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(1)

Espaces quadratiques réguliers __________

1. Espaces quadratiques réguliers.

2. Groupe orthogonal d’un espace régulier.

3. Espaces définis.

4. Espaces hyperboliques.

5. Théorème de décomposition de Witt.

6. Algèbres de Hurwitz.

à Michel Cognet, Pierre-Jean Hormière ___________

Ce chapitre (hors programme de taupe), rédigé lors de la canicule de 20031, et complété en 2021, prolonge le chapitre sur les formes quadratiques, et généralise de nombreux résultats relatifs aux espaces euclidiens.

Nous revenons à un corps commutatif quelconque K de caractéristique ≠ 2. Tous les espaces considérés sont de dimension finie. Nous rappelons d’abord les propriétés des espaces quadratiques réguliers. Ils sont canoniquement isomorphes à leur dual ; de ce fait, l’orthogonalité interne entre deux vecteurs, et l’orthogonalité externe forme-vecteur se confondent, et la correspondance F → F⊥ fonctionne bien. Nous étudierons ensuite les principales propriétés du groupe orthogonal O(E, q) : elles généralisent celles des espaces euclidiens, mais sont moins faciles à établir. Nous distinguons ensuite deux classes particulières, et en quelque sorte opposées, d’espaces réguliers : les espaces

« définis » et les « espaces hyperboliques ». Un théorème de décomposition de Witt montrera enfin que tout espace régulier est somme directe orthogonale d’un espace défini (ou anisotrope) et d’un espace hyperbolique : premiers pas vers la classification des formes quadratiques régulières sur K.

Le § 6 indique un développement possible de cette théorie, parmi bien d’autres.

1. Espaces quadratiques réguliers.

1.1. Définition et rappels.

Définition 1 : On appelle espace vectoriel quadratique un triplet (E, B, q) ou un couple (E, q), où E est un K-espace vectoriel, q une forme quadratique et B sa forme polaire.

Si (E, B, q) et (E’, B’, q’) sont deux espaces quadratiques, une isométrie u : (E, B, q) → (E’, B’, q’) est un isomorphisme E → E’ vérifiant q’o u = q.

L’espace quadratique (E, B, q) est dit régulier si B et q sont non dégénérées : E⊥ = {0}.

Rappelons les propriétés des espaces réguliers : 1) Pour toute base BBBB de E, Mat(B, BBBB) est inversible.

2) Théorème de représentation « de Riesz » : toute forme linéaire f sur E s’écrit de façon unique B(x,) : ∀f ∈ E* ∃! x ∈ E ∀y ∈ E f(y) = B(x, y).

3) Pour tout sev L, on a : dim L + dim L = n.

4) Dans l’ensemble ordonné V(E) des sev de E, l’application L → L est décroissante, et vérifie : L⊥⊥ = L ; (∑Li)

= ∩ (Li

) ; (∩ Li)

= (∑Li

) ; {0} = E ; E = {0}.

1 Les canicules s’emballent.

(2)

5) Si E = F ⊕G, alors F = Get G = F. 6) On n’a pas en général E = F ⊕ F.

Cela est vrai si et seulement si qF est régulière, et alors qFest aussi régulière.

Preuve : 2) L’application ϕ : x ∈ E → B(x, .) ∈ E* a pour noyau E⊥ = {0}. Elle est injective, donc c’est un isomorphisme E → E*.

3) découle de ce que L est l’image réciproque de L° (orthogonal de L dans E*) par ϕ. 4) l’inclusion L ⊂ L⊥⊥ est immédiate ; conclure par égalité des dimensions.

(∑ Li) = (Li) est facile ; (∩ Li) = (∑ Li) s’en déduit en remplaçant chaque Li par son orthogonal, et en reprenant l’orthogonal.

5) inclusion + égalité des dimensions.

6) On a toujours Rad qF = F ∩ F. En vertu de 3), E = F ⊕ F⇔ F ∩ F = {0} ; d’où le résultat.

Exemple : Soit E = K2 muni de la forme q(X) = x2− y2. (E, q) est régulier.

On a {0} = E et E = {0}. Si F est l’une des deux droites K.(1, ±1), on a F = F; sinon, E = F ⊕ F. Exercice : Soit (E, q) un espace quadratique quelconque, E = Rad q son radical.

1) Montrer que, tout supplémentaire F de E dans E vérifie E = E F , et qF est régulière.

2) Montrer que si F et G sont deux supplémentaires de E dans E, il existe une isométrie u de E telle que u(F) = G. En particulier, (F, qF) et (G, qF) sont isométriques.

3) Définir une forme quadratique régulière sur l’espace quotient E/E.

Dans la suite, nous nous limitons aux espaces réguliers ; nous reviendrons in fine aux espaces généraux.

1.2. Adjoint d’un endomorphisme.

Proposition 1 : Soient (E, B, q) un espace régulier, u un endomorphisme de E. Il existe un unique endomorphisme de E, noté u*, tel que :

∀(x, y) ∈ E×E B(x, u(y)) = B(u*(x), y) , ou, ce qui revient au même :

∀(x, y) ∈ E×E B(x, u*(y)) = B(u(x) , y) . Définition 2 : u* est appelé adjoint de u (relativement à q).

Proposition 2 : L’application u ∈ LLLL(E) → u* ∈ LLLL(E) est linéaire et vérifie, pour tout v ∈ LLLL(E) : (v o u)* = u* o v* , u** = u , id

E* = id

E.

Proposition 3 : Soient BBBB une base de E, A = Mat(B, BBBB), M = Mat(u, BBBB), M* = mat(u*, BBBB). On a : M* = A1.tM.A.

Corollaire : Soit u ∈LLLL(E). On a : rg u* = rg u , tr u* = tr u , det u* = det u.

Proposition 4 : Soit u ∈ LLLL(E). On a : ( Im u ) = Ker u* et ( Ker u ) = Im u* .

(3)

2. Groupe orthogonal d’un espace régulier.

2.1. Généralités.

Théorème et définition: Soit (E, B, q) un espace quadratique régulier, u∈L(E).

Les propriétés suivantes sont équivalentes : (O1) (∀x ∈ E) q(u(x)) = q(x) ; (O2) ∀(x, y) ∈ E2 B(u(x), u(y)) = B(x, y) ; (O3) u* o u = idE ;

(O4) u* o u = u o u* = id

E .

u est alors appelé endomorphisme ou automorphisme orthogonal de E, ou encore isométrie de E.

Preuve : (O4) ⇒ (O3) ⇒ (O2) [car B(u(x), u(y)) = B((u* o u)(x), y)] (O1) [faire x = y].

(O1) ⇒ (O2) par dédoublement des variables.

(O2) ⇒ (O3) car ∀(x, y) B((u* o u)(x), y) = B(x, y) implique (∀x) (u* o u)(x) = x.

Le fait que q soit régulière est ici essentiel.

(O3) ⇒ (O4) car on est en dimension finie.

Corollaire : Soit BBBB une base de E, A = Mat(B, BBBB), M = Mat(u, BBBB). On a l’équivalence : u est orthogonal ⇔ tM.A.M = A.

Proposition : 1) L’ensemble O(E, q) = O(q) des automorphismes orthogonaux de (E, q) est un sous- groupe de Gl(E), appelé groupe orthogonal de E ;

2) Pour tout u ∈ O(E, q), on a det u = ±1 ; 3) SO(E, q) = O

+(E, q) = {u ∈ O(E, q) ; det u = 1} est un sous-groupe distingué de O(E, q), appelé groupe spécial orthogonal de E. Ses éléments sont appelés les rotations de E.

Rappelons qu’un sous-groupe est dit distingué si f ∈ O(E, q), u ∈ SO(E, q) ⇒ f1 o u o f ∈ SO(E, q).

Cela découle aussitôt de ce que SO(E) est noyau du morphisme det.

Corollaire : Soit A une matrice symétrique d’ordre n à coefficients dans K, et inversible.

1) L’ensemble On(K, A) = { M ∈ Mn(K) ; tM.A.M = A } est un sous-groupe de Gln(K).

2) Pour tout M ∈ On(K, A), on a det A = ± 1 ;

3) SOn(K, A) = { M ∈ On(K, A) ; det M = 1 } est un sous-groupe distingué de On(K, A).

Exercice 1 : Soient (E, q) un espace quadratique régulier de dimension n, u une application E → E telle que u(0) = 0 et ∀(x, y) ∈ E2 q(u(x) − u(y)) = q(x − y). Montrer que u est linéaire.

Exercice 2 : Soit u ∈ O(E, q), F un sous-espace vectoriel de E.

Montrer que u(F) = u(F). En déduire que si F est u-stable, Fl’est aussi.

2.2. Exemples.

Soit E = K2 muni de la forme q(X) = x2 − δ.y2 , δ ≠ 0.

1) Montrer que O(E, q) est formé des matrices





a b

b a .

δ

et





 −− a b

b

a

δ

. , où a2δ.b2 = 1 . 2) En déduire que O(E, q) est formé des matrices :

² 1

t

δ 



 + +

δδ δ

² 2

2

² t t

t

t et

² 1

t

δ 



 + −− +

)

² ( 2

2

² δ δδ

t t

t

t , où t décrit Λ = { t ∈ K ; t2−δ≠ 0 }.

3) Si K = F5 resp. F7, combien O(E, q) a-t-il d’éléments ? Généraliser.

4) Soit E = Q2 muni de la forme q(X) = x2 + x.y − y2.

(4)

Vérifier l’identité

(

x + 2

y

)

2 − 5.

(

2

y

)

2 = x2 + xy − y2. Déduire de 2) le groupe orthogonal de (E, q).

2.3. Orthosymétries et réflexions.

Soit F un sous-espace régulier de (E, q). On sait que E = F ⊕ F et que F est également régulier.

La symétrie par rapport à F parallèlement à F est notée sF et appelée orthosymétrie par rapport à F.

C’est un automorphisme orthogonal de (E, q).

En particulier, soit a un vecteur non isotrope de E. Il en existe car q est non nulle.

La droite D = Ka est régulière et E = (Ka) ⊕ (Ka).

La symétrie sa par rapport à l’hyperplan H = (Ka) parallèlement à la droite D = Ka est appelée réflexion d’hyperplan H. Elle est donnée par sa(x) = x − 2 a

a a B

a x

B .

) , (

) ,

( .

Conséquence : O+(E, q) et O−(E, q) forment une partition de O(E, q) ; O−(E, q) n’est certainement pas un sous-groupe de O(E, q), mais il est en bijection avec O+(E, q), car, si l’on choisit un élément s de O−(E, q), par exemple une réflexion comme ci-dessus, alors u → s o u met en bijection O+(E, q) et O−(E, q).

Exercice 3 : Soit s ∈ O(E, q). Montrer l’équivalence :

s2 = idE ⇔ s est une orthosymétrie par rapport à un sous-espace régulier.

Exercice 4 : On suppose E de dimension 2. Montrer que les éléments de O−(E, q) sont exactement les réflexions (par rapport aux droites non isotropes).

Théorème d’Elie Cartan2 : Les réflexions sa (a non isotrope) engendrent le groupe orthogonal O(q).

Preuve : Ce théorème généralise le théorème relatif aux espaces euclidiens (§ 2.4.). La démonstration est ici plus technique, mais se fait aussi par récurrence sur n = dim E.

Si n = 1, O(E, q) = {± idE} ; or −idE est la réflexion de vecteur 0.

Supposons le théorème vrai pour tout espace de dimension < n, et montrons-le pour dim E = n.

1er cas : il existe un vecteur a E non isotrope, tel que u(a) = a.

Alors la droite D = Ka est régulière et u-stable. Son supplémentaire orthogonal H = D est régulier, et u-stable. Par hypothèse de récurrence appliquée à (H, v = uH), v est composé de r réflexions par rapport à des hyperplans réguliers de H : v = sK1 oo sKr .

Les Hi = Ka ⊕ Ki sont des hyperplans réguliers de E (penser au discriminant de la forme induite), et l’on u = sH1 oo sHr , puisque les deux membres coïncident sur Ka et sur H.

2ème cas : aucun vecteur non isotrope de E n’est invariant par u.

Soit a un vecteur non isotrope de E (il en existe, car q 0). On a u(a) a et q(u(a)) = q(a).

Les vecteurs b = u(a) − a et c = u(a) + a sont orthogonaux et l’un d’eux au moins est non isotrope.

Si b = u(a) a est non isotrope, la réflexion sb transforme b en b et c en c. Donc sb(u(a)) = a.

sb o u∈O(E, q)laisse fixe le vecteur a, et l’on est ramené au premier cas.

Si c = u(a) + a est non isotrope, la réflexion sc transforme c en c et b en b. Donc sc(u(a)) = a.

2 Elie Joseph Cartan (Dolomieu, 9 avril 1869 – Paris, 6 mai 1951), grand mathématicien français qui a fait des travaux fondamentaux dans la théorie des groupes de Lie et leurs applications géométriques, en géométrie différentielle, etc. Il est le père du mathématicien Henri Cartan (1904-2008), fondateur de Bourbaki et directeur de thèse de nombreux mathémaiticiens, du compositeur Jean Cartan (1906-1932), du physicien et résistant Louis Cartan (1909-1943) et de la mathématicienne Hélène Cartan (1917-1952).

(5)

Alors sao sco u ∈ O(E, q) laisse fixe le vecteur a, et l’on est ramené au premier cas.

Remarque : Jean Dieudonné a amélioré le théorème de Cartan en démontrant que tout u ∈ O(E, q) est composé d’au plus n réflexions. La preuve ci-dessus ne suffit pas : il faut peaufiner le dernier sous-cas (cf. M. Berger, 13. 7. 12 et R. Deheuvels, p. 152).

2.4. Théorème de prolongement de Witt.

Théorème : Soient (E, q) un espace quadratique régulier, F et G deux sous-espaces réguliers de E.

Toute isométrie v : (F, qF) → (G, qG) est la restriction à F et G d’une isométrie de E : ∃u ∈ O(E, q) uGF = v .

Notons que si F est régulier, et si v : (F, qF) → (G, qG) est une isométrie, G est aussitôt régulier.

Preuve : Raisonnons par récurrence sur k = dim F. Il n’y a rien à monter si k = 0.

• Si k = 1, F et G sont deux droites F = K.a , G = K.b, où a est non isotrope et où l’on a pris b = v(a). Comme q(a) = q(b), l’un des deux vecteurs a ± b est non isotrope.

Si c = a − b est non isotrope, la réflexion u = sc envoie a sur b et répond à la question.

Si d = a + b est non isotrope, l’isométrie u = −sd envoie a sur b et répond à la question.

• Supposons le théorème vrai pour tout couple de sous-espaces réguliers isométriques de dim < k.

Soit alors (F, G) un couple de sous-espace réguliers isométriques de dimension k.

F est régulier, donc qF est non nulle, et il existe un vecteur e1 ∈ F non isotrope.

Soit F’ l’orthogonal de la droite K.e1 dans F : F = F’ ⊕ K.e1.

v étant une isométrie de F sur G, on a G = G’ ⊕ K.v(e1) , où G’ = v(F’).

En vertu du cas k = 1, il existe une isométrie r de E telle que r(e1) = v(e1).

L’image par r de (K.e1) est (K.v(e1)) (ex. final de 2.2), et r(F’) ⊂ (K.v(e1)). v o r1 induit une isométrie de r(F’) sur G’.

Ce sont deux sous-espaces réguliers de (K.v(e1))de dimension k−1.

On peut donc appliquer l’hypothèse de récurrence au triplet ((K.v(e1)), r(F’), G’).

Il existe une isométrie u’ de (K.v(e1))dont la restriction à r(F’) est v o r1.

Soit u’’ l’isométrie de E qui coïncide avec u’ sur (K.v(e1))et qui induit l’identité sur K.v(e1).

L’isométrie u = u’’ o r vérifie :

a) u(e1) = (u’’o r)(e1) = u’’(v(e1)) = v(e1)

b) pour tout x ∈ F, u(x) = (u’’o r)(x) = (u’o r)(x) = (v o r1o r)(x) = v(x).

Elle prolonge donc v et répond à la question. CQFD.

Corollaire : Soient (E, q) un espace quadratique régulier, F et G deux sous-espaces réguliers de E.

S’il existe une isométrie v : (F, qF) → (G, qG), alors il existe une isométrie : w : (F, qF⊥) → (G, qG⊥).

Preuve : Soit u une isométrie de E prolongeant v ; considérer sa restriction w à F.

(6)

3. Espaces quadratiques définis.

Définition 1 : L’espace quadratique (E, B, q) est dit défini, ou anisotrope3, si son cône isotrope est réduit à {0} : q(x) = 0 ⇒ x = 0 .

Proposition 1 : Un espace quadratique défini est régulier. Mieux ! pour tout sous-espace F, qF est régulière, donc E = F ⊕ F.

Définition 2 : F est appelé le supplémentaire orthogonal de F, et le projecteur p sur F parallè- lement à Fl’orthoprojecteur sur F.

Exercice 1 : Montrer l’équivalence : q est définie sur E ⇔ pour tout sous-espace F, qF est régulière.

Exemples d’espaces définis :

1) Si K = R, les espaces euclidiens sont des espaces définis, ainsi que les espaces munis d’une forme définie négative. La loi d’inertie montre facilement que ce sont les seuls.

2) Si K est algébriquement clos (ou si du moins tout élément de K est un carré), les seuls espaces définis sont les (E, q), où E est de dimension 1 et q est régulière.

3) Sur Q2, x2 ± 2.y2 sont des formes définies, ainsi que x2 + x.y − y2.

Remarque : Si K = R, les formes définies sont ± les produits scalaires, qui sont bien connus. Dans un corps K quelconque, elles sont bien plus difficiles à classifier, beaucoup plus que les formes hyperboliques que nous allons maintenant étudier.

Exercice 2 : groupe orthogonal d’un plan défini.

Soit (E, B, q) un plan vectoriel muni d’une forme définie, BBBB = (e1, e2) une base B-orthogonale de E.

1) Montrer que q(x.e1 + y.e2) = α.x2 + β.y2 , où −β/α n’est pas un carré de K. Réciproque ? 2) On pose γ = β/α. Montrer que u ∈ O(E, q) si et seulement si :

Mat(u, BBBB) =



 − a b

b a

.

ε ε

.

γ

, où ε = ±1 et a2 + γ.b2 = 1.

3) Montrer que :

i) O(E, q) n’est pas commutatif ; ii) O+(E, q) est commutatif ;

iii) O(E, q) est exactement formé des réflexions de E 4. Espaces quadratiques hyperboliques.

4.1. Définitions.

Définition 3 : On appelle espace hyperbolique (ou artinien) standard de dimension 2p, et on note Art2p(K), l’espace vectoriel K2p muni de la forme q(x) = 2

= +

p

i

p i i x x

1

. .

Cette forme a pour matrices :

• 

 

O I

I O

p

p relativement à la base canonique (e1, …, e2p) de K2p ;

3 Le mot « défini » est peu satisfaisant, mais très usité ; il provient sans doute du fait que si K = R et si B est un produit scalaire, la fonction x q(x) est partout définie. On pourrait aussi dire « elliptique », qui ferait pendant à « hyperbolique ».

(7)

• diag(J, J, …, J), où J = 

 0 1

1

0 , relativement à la base (e1, ep+1, …, ep, e2p) ;

• 

 

p

p

I O

O

I relativement à la base (ε1, …, ε2p) de K2p , où ε1 = e1 + 2

+1

ep

, ε2 = e2− 2

+1

ep

, etc. ;

• 

 

p

p

I O

O

I α

α 2

2 relativement à la base (ε1, …, ε2p) de K2p , où ε1 = e1 + α.ep+1 , ε2 = e2−α.ep+1 etc. (α ≠ 0).

Définition 4 : On appelle espace hyperbolique (ou artinien) tout espace quadratique (E, B, q) isométrique à un espace hyperbolique standard Art2p(K) ; q est alors dite hyperbolique (ou neutre).

Un tel espace est nécessairement de dimension paire.

Exemples :

1) Soit E un espace euclidien orienté de dimension 3, EEEE un espace affine euclidien associé.

L’espace vectoriel T(EEEE) des torseurs sur EEEE est de dimension 6 et c’est un espace hyperbolique si on le munit du comoment de deux torseurs. Cf mon chapitre Champs équiprojectifs et torseurs.

2) Soit E un espace euclidien de dimension p, dont le produit scalaire est noté ( x | y). L’application q : (x, y) ∈ E×E → 2(x | y) ∈ R est une forme quadratique sur E×E dont la forme polaire est

B((x, y), (x’, y’)) = (x | y’) + (y | x’). L’espace (E×E, B, q) est hyperbolique, car si (e1, …, ep) est une base orthonormée de E, q(x, y) = 2

= p

i i i y x

1

. .

Lemme : Soit (E, B, q) un espace quadratique régulier. Si E contient un vecteur isotrope non nul a, il en contient un autre b, tel que B(a, b) = 1.

Indications : Montrer qu’il existe un vecteur c vérifiant B(a, c) = 1, que a et c sont libres, puis chercher tous les vecteurs isotropes du plan Vect(a, c).

4.2. Les plans hyperboliques.

Proposition 2 : Soit (E, q) un plan vectoriel quadratique. Les assertions suivantes sont équivalentes : i) (E, B, q) est un plan hyperbolique ;

ii) (E, B, q) est régulier et contient un vecteur isotrope non nul ; iii) Le discriminant de q est égal à −1 (modulo K*2).

Proposition 3 : Soit (E, q) un plan vectoriel quadratique. On a exactement les possibilités suivantes : 1er cas : (E, q) est régulier, i.e. rg q = 2. Alors (E, q) est soit défini, soit hyperbolique.

2ème cas : rg q = 1. Il existe une base BBBB de E telle que Mat(q, BBBB) =



 a 0

0

0 ( a ≠ 0 ).

Le cône isotrope de (E, q) est la droite K.e1. 3ème cas : q est la forme nulle.

Exercice 1 : groupe orthogonal d’un plan hyperbolique.

Soit (E, B, q) un plan hyperbolique, BBBB = (e1, e2) une base E telle que q(x.e1 + y.e2) = x.y 1) Montrer que u ∈ O(E, q) si et seulement si :

Mat(u, BBBB) =



 b b

/ 1 0

0 ou



 0 / 1/

1 0 b

b , où b décrit K*.

2) Montrer que :

i) O+(E, q) est commutatif et isomorphe au groupe multiplicatif K*.

ii) O(E, q) est exactement formé des réflexions de E par rapport aux droites régulières ;

(8)

iii) O(E, q) n’est pas commutatif, sauf si K a trois éléments. Dans ce cas K* = {+1, −1} et O(E, q) est isomorphe au groupe de Klein.

3) On suppose ici K = R. Montrer que O(E, q) a quatre composantes connexes par arcs, toutes homéomorphes à R*+. La composante connexe de IdE est O++(E, q) =

{

b01/0b ; b > 0

}

. Ses éléments sont appelés rotations orthochrones de E.

4.3. Retour aux espaces hyperboliques généraux.

Théorème : Soit (E, q) un espace vectoriel quadratique. Les assertions suivantes sont équivalentes : i) (E, q) est hyperbolique ;

ii) (E, q) est somme directe orthogonale de plans hyperboliques ;

iii) (E, q) est régulier et admet un sous-espace lagrangien L, i.e. tel que L = L. Preuve : L’équivalence i) ⇔ ii) est claire.

i) ⇒ ii) Il suffit de le montrer pour Art2p(K).

L = Vect(e1, …, ep) est un lagrangien ; L’ = Vect(ep+1, …, e2p) aussi.

iii) ⇒ ii) Raisonnons par récurrence sur p.

Si p = 1, conclure via la proposition ci-dessus.

Supposons le théorème montré pour p 1 et montrons-le pour dim L = p.

Tout d’abord dim L = dim L = p , dim E = 2p.

Soit (e1, …, ep) une base de L ; elle est orthogonale.

Soit F = Vect(e2, …, em) ; q étant régulière, F est de dimension p + 1, et contient L.

Soit a1 un vecteur appartenant à F et pas à L.

Comme L = L, x1 n’appartient pas à L, donc B(e1, a1) ≠ 0 ; on peut même supposer B(e1, a1) = 1.

P1 = Vect(e1, a1) est un plan régulier car

) , ( ) , (

) , ( ) , (

1 1 1 1

1 1 1 1

a a B e a B

a e B e e

B = − 1.

Comme il contient un vecteur isotrope, c’est un plan hyperbolique.

Il possède donc une base (e1, ep+1) telle que 

 

+ + +

+

) , ( ) , (

) , ( ) , (

1 1 1

1

1 1 1

1

p p p

p

e e B e e B

e e B e e

B =



 0 1

1

0 .

Comme P1 est régulier, on a E = P1P1, et P1 est aussi régulier (cf. 7. 1.).

P1 est de dimension 2p−2 et contient F. L’orthogonal de F dans P1 est F ∩ P1⊃ F, et il est de dimension p−1 : c’est donc F.

Ainsi, P1 vérifie l’hypothèse de récurrence pour la forme induite. On conclut aussitôt.

Exercice 2 : Soit (E, q) un espace quadratique régulier de dimension > 1. Déduire des deux exercices précédents que O(E, q) n’est jamais commutatif, à la seule exception (E, q) ≅ Art2(K) et K a trois éléments.

5. Théorème de décomposition de Witt.

Définition 1 : Un sous-espace F de (E, B, q) est dit :

•••• régulier si qF est régulière : Rad qF = F ∩ F = {0} , donc E = F ⊕ F ; •••• isotrope ou singulier si qF est singulière : Rad qF = F ∩ F≠ {0} ;

totalement isotrope (ou seti) si qF = 0, autrement dit si F ⊂ C(q), ou encore F ⊂ F ; • totalement isotrope maximal (ou setim) s’il est maximal pour l’inclusion parmi les seti ; • défini ou anisotrope si qF est définie ;

(9)

hyperbolique ou artinien si (F, qF) est hyperbolique.

Proposition 1 : Soit (E, B, q) un espace quadratique régulier de dimension n.

i) Tout seti F est de dimension ≤ n/2 ;

ii) Il existe au moins un setim et tout seti est inclus dans un setim ; iii) Si F et G sont deux setim, alors F ∩ G = F∩ G ;

iv) Les setim ont tous même dimension.

Preuve : i) Soit F un seti ; on a F ⊂ F. Comme q est régulière, dim F + dim F = n.

ii) L’ensemble SSSS des seti est non vide : il contient {0}.

Tout élément de SSSS dont la dimension est maximum est un setim.

Soit F un seti ; tout élément de SSSS contenant F et de dimension maximum est un setim.

iii) Par symétrie, il suffit de montrer l’inclusion F ∩ G⊂ F∩ G.

Soit x ∈ F ∩ G. Comme F est un seti, on a déjà x ∈ F ⊂ F. Reste à montrer que x∈G.

Par absurde, si x ∉ G, la somme directe orthogonale G’ = G ⊕Kx serait de dimension > dim G.

De plus, G’ est un seti, car q(x) = 0, tout élément de G est isotrope, et x ∈ G. Or G est un setim ! iv) Soient F et G deux setim. En vertu de iii) F ∩ G = F∩ G.

Cela implique ( F ∩ G) = ( F∩ G ) , c’est-à-dire F+ G = F + G . On en déduit aisément dim F = dim G. CQFD

Définition 2 : Soit (E, B, q) un espace régulier. On appelle indice de Witt de (E, B, q) la dimension commune des setim.

Exercice 1 : 1) Soit (E, q) un plan hyperbolique. Montrer que q(E) = K.

2) Soit (E, q) un espace régulier d’indice de Witt ≥ 1. Montrer qu’il contient un plan hyperbolique.

En déduire que q(E) = K.

Exercice 2 : Soit (E, q) un espace quadratique régulier. On suppose que E = H ⊕D, où D est un sous-espace défini et H est un sous-espace hyperbolique de dimension 2m. Montrer que l’indice de Witt de E est m.

Exercice 3 : Soit m = [n/2]. Montrer que la forme quadratique : q : (x1, …, xn)∈Kn

= m

i

xi 1

)2

( −

+

= n

m i

xi 1

)2

( a pour indice de Witt m.

Exercice 4 : Soient K = C, E un C-ev de dimension n, q une forme quadratique régulière sur E.

Montrer que q a pour indice de Witt [n/2].

Exercice 5 : Soient K = R, E un R-ev de dimension n, q une forme quadratique régulière sur E de signature (s, t). Exprimer l’indice de Witt de q en fonction de dim E et de la signature de q.

[ Indication : si k = min(s, t), montrer que Vect(e1 + es+1, …, ek + ek+s) est un setim. ] Théorème de Witt (1936) 4: Soit (E, B, q) un espace quadratique régulier, d’indice m.

i) On peut écrire E = H ⊕D = P1P2… ⊕ PmD

4 Ernst Witt (Alsen, 26 juin 1911 – Hambourg, 3 juillet 1991), mathématicien allemand. Fils d’un missionnaire, il suit son père en Chine et ne rentre en Europe qu’en 1920. Il étudie aux universités de Fribourg-en-Brisgau et de Göttingen. Membre actif du NSDAP (parti nazi), il achève sa thèse en 1934 à Göttingen sous Emmy Noether.

Membre de l’équipe de l’algébriste Helmut Hasse, il a enseigné à l’université de Hambourg de 1937 à 1979.

Durant la guerre, il fit partie d’un groupe de cinq mathématiciens recruté par Wilhelm Fenner, parmi lesquels Oswald Teichmüller. Son œuvre mathématique est importante. Il a fondé la théorie des formes quadratiques sur les corps quelconques, démontré le théorème de Poincaré-Birkhoff-Witt relatif aux algèbres de Lie, etc.

(10)

où D est un sous-espace défini et H = P1P2… ⊕ Pm un sous-espace hyperbolique de dimension 2m, décomposé en somme directe de plans hyperboliques.

ii) Si E = H ⊕D = P1P2PmD = H’ ⊕D’ = P’1P’2P’mD’

sont deux décompositions de ce type, il existe un automorphisme orthogonal f de (E, q) tel que f(H) = H’ et f(D) = D’, et plus précisément (i) f(Pi ) = P’i et f(D) = D’.

Définition 2 : Une telle décomposition s’appelle décomposition de Witt.

Preuve : i) Existence. Nous allons l’établir par récurrence sur l’indice de Witt m.

Si m = 0, (E, q) est défini : poser D = E, H = {0}.

• Supposons l’existence établie pour tout espace quadratique régulier de dimension finie et d’indice de Witt < m.

Soient (E, q) un espace quadratique régulier d’indice m, F un setim de E, (e1, …, em) une base de F.

Je dis qu’il existe un vecteur a1 tel que B(e1, a1) ≠ 0, B(e2, a1) = … = B(em, a1) = 0.

En effet, Vect(e2, … , em) est strictement inclus dans F, donc F est strictement inclus dans Vect(e2,

… , em). Il suffit de choisir a1 dans Vect(e2, … , em)− F. On peut même supposer B(e1, a1) = 1.

Le plan P1 = Vect(e1, a1) est régulier car

) , ( ) , (

) , ( ) , (

1 1 1 1

1 1 1 1

a a B e a B

a e B e e

B = 1.

Du coup, E = P1P1, et G = P1 est aussi régulier (cf. 7. 1.).

Vect(e2, … , em) est un seti de G = P1, et l’indice de Witt de qG est ≥ m − 1.

Si cet indice était ≥ m, il existerait un seti S de G de dimension m. Ke1⊕ S serait un seti de E de dimension m+1, ce qui contredit la définition de m. En résumé, l’indice de Witt de qG est m − 1.

Il reste à appliquer l’hypothèse de récurrence à (G, qG) : G = P2… ⊕ PmD . CQFD ii) Unicité à isométrie près.

Il est clair que deux espaces hyperboliques de même dimension sont isométriques.

Si donc E = H ⊕D = H’ ⊕D’ , il est facile de construire une isométrie v de H sur H’, vérifiant de plus (∀i) v(Pi) = P’i .

En vertu du théorème de prolongement de Witt, il existe une isométrie f de E prolongeant v.

Cette isométrie envoie H= D sur H’= D’. CQFD.

Corollaire : Soit (E, B, q) un espace quadratique quelconque.

On a une décomposition E = E0H ⊕D ,

où H est hyperbolique, D est défini et qE0 = 0. Cette décomposition est unique à isométrie près.

Preuve : i) Existence. Soit E0 = E. Tout supplémentaire de E0 est régulier, et on peut lui appliquer le théorème de Witt.

ii) Unicité. Réciproquement, si E = E0H ⊕D , nécessairement E0 = E. Deux supplémen- taires de E0 sont isométriques et le théorème précédent conclut.

Le théorème de Witt ramène la classification des formes quadratiques sur K à celle des formes définies.

Définition 3 : Soient (E, q) et (E’, q’) deux K-espaces vectoriels quadratiques, E = E0H ⊕D et E’ = E’0H’ ⊕D’

deux décompositions de Witt de E et E’. Nous dirons que (E, q) et (E’, q’) sont équivalents, et on note (E, q) ∼ (E’, q’), [ou par abus E ∼ E’, ou q ∼ q’], si (D, qD) et (D’, qD’) sont isométriques.

(11)

En vertu du théorème de Witt, cette propriété est indépendante des décompositions choisies.

Proposition : (E, q) ∼ (E’, q’) est une relation d’équivalence dans la catégorie des espaces quadratiques5. De plus E ∼ E’ et F ∼ F’ impliquent E ⊕F ∼ E’ ⊕F’.

Il découle de ce résultat que les classes d’équivalence de formes quadratiques forment un monoïde additif pour la somme directe externe orthogonale. La somme directe orthogonale de deux formes nulles est une forme nulle ; la somme de deux formes hyperboliques est une forme hyperbolique. En revanche la somme de deux formes définies n’est pas définie. L’élément nul du monoïde est formé de la classe des espaces E = E0H , où H est hyperbolique.

Théorème et définition : Le monoïde des classes d’équivalence de formes quadratiques sur K est un groupe, appelé groupe de Witt du corps K, et noté W(K).

Preuve : Il faut montrer que tout élément de W(K) a un opposé.

On peut se limiter aux classes d’équivalence des espaces définis.

Or, si (E, q) est défini, (E, q) ⊕(E, −q) est hyperbolique, donc de classe nulle.

Exercice 6 : théorème de Witt dans le cas réel.

On se propose de démontrer le théorème de Witt dans le cas réel à l’aide de la seule loi d’inertie de Sylvester. Soient E un R-ev de dimension n, et q une forme quadratique régulière sur E, de signature (s, t), où s + t = n.

1) Montrer que les sous-espaces totalement isotropes maximaux ont tous pour dimension min(s, t).

2) Montrer que l’on peut écrire E = H ⊕D, où D est un sous-espace défini et H un sous-espace hyperbolique.

3) Montrer que si l’on a deux décompositions comme ci-dessus : E = H ⊕D = H’ ⊕D’ , il existe un automorphisme orthogonal f de (E, q) tel que f(H) = H’ et f(D) = D’.

Exercice 7 : Montrer que si K est algébriquement clos, son groupe de Witt est trivial. Montrer que le groupe de Witt de R est isomorphe à Z.

6. Algèbres de Hurwitz.

Définition : Soit K un corps commutatif de caractéristique différente de 2. On appelle K-algèbre de Hurwitz6 une K-algègre associative et unifère A, de dimension finie, et munie d’une forme quadratique q, non dégénérée et mutiplicative, en ce sens que :

∀(x, y) ∈ A×A q(x.y) = q(x).q(y).

Une telle algèbre se note (A, q) ; 1A désigne son élément unité.

6.1. Exemples.

a) K est une K-algèbre de Hurwitz de dimension 1, pour la forme quadratique q(x) = x2. b) C est une R-algèbre de Hurwitz de dimension 2, pour la forme quadratique :

q : z = x + iy → z.z = x2 + y2.

c) Plus généralement, si d est un élément de K, K[ d ] est une K-algèbre de Hurwitz commutative, de dimension 2, pour la forme quadratique :

q : z = x + ω.y → x2 − d.y2 , où ω = d .

5 On se limite, rappelons-le, aux espaces de dimension finie. Les evq ne forment pas un ensemble, mais on peut se limiter à l’ensemble des formes quadratiques sur les Kn, où n décrit N.

6 Adolf Hurwitz (Hildesheim, 1859 – Zürich, 1919), mathématicien allemand, élève de Felix Klein, professeur au Polytechnicum de Zurich de 1892 à sa mort, fit des travaux sur les surfaces de Riemann, les automorphismes des courbes algébriques et les algèbres de quaternions.

(12)

Cette algèbre est un corps si et seulement si d n’est pas un carré dans K.

d) L’algèbre H des quaternions d’Hamilton est une R-algèbre de Hurwitz de dimension 4, pour la forme quadratique :

q : t.e + x.i + y.j + z.k → t2 + x2 + y2 + z2.

e) Plus généralement, soient α et β deux éléments non nuls de K. On rapporte K4 à sa base canonique (e, i ,j, k) et on le munit de la structure d’algèbre définie par la table :

×××× e i j k e e i j k i i α.e k α.j j j −k β.e −β.e k k −α.j β.j −αβ.e

Proposition 1 : On définit ainsi une K-algèbre associative et unifère, non commutative, appelée algèbre de quaternions et notée H(K, α, β). L’application σ : t.e + x.i + y.j + z.k → t.e − x.i − y.j − z.k est un anti-automorphisme involutif de cette algèbre. Cette algèbre est une K-algèbre de Hurwitz pour la forme quadratique q : X = t.e + x.i + y.j + z.k → t2 − α.x2 − β.y2 + αβ.z2.

Et l’on a : q(X).e = X.σ(X) = σ(X).X.

Preuve : laissée au lecteur.

Corollaire : H(K, α, β) est un corps si et seulement si q est une forme définie.

Preuve :

Si q est définie, et si X est non nul, il découle de ce qui précède que X est inversible, d’inverse ) (

) (

x q

σ

x . Si q n’est pas définie, il existe un vecteur X non nul tel que q(X) = 0. Alors X.σ(X) = σ(X).X = 0.

Comme σ(X) est non nul, X est diviseur de 0 et H(K, α, β) n’est pas un corps.

Remarques ; 1) L’algèbre H des quaternions d’Hamilton est H = H(R, −1, −1).

2) L’algèbre de quaternions H(K, α, β) est l’algèbre de Clifford de K2 relative à la forme quadratique Q : (x, y) → α.x2 + β.y2.

6.2. Classification des algèbres de Hurwitz.

Soient (A, q) une K-algèbre de Hurwitz. B la forme polaire de q Proposition 1 : On a q(1A) = 1.

Preuve : q(1A) = q(1A).q(1A) donc q(1A) = 0 ou 1. q(1A) = 0 impliquerait q = 0. Or q est régulière.

1A étant non isotrope, on a A = (K.1A) ⊕ (K.1A) .

Soit σ la symétrie orthogonale par rapport à la droite K.1A. Elle est donnée par : ∀x ∈ A σ(x) = − x + 2.B(x, 1A).1A . Proposition 2 : i ) On a σ(1A) = 1A .

ii) ∀x ∈ A q(x).1A = x.σ(x) = σ(x).x.

iii) ∀(x, y) ∈ A×A σ(x.y) = σ(y).σ(x).

Preuve : Le point i) est évident.

ii) Fixons le vecteur x ; les formes quadratiques y → q(x).q(y) et y → q(x.y) sont égales.

Par conséquent, elles ont mêmes formes polaires :

∀(x, y, z) ∈ A×A×A q(x).B(y, z) = B(x.y, x.z).

B(σ(x).y, z) = − B(x.y, z) + 2.B(x, 1A).B(y, z)

(13)

= − B(x.y, z) + q(x + 1A).B(y, z) − q(x).B(y, z) − B(y, z) = − B(x.y, z) + B((x + 1A).y, (x + 1A).z) − B(x.y, x.z) − B(y, z) = − B(x.y, z) + B(x.y, z) + B(y, x.z) = B(y, x.z)

En particulier, si x = y, pour tout z : B(σ(x).x, z) = B(x, x.z) = q(x).B(1A, z).

Comme q est non dégénérée, σ(x).x = q(x).1A.

Appliquant cette relation à σ(x), il vient x.σ(x).= q(σ(x)).1A = q(x).1A. Cqfd.

iii) B(σ(x.y), z) = B(1A, x.(y.z)) = B(σ(x), y.z) = B(σ(y).σ(x), z) Comme q est non dégénérée, il vient σ(x.y) = σ(y).σ(x). Cqfd.

Corollaire 1 : σ est un anti-automorphisme involutif de l’algèbre A.

Corollaire 2 : ∀(x, y) ∈ A×A B(x, y).1A = 2

1( x.σ(y) + y.σ(x) ).

En effet, B(x, y).1A = 2

1(q(x + y).1A− q(x).1A− q(y).1A ) =

2

1( (x + y).σ(x + y) + x.σ(x) − y.σ(y) ) = 2

1( x.σ(y) + y.σ(x) ).

Théorème 1 : A est un corps si et seulement si la forme quadratique q est définie.

Preuve : Si q est définie, et si x est un vecteur non nul, q(x) est non nul et q(x).1A = x.σ(x) = σ(x).x.

implique que x est inversible, d’inverse ) (

) (

x q

σ

x . A est donc un corps.

Si A est un corps, A est sans diviseurs de 0. Si x est non nul, x.σ(x) est non nul, donc q(x).1A et q(x) sont non nuls. Donc q est définie.

Théorème 2 : La dimension de A vaut n = 1, 2 ou 4.

i) Si n = 1, alors A est isomorphe au corps K.

ii) Si n = 2, A est isomorphe à une extension quadratique de K si et seulement si q est définie ; q est alors équivalente à la norme de cette extension.

iii) Si n = 4, il existe deux éléments non nuls α et β de K tels que A est isomorphe à H(K, α, β), et que q est équivalente à la forme de cette algèbre.

Preuve :

Rappels : Un sous-espace F de (E, B, q) est régulier si qF est régulière, i.e. Rad qF = F ∩ F = {0} , Alors E = F ⊕ F et F est également régulier.

Supposons n = 1. Alors A = K.1A et si x = λ.1A , alors q(x) = λ2.q(1A) = λ2. Supposons maintenant n > 1.

La droite K.1A est un sous-espace régulier de A. Son orthogonal (K.1A) est également un sous-espace régulier de (A, q), de dimension > 0. Il contient un élément non isotrope u..

B(1A, u) = 0 = u + σ(u) , donc q(u).1A = u.σ(u) = − u2.

A’ = Vect(1A, u) est une sous-algèbre unifère et commutative de dimension 2 de A.

Si n = 2, alors A = A’, (1A, u) est une base orthogonale de A et q(x + y.u) = x2 + q(u).y2 . σ(x + y.u) = x − y.u.

Supposons maintenant n ≥ 3.

La sous-algèbre A’ est un sous-espace régulier de A. Son orthogonal est aussi un sous-espace régulier de dimension > 0. Il contient donc un élément non isotrope v.

On a B(1A, v) = B(u, v) = 0 , i.e. σ(v) = − v et v.u = − u.v.

(v, u.v) est une base orthogonale de A’.v formée de deux vecteurs non isotropes.

(14)

B(v, u.v).1A =

1 [2 v.(σ(v).σ(u) + (u.v).σ(v)] = v2.u − u.v2 = 0.

(1A, u, v, u.v) est un quadruplet de vecteurs de A non isotropes, deux à deux orthogonaux, et libre.

Cela prouve que n ≥ 4.

Si n = 4, alors A’.v = A’

q(t.1A + x.u + y.v + z.u.v) = t2 + q(u).x2 + q(v).y2 + q(u).q(v).z2. Ainsi, l’algèbre A est isomorphe à l’algèbre de quaternions H(K, − q(u), − q(v)).

Reste à démontrer que n > 4 est impossible.

Soit A’’ = Vect(1A, u, v, u.v) comme ci-dessus. C’est un sous-espace régulier de dimension 4.

Comme ci-dessus, soit w un vecteur non isotrope de A’’.

w est orthogonal à (1A, u, v, u.v), σ(w) = − w et w anticommute avec u, v et u.v.

Mais s’il anticommute avec u et v, il commute avec u.v.

Par conséquent, (u.v).w = 0 donc (u.v).w2 = 0.

Or q(w).1A = w.σ(w) = − w2 , donc q(w).u.v = 0. Comme q(w) ≠ 0, u.v = 0. Impossible ! ____________

Bibliographie Michel Cognet : Algèbre bilinéaire (Bréal) Nicolas Bourbaki : Algèbre IX (Hermann) Serge Lang : Algebra (Addison-Wesley) Marcel Berger : Géométrie, chap. 13 (Nathan)

René Deheuvels : Formes quadratiques et groupes classiques (Puf) Jean Fresnel : Espaces quadratiques, euclidiens, hermitiens (Hermann) Jean-Marie Arnaudiès : Problèmes d’agrégation (Ellipses)

Problème d’agrégation 1977 Problème Centrale MP 2010 (sic)

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