproductivité proprement
dite pour caractériser leprogrès économique.
En ce
qui
concerne les méthodes de laproductivité
et le but social d’unepolitique
deproduc-
tivité,
voir cequi
est dit au mot « rationalisation ».Il. L’EFFICIENCE
Ce mot est
apparenté
au motanglais
«efficiency », qui,
au senslarge, peut
être considérécomme à peu
près
synonyme de «productivité »
et de « rendement ».Si on s’efforce d’en
préciser
ladéfinition,
on remarquera que le mot efficience inclut effecti- vement la notion deproductivité,
mais ladépasse
en un certain sens, enexprimant
uneaptitude,
une
capacité,
en un mot unequalité
del’organisme
dont laproductivité
est mise en cause.Le mot« efficience»
peut,
eneffet,
être considéré comme traduisant laqualité
d’unorganisme
dont la
productivité
n’est pasquelconque,
maissatisfaisante,
etqui
tend constamment vers une pro- ductivité meilleure par l’effet d’une recherche consciente, raisonnée dans ses actes et couronnée de succès.Ainsi ce terme
exprime,
mieux que les mots «productivité »
et « rendement », l’idée d’unepensée organisatrice,
d’unprocessus
d’intellectualisation de l’effort afin de tirer le meilleurparti
desmoyens mis en oeuvre pour la fin cherchée.
Aussi bien le mot efficience n’est-il
pratiquement
pas utilisé pourdésigner
laproductivité spécifique
des facteurs matériels. On neparlera
pas de l’efficience d’une terre, d’une matière pre- mière ou d’une formed’énergie.
Mais onparlera
de l’efficience d’unhomme,
d’unetechnique,
d’uneentreprise
ou d’une institution pourqualifier
unhomme,
unetechnique,
uneentreprise,
une institu-tion
qui
obtiennent des résultats valables par un effort délibéré d’accroissement de laproductivité.
III. EFFICIENT
Cet
adjectif
serautilisé,
depréférence
au mot «productif »,
pourqualifier l’organisme qui
obtient une
productivité
satisfaisante etqui
ladéveloppe
constamment par un effort conscient de recherche.L’usage
del’adjectif « productif »,
utilisé sans autrequalification,
est à déconseillerpuisque
laproductivité
n’a pas de sens en valeur absolue.Une
entreprise peut
avoir une bonneproductivité
pour des raisons tout à fait fortuites et tem-poraires.
Dans ce cas, on nepeut
laqualifier
d’efficiente.IV. LE RENDEMENT
A
l’origine,
le terme « rendement » semble avoirdésigné exclusivement,
sous la forme d’unrapport,
le résultat relatif d’une transformationphysique
et enparticulier
d’une transformationd’énergie.
En ce sens restreint, ce rendement est lerapport
entre laquantité d’énergie
effectivement obtenue comme résultat de cette transformation et laquantité d’énergie
mise en oeuvre dans leprocessus.
Cette notion est caractérisée par son absence de
dimension, qui
découle de ce que le résultat obtenu est, enprincipe,
de même nature que le moyen mis en oeuvre etqu’ainsi
résultat et moyen sontexprimés
avec la même unité.Cependant,
cette notionapparaissant parfois
un peuthéorique
et difficile àappliquer,
on enest arrivé à
exprimer
parexemple
le rendement d’un moteur enquantité
de combustible par cheval- heure. Une telleexpression
durendement, équivalente
au fond à lapremière,
lui faisantperdre
sacaractéristique
d’être sans dimension.De sorte que,
peut-être
pour des raisons de commodité dulangage,
le terme de rendementa fini par
s’appliquer
à toutquotient
d’unrésultat, exprimé
dans une unitéquelconque,
par un moyen,exprimé
leplus
souvent en une autre unité.Si,
dans bien des cas, le termes’applique
comme àl’origine
à desrapports
entre un résultatet un moyen consommé
(rendement
en sucre de labetterave,
rendement en aluminium del’énergie électrique dépensée
dans un fourd’électrolyse),
ils’applique également
aurapport
entre un résultatet un moyen non
consommable,
telqu’un outillage
ou tout autre facteur fixe de laproduction.
L’exem-ple
leplus significatif
est le rendement de la terreexprimé
enquintaux
de blé par hectare. Dans cette dernièreacception,
le rendement est laproduction
par unité de surface de terre arable et par unité detemps (le
rendement par hectare s’entendimplicitement
parrécolte,
c’est-à-dire paran).
S’agissant
du travailhumain,
le terme rendement aégalement
été utilisé pourspécifier
etdifférencier les résultats obtenus par un travailleur ou une
équipe
de travailleurs et il a ainsi étéquestion
deprime
derendement,
de paye aurendement, dispositions
telles que ce motévoque
àtort ou à raison une tendance à forcer l’allure du
travail,
à tirer leparti
maximum de la machinehumaine.
On
peut
estimer que le terme de rendement est en cequi
concerne le travail humainplus
étroitque le vocable
productivité
en ce sensqu’il s’applique généralement
à des travailleurs isolés ou à des collectivités restreintes etqu’il
sembledépendre
essentiellement de moyens matériels tandis que laproductivité s’applique
à des collectivitésplus
vastes etdépend
de facteursintellectuels,
voire affectifs.Rappelons
alorsqu’outre
les diversessignifications auxquelles
il vient d’être faitallusion,
on connaît aussi le rendement d’une campagne de
publicité
ou le rendement d’uneopération
debourse et constatons que ce terme a été
quelque
peugalvaudé
parl’usage.
Il sembleopportun
delimiter cet usage à la mise en
rapport
de deux faits chiffrables dont l’un est considéré comme un effet de l’autre.Les divers rendements que l’on
peut
calculer ne constituent, enfait,
que desespèces parti-
culières de « ratios » danslesquelles
onpeut
discerner une relation de cause à effet entre les deux termes.V. LA QUALITÉ
Du
point
de vueéconomique,
laqualité,
combinée avec laquantité,
est un facteurd’évaluation
des biens. Toutes choseségales d’ailleurs,
unproduit
a d’autantplus
de valeur que sesqualités procurent plus d’avantages
à celuiqui
l’utilise. L’un desproblèmes
fondamentaux de l’achat estd’apprécier
si leprix demandé
par le vendeur est enrapport
avec la « valeurd’usage »
conférée par lesqualités
duproduit.
Il y a deux sortes de
qualités
àdistinguer
selon que le consommateurapprécie l’objet
pour leplaisir
ou pour l’économie d’utilisation. Laqualité
liée auplaisir peut
être dénomméehédonistique (au
sens du mot grec : hédonê,plaisir) ;
elle nepeut
êtreappréciée
quesubjectivement.
Laqualité appréciée
dans l’utilisationpeut
êtreappelée technique ;
elle estobjective
dans la mesure où onpeut
évaluer l’économie d’utilisation. Cettequalité technique
revêt elle-même deuxaspects :
elleest
qualité physique lorsqu’elle
traduit lespropriétés mécaniques, chimiques, biologiques
del’objet
considéré ; elle est
qualité
fonctionnellelorsqu’elle exprime
uneaptitude
àl’emploi,
une commoditéd’utilisation.
Pour un usage
donné,
les différentesqualités techniques (physiques
etfonctionnelles)
d’unobjet
contribuent à déterminer son utilité ou valeurd’usage.
La valeurd’usage
d’unobjet,
compa- rativement à celle d’un autreobjet
choisi commeétalon, s’apprécie,
àproduction égale, d’après
lavaleur actuelle des économies
procurées
par l’utilisation del’objet
étudié parrapport
à l’utilisation de l’étalon. Cette définitionpeut
servir de fil directeur pour l’estimation desqualités techniques.
Ence
qui
concernel’appréciation
desqualités hédonistiques,
il ne saurait y avoir de critèreprécis.
Les notions de
qualité
et deproductivité,
que l’on a maintes foisopposées,
sont en relationétroite l’une avec
l’autre,
et cela sous deuxaspects :
a)
dans l’évaluation de laproductivité
d’uneentreprise
ou d’une industrie, une amélio- ration de laqualité (technique
ouhédonistique)
estéconomiquement
assimi-lable à une
augmentation
de laquantité ;
àdépense égale
et àquantité
cons-tante de
produit,
une amélioration de laqualité
élève l’indice deproductivité ; b)
d’autrepart,
laproductivité
de touteentreprise
est fortement influencée par laqualité
technique
des biensqu’elle
utilise comme facteurs deproduction.
Il ressort des observations
qui précèdent
que la recherche de l’amélioration de laqualité
d’un
produit
trouve sa limiteéconomique lorsque
l’obtention d’unequalité supérieure n’appor-
terait pas un
gain
de satisfactioncompensant
lesupplément
dedépense.
Cette remarque conduit àdégager
la notion de «qualité
suffisante ».VI. LA RENTABILITÉ
La notion de rentabilité se rattache à l’idée
d’équilibre
financier. Enparticulier,
le seuil de rentabilité d’un investissement est déterminé par la confrontation du coûtsupplémentaire qu’il implique
et des économiesqu’il permet.
Onpeut
définir laplus
ou moinsgrande
rentabilité en défi- nissant dequelconque
manière l’écart entre la situation réelle et le seuil de rentabilité.Il est intéressant de
préciser
la relation entre laproductivité
et la rentabilité d’uneexploitation prise
dans son ensemble. Aussilongtemps
que lesprix
des facteurs et desproduits
restent constants,la rentabilité et la
productivité globale
des facteurs évoluent dans le même sens, soit enhausse,
soiten baisse. En
effet,
sous cettehypothèse
que lesprix
restentinvariables,
toute économie des moyens, c’est-à-dire tout accroissement de laproductivité globale,
se traduit par une amélioration de la renta- bilité del’entreprise.
Par contre, la relation entre rentabilité et
productivité
cesse de se vérifier si, au cours de l’évo- lution del’entreprise,
la structure desprix
se modifie. Parexemple,
uneaugmentation
desprix
desproduits,
combinée avec une diminution desprix
des facteurspeut
entraîner uneaugmentation
de larentabilité,
même si laproductivité globale
a baissé dans le mêmetemps. Inversement,
une amélio- ration de laproductivité peut,
si lesprix
varient en sens contraire, coïncider avec une baisse de la rentabilité.En
résumé,
entre laproductivité,
notiontechnique,
et larentabilité,
notionfinancière,
il existe des affinitésévidentes ;
ainsiqu’on peut
le voir dansl’expression
« seuil de rentabilité d’un inves- tissement » ; mais ces affinitéspeuvent
être troublées par des variations desprix
tant des facteursque des
produits ;
les mouvements desprix peuvent
être tels que laproductivité
et larentabilité,
au lieu d’évoluer dans le même sens, varient en sens contraire l’une de l’autre.