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Appropriation, usages et ergonomie des espaces d’expression numériques INTRODUCTION

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Academic year: 2022

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Appropriation, usages et ergonomie des espaces d’expression numériques

BRUNO HÉNOCQUE

ELIE PELORCE

LISE VIEIRA

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Ce numéro est centré sur l’appropriation des nouveaux supports numériques à partir de leurs usages réels. Or, il est remarquable de constater que ces usages ne constituent pas la source d’inspiration majeure des politiques de conception des innovations. En effet, comme l’explique Gérald Gaglio à partir de son expérience auprès d’un grand opérateur de téléphonie mobile, les offres en matière de supports numériques reposent pour l’essentiel sur un imaginaire technologique et des focus groups, au lieu de se fonder sur les usages réels, notamment les études ethnographiques ou des évaluations rigoureuses auprès des utilisateurs ici et maintenant. C’est dans cette perspective qu’Yves Ardourel, dans une étude approfondie du fonctionnement du dispositif universitaire Canal U (plus de 1.300.000 visiteurs en 2009) annonce la mise en ligne d’un questionnaire avant de recueillir l’avis des utilisateurs. Parmi les autres pistes étudiées, il évoque la mise en place d’une logique « Wiki ». Jusqu’à présent, note-t-il, les usages sur lesquels se fondent principalement les politiques de développement de Canal U sont les usages envisagés par les concepteurs. Le modèle de la diffusion est prédominant.

Dans une optique de dépassement de logiques exclusivement descendantes, Julien Figeac analyse des enregistrements vidéos obtenus par des utilisateurs de TV mobile à partir de lunettes caméra. Les recherches ethnographiques de l’auteur, déjà entreprises dans le cadre de son expérience chez un autre grand opérateur de téléphonie mobile, permettent de comprendre le renouvellement de la coordination sociale dans l’espace public pour l’usager en situation d’engagement visuel et auditif. Le dispositif méthodologique permet de décrire les orientations des regards des usagers et ainsi de rendre compte des modalités de participation aux formes simples de la coordination sociale. Des captures d’écran des enregistrements vidéo témoignent de cet ancrage in situ qui permettent de dépasser les usages projetés par les entreprises.

La recherche entreprise par Jean-Paul Fourmentraux dans le cadre d’un contrat avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) est pour sa part centrée sur la participation du public à la création numérique. À l’appui de nombreux exemples (illustrés par plusieurs captures d’écran), il montre comment le contrat de réception est modifié par les actions de l’internaute sur l’image interface. Le Net art repose principalement sur l’intervention du public. Tout est agencé, écrit J. P. Fourmentraux, « pour redonner la main au récepteur et le sortir de la contemplation esthétique ». L’auteur se propose d’étudier les différentes modalités de cette implication du public dans ces espaces d’expression.

Les usages de la presse (mobile) en ligne sont également scrutés par Sébastien Rouquette. À l’appui d’un nombre d’études impressionnant, l’auteur souligne à quel point la diversité des supports numériques étend les temps de

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d’autres activités. L’article a le mérite de souligner l’importance progressive des contraintes ergonomiques dans les stratégies de mise en ligne des informations, intégration qui rejoint totalement la problématique de ce numéro.

Contrat d’accès et contrat de visibilité, deux clés à la compréhension des processus d’appropriation

Les usages des supports numériques ne peuvent se comprendre sans technique rappelle Myriam Lobjoit dans son article. Le numérique ouvre l’accès, explique-t-elle, à un nombre toujours plus important de supports et de contenus comparé à la TV traditionnelle analogique. Dans la société en réseaux, les usages sont donc inséparables des modalités d’accès aux espaces d’expression. Le contrat d’accès renvoie aux conditions de réception des contenus, à la continuité ou non des flux d’information. À cet égard, le retour d’expérience de Gérald Gaglio sur l’échec de la technologie WAP est édifiant.

Le contrat d’accès n’était pas respecté, compte tenu des fréquentes interruptions et de l’impossibilité de mener simultanément une recherche sur le web tout en recevant un appel téléphonique. À cela s’ajoute un modèle économique (tarification au temps) qui ne donnait pas satisfaction. Les opérateurs, écrit-il, n’ont donc pas pu « installer progressivement les usages de l’internet mobile » qu’ils avaient « projetés ».

Au-delà certes de la technologie Wap, les appareils mobiles possèdent, avec les réseaux 3G et 3G+, la capacité de lire de la vidéo et de satisfaire une partie de la demande. Mais l’accès sans interruption à des contenus vidéos en milieu urbain, dans l’attente des relais DVB-H, est encore limité. L’insuffisance des débits oblige fréquemment les acteurs à utiliser des supports électroniques alternatifs, comme le montre Julien Figeac dans ses observations ethnographiques en situation de transports à Paris ou à Toulouse.

Il convient donc d’éclairer cette difficulté dont découle largement la fréquence des usages en situation de mobilité. Cette difficulté ne relève pas seulement du débit du réseau car il convient aussi d’assurer la meilleure qualité possible de visibilité des contenus. En ce qui concerne la vidéo, il est nécessaire, pour chaque opérateur, de trouver en amont la meilleure adéquation possible entre :

– le débit du réseau (synonyme de surcoût pour l’opérateur) – la résolution et le nombre d’images par seconde (« framerate ») – la compression et la complexité de compression (qui réduit le débit) – l’autonomie du téléphone et la puissance du CPU (unité centrale de traitement), reliée directement à la compression.

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Pour un opérateur, le fait d’agir sur un paramètre, en déséquilibre souvent un autre. Or, la vision de l’opérateur, qui adapte le streaming vidéo en fonction du parc de téléphones mobiles à alimenter et des besoins des utilisateurs, est dominée par un problème de coût. Pour lui, la bande passante utilisée pour un client correspond à un coût. À cet égard, la vidéo est l’application la grande consommatrice de bande passante. Un moyen simple pour l’opérateur de réduire les coûts induits par ce service consiste à augmenter la compression vidéo : cette décision a de facto une incidence forte sur la qualité de visionnage.

Ainsi certains opérateurs ont proposé a contrario une qualité vidéo dite

« haute définition », loin cependant de la HD que l’on connaît sur les téléviseurs. La « HD » mobile requiert souvent une augmentation du débit. Elle permet certes de réduire la mauvaise qualité des images (produite par une compression excessive) mais occasionne une augmentation des débits.

Pour résumer, l’opérateur doit procéder à un choix entre trois compromis 1. L’opérateur souhaite avoir la meilleure qualité d’images possible pour son utilisateur : dans ce cas, il augmente la résolution/nombre d’images par secondes et la complexité de compression. Il en résulte une utilisation maximum du réseau de télécommunications et du processeur. S’il s’agit du meilleur cas de figure pour l’utilisateur, il s’agit aussi de la situation la plus difficile pour l’opérateur. Afin d’obtenir la qualité d’image la plus parfaite, les algorithmes mathématiques les plus poussés et un débit le plus important sont sollicités. Il en résulte un travail considérable pour le processeur qui ne peut soutenir longtemps une telle charge. Ce travail maximal du processeur entraîne une baisse très forte de l’autonomie du mobile pour l’utilisateur.

0 50 100 Débit r éseau

Résolution/Nombre d'images par sec ondes

Compres sion/Complexité Puis sance CPU

A utonomie

Série1

2. L’opérateur souhaite épargner son réseau. Il est alors conduit à réduire la résolution/nombre d’images par seconde et à augmenter la complexité de

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l’utilisateur, une baisse de l’autonomie du terminal. Sur le schéma, l’utilisation du réseau est faible, le débit utilisé est réduit. En contrepartie, la compression est plus importante; elle s’appuie sur un modèle mathématique plus complexe.

Dans ce modèle, le lecteur vidéo du téléphone sollicite de façon plus soutenue le processeur, augmente de ce fait sa « chauffe » et sa consommation électrique.

Il en résulte une baisse d’autonomie du terminal. Cependant, la technologie évolue et les processeurs consomment de moins en moins, ce qui tend à modifier l’échelle des axes du schéma.

0 50 100 Débit réseau

Résolution/Nombre d'images par s ec ondes

Compres sion/Complex ité Puis sance CPU

A utonomie

Sér ie1

3. L’opérateur souhaite augmenter l’autonomie de son parc de terminaux : il réduit dans ce cas la résolution et le nombre d’images par seconde et baisse la complexité de compression. Cette configuration a pour effet d’augmenter le débit nécessaire sur le réseau. Dans ce cas, la compression utilise des algorithmes mathématiques simples, que le processeur n’aura pas de difficulté à calculer. Le processeur étant moins sollicité, il consommera moins d’énergie et l’autonomie du terminal en sera améliorée. Cependant, pour fabriquer une image à partir d’algorithmes plus simples, il est nécessaire de fournir plus d’informations, ce qui a pour effet d’utiliser plus de débit réseau.

0 5 0 10 0 D éb it ré se au

Ré so lution /No m bre d 'im age s par se co nde s

Co mp re ss ion /Co mp le xité Puis sa nce C PU

Au ton om ie

Sé rie1

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Le développement croissant en France d’une demande en TV et en vidéos originales pour mobile (contenus conçus dans de petites structures ou présentés lors des multiples festivals de vidéo sur mobile), nécessite l’amélioration des réseaux en raison des coupures fréquentes en milieu urbain. Le déploiement des relais DVB-H en 2011, longtemps retardé en France, devrait à cet égard améliorer la réception des images animées, intervenir avec force dans le processus d’appropriation et influencer les usages dans leur fécondation réciproque avec les techniques.

Références

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