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Éditions Cairn Imprimé chez Ulzama (Espagne) ISBN : Dépôt légal : avril 2020

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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ISBN : 978-2-35068-875-6 Dépôt légal : avril 2020

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sommaire

avant-propos [7]

préambule [9]

introduction [11]

dé(zoom) [19]

l'espace et le collectif [27]

extraits de discours : Laurence Rouède [30]

extraits de discours : Jean-René Etchegaray [31]

atelier collectif et territoires [32]

extraits de discours : Alain Lamassoure [44]

atelier collectif et transfrontalier [46]

extraits de discours : François Bayrou [57]

atelier collectif et centre-ville • centre-bourg [58]

l'Humain et le collectif [67]

extraits de discours : Stéphane Vincent [70]

atelier collectif et acteurs [74]

extraits de discours : Hervé Jonathan [84]

atelier collectif et concertation-représentation [86]

page 4 Sommaire

(4)

extraits de discours : Jean-Jacques Lasserre [104]

atelier collectif et numérique [106]

discours : Nathalie Motsch [121]

atelier collectif et économie circulaire [124]

mettre en musique nos territoires [135]

extraits de discours : Fayçal Karoui [138]

extraits de discours : Frédéric Morando [140]

extraits de discours : Zahia Ziouani [144]

le design, support du collectif [149]

réflexions sur le débat « expertise et démarche design » [151]

le Lab'Forum : expérimenter avec le collectif [158]

notes [167]

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page 9 Avant-propos

préambule

Plus qu’un évènementiel mettant en avant l’Agence d’urbanisme Atlantique & Pyrénées, sa genèse, son rôle, ses membres, ses acteur·rice·s, l’anniversaire des 20 ans de l’AUDAP fixe un nouveau cap et ouvre une nouvelle page de l’histoire de l’Agence, où la place du collectif et les méthodes empruntées au design auront un rôle fondamental.

UN VADE-MECUM DU « COLLECTIF ET DESIGN TERRITORIAL »

Le temps de deux après-midi, le jeudi 4 juillet à Pau et le vendredi 5 juillet à Bayonne, les débats et le travail collectif en ateliers ont illustré, voire maquetté, le rôle que propose de tenir l’AUDAP dans les années à venir. L’Agence d’urbanisme doit faire preuve d’audace pour être l’un des moteurs de l’innovation territoriale du grand Sud-Aquitain, pour toujours mieux éclairer les collectivités et leurs élu·e·s sur les choix de développement à opérer, pour mieux accompagner la co-construction des politiques publiques, au plus près des attentes des citoyens et de la préservation de notre environnement.

Aussi, l’ouvrage « Des usages du collectif au service des territoires » n’est-il pas un simple recueil des communications. Il a été pensé pour être un guide à garder à portée de main, qui capitalise des réflexions et des méthodes de travail et d’animation participatives, qui place l’intelligence collective au cœur des échanges. L’ouvrage se présente comme un outil partagé, qui enrichit le patrimoine commun des pratiques du collectif pour accompagner les territoires face aux nouveaux défis et aux profondes transformations de notre monde contemporain.

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RÉFLÉCHIR ENSEMBLE EST LA RÉUSSITE

Dérèglement climatique, révolution numérique, transition énergétique, tout récemment crise sanitaire, attentes citoyennes sont autant de défis, parfois imbriqués, auxquels les collectivités doivent faire face.

Ils impliquent une connaissance approfondie de leurs dynamiques et une transformation de nos pratiques dans la manière de penser et fabriquer la ville et les territoires. La place du collectif et la démarche design sont des gages de réussite car c’est dorénavant dans l’échange, l’altérité et l’enrichissement mutuel que se construisent les projets qui apportent les véritables réponses aux enjeux contemporains.

Définir un territoire, le qualifier, le comprendre, l’analyser ne suffit donc plus. Le temps où l’on réfléchissait seul·e, dans l’entre-soi, ou encore dans son coin est révolu ! Observer notre environnement de manière sensible, à plusieurs échelles, partager avec ses habitant·e·s, les associer, co-construire avec les différent·e·s acteur·rice·s sont autant de démarches collaboratives, croisées et fortes, qui fédèrent et permettront la construction de l'avenir pour nos territoires.

Dans ce changement de paradigme, l’AUDAP fait sa mue et se positionne désormais comme un lieu affirmé de coopération territoriale par excellence, ouvert, non plus aux seules collectivités, mais également aux acteur·rice·s de la ville et des territoires, au service de l’intérêt général. Le design et l’usage du collectif feront partie intégrante de ses

compétences.

Nathalie Motsch Présidente de l'AUDAP

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page 11 Avant-propos

introduction

POURQUOI FAIRE COLLECTIF ?

Après tout, oui, pourquoi faire collectif ? L’individualisme est partout porté sur le devant de la scène. La réussite sociale est présentée comme le résultat de parcours individuels, les artistes font des one (wo) man shows, les selfies, autoportraits égocentriques, envahissent les réseaux sociaux. Quand on est seul·e, au moins ne doit-on s’entendre avec personne : on ne poursuit que son propre but et ne sert que son intérêt personnel ; pas de complications, de débats, de négociations…

Même les réussites d’équipe sportive sont ramenées au talent individuel de tel·le ou tel·le joueur·euse : la victoire est celle de l’équipe mais tout le mérite en revient à un·e joueur·euse.

Certes. Sauf que nous ne nous sommes construits en tant qu’individus qu’en relation avec l’autre et que nous sommes des êtres sociaux, tout comme d’ailleurs la quasi-totalité des êtres vivants sur cette planète. Notre vie baigne dans le collectif et pourtant nous n’avons pas spontanément les codes de cette vie en société. Il nous arrive même de les oublier quand nous les avons acquis. Le collectif serait-il d’abord un exercice, une pratique plus culturelle qu’un réflexe naturel ?

En 2018/2019, le thème du collectif relevait d’une actualité propre à l’AUDAP. Dans le cadre d’une mission confiée par la Présidente Nathalie Motsch et le Bureau de l’association sur le positionnement de l’Agence d’urbanisme, Michel Casteigts, universitaire et ancien haut fonctionnaire, soulignait comme objectif prioritaire pour l’Agence qu’elle devait retrouver « l’esprit partenarial » qui avait présidé à sa création et qui est l’essence même d’une Agence d’urbanisme : mutualisation,

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partage, transversalité. Symptomatique à ses yeux, l’usage des mots et le vocabulaire dans les documents produits par l’Agence mélangeaient régulièrement et allègrement les mots partenaires et membres. Or, comme le rappelle Michel Casteigts, un partenaire est extérieur à vous, un membre fait partie de vous-même.

L’actualité était aussi devant nos yeux, précisément chez nos membres, sur les territoires que nous fréquentons, avec lesquels nous travaillons.

La loi NOTRe - l’acronyme est intéressant et porteur de sens, puisque c’est aussi l’adjectif possessif pluriel, donc par nature il exprime un collectif et même un collectif « appropriable » - a modifié le paysage institutionnel de nos territoires. La création de l’agglomération Pays basque « XXL » en est l’illustration la plus frappante : elle compte 158 communes en une seule entité là où auparavant elles étaient regroupées en 10 intercommunalités. Moins spectaculaires mais tout aussi révélateur de cette marche vers le regroupement de collectivités locales, citons la création de la Communauté de Communes de Lacq-Orthez ou de celle de Nord-Est Béarn, assemblages d’intercommunalités qui ne relevaient pas forcément de l’évidence. La création de la grande Région Nouvelle-Aquitaine, fusion de trois Régions (Aquitaine, Poitou- Charentes et Limousin) a produit la plus grande région française en superficie. D’autres expériences ont relevé d’un cadre moins contraint, d’un exercice libre et non imposé de travailler ensemble, portées par le volontariat et l’envie commune : les Pôles Métropolitain ou d’Équilibre Territorial Rural : localement, le Pôle Métropolitain du Pays de Béarn et le PETR-Pays Adour Landes Océanes.

Notons que ces mouvements de concentration ne se sont pas limités aux seules collectivités locales et territoriales : le monde du logement social connaît lui aussi les mêmes mouvements de recomposition.

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Ci-dessous : Nathalie Motsch, Présidente, et Denis Caniaux, Directeur général, entourés de l'équipe AUDAP.

Crédits photo : Luc Médrinal

Ci-dessus : intervenant·e·s et membres invité·e·s aux 20 ans de l'AUDAP, le 4 juillet 2019.

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Dans ces exercices de regroupement, fusion, rapprochement, c’est la logique du pluriel que l’on essaie de réduire, de ramener à « plus de singulier ». Serait-ce à dire alors que l’exercice du collectif avec trop d’acteur·rice·s est compliqué ? Si l’on a réduit le nombre d’équipes, le nombre de joueur·euse·s est souvent resté le même : cela modifie l’exercice du collectif au sein des équipes. C’est donc tout naturellement que l’AUDAP a placé la manifestation autour de ses 20 ans sous le slogan

« Jouons collectif ! » et sur les questionnements autour de l’exercice du collectif : son sens, ses pratiques.

LES DYNAMIQUES DU COLLECTIF

La définition du collectif ouvre des débats intéressants, y compris sur les questions d’identité et de gouvernance : quelle différence faire entre une proposition dont le sujet est un tout et une proposition collective dont le sujet est l’ensemble des parties ? par exemple Paris/

les vingt arrondissements de Paris, le Béarn/les Béarnais…

Le collectif n’est-il qu’une simple somme d’individus ou d’unités ? Ce système, formé par l’association des individus, leur regroupement, représente-t-il une réalité qui a ses caractéristiques propres ? Ainsi, un bus qui assure du transport collectif d’un point A vers un point B crée-t-il du collectif ? Ou faut-il qu’un évènement extérieur, une contrainte, intervienne pour créer du collectif, comme dans le film

« Speed » de 1994 du réalisateur Jan de Bont, où une bombe, placée sous le véhicule et menaçant d’exploser si le bus descend en dessous d’une certaine vitesse, va contribuer à créer un collectif solidaire.

Marcel Mauss, l’un des précurseurs de la sociologie, avançait en 1920 que la formation des nations résultait d’un processus d’intégration directe des individus à la nation, abolissant les solidarités intermédiaires, que

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page 15 Avant-propos

l’on pourrait identifier comme des solidarités territoriales de proximité.

Dans son idée, la construction des nations se présente comme un large processus de brassage, d’uniformisation, et donc, paradoxalement, de développement de l’individuation, c’est-à-dire le fait d’exister en tant qu’individu, de se distinguer en tant qu’individu au sein d’un grand ensemble intégrateur. On peut également faire référence aux travaux de François Dubet qui affirme que l’inégalité, en ce début de XXIe siècle, n’est plus une « expérience collective mais une blessure individuelle ».

Face à ce repli individualiste, pour lequel on peut sans doute s’interroger si le développement d’Internet n’en a pas renforcé le mouvement, le phénomène collectif ne mérite-t-il pas d’être redécouvert, voire réhabilité ?

JOUER PREND TOUT SON SENS PÉDAGOGIQUE…

Michel Crozier, dans « L’acteur et le système » paru en 1977, suggérait que le collectif est à la fois un système et une stratégie ; en fait, un jeu dans un ensemble de contraintes à découvrir permettant de trouver la solution.

Selon lui, un collectif n’existe et ne se transforme que si, d’une part il peut s’appuyer sur des jeux permettant d’intégrer les stratégies des différents participants et, d’autre part, s’il assure à ces derniers leur autonomie d’agents libres et coopératifs. Le collectif n’est pas le fait d’agents passifs qui exécutent des consignes ; il est le résultat d’acteur·rice·s qui jouent en fonction de stratégies qui leur sont propres. Il existe toujours des espaces de liberté dans le collectif, des marges de manœuvre qui se logent dans des interstices, des zones d’incertitude avec lesquelles les acteur·rice·s vont jouer et dont ils vont se jouer : le collectif ce n’est donc pas le collectivisme, c’est-à-dire le reniement de l’individuel, même s’il peut y avoir des phases de sacrifice : ainsi le·la joueur·euse de première ligne en rugby, stoppé·e par la défense adverse, qui passe le ballon à ses coéquipier·ère·s.

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Dans un autre domaine, le·la musicien·ne est le résultat d’un parcours individuel, au cours duquel la musique a été un élément majeur de la construction de soi et à l’apprentissage de laquelle il a tout sacrifié ; mais le·la musicien·ne ne s’accomplira que dans la pratique collective, dans le jeu. D’ailleurs, les Conservatoires, depuis une dizaine d’années, remettent en question l’enseignement individualisé, de maître·esse à élève, pour développer la pédagogie collective : ainsi, le Conservatoire de Bordeaux le fait-il depuis 10 ans : le taux d’abandon à l’issue du 1er cycle d’apprentissage est ainsi passé de 60 % à 10 % des effectifs ! La pratique collective peut donc se révéler un puissant vecteur pédagogique, et ce n’est pas là le moindre intérêt du collectif. Comme l’écrivait Albert Jacquard (Biologiste et généticien, 1925-2013) dans son ouvrage « Mon utopie » :

« Éduquer, c’est créer des réciprocités, c’est proposer à chacun d’être l’un des dépositaires du trésor collectif, d’être de ceux qui l’enrichiront, d’être aussi, face à la génération suivante, un passeur de témoin ».

Face aux enjeux actuels, les réponses individuelles, même additionnées, ne suffiront pas. Consciente de cette limite indépassable, l’Agence d’urbanisme Atlantique & Pyrénées propose, par cet ouvrage, de présenter des usages du collectif au service des territoires, explorés autour de trois notions clés : l’espace, l’humain, et l’objet. Il s’agit bien de jouer ensemble, acteur·rice·s, décideur·euse·s, accompagnateur·rice·s des territoires pour enrichir, créer entre nous des réciprocités, afin que nous passions le

témoin et transmettions aux générations futures nos territoires entretenus et préservés collectivement.

Denis Caniaux Directeur général de l'AUDAP

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le design,

support du collectif

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designons… Le mot design fleurit dans nos discussions.

Et si d’après l’alliance français des designers, « il n’existe pas de définition unique et définitive au design, puisqu’il se réinvente à chaque époque » 8, son emploi dans toutes les sphères de la création, jusqu’au management, se révèle comme symptomatique d’un besoin de réinterroger nos manières de faire et de penser. La NAF 9 classe les disciplines multiples

« des activités spécialisées de design » dans de nombreux champs : celui des espaces, des

aussi dans celui des disciplines transdisciplinaires, parmi lesquelles on compte le design thinking, le design collaboratif ou encore le design de service.

L’AUDAP n’est pas restée hermétique à ces domaines qui infusent dans bien des services de ses interlocuteurs et partenaires. À 20 ans, elle a pris le parti d’intégrer ces méthodes et leurs nombreuses déclinaisons dans son action et saisit

l’occasion de cet ouvrage pour montrer, par l’expérimentation de son Lab'Forum, la manière dont elle l’incarne.

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page 151 Le design, support du collectif

réflexions sur le débat

« expertise et démarche design »

À l’occasion de ses 20 ans, l’AUDAP pose dans cet ouvrage un regard sur ses pratiques. À l’heure où la technologie impose de nouveaux usages, où le principe de représentativité est interrogé et où la notion de collectif tend à se redéfinir et à se renforcer, l’Agence d'urbanisme ne peut que se poser la question de son positionnement.

Entre la diffusion de son expertise et son rôle de plateforme entre acteurs publics qu’elle impulse et anime – au travers de démarches participatives relevant du « design thinking 10 » – la réflexion sur ses méthodes de travail apparaît nécessaire. Voici donc quelques éléments versés au débat « expertise/innovation » qui anime nos métiers.

FACE À UN MONDE COMPLEXE, ET AU RISQUE DE DÉPENDANCE VIS-À-VIS DES TECHNOLOGIES…

Alors que les outils Internet nous sont présentés comme la possibilité de nous ouvrir aux autres, d’être tous connectés avec tout le monde (au sens propre et figuré) et tout le temps, le paradoxe est que la technologie a tendance à nous isoler derrière notre (nos) écran(s). En même temps, face à un monde complexifié dans lequel les interactions entre les différents domaines sont permanentes et multiples, voire

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exponentielles, notre tendance naturelle est de nous réfugier dans des approches rassurantes qui sérient les sujets et nous permettent de nous raccrocher à la grande technicité que réclame, croit-on, chacun d’entre eux. Nous construisons ainsi des « technosystèmes » qui traitent les sujets en silo, sûrs de notre fait, considérant que c’est la seule manière efficace de trouver des réponses spécifiques et concrètes à des questions complexes.

La farandole des PCAET, PAT, PLH, PDU, PLUi… (acronymes que nos lecteurs reconnaîtront), parfois en simple cohabitation, illustre parfaitement le cas en urbanisme.

Face à ce double mouvement de technologisation et de spécialisation, on constate une crise de la représentativité et de la démocratie : baisse de participation aux différents scrutins, perte de confiance dans nos élus représentants, et, curieusement en parallèle, une forte mobilisation sur les réseaux sociaux, et un fleurissement d’initiatives citoyennes dans un grand nombre de champs traditionnellement réservés à l’action publique.

Les obligations de concertation encadrées ont été créées pour répondre à l’affaiblissement de l’intérêt pour la chose publique mais elles n’atteignent pas toujours leur objectif. Les réunions d’information ne font plus illusion. Perdant confiance dans la concertation, le citoyen saute la case et passe de plus en plus souvent directement à la case action judiciaire : il n’y a qu’à constater la judiciarisation grandissante des questions d’aménagement. L’action publique quitte les rives du dialogue pour aborder les côtes hérissées du conflit.

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page 153 Le design, support du collectif L’EXPERT N’EST PLUS CE QU’IL ÉTAIT

En 70 ans, la proportion de bacheliers est passée de 4,4 % à 80 % (source : Ministère de l’Éducation nationale, 2019). L’accès à Internet pour (quasiment) tous, (quasiment) partout et tout le temps décuple, centuple l’accès aux connaissances. Dans ce monde de démocratisation des savoirs, peut-on encore faire de l’urbanisme une « science » de sachants, si cela n’a jamais été le cas ? Et pourtant, les formations aux metiers de l’aménagement et de l’urbanisme sont foisonnantes.

Georges Pérec écrivait en 1974 dans son ouvrage, Espèces d’espaces :

« Il faudrait, ou bien renoncer à parler de la ville, à parler sur la ville, ou bien s’obliger à en parler le plus simplement du monde, en parler évidemment, familièrement. Chasser toute idée préconçue. Cesser de penser en termes tout préparés, oublier ce qu’ont dit les urbanistes et les sociologues. »

Aujourd’hui, les « sachants » de la ville et des territoires, experts et citoyens, sont partout, ou croient l’être, ce qui nous oblige à reconsidérer l’exercice de nos métiers. L’urbaniste, longtemps l’architecte–urbaniste, ne peut plus jouer au « magicien » (ou celui que Patrick Chamoiseau appelle le Christ dans son roman Texaco). Nous ne sommes plus au temps des cathédrales ou des abbayes, où le savoir se transmettait de maître bâtisseur à apprenti, dans des cercles fermés : il est aujourd’hui largement partagé, divulgué. Si le savoir a quitté le cercle des initiés, celui des corporations (malgré de permanentes réticences et tentatives de l’y maintenir), nous sommes encore dans le temps des ingénieurs et des « sachants ». Certes, les cercles sont de plus en plus ouverts, la collaboration, la co-élaboration, la mutualisation ont ébranlé les citadelles des experts mais l’ésotérisme technocratique résiste encore, des loges d’expertise subsistent toujours dans la cooptation.

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LE DESIGN, MODE OU MODALITÉ ?

Face aux remises en question régulières des approches traditionnelles des professionnels de l’aménagement, ont été testées et développées, hors du champ de l’expertise technique, des méthodes collaboratives de travail, inspirées du design. Pour nombre d’entre nous, nous identifions le design au dessin : l’acte de dessiner un objet, fourchette, bouteille ou autobus. Or, « to design » signifie bien « concevoir » : il s’agit d’un processus de création, par itération, issu du monde de l’industrie et de la fabrication.

Des initiatives se sont développées (en France celle de la 27e Région par exemple) pour adapter ces méthodes de conception collaborative à l’aide à la conduite du changement dans la transformation des services et des politiques publics. Le design se présente comme un levier d’innovation, avec toutes les réserves que l’on peut mettre à l’injonction permanente d’innover.

La créativité n’est cependant pas la seule, ni peut-être même la principale, dimension du design : l’exercice, la pratique, du collectif le sont tout autant : travailler ensemble, mélanger les concepteurs, les fabricants, les utilisateurs – usagers – clients, les décideurs… Le design peut être alors une réponse à l’ouverture du savoir dans un écosystème de bénéficiaires, d’acteurs et d’intervenants de plus en plus large qui oblige à construire de nouvelles alliances, de nouveaux alliages : l’autre devient une ressource et non un concurrent ou adversaire potentiel : faire réseau, résolument.

En contrepoint du silotage dans lequel peut nous enfermer le syndrome de la planification et du systématisme du schéma comme réponse-refuge à la complexité du monde, le design, les méthodes collaboratives, nous invitent à sortir de notre champ de confort, à

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page 155 Le design, support du collectif

confronter directement notre expertise à l’usager, au faiseur, à l’acteur et plus aux seuls décideurs. Il nous faut décloisonner, et pour cela expliquer, décrypter et enfin relier.

Animer des ateliers collaboratifs, c’est permettre à chaque participant·e de parler, s’exprimer, poser des mots : cela oblige au partage, à l’expression devant l’autre, à se soumettre à l’altérité, et pas devant un écran ou derrière un clavier. L’atelier invite au dialogue, à l’écoute, au respect. Cela ne peut être réduit à des petites phrases au service de petites idées.

IL·ELLE EST GENTIL·LE, L’ORGANISATEUR·RICE…

Pour certains « professionnels de la profession », l’animateur·rice d’ateliers collaboratifs est une sorte de « Gentil·le Organisateur·rice » porteur·euse de méthodes d’animation réduites à la dictature du post-it® et à la production d’idées courtes et convenues.

Or, il est impossible d’être animateur·rice sans expertise technique des sujets de fond. Il est impératif d’être expert·e car l’animation n’est pas une fin en soi, elle est au service d’une production, d’un dessein, d’un questionnement que l’expert·e a identifié en amont. Le mode atelier n’est qu’un outil, pas un objectif : ce serait condamner l’exercice à l’échec, et il serait encore plus vite établi que pour la remise d’une étude réalisée en chambre présentée devant un auditoire passif et plus ou moins attentif. L’outil demande une dextérité pour le manipuler et qu’il soit efficace : Il faut identifier la bonne méthode d’animation, celle qui sera la plus à même de répondre aux questionnements, de permettre la compréhension du sujet.

La méthode rencontre indiscutablement du succès. Est-ce la crainte des expert·e·s de perdre du pouvoir sur le projet qui pousse certain·e·s

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à décrier la méthode, à en nier l’indéniable savoir-faire qu’elle demande ? Co-élaboration, participation ne signifient pas « perte de savoir », tout comme expertise n’est pas synonyme de confiscation du savoir. Reconnaître à l’autre une légitimité de parole, de point de vue, n’équivaut pas à perdre sa propre expertise.

ET SOCRATE POSAIT DES QUESTIONS : LA MAÏEUTIQUE 11 DES TERRITOIRES

Entre expert et animateur, pouvons-nous encore réellement choisir et le devons-nous ? Depuis longtemps les Agences d’urbanisme faisaient du design un peu comme Monsieur Jourdain de la prose, sans le savoir.

Ces outils d’ingénierie territoriale ont préfiguré dès leur création en 1967 les Fab’Lab des années 2000. Initiatives laissées par l’État aux Collectivités locales, en l’absence de toute obligation ou injonction étatique, les Agences d’urbanisme sont l’expression d’une envie de partage, d’un besoin de réflexions et d’interpellations. Elles assurent des rôles indispensables sur les territoires : éclaireur, défricheur, décrypteur et porte-voix.

Issues de volontés politiques locales, elles offrent un lieu carrefour, de rencontres entre différents acteurs des territoires. Espace d’ingénierie tout autant que d’expérimentation, elles abordent des sujets nouveaux tout comme des méthodes originales de travail. Poil à gratter.

En ce sens, introduire le design dans l’accompagnement à l’élaboration des stratégies des territoires s’est révélé pour les agences une voie naturelle à tester, valider, comme une possible nouvelle réponse pour aider les territoires à accoucher de projets.

En revanche, être maïeuticien territorial ne s’improvise pas : cela nécessite d’acquérir des savoir-faire spécifiques d’animation, afin de

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page 157 Le design, support du collectif

relier le moyen à la fin, de faire le pont, voire la fusion, entre l’expert et l’animateur.

Ni aveu d’échec, ni lubie, le recours aux méthodes d’ateliers participatifs et collaboratifs est pour les Agences d’urbanisme un prolongement naturel de leur positionnement au service des territoires, pour faciliter les dialogues dans l’émergence de projets afin de préserver l’avenir de nos territoires.

Denis Caniaux Directeur général de l'AUDAP

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Plaquette du premier Lab'Forum de l'AUDAP.

Crédits photo : AUDAP

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page 159 Le design, support du collectif

le Lab’Forum : expérimen- ter avec le collectif

Les membres de l’AUDAP ont décidé, dans le cadre du nouveau Contrat-Projet d’Agence 2020/2025, d’innover et de positionner l’Agence d’urbanisme comme une plateforme d’échanges et de co-constructions de politiques publiques. Pour ce faire, l’AUDAP a mixé les ingrédients - réunion, lieu, horaires, acteur·rice·s, méthode, animation - pour tester dès l’année 2019 une nouvelle recette, celle du « Lab’Forum ».

UN LABORATOIRE DU COLLECTIF…

Le Lab’Forum est d’abord, et surtout, pensé comme un laboratoire du collectif. Cet « espace » expérimental permet de réunir et faire travailler en un même lieu des professionnel·le·s de domaines différents qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble et qui pourtant ont tou·te·s un rôle commun d’utilité publique. En dehors des espaces convenus et des démarches institutionnelles ou exercices imposés, cela pour faciliter l’échange et libérer la parole, on y vient pour apprendre, écouter, partager, échanger et surtout mettre son intelligence et son savoir-faire au service du développement territorial et de l’intérêt général.

… POUR FAVORISER LES ÉCHANGES, L’INNOVATION ET LA CRÉA- TIVITÉ

Créer de l’intelligence collective et faire émerger, entre les

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participant·e·s, des relations constructives, garantes de la production d’idées nouvelles et de pistes de collaboration, sont les grands principes de départ. In fine les travaux, combinant décryptage des dynamiques à l’œuvre sur les territoires et recherches collectives de projets à construire en commun, seront portés à la connaissance des membres de l’AUDAP pour éclairer des problématiques d’avenir et inspirer les politiques publiques locales ainsi que les projets des collectivités. « Alimenter » les membres de l’AUDAP à partir d’une réflexion collective d’acteur·rice·s de la fabrique de la ville est bel et bien l’objectif premier de la démarche.

SANTÉ ET URBANISME : UN CHANTIER D’AVENIR AU CRIBLE DU LAB’FORUM

Le concept du Lab’Forum a ainsi été mis à l’essai par deux fois en 2019 sur le thème « santé, ville et territoire ». Le déroulement testé illustre à lui seul l’approche expérimentale de laboratoire du collectif.

Le format est court, deux heures, le nombre de participant·e·s limité, 15 à 20 personnes, suffisant pour jongler entre des temps de travail en petits groupes et des temps en commun. Et l’animation repose sur des méthodes de « design thinking » 10.

Autour d’un petit-déjeuner, l’accueil y est convivial. Un kaléidoscope, reprenant différentes problématiques liant santé, ville, territoire, habitat et logement, et où s’entremêlent coupures de presse, graphiques, photos, schémas, résultats d’études, etc., est porté à la connaissance des participant·e·s, tou·te·s acteur·rice·s de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, du logement et de la santé. Tous ces éléments sont présentés parfois même décortiqués par les animateurs de l’AUDAP. Une fois imprégnés, les participant·e·s sont réparti·e·s

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1er Lab’Forum organisé le 16/05/19 sur le thème de la santé, salle Bakia au Conseil départemental, Bayonne.

Crédits photo : AUDAP

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archives départementales, Usine des Tramways, Pau.

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page 163 Le design, support du collectif

en petits groupes et ont pour mission de concocter collectivement leur propre panneau. Les idées fusent, les échanges sont nourris, le dialogue s’installe et petit à petit la pensée collective s’organise.

Les résultats sont ensuite présentés aux autres groupes et des orientations communes en ressortent. Sans entrer dans le détail des pistes proposées, créer les conditions d’un urbanisme favorable à la santé a été un objectif collectivement partagé : qualité intérieure des logements, espaces publics et nature en ville…

LE LAB’FORUM, UN CADRE DE CONFIANCE

Nous retiendrons de cette première expérience l’importance de mutualiser les réflexions entre acteur·rice·s pour une lecture enrichie des enjeux et des questionnements. Le Lab’Forum « santé, ville et territoire » a permis un dialogue interprofessionnel de qualité, premier du genre dans le département des Pyrénées-Atlantiques, et par-dessus tout de proposer un tiers-lieu de confiance, condition nécessaire à la conception collaborative de politiques publiques plus efficaces. Cette première expérience est d’autant plus concluante qu’elle trouve des traductions directes dans le programme d’activités confié à l’AUDAP par ses membres. D'autres sujets sont d'ores et déjà à l'agenda des Lab'Forum, promis à s'installer durablement dans l'écosystème partenarial de l'AUDAP.

Ludovic Réau Responsable Communication de l'AUDAP

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La recette du Lab’Forum :

Prendre un sujet de société, un thème d’actualité, un thème d’avenir ;

Inviter des acteur·rice·s de la ville et des territoires qui ne travaillent pas dans les mêmes secteurs d’activités ;

Les faire échanger, à deux ou trois reprises, dans un format participatif, en testant des méthodes collaboratives sur un modèle « design thinking » 10, y compris en prolongeant leurs travaux sur un espace virtuel collaboratif ;

Obtenir une lecture du sujet/thème qui interpelle les politiques publiques ;

Faire le lien avec les collectivités territoriales ;

Infuser…

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page 165 Le design, support du collectif

Création collective d'une œuvre d'art urbain, par le studio Pistache

Artists et les participants aux 20 ans de l'AUDAP, le 05/07/19.

Crédits photo : Luc Médrinal

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« Le mot ”Collectif" est important pour nous chez ”Pistache", car nous sommes des frères qui travaillons ensemble depuis plus de 15 ans. Il nous a fallu un certain temps pour nous faire pleine- ment confiance en ce qui concerne certaines déci- sions et visions artistiques. […]

Nous pensons qu'il y a un effet cumulatif dans le travail en groupe. Lorsque nous nous sommes associés à certaines personnes, nous avons obtenu des résultats qui semblent au-delà de la faisabilité individuelle des individus impliqués. C’est le pouvoir du groupe . »

Jamie Bennett Studio Pistache Artists, duo d'artistes.

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