C OMPOSITIO M ATHEMATICA
H ENRI M ILLOUX
Sur les valeurs asymptotiques des fonctions entières d’ordre infini
Compositio Mathematica, tome 1 (1935), p. 305-313
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entières d’ordre infini
par
Henri Milloux
Bordeaux
1. On sait
qu’une
fonction entière d’ordrefini o
a auplus 2 e
valeursasymptotiques
finies et différentes. Cetteimportante propriété,
énoncée par M.Denjoy,
a été déduite par M.Ahlfors,
dans sa
thèse,
de l’étude de lareprésentation
conforme des bandes.M. Carleman
avait,
entretemps,
établi que le nombre des valeursasymptotiques
d’une telle fonction est auplus égal
àk e,
k étantune constante
numérique.
Que
devient cetteproposition
pour les fonctions entières d’ordre infini? Certaines de ces fonctions admettent une infinité de valeursasymptotiques;
et, dans ce cas, l’ensemble des valeursasympto- tiques
a nécessairement un ensembledérivé, qui peut
d’ailleurscomprendre l’infini,
ou même necomprendre
que l’infini.On constate alors
qu’il
est illusoire deparler
de valeursasympto- tiques finies
etdifférentes.
D’où la nécessité d’introduire les dif- férences des valeursasymptotiques,
de même que les modules de ces valeurs.Dans l’étude
qui
vasuivre,
on feradépendre
ces différences et cesmodules,
ou, d’unefaçon plus précise,
une borne inférieuredes
premières
et une bornesupérieure
desseconds,
d’unepart
du domaine du
plan z
danslequel
on étudie la fonction entièref(z) (en l’espèce,
l’interieur du cercle1 zl ==R),
d’autrepart
du maximum
M (r, f )
du module de la fonction sur le cerclez ) =
r. Lapremière
borne pourra tendre vers 0, la deuxième versl’infini, lors
r
l’infini, lorsque r augmente indéfiniment;
lerapport -
est choisià l’avance. R
Considérons maintenant les chemins intérieurs à la couronne
circulaire
r 1 z R,
sur chacundesquels
la fonctionf(z)
est,pour
1 zl I
assezgrand,
voisine d’une valeur ai, les différences306
1
ai - aj1
et lesmodules 1 ai 1
étant limités comme il vient d’être dit.Après
avoir défini etprécisé
levoisinage
enquestion, toujours
en fonction de r et de
M (r , f ) ,
nous obtiendrons une limitesupé-
rieure du nombre n de ces
chemins,
en fonction de R et de M(R, f ).
2. Précisions sur un théorème de M.
Lindelôf. -
Ils’agit
duthéorème suivant: Si une
fonction cp()
estholomorphe
et borizéedans une bande
rectangulaire indéfinie,
et si elle tend vers unevaleur
finie
a sur l’un descôtés,
et vers b sur l’autrecôté, lorsque
Ç
s’éloigne indéfiniment
dans le même sens sur les deuxcôtés,
alors a = b.
Ce théorème a été utilisé par M. Ahlfors dans sa démonstration du théorème de
Denjoy.
Nous allons lepréciser,
et démonter le LEMME. -Soit,
dans leplan’
unrectangle
A BCD delargeur
A B - 2l et de hauteur AC = 2 h. On suppose
l >
h et on pose:Soit
ç(1)
unefonction holomorphe
dans lerectangle,
continue surles
côtés,
et telle que:(On peut supposer a 1
et1 b
inférieurs àK.)
Alors on a
l’inégalité
Démonstration. Soit 0 le centre du
rectangle.
E le milieu de CD.L’arc de cercle A E B est tout entier intérieur au
rectangle.
I,a. fonction
harmonique
prend
les valeurs: -r sur la cordeA B,
et n - 2 sur l’arc de cercle A E B.D’autre
part,
la fonctionharmonique log 1 q;(’) - al prend
desvaleurs inférieures à
log
2K dans tout lerectangle,
et enparti-
culier sur l’arc de cercle
A E B,
et àloge
sur la corde A B.On a
donc,
à l’intérieur deA BEA,
uneinégalité
de la formeles constantes m et n, étant choisies de telle sorte que la fonction
harmonique
du second membre prenne les valeurs:log
sur lacorde
AB,
etlog
2 K sur l’arc de cercle A E B.On a donc:
D’où:
En
particulier,
aupoint
0 on a:Une
inégalité analogue
a lieu limitant par la mêmeexpression
la
quantité p ( o )
-b ] .
Ces deux
inégalités
nepeuvent
êtrecompatibles
quesi I a - b
est inférieure au double du second nombre commun à ces deux
inégalités,
d’ où le lemme.Remarq1.le.
p
est évidemment inférieur à 1. Pour lecarré,
caslimite,
l’ex-0
pression - 0
lerectangle
0 est deégale
côté A B àn 4 Arctg2 infini,
7 2 autrequantité
caslimite,
voisinede
est 0,71égal à
et pour0, 5.3
Dans tous les
cas,
est inférieur à - et l’onpeut
écrire à fortiori0 4
l’inégalité
A utre
Remarque.
L’examen du cas où le
rectangle
A BCD estplus
haut quelarge (BC > AB),
inutile dans cetteétude,
neprésenterait
aucune difficulté.
Il suffirait
d’appliquer l’inégalité
de Carleman àl’angle
recti-ligne A E B,
pour en déduire une limitationde ] ç(o ) - a ] d’opérer
d’une
façon analogue
pour obtenir une limitationde 1 p(O) - b 1
et de comparer les deux limitations obtenues.
308
3. Montrons que le lemme entraîne le théorème de Lindelôf cité au début du no. 2:
découpons
dans la banderectangulaire
indéfinie une suite de
rectangles
A BCD satisfaisant aux con-ditions du
lemme,
des carrés parexemple,
deplus
enplus éloignés,
de
façon
que e tende verszéro, d’après
les conditions deLindelôf,
K restant fixe.
On constate
que a -
b1
tend vers zéro.4. J’utiliserai
également
dans la suite le théorème suivant quej’ai
démontré dans un mémoirerécent 1):
Soit
f(z)
unefonction holomorphe
dans le domainesimplement connexe D, limité,
d’unepart
par des arcs descirconférences
de cen-tre 0 et de rayons rI et T2’ d’autre
part
par des courbes A etB,
chacunede ce s courbes
pouvant
êtrecomposée
deplusieurs
arcs continus. Ondésigne
par t() (t)
la somme des arcs de lacirconférence
de centre0 et de rayon t intérieurs au dornaine
D ;
soit m2 et ml deuxquantités majorant
les valeursde 1 f(z) 1,
lapremière
sur les arcs situés à ladistance r2 de
l’origine,
la deuxième sur le reste du contour de D.On suppose m 2
supérieur
ànt,. Soit en fin r eie
unpoint
intérieurà D. Dans le cas oit
] f(re’°) 1
estsupérieur
à m1, on al’inégalité
5. Soit rriaintenant
f(z)
une fonctionholomorphe
dans lacouronne circulaire
le
rapport r2
étant suffisammentgrand (nous indiquerons
dansr,
le cours du raisonnement une
quantité
que doitdépasser
cerapport).
Nous supposerons
qu’il existe,
traversant cette couronnecirculaire, n
cheminsLi (i = 1, 2 , ... , n)
tels que surLi
on a:Remarquons
que ces chemins ne secoupent
pas si les différences1 ai - a j 1
sont toutessupérieures
à 2 e, ce que nous supposerons.On
désigne
parOi(K)
la somme desangles
au centredécoupés
sur la
circonférence z =
t par le domaine de la couronne circu- 1) HENRI MILLOUX. Sur les domaines de détermination infinie des fonctions entières [Acta hsath. 61 (1933), 105-134]. Voir p. 112 le théorème 1.laire
considérée, compris
entre les cheminsLi
etLi,, (pour i
= n,entre
Ln
etL1 ) ;
ondésigne
encore par mi unequantité supérieure
ou
Agale
à tousles 1 i, 1 +a,
ainsiqu’au
maximumM (r1, f )
def(z) 1
sur lecercle 1 z 1
= rl.Considérons une valeur r intermédiaire entre rI et r2, de
façon
que l’on ait
l’inégalité
quel
que soit l’indice i.Oi(t)
étant inférieur à 2, il est évidentr
que
l’inégalité (3)
est vérifiée dèsque 1 dépasse
une constante. · , , ...
ri r2 .
numérique,
d’où résulte la nécessité pour lerapport -
dedépasser
, r1
cette constante
numérique.
r1Désignons par d2
le domaine de la couronne circulairer 1 z r,
compris
entre les cheminsLi
etLi+1.
Du fait que la somme desoi (t)
pour les n valeurs del’irldice i, t
étantfixe,
estégale
à 2 n,on en déduit
l’inégalité:
Il existe donc au moins un
domaine
pourlequel:
Appliquons
le théorèmerappelé
au no. 4 au domaineDi
déter-miné par les chemins
Li
etLi,,
dans la couronne r,1 zl r2’
en
prenant
pourpoint rei()
unpoint quelconque
intérieur audomaine
Di
et situé à la distance r del’origine.
Nous en déduisomsl’une des deux
inégalités
suivantes:ou bien:
ou bien:
et a
fortiori,
dans tous les casRemarquons
quel’inégalité (5)
est valable non seulement pour toutpoint
intérieur au domaineDi ayant
pour module r, mais310
encore pour tout
point
dudomaine bi
dont l’addition au dormained2
constitue le domaineDi.
Ceci résulte de ce que1 f ( z )
estinférieur ou
égal
à m1 sur lapartie
de la frontière debi qui
n’estpas à la distance r de
l’origine, d’après
leshypothèses.
Posons
Faisons la
représentation
conforrrie d’une bandeindéfinie,
delargeur
1, duplan Ç,
defaçon qu’aux portions
des cheminsL,
et
Li+1 limitant ôi correspondent respectivement
dessegments rectilignes
limitant la banderectangulaire.
On
sait, d’après
le théorème fondamental de la thèse de M.Ahlfors
2)
àlaquelle
on pourra sereporter
pourplus
de détailsur la
représentation
enquestion,
que le domaine4;
transforméde
bi
contient à son intérieur unrectangle
dont lalongueur
estégale
àquantité supérieure
ouégale
à 1d’après l’inégalité (3).
La hauteurdu
rectangle
est la.largeur
de labande,
c’est-à-dire 1. Donc le domaineL1i
i contient un carré A BCD3) auquel peut s’appliquer
lelemme du no. 2, la fonction
ç)
de l’énoncé de ce lemme corres-pondant, après représentation conforme,
à la fonctionf(z).
D’où
l’inégalité:
et
d’après
lapremière
remarque faite à la fin du no. 2, on a, a fortiori:et
d’après
la valeur de K:2 ) LARS AHLFORS, Untersuchungen zur Theorie der konformen Abbildung und
der ganzen Funktionen [Acta Soc. Sc. Fennicae (nova series A) 1 (1930), no. 29].
3) Remarquons qu’on peut restreindre le domaine d au domaine Ai" portion
de d i située dans la couronne circulaire r’
1 z
r, r’ étant déterminé par l’égalité:Rappelons
leshypothèses qui
ont été faites au cours de ceraisonnement, qui
aboutit àl’inégalité (6):
r2
Tlest supposé dépasser
une constantenumérique; 1
r1dépasse
aussi cette constantenumérique. 1 ai
-aj 1
estsupérieur
à2 e. 1 f(z) - a? est
inférieur
à e sur le cheminLi 4)
et il y a n cheminsLi.
6.
Indiquons
brièvement quel’inégalité (6),
que nous allons surtoutappliquer
aux fonctions entières d’ordreinfini,
entraîne le théorème deDenjoy:
Sif(z)
est d’ordre fini (2, supposons le nombre de valeursasymptotiques
finies et différentessupérieur
à
2 é,
de sorte quetend vers zéro
Iorsque r2 augmente
indéfiniment. Achaque
valeurr2, on
peut
donc associer une valeur r tendant vers l’infini avecr2 de telle
façon
que le 3e terme du deuxième membre del’inéga-
lité
(6)
tende verszéro;
r, étant choisi d’unefaçon fixe,
m1 a une valeur déterminée. Utilisons les remarques faites en note aun°
précédent
et notons que si raugmente indéfiniment, r’ augmente
indéfiniment aussi et par suite e tend vers
zéro;
nous aboutissons à unecontradiction,
le deuxième membre del’inégalité (6)
tendantvers - oo, tandis que le
premier
reste borné.7.
Application
auxfonctions
entières d’ordreinfini.
Commenous allons faire tendre n vers
l’infini,
remarquons toutd’abord,
que s’il existe nquantités ai
dont lesmodules
sont inférieursà m1, et dont les différences
prises
deux à deux sontsupérieures
à
e’,
les cercles deeentres u2
et derayon -
étant extérieurs lesuns aux autres, et couvrant une
superficie
totale inférieure à il en résulte que n est auplus égal
à /Il est d’ailleurs possible,
si les cercles decentre ai et de rayon s’
sont
tangents
entre eux, que Y1 soit de la forme Ceciposé, l’inégalité (6)
donne ici:4) Il est inutile que e majore
les f(z) - ail sur
tous les chemins Lo mais seule- ment sur les portions de ces chemins compris dans la couronne r’__ z ç
r.312
Efforçons-nous
de fixer entre lesquantités m10152’r21"
et n unedépendance
telle que la contradictionapparaisse.
Prenons d’abord
log ë’ = ’ 5 log e.
Ensuite choisissons n den
5
façon
que(r2 ) 2 log M(r2’ f )
tende vers 0quand r2 augmente
indéfiniment.
Nous allons
prendre
parexemple
YI étant une
quantité positive
fixe.n
/2B
2L’expression r: ) - long M (r 2’ f )
sera inférieure à une constantenumérique
si l’on a soin de ne pasprendre
rtrop grand.
Pourfixer les
idées,
nous choisirons pour r la valeur définie parl’égalité:
On constate alors que
l’expression
étudiée estégale
à 1.L’inégalité (6)
ainsisimplifiée
nous donne:Ce
qui
n’a certainement paslieu, lorsque
ml est assezgrand, quand
onprend:
Il nous reste à fixer la valeur de m. en fonction de r2; d une
part
on sait que n nepeut dépasser
D’où
l’inégalité:
D’autre
part
m1désigne
unequantité supérieure
ouégale
à
M(r1,f)
et rI doit être inférieur àO(I)r,
d’oul’inégalité
sup-plémentaire :
.
Les deux
inégalités
écrites pour mi ne sont engénéral
pa.sincompatibles ;
pour les fonctions entières d’ordre fini le deuxièmemembre
del’inégalité (7)
estborné,
tandis que celui del’inégalité (8)
tend vers l’infini. Pour les fonctions d’ordreinfini,
le deuxième membre de(7)
cesse d’êtreborné;
mais sauf pour des fonctionsqu’op peut
considérer commeexceptionnelles (à
croissance trèsirrégulière)
le deuxième membre de(7)
est considérablement inférieur au deuxième membre de(8);
pour certainesfonctions,
il
peut
en être autrement, mais alors pour des valeurs tout à faitexceptionnelles
de r2 ,pouvant
être enfermées dans des inter- valles dont la somme deslongueurs
est finie. Il est presque évident que si le deuxième membre de(7)
était constammentsupérieur
au deuxième membre de
(8), M(r2’ f)
tendrait vers l’infinipour une valeur finie de r2.
Les résultats obtenus se résument dans le
THÉORÈME. - Soit
f(z)
unefonetion
entière d’ordreinfini.
Ilest en
général impossible
que dans la couronne circulaire(q quantité positive)
il y ait
plus
de cheminsLi
sur chacun des-quels If(z)1
estinférieur à M(r, f),
et tels que surLi
on al’inégalité :
avec
Il ne
peut
y avoirexception
quelorsque M(r , f )
estinférieur
àune certaine
puissance
de cequi
n’a lieu à lafois
que pour des
fonctions particulières,
etquant
à cesfonctions
pour des valeurs de R
exceptionnelles.
Remarque.
Il est inutile quel’inégalité (9)
soit vérifiée surtout le chemin
Li;
mais seulement sur laportion
de ce chemininférieure à une certaine couronne
circulaire;
sereporter
pour la démonstration au no. 5 etplus particulièrement
à la deuxièmeremarque faite en note à ce numéro. On pourra
prendre
pour rune valeur inférieure
(ou égale)
à et la couronne circu-laire ou
l’inégalité (9)
est vérifiéesur
les cheminsL,
est telleque ses rayons extrêmes sont de la forme (Reçu le 7 février 1934.) )