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Prix E. BRUMPT2000 360

Intronisation par J. E

UZÉBY

Docteur-Vétérinaire Docteur honoris causa des Universi- tés de Turin et de Timisoara.Membre de l’Académie nationale de Médecine, de l’Académie vétérinaire de France et de l’Académie royale des Sciences vétérinaires d’Espagne. Professeur honoraire des Ecoles vétérinaires (parasitologie et maladies parasitaires : Lyon)

Mesdames et Messieurs les membres de la famille d'Emile BR U M P T, Messieurs les Présidents, mes chers Collègues, Mes- dames, Messieurs,

I

l est des locutions qui, trop utilisées - et t rop souvent sans raisons valables - ont p e rdu leur relief. Je n'hésite cependant pas à re p re n d re l'une d'elles, parce que celui qui en fait l'objet lui redonne toute sa valeur et toute sa signification. C'est donc pour moi un très grand honneur, accom- pagné d'un réel plaisir, que re m e t t re a u j o u rd'hui au Professeur Jean-Antoine RI O U X, le 22ePrix Emile BR U M P T. Tous les précédents lauréats ont été couro n n é s pour leur activité dans le domaine de la médecine tropicale ou de la parasitologie et ont parfois illustré ces deux spécialités.

Mais J.A. RI O U Xles a exploitées d'un point de vue très original, celui de l'éco- logie médicale, comme je vais essayer de vous le montre r. Et cette exploitation est p a rfaitement dans la ligne de la pensée d'Emile BR U M P Tqui, au moment de ces- ser ses fonctions officielles (mais pas son a c t i v i t é !) avait préféré à la frappe d'une médaille* - ou à l'édition d'un livre jubi- l a i re - la création d'un prix qui perpétue- rait, s'il en était besoin, la richesse de ses travaux. L'arrivée d'Emile BR U M P Ta mar- qué un tournant dans l'évolution de la parasitologie médicale et vétérinaire. Les grands parasitologistes qui l'ont précédé travaillaient essentiellement dans leurs l a b o r a t o i res. Ne le leur re p rochons pas; il fallait commencer par eux et leur apport a été immense. Pour me limiter aux savants français, je ne veux en évoquer que quatre , connus dans le monde entier :

- le Professeur L.G. NE U M A N N, de l'Ecole v é t é r i n a i re de Toulouse, pour ses travaux sur la taxinomie des Ixodidés, dont il re c e-

vait des échantillons en provenance des pays t ropicaux comme des zones tempérées;

- le Professeur RA I L L I E T, de l'Ecole vétéri- n a i re d'Alfort, qui a réalisé en helmintho- logie ce qu'a fait NE U M A N Nen ixodidologie et a donné un essor prodigieux à cette branche de la parasitologie;

- le Professeur Raphaël BL A N C H A R D, de la Faculté de médecine de Paris, pour ses tra- vaux sur les Hirudinées, son monumental ouvrage sur les Moustiques et sa collabo- ration au traité des Hématozoaires de l'Homme et des animaux, de LAV E R A N- et fondateur des A rchives de parasitologie;

- le Professeur Robert DO L L F U S, de l'Ecole pratique des Hautes études et du Museum national d'histoire naturelle, à qui aucun terr i t o i re de la parasitologie, morphologique et biologique, n'était é t r a n g e r. Avec des moyens financiers ru d i- m e n t a i res et un personnel réduit à sa plus simple expression, ces quatre pionniers ont mis la parasitologie sur des rails nou- veaux et ont commencé à chauffer le train.

Mais il fallait que ce train sorte de sa gare et que la science parasitologique aille appliquer sur le terrain les connaissances acquises dans le cadre universitaire. J'ai le souvenir d'une observation que m'avait faite, alors que, préparant l'agrégation, je m'abîmais dans les bibliothèques et usais mes yeux sur le microscope, le Pro- fesseur BR E S S O U, anatomiste et dire c t e u r de l'Ecole d'Alfort : “il est bien, et c'est n é c e s s a i re, d'acquérir des connaissances, mais c'est sur le terrain que vous en juge - rez la valeur et l'ef f i c a c i t é ”. Et je ne serais pas surpris si cette remarque lui avait été inspirée par l'exemple d'Emile BR U M P T

qu'il connaissait bien, pour le côtoyer à l'Académie de médecine et à l'Académie vétérinaire… et qu'il aurait dû aussi ren- c o n t rer à l'Académie des Sciences, si Emile BRUMPTn'avait eu le tort d'avoir raison trop tôt, à propos de l'amibe E n t a - moeba dispar. C'est qu'en effet, Emile BR U M P Ta été le premier à faire de la

«parasitologie de plein air ». Dès 1901, préparateur à la faculté de médecine, il acceptait la proposition du Vicomte DU

BOURG DEBOZASde participer, en tant que naturaliste… et photographe, à la Mission d'exploration en Afrique tropi- cale qui, de Djibouti à Brazzaville, a étu- dié pendant deux années, la topographie, l'éthologie des populations et la zoolo- gie des régions traversées. Quant aux n o m b reuses missions d'Emile BR U M P T en Amérique du Sud, dans le Sud-Est asiatique et en Extrême-Orient, je ne peux que les évoquer. Cette évocation de l'ac- tivité d'Emile BR U M P T, qui a si bien su franchir l'étape conduisant du laboratoire au terrain, me ramène à notre lauréat.

Avant même la soutenance de sa thèse de doctorat en médecine (1955), J. A. RI O U X entrait, en 1947, en tant que moniteur de travaux pratiques, à la faculté de médecine de Montpellier, au laboratoire du Pro- fesseur Hervé HA R A N T, grande figure de la parasitologie et de la botanique. En 1950, il obtenait le diplôme de médecine exotique, manifestant par là son inten- tion de ne pas limiter son activité au ter- r i t o i re français. Je passe sur ses autre s t i t res universitaire s : licence ès sciences, avec quatre certificats, dont un de “bota- nique coloniale”, diplôme de derm a t o l o- gie-vénéréologie, preuve de son intérêt pour la clinique. En 1955, il obtenait le titre d'agrégé de parasitologie et patho- logie exotique, qu'il faisait suivre, en 1958, du diplôme de mycologie médicale, de l'Institut Pasteur de Paris, avant de deve- n i r, en 1972, titulaire de la chaire d'histoire n a t u relle médicale, parasitologie et patho- logie exotique à la faculté de Montpel- l i e r, succédant ainsi à son maître HA R A N T. Mais l'enseignement de RI O U Xne s'est pas limité à Montpellier; il s'est étendu à Paris, à Strasbourg et hors de France; je cite, dans l'ord re chronologique, le To g o , l'Iran, le Tchad, la Tunisie, le Maro c , l'Irak, le Yémen, l'Algérie, la Syrie, la Colombie, l'Argentine, l'Equateur, l'Aus- tralie… et je serais impardonnable d'ou- blier le département de Guadeloupe. Je ne saurais insister sur l'importance de ces m i s s i o n s ; le fait même de leur enchaîne- ment, l'une entraînant l'autre, en d é m o n t re amplement le succès. Mais je

R EMISE DU PRIX B RUMPT 2000

à Jean-Antoine R IOUX ,

le 14 février 2001

à la Société de pathologie exotique

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veux mentionner plus part i c u l i è re m e n t celle qui a conduit RI O U Xau Kurd i s t a n iranien, en 1960, et qui semble avoir actualisé son goût pour l'écologie médi- c a l e ; pendant six mois, en coopération avec l'Institut Pasteur de Téhéran, se déplaçant en jeep sur des terrains diff i- ciles, «rocailleux, sablonneux, malaisés » , pour étudier l'épidémiologie de la peste, RI O U Xa su saisir les relations écologiques sol ---> plantes ---> animaux (mérions) et re c o n n a î t re l'importance des investigations écologiques en épidémio- logie et celle de la méthode phyto-éco- logique appliquée à l'étude des maladies transmissibles. Mais déjà, en 1951, RI O U X

s ' i n t é ressait à l'écologie des Culicidés dans le Midi méditerranéen, dont il faisait le sujet de sa thèse inaugurale, avant de se voir confier, en 1961, la mise en place et la direction d'un organisme de lutte anti- culicidienne, tandis que la DGRST le chargeait de promouvoir la “lutte biolo- gique contre les vecteurs”. Toute cette incubation devait déboucher sur ce qui témoigne au plus haut point de l'activité de terrain, en même temps que de l'acti- vité scientifique de notre lauréat: l'étude éco-épidémiologique des leishmanioses.

Les résultats de cette étude ont tout natu- rellement conduit à l'élaboration d'un binôme insécable : “Leishmanioses- RI O U X”. Dès 1961, RI O U Xavait entre- pris l'étude épidémiologique de la leishmaniose dans les Cévennes. En 1962, l'Institut national d'hygiène subvention- nait une recherche de longue durée, qui devait aboutir à la mise en évidence de deux données d'importance capitale : l'identification du vecteur cévenol, P h l e - botomus ariasi- et celle du réservoir sau- vage de Leishmania infantum , le renard Vulpes vulpes. La synthèse de ces travaux faisait l'objet, en 1968, d'une monographie publiée sous l'égide de l'INSERM. Sur le terrain ainsi conquis, RI O U Xet son équipe se sont précipités (je dis bien “pré- cipités”, car la précipitation implique l'en- thousiasme), afin d'en faire une méthodique exploitation : biologie et éco- logie du vecteur, avec les célèbres cap- t u res sur papier huilé disposé devant une s o u rce lumineuse ; répartition du phlé- botome en fonction de l'altitude et des étages de végétation ; fréquence saison- nière de l'insecte et mise en évidence de son activité au cours du nycthémère; den- sité de l'infection des renards et formes cliniques du parasitisme chez ces ani- m a u x; ainsi, pouvaient être proposées des m e s u res rationnelles de prophylaxie sani- t a i re de la leishmaniose. Mais l'épidé- miologie d'une maladie à transmission vectorielle n'est pas seulement liée à l'ac- tivité des vecteurs; elle dépend aussi du parasite lui-même. D'où l'étude appro- fondie des leishmanies, entreprise par RIOUXet ses collaborateurs, au premier

rang desquels il faut placer Mademoiselle LA N O T T Eet Madame PR A L O N G. Outre les pre m i è res indications d'une re p ro- duction sexuée des leishmanies (1996), les re c h e rches effectuées à Montpellier ont abouti à la division de L e i s h m a n i a i n f a n t u m en plusieurs zymodèmes, dési- gnés sous l'appellation «MON…» (pour Montpellier), suivie d'un numéro d'iden- tification et dont la considération est très i m p o rtante en épidémiologie. Le labora- t o i re d'Ecologie médicale et parasitaire de Montpellier est alors devenu la «capi- t a l e » des leishmanioses, attirant nombre de protozoologistes du monde entier (et dont certains se sont établis dans la r é g i o n !) et où s'est tenu, en 1984, un col- loque international, dont les comptes re n- dus ont été publiés en une volumineuse monographie de 500 pages : “L e i s h m a- n i a: taxonomie et phylogenèse”,par l'IN- SERM, le CNRS et l'OMS. Ainsi, en forçant quelque peu les choses, mais cela est tellement tentant, on peut fermer le c e rcle de l'activité d'Emile BR U M P Te t Jean-Antoine RI O U X: le laboratoire a conduit Emile BRUMPTaux études sur le terrain et les enquêtes sur le terrain ont ramené Jean-Antoine RIOUXau labora- t o i re. Ce carrousel s'est révélé d'une haute valeur scientifique et pratique. Mais n'al- lez pas cro i re que j'en aie term i n é ! J'ai déjà dit que RIOUXa eu comme premier M a î t re, le Professeur Hervé HA R A N T, qui a fait de lui, selon sa pro p re expression, un

«naturaliste total ». Ceux qui ont connu H e rvé HA R A N Tsavent bien qu'il était autant, sinon plus, naturaliste que méde- cin. Il était passionné de botanique au point d'accompagner, lors des pro m e- nades botaniques des étudiants en phar- macie de Montpellier, le terr i b l e P rofesseur JU I L L E T, qui terrorisait alors les jeunes «potards ». Il n'est donc pas sur - prenant qu'Hervé HARANTait commu- niqué sa passion à RI O U X, déjà titulaire de deux certificats de licence de botanique et c'est tout naturellement que RI O U Xa suc- cédé à son patron à la direction du jard i n botanique de Montpellier. Et cette activité nous a valu un re m a rquable ouvrage : “ L e j a rdin des Plantes de Montpellier”, qui, tel le bouquet de fleurs offert aux vain- queurs des grandes épreuves sport i v e s , est venu, avec le Prix Emile BR U M P T, cou- ronner une magnifique carr i è re. Je n'ai pu que survoler cette très belle carrière, mais j'espère que RI O U Xp o u rra lui-même recentrer ce que j'ai été obligé de margi- naliser, sans se laisser impressionner par la condamnation que fait PA S C A L d u

“ m o i ” ; le “moi” n'est pas “haïssable”

quand on s'y réfère pour éclairer une situation et je suis certain que RI O U X

saura mieux que moi nous éclairer sur les travaux qui lui valent aujourd'hui le Prix Emile BRUMPT.

Réponse de J. A. R

IOUX Mesdames et Messieurs les re p r é s e n t a n t s de la famille Emile BRUMPT,

Messieurs les membres de l’Académie de médecine,

Messieurs les présidents, Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs,

R

e c e v o i r, à cet instant, le prix intern a- tional Emile BRUMPTest, pour moi, un honneur exceptionnel. Un honneur mêlé de doute, ce sentiment singulier que beaucoup de nos confrères ont re s s e n t i au cours de leur carrière et qui m’a sub- mergé, dès l’annonce de la nouvelle, par la voie amicale du docteur Jean-Claude PETITHORY.

Et les lancinantes questions qui s’étaient souvent posées à l’“universitaire - c h e r- c h e u r” m’ont une nouvelle fois assailli.

Au terme de ma carr i è re d’enseignant, avais-je accompli correctement la tâche de formation qui m’avait été confiée ? Et que dire du cherc h e u r, cette face méconnue de l’universitaire ? S’était-il s u ffisamment engagé dans sa quête de c o n n a i s s a n c e s ? Avait-il corre c t e m e n t transmis le savoir ?

Deux questions qu’un médecin mont- pelliérain ne pouvait éluder, lui qui, au long de ses études, n’avait cessé de médi- ter le premier aphorisme d’HI P P O C R AT E, dont les termes liminaires, "η τεχνη µακρη", s’inscrivaient en lettres solaires sur le portique de sa vénérable école.

Mais, au-delà de ces incertitudes, ce re t o u r aux sources que vous me pro p o s i e z m’amenait à raviver ces instants d’esthé- tique pure, qui furent aussi le lot de ma vie de parasitologue.

Et, dans ce domaine, quelle cascade de j u b i l a t i o n s! Celle de l’intellectuel en quête de paradigmes structurants, plus souvent rêvés que construits, celle de l’épidémio- logiste découvrant, in natura, l’hôte, réser- voir ou vecteur, si longtemps re c h e rc h é , celle enfin du naturaliste, ébloui par l’as- cension de quelque dyke saharien ou confondu par le silence réflexif d’une méharée. Et ces moments de bonheur, je les ai re t rouvés grâce à vous, en parc o u r a n t une nouvelle fois la carr i è re et l’œuvre du p rofesseur Emile BR U M P T.

C e rtes, comme tous les parasitologues de ma génération, j’avais lu et relu, page après page, son incomparable “ P r é c i s”. J’y avais admiré la clarté des descriptions anato- miques et cliniques, la pertinence des c o n s t ructions taxinomiques, la précision des dessins et surtout le foisonnement d’idées nouvelles, véritables messages que le maître léguait à ses disciples. Cert e s , j’avais apprécié les “Annales de Parasito - logie humaine et comparée”, ce périodique

Bull Soc Pathol Exot, 2001,94, 4, 360-363 361

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Prix E. BRUMPT 2000 362

J. A. RIOUX

de niveau international qu’il avait créé en 1923, avec ses collègues Maurice LA N G E-

R O Net Maurice NE V E U- LE M A I R E, et dans lequel beaucoup d’entre nous ont publié.

Toutefois, je n’avais pas suff i s a m m e n t estimé l’une de ses qualités scientifiques, peut-être la plus forte, celle de parasito- logue de terrain. Et c’est la lecture appro- fondie du rapport de la “Mission DU BOURGDEBOZAS” qui m’en apportait la preuve.

Pour la première fois, il ne s’agissait pas seulement d’un zoologiste, d’un botaniste ou d’un ethnologue, comme au “siècle des Lumières”, mais d’un parasitologue d’excellence, robuste et déterminé, qui s’embarquait pour une mission en pays tropical, longue et périlleuse.

En janvier 1901, dans la fougue de sa jeu- nesse et sans état d’âme, il quittait le labo- r a t o i re parisien pour effectuer la traversée est-ouest de l’Afrique centrale, “de la mer Rouge à l’Atlantique”, officiellement en qualité de “médecin, naturaliste et pho - t o g r a p h e” du corps expéditionnaire, en réalité pour observer et décrire les para- sites récoltés au long des pistes. Les riches collections rapportées de ce périple témoi- gnent, aujourd’hui encore, de l’efficacité de ses recherches.

Mais cette activité de prospecteur n’était pas la seule. À l’étape du soir, il ne cessait de dispenser ses soins aux populations qui l’accueillaient. Bien plus, il donnait la mesure de son courage, après le décès accidentel du chef de mission, en pre n a n t la direction de la colonne qu’il condui- sait à son terme.

Plus tard, il renouvelait ses voyages en Afrique, à Madagascar, aux Etats-Unis, en Amérique latine et dans le Sud-est asia- tique. À cette occasion, il ne manquait pas de susciter de nouvelles vocations ou de créer des stru c t u res d’enseignement et de re c h e rche, ainsi au Brésil et au Cambodge.

O u i ! À parcourir l’œuvre d’Emile BR U M P T, on peut aff i rmer aujourd’hui qu’il fut le premier à donner à la parasitologie sa dimension de discipline majeure et, pour nous, à intégrer le “fait parasitaire” dans la d é m a rche éco-épidémiologique.

Non seulement il concevait les parasites et leurs hôtes comme autant d’unités sys- tématiques, mais il les percevait déjà dans leur dimension écologique, celle de la re c h e rche moderne. Avant l’heure, il avait p ressenti la puissance heuristique du concept de “système p a r a s i t a i re”, ces super-organismes singuliers que le géo- graphe Max SO R R E dénommait déjà

“complexes pathogènes”.

Il était passé maître dans l’analyse des cycles intravectoriels, part i c u l i è re m e n t en matière de P l a s m o d i u m et de try p a- nosomes. En 1905, la transmission expé- rimentale, à partir de sangsues, des

t rypanosomes de batraciens et de pois- sons, l’amenait à décrire les stades ultimes de développement du parasite chez l’in- v e rtébré. Il constatait que ces stades se singularisaient non seulement par leur morphologie propre et leur localisation intravectorielle antérieure, mais par leur pouvoir infestant élevé. Il les nommait

“ f o rm e s m é t a c y c l i q u e s”. Après lui, ces f o rmes seront observées dans la majorité des Kinetoplastida. Et l’on retrouvera ce même tempérament chez nombre de ses élèves, tels Camille DE S P O RT E S, Marc e l BALTAZARDet Alain CHABAUD. Du pre m i e r, j’ai re t rouvé la trace, lors d’une mission dans le Nord - Togo. Le

“colon” chez qui je séjournais me confia que, quelques mois auparavant, il avait recueilli un homme hors du commun, qui ne cessait de parcourir le pays, à pied ou à bicyclette, à la re c h e rche de “petites b ê t e s”. Cet homme était “atteint des fièvres” mais refusait tout traitement. Il affirmait vouloir rapporter, pour études, la souche de Plasmodium falciparu m d o n t il était victime. Il s’agissait bien de Camille DE S P O RT E S. Son décès dû au paludisme pernicieux survenait, quelques semaines plus tard, à Abidjan, après avoir été débar- qué du bateau qui le ramenait en France.

Ainsi disparaissait tragiquement le plus brillant des disciples d’Emile BRUMPT. M a rcel BA LTA Z A R Détait entré au labora- t o i re de parasitologie sur la re c o m m a n- dation de Camille DE S P O RT E S. Av e c G e o rges BL A N C, il devait commencer une belle carr i è re dans les Instituts Pasteur d ’ O u t re - M e r. En 1946, la direction de l’Institut Pasteur de Téhéran lui était confiée. Il exprimait alors ses qualités d’or- ganisateur en modernisant l’Institut, en rénovant le service des vaccins et en conduisant une longue série d’enquêtes épidémiologiques sur l’ensemble du ter- r i t o i re. En qualité d’écologue, j’ai eu l’op- p o rtunité d’analyser les préfére n c e s t rophiques et topo-stationnelles des M e r i o n e s spp., réservoirs de la peste sel- vatique au Kurdistan iranien. Et c’est e n b a ro u d a n t de conserve, sur les hauts plateaux du Zagros, que j’ai pu apprécier l’engagement sans faille et l’exceptionnelle f o rce de caractère de Marcel BA LTA Z A R D. D’Alain CH A B A U D, je ne parlerai qu’à voix feutrée, tant la carru re de l’homme de science est exceptionnelle, à la mesure de n o t re indéfectible amitié. Chef incontesté de l’école co-évolutioniste moderne, Alain CH A B A U Dest resté, pour nombre d’entre nous, le conseiller scientifique écouté, tout à la fois discret et désintére s s é .

Pour revenir à Emile BR U M P T, perm e t- tez-moi de mentionner, parmi ses travaux, l’un des plus controversé de sa carr i è re: la description d’Entamoeba dispar. L e s

années ont passé. Les passions se sont apaisées. Aujourd’hui, l’utilisation des c a r a c t è res moléculaires dans les taxino- mies hennigiennes nous montre claire- ment que nombre de protistes à re p roduction “asexuée”, parmi lesquels la plupart des amibes et des flagellés para- sites (p.e. Kinetoplastida), sont constitués d’entités génétiques stables. Certes, le sta- tut d’“espèce biologique”, au sens de Ern s t MAY R, n’est pas applicable à leur endro i t , mais leur autonomie structurale et fonc- tionnelle n’en est pas moins établie. Bien plus, le récent “Code phylogénétique de n o m e n c l a t u re”, dit “Phylocode”, nous autorise à conserver les binômes linnéens traditionnels. Dorénavant le nom d’E n - tamoeba dispar B rumpt, 1925 pourra dési- gner l’ensemble des unités enzymatiques ou nucléiques issues d’un ancêtre com- mun, autrement dit le “ c l a d e” c o rre s p o n- dant à ce rameau monophylétique.

Comme beaucoup de novateurs, BR U M P T avait eu raison trop tôt. D’ailleurs, dans n o t re communauté, nous savons que cette t r a n s g ression lui a “coûté” son siège à l’Aca- démie des Sciences. Mais aujourd’hui, quel bel exemple de réhabilitation et, pour l’épis- témologiste, quel passionnant sujet de r é f l e x i o n s .

En lisant le discours de réception de cer- tains de mes illustres prédécesseurs, j’ai constaté qu’il était dans la tradition du Prix Emile BR U M P Tde présenter certains épi- sodes de sa vie professionnelle et de dre s- ser le profil de ses maîtres les plus influents.

P e rmettez-moi de le faire à mon tour.

Sur moi je dirai peu, sinon pour rappe- ler mes ascendances hybrides, alliage de cultures terriennes, cévenoles et limousines. Sur mes pères spirituels, je serai plus disert, en particulier sur les p rofesseurs Hervé HA R A N T, Jacques CA L L O T, Louis EM B E R G E R et Josias BR A U N- BL A N Q U E T.

Hervé HARANT, le naturaliste-médecin, ces deux substantifs dans l’ord re, comme il se plaisait à le rappeler. Un vrai patro n , à l’ancienne, mélange intelligemment dosé de charme discret, de paternalisme et de sévérité. Celui dont le verbe fascinait, et que je décidais d’accompagner, tant il est vrai que c’est l’élève qui choisit le maître et non l’inverse. À ce guide sûr, je dois mon engagement d’universitaire et de chercheur.

Comme Emile BR U M P T, Hervé HA R A N T

était issu de la faculté des sciences et, comme Emile BR U M P T, il avait pris les H i rudinées comme objet de thèse. Il était, à la fois, docteur en pharmacie, docteur en médecine et docteur ès sciences. Sur les bancs de la Sorbonne, il avait côtoyé les P i e rre TE I L H A R DD ECH A R D I N, Théodore MO N O Det André LW O F F. À Montpellier, il avait été l’assistant d’Eugène BATA I L L O N

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Prix E. BRUMPT2000

Bull Soc Pathol Exot, 2001,94, 4, 360-363 363

et le collègue de Pierre-Paul GR A S S É. D è s son arrivée à la faculté de médecine, il avait créé le premier laboratoire de para- sitologie, à l’image de celui de Paris.

Mais, naturaliste avant toutes choses, H e rvé HA R A N Tne cessait de “courir” l a campagne montpelliéraine, hiver comme été, toujours accompagné d’une longue c o h o rte d’étudiants et de collègues. À l ’alma mater, il avait convaincu ses pairs de réhabiliter le vocable d’“h i s t o i re nature l l e m é d i c a l e”, pour compléter l’intitulé de sa nouvelle chaire de parasitologie. Quelques années plus tard, il prenait la direction du J a rdin des plantes de Montpellier, pour- suivant la tradition des plus grands bota- nistes de ces quatre derniers siècles: Pierre RI C H E R D EBE L L E VA L, P i e rre MA G N O L, François BO I S S I E R D E L ACR O I X D ESA U-

VA G E S, P i e rre Marie Auguste BR O U S S O N-

N E T, Augustin-Pyramus DECA N D O L L E, Jules Emile PL A N C H O N.

Nonobstant, Hervé HA R A N Tavait un regret, celui de n’avoir pu aborder la cli- nique à travers l’internat des hôpitaux.

Et cet homme de la biodiversité avant la lettre, me suggérait un jour de suivre la voie des concours hospitaliers. Ce que je fis, après quelques hésitations.

En définitive, il avait raison. Durant ce d i fficile passage initiatique, j’ai tout appris du métier de praticien. Je parle non seu- lement de ces réflexes propédeutiques que je retrouve toujours dans les villages du

“bout de la piste”, mais plus encore de cette réciprocité singulière du re g a rd médecin-malade.

Mais, bientôt, ma vocation de parasito- logue et mon attachement au Maître avaient raison de mon engagement cli- nique. Sous le re g a rd amusé de mes cama- rades d’internat, je re p renais le chemin du laboratoire… et du terrain, et j’amor- çais un travail de thèse sur “Les Culicidés d u Midi méditerr a n é e n”. Dès lors, Herv é HA R A N Tne tarissait plus d’éloges sur son interne-entomologiste !

En réalité, les re c h e rches que j’avais entre- prises posaient de délicats pro b l è m e s d’“alpha-taxinomie”. Et, sur les conseils mêmes du patron montpelliérain, je

“montais” à Strasbourg pour y parfaire mes connaissances auprès de l’expert ès- C u l i c i d a e, le Professeur Jacques CA L L O T. Parisien d’origine, élève direct d’Emile BRUMPT, Jacques CALLOTavait acquis la confiance des puissants chefs de services alsaciens, jusqu’à occuper le poste le plus élevé dans la hiérarchie universitaire, celui de doyen.

Dès mon arrivée, et conformément au p rotocole, je me rendais à la faculté de médecine. Dans l’imposant fauteuil déca- nal, je découvrais un homme courtois mais

distant et d’une rare élégance dans son impeccable “trois pièces”. Un homme qui me paraissait bien diff é rent du patro n montpelliérain. Celui qui devait devenir mon second maître me toisait d’un re g a rd métallique et me donnait re n d e z - v o u s pour l’après midi, sur les rives de l’Ill. J’ar- rivais en voiture, une modeste cylindrée d’occasion, que tout “vieil i n t e rn e” s e devait de posséder. Surprise ! Au détour d’un chemin de terre, j’apercevais un curieux personnage que je rapportais avec peine au doyen CA L L O T: un homme haut p e rché sur une bicyclette alsacienne, en s h o rt, chemise de sport, sacoche d’écolier et filet LA N G E R O Nen bandoulière. L’ a c- cueil était chaleureux, le ton gouailleur.

Mon engagement de culicidologue était scellé, indéfectiblement !

À cet instant, vous me perm e t t rez de re d i re ma reconnaissance à Jacques CA L-

LOT. De son enseignement, je retiendrai cette leçon, plus pertinente que jamais :

“la systématique des hôtes et des parasites constitue la base immarcescible de toute approche éco-épidémiologique”. Et c’est à lui que je dédie ce prix Emile BRUMPT. Il le mérite plus que tous.

La thèse soutenue, je me voyais sollicité par le “politique” pour résoudre le diffi- cile problème de la “ d é m o u s t i c a t i o n d u littoral Languedoc-Roussillon”. J’accep- tais, non sans réticences, la direction de l’opération. Priorité était donnée à la lutte anti-larvaire, concept ancien mais rendu opérationnel grâce à la c a rt o g r a p h i e phyto-écologique des gîtes d’éclosion.

Après trois ans de service “actif”, le suc- cès confortait le bien-fondé de l’appro c h e écologique. Désormais, sur nos plages

“ a m é n a g é e s”, le touriste européen pouvait se dévêtir sans appréhension.

Dès lors, je pouvais me consacrer à un problème plus complexe, celui des leish- manioses, qui concernait toujours des n é m a t o c è res hématophages. Cependant il ne s’agissait plus de simples nuisances, mais d’agents de transmission, c’est-à- dire de vecteurs. Cette nouvelle orienta- tion m’amenait à m’occuper de taxinomie p h y l o g é n é t i q u e des L e i s h m a n i a, d’éco- logie des mammifères-réservoirs et sur- tout à analyser in situ les principaux foyers leishmaniens: Europe méditerra- néenne, Maghreb, Egypte, Proche et Moyen-Orient, Péninsule arabique, Amé- rique latine. Une nouvelle fois, l’applica- tion du paradigme éco-épidémiologique faisait merveille.

Il me reste enfin à re n d re hommage à deux grands noms de la phyto-écologie, les p rofesseurs Louis EM B E R G E Ret Josias BRAUN-BLANQUET.

Avec le pre m i e r, je saisissais très tôt l’in- térêt de l’écologie générale comme base conceptuelle de toute re c h e rche finali- sée. L’un de ses cours favoris “ H o m m e facteur de développement, Homme fac - teur de risques” était une merveille de pédagogie. Son “ a p p roche méthodolo - gique des écosystèmes naturels et anthro - p i s é s” préfigurait en tout point celle de nos parasito-systèmes. Au surplus, l’es- prit pluridisciplinaire qui ne cessait de l’habiter l’amenait à proposer aux méde- cins-parasitologues une place de choix dans le nouvel Institut de botanique.

Nous y étions somptueusement installés.

Dans ce contexte, non seulement tech- nique mais, plus encore, intellectuel, l’as- s i s t a n t - c h e rcheur que j’étais trouvait un champ d’épanouissement exceptionnel.

Avec Josias BR A U N- BL A N Q U E T, i n v e n- teur et classificateur des “Groupements v é g é t a u x”, je pratiquais longuement

“l’échantillonnage raisonné” des unités d’associations, une méthode foncière m e n t écologique qui me sera fort utile en démoustication et en leishmanioses.

Enfin, je ne saurais terminer ce pro p o s sans re m e rcier les nombreux collègues, disciples et amis sans lesquels je ne serais pas ici aujourd’hui. Je les associe dans cet hommage à Emile BRUMPT.

Mesdames et Messieurs

En guise de conclusion, que dire de plus, sinon qu’à l’image de notre chef d’école, Emile BR U M P T, notre discipline a besoin, plus que jamais, d’hommes de terr a i n, compétents dans les différents domaines de l’écologie parasitaire, théorique et a p p l i q u é e : celle des populations de para- sites et d’hôtes, de leurs biotopes, des éco- systèmes et des paysages corre s p o n d a n t s et, plus encore, des facteurs-clés qui sont, pour nous, autant de “facteurs de r i s q u e s”. Car la finalité essentielle de nos travaux demeure l’élaboration de straté- gies “soutenables” (durables) de lutte et de prévention.

Mais ces hommes du futur auront l’avantage de disposer d’outils hautement perf o rm a n t s , tels que la génétique, l’immunologie, la taxi- nomie moléculaires et, à l’autre extrémité de nos échelles de perceptions, la panoplie satel- l i t a i re des “systèmes d’information géogra - p h i q u e”. À l’image de ce que fut Emile BR U M P Tà l’aube du X Xesiècle, tout est prêt pour un nouveau départ, celui du tro i s i è m e m i l l é n a i re !

Merci à tous.

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