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Équipes mobiles en psychiatrie : actualités et perspectives

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Academic year: 2022

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1965 Date: July 17, 2019 Time: 3:39 pm

Éditorial

L’Information psychiatrique 2019 ; 95 (6) : 371-3

Équipes mobiles en psychiatrie : actualités et perspectives

Laure Zeltner

1

Samuel Bouloudnine

2

1Praticien hospitalier, secteur 78G11, responsable du service ERIC, Centre hospitalier de Plaisir, 30 avenue Marc-Laurent, 78370 Plaisir France

Présidente de l’Association des équipes mobiles en psychiatrie (AEMP)

2Praticiens hospitaliers, Pôle universitaire de psychiatrie, AP-HM Marseille

Responsable de l’association ODIS-C

©Laure Zeltner.

©Samuel Bouloudnine.

Ce deuxième dossier thématique ouvre la réflexion à la place et la fonc- tion des équipes mobiles dans le paysage francophone de l’offre de soin en psychiatrie.

Dans les suites du 6e Congrès de l’association des équipes mobiles en psychiatrie1, il invite les orateurs à pousser leur réflexion. Le congrès était construit comme une symphonie en quatre mouvements, sous la forme de quatre questions, les équipes mobiles s’accordaient un temps de réflexion et de partage. Des images prises sur le vif lors d’interview flash et des petits films illustraient les propos. Ces morceaux choisis peuvent se retrouver sur internet (http://odis-c.fr/index.html).

La fonction d’une équipe mobile serait de mobiliser les soignants vers

«ceux qui en auraient besoin». Ce déplacement physique est-il toujours corol- laire d’un mouvement psychique ? Celui de qui ? De l’équipe ? De l’usager ? Du médiateur ou proche familial demandeur ? Au risque d’en faire més- usage, reproduire les mêmes propositions et faire redondance dans le vécu du patient. La manie en est un beau contre-exemple, mouvement incessant et improductif du corps et de l’esprit, jusqu’à épuisement.

Le mouvement physique peut être mobilisateur de mouvement psychique et promoteur d’alliance ainsi que nous le montre l’équipe de Sylvie Tordj- man à partir d’une recherche action menée sur l’EMEA (équipe mobile de pédopsychiatrie pour préadolescents et adolescents non demandeur de soin en souffrance psychique). Ce, d’autant plus que cette équipe propose, par son dispositif ouverture, inclusion, flexibilité et mobilisation des processus psychiques plutôt qu’enfermement, exclusion, fixité des représentations.

En effet, qu’est-ce que la folie si ce n’est la perte de sa propre mobilité psy- chique, un hasard qui n’existe plus dans un monde d’«hyper sens». La raison, en opposition à la folie, a ses propres enfermements, ainsi que chacune de nos disciplines quand il n’y a plus de doute. C’est dans leurs étonnements que les équipes mobiles trouvent leurs mobilités et le croisement des disciplines dont elles sont constituées, ceci nécessite du temps suspendu de partage de points de vue, de discussions cliniques, de supervision ou de déplacement.

Elles peuvent être encerclées par«Edgar»(entretien, démarches, groupe, accompagnement et réunion) et perdre leur propre essence. En effet une pro- portion non négligeable du temps passé en équipe mobile est celle de la préparation à la rencontre, par un travail téléphonique assidu de mobilisation des proches ou du réseau social élargi, par des essais de rencontre, rendez- vous ratés où l’équipe se trouve devant une porte close, plusieurs fois parfois avant la rencontre effective. L’invitation répétée au lien peut produire l’effet attendu ou pas. Comment coter ces actes ? La personne que l’on cherche à rencontrer n’est pas encore patient, elle ne le deviendra peut-être jamais.

Est-ce du temps perdu ? Certainement dans une logique d’arbitrage médico- économique, certainement pas dans celle de la perspective des équipes mobiles : celle de produire du lien tout simplement. Comment rester mobile alors que tout peut nous figer : croyances, certitudes, défauts de moyen,

1 Marseille, les 28 et 29 juin 2018.

doi:10.1684/ipe.2019.1965

Correspondance :L. Zeltner

<laure.zeltner@hopitaux-plaisir.fr>

371

Pour citer cet article : Zeltner L, Bouloudnine S. Équipes mobiles en psychiatrie : actualités et perspectives.L’Information psychiatrique2019 ; 95 (6) : 371-3 doi:10.1684/ipe.2019.1965

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1965 Date: July 17, 2019 Time: 3:39 pm

L. Zeltner, S. Bouloudnine

affichage de la diversité, outils de classifications, injonction à la qualité, à la prise minimale de risque, tableaux d’efficience comme nous le décrit Jean Naudin et son équipe. Quelle perte de temps ! Celle de l’adaptation constante au«tétrapode totémique»[1] que constituent nos institutions.

Plusieurs éléments semblent faire garde-fou du risque du déplacement infécond ou nuisible, ils vont s’articuler autour d’un mot multifacette, celui d’accordage :

L’accordage affectif, aube de la relation selon Stern, ou encore l’accordage empathique [2], comme manière d’être en relation dans un registre émotion- nel compréhensible par l’autre, introduisant du familier et un pas de côté quand on cherche à«faire alliance»et que l’on est thérapeute.

Pour que cette rencontre potentiellement thérapeutique ait lieu, encore faut-il que le dispositif s’accorde au contexte qu’il sert, deux expériences de terrain vont l’illustrer.

Sophie Guionnet retrace le processus de création ou plutôt de co- construction de l’équipe de crise de Mayotte. Elle propose une offre de soin originale, respectueuse du contexte local et des moyens humains. Cette co-construction est incarnée par l’équipe elle-même, composée d’assistant médicopsychologique (AMP) traducteurs, de psychiatres, infirmiers et psy- chologues, soutenus par une anthropologue. L’exercice est complexe, la solution psychiatrique« classique», une offre complémentaire à la méde- cine traditionnelle. L’objectif de cette équipe est de proposer une approche de la maladie qui«fait sens»et qui laisse une vraie place aux représenta- tions de la famille afin de soutenir le déploiement des ressources et ainsi de favoriser le maintien ou la réhabilitation du patient dans sa communauté.

Gerald Deschietere nous fait part d’une autre expérience, celle de l’équipe mobile de crise de Bruxelles, construite à partir de la réappropriation clinique d’une injonction politique, la réforme de 2010. Accords et désaccords ont ponctué son éclosion, la délimitation de sa population cible,«ceux qui n’ont pas leur frite dans le même sachet», de son périmètre d’action. Elle prend en charge les plus démunis, non-demandeurs de soin, c’est une alternative aux soins contraints. La porte d’entrée vers l’équipe mobile de crise est le télé- phone, puis une première consultation à la demande de tiers, la recherche active de solutions autres et une première visite à domicile ou sur un lieu de consultation en présence de ce tiers demandeur proche. L’arrimage de l’équipe mobile de crise aux urgences met en commun les moyens humains, permet l’accès aux soins somatiques, transpose une pratique de crise à l’hôpital vers une pratique de crise en mobilité, pour la plus grande créativité de l’une et de l’autre.

L’esprit du congrès était résolument constructiviste, dans la mesure où il proposait une posture systémique ouverte à la famille et au contexte. Il était question de penser la famille comme compétente, comme nous le rappelle Guy Ausloos [3], la soutenir pour favoriser l’émergence de ses compétences (et non mettre en évidence ses troubles), mais encore de penser le contexte social élargi de la personne rencontrée comme ressource dès le premier mouvement, à débusquer si le lien n’était pas préexistant à la rencontre.

Cela peut-il résumer le congrès de Marseille ? Il allait bien au-delà, par le témoignage de médiateurs de santé pairs, d’usagers, l’exposé d’équipes orientées rétablissement. Il proposait une inversion du rapport au savoir, en instituant l’expérience comme motrice, l’espoir comme énergie. La personne porterait en elle ses ressources, à rechercher inlassablement au gré des ren- contres, opportunités renouvelées, loin d’un jeu dont les règles rigides ne laissent plus de place au hasard.

Son bémol fut probablement celui de laisser peu de temps aux rencontres entre équipes pourtant favorisées par les ateliers lieu de partage expérientiel, pour un savoir pluriel transdisciplinaire.

372 L’Information psychiatriquevol. 95, n6, juin-juillet 2019

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1965 Date: July 17, 2019 Time: 3:39 pm

Équipes mobiles en psychiatrie : actualités et perspectives

Les morceaux écrits choisis nous invitent à visiter avec humour le paysage contrasté des équipes mobiles, ils nous invitent à penser et à rire, bref rester vivants et mobiles psychiquement. Cela pourrait-il être là, la place des équipes mobiles ?

Liens d’intérêt les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

Références

1.Chaltiel P. GHT (groupement hospitalier de territoire) et TST (tétrapode sociétal totémique). L’Information psychiatrique2016 ; 92 : 95-8.

2.Zeltner L, Fousson J, Stéfant P, Luttenbacher C, Boudon J. Crise suicidaire, trauma, intervention de crise, quels aménagements proposer ? L’information psychiatrique2018 ; 4 : 247-52.

3.Ausloos G. La compétence des familles. Temps chaos et processus. Toulouse : Éres, 1995.

L’Information psychiatriquevol. 95, n6, juin-juillet 2019 373

Références

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