rUBLICATIONS
DE
L'ECOLEDES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
HISTOIRE
DES
RELATIONS DE LA CHINE
AVEC
L'ANNAM-VIETNAM
DU XYP AU XIX^ SIÈCLE
! D'APRÈS DES DOCUJIENTS CHINOIS
TRADUITS
POUR LA
PREilIÈRE FOISET
AIîNOTÉS PARG. DEVÉRIA
I PREMIER INTERPRÈTE DE LA LÉGATION DE FRANCEENCHINE,
; CORRESPONDANTDEL'ÉCOLESPÉCIALE DES LANGUESORIENTALES VIVANTES
OUVRAGEACC03IPAGNÉ D'UNE CARTE
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LASOCIÉTÉASUTIQUE
DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES ETC.
28, RUEBONAPARTE, 28
1880
PUBLICATIONS
DE
L'ÉCOLE DES LANGUES OEIENTALES VIVAÎs^TES VOL. XIII
HISTOIRE DES RELATIONS DE LA CHINE
AVEC L'ANNAM VIETNAM
VIENNE.
—
TVP.ADOLPHE HOLZHAUSEN.IMPRIMKURDE LA COORI.&H.KTDE LTNIVERSITÉ.
HISTOIRE
DES
RELATIONS DE LA CHINE
AVEC
L'ANNAM -VIETNAM
DU XVP AU XIX^ SIECLE
D'APEÈS DES
DOCUMENTS
CHINOISTRADUITS
POUR LA
PREMIÈRE FOIS ETANNOTÉS
PAR
G. DEVÉRIA
PREMIEE INTERPRÈTE DE LA LÉGATION DE FEAN'CEENCHINE. CORRESPONDANT DELÉCOLE SPÉCULE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
OUVRAGEACCOMPAGNÉ D'UNE CARTE
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIREDE LA SOCIÉTÉASIATIQUE
DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
1880
INTRODUCTION
Les
historiensanciens
etmodernes de
laCochin- chine ont nécessairement parlé de
ses relationsavec
la Chine,mais personne n'a fait de
cepoint
Tohjetd!mie étude
spéciale;fai vu
làune
lacune,d'au-
tant
plus
intéressanteà combler que
ces relationsde vassal à suzerain
subsistent encore, si l'on s^enrapporte aux docimients émanés du gouvernement
chinois et
publiés dans
ces dernièresannées, parti- culièrement en 1818, par
la «Gazette de Pékin».
Mon
intention ?i'estpas de me prononcer d'une manière quelconque sur
lanature de
ces relations, d'enapprécier
la portée, ni d'enrechercher
lesconséquences; nous ne manquons pas,
enFrance, dliom7nes
intelligentsplus compétents que moi pour accomplir
cettetâche;
lamienne
seborne à
leurfowmir des docimients propres à
éclcdrerleur religion
en
cette matière.VI INTRODUCTION.
Les
chapitresdont
jedonne anjoimrhui
la tra-duction
sont tirésd'onvrages
publiésen Chine
et,par
celamême, à
la dispositionde
tous les sino- logues; les recherchesque jy
aifaitesm'ont amené
à découvrir quelques pages
historiques intéressantes, offrant des faitsnouveaux ou
complétant,par
des détails, rhistoirede
VAnnaui -ViêUiam ou Cochin-
chineaux XVIF, XVIIP
etXIX"
siècles,période dont
lesannales sont
raresou incomplètes
enCo-
chinchine,au
dire desconsciencieux auteurs
des«Notes
historiquessu/rVAnnam du
«Voyage dans r Indo-Chine»^
etde «L'Aunam
et leCamhodje».^
Un ouvrage en 14
livresdû à Wei-yua^^
et intitulé «
Cheng-vou-ki m'a donné
le récit' Par le P. Legrand de la Liraye, 1866.
2 Par l'abbé C. E. BouiUevaux, 1858.
^ Par l'abbé C. E. Bouillevaux, 1874.
'
il^' D'^P^^^ ^('^biographieintituléeKooôTciTAo-aiEKTCHEKa cHBLto,
Wei-yuan est entré dans l'administration civile en 1813: .ion surnom est
Mo-chen; il viounit en 1856, laissant api-^s lui des publications considé- rables parmi lesquelles la géographie HAi-Kouô-rou-TCBE, bien connue des savants.
^
!^
pB' ouvrage contient le récit des campagnes de ladynastie actuelle (1616 à 1842) contre les tribxis autochthones, Yao
et Miao-tze, du sud-ouest : du Yun-nan, du Hou-nan, du Kouei-tcheou, du Koang-si; le compte-rendu des guen-es faites aux peuples voisins de la CJiine : les Mongols, les Zoungars, les Eleiiths, les Khalkas,
les Musses, les Coréens, les Birmans, les Annamites, les Thibétains etc.;
INTRODUCTION.
VU
des événements qvi ont eu
lieude
la finde
la
dynastie des Ming jusqu'en 1808.
C'estwi mémoire sur
les différentesopérations
militairesde
ladynastie
actuelle,publié pour
lapremière fois
en184:2;
c'est làque fai trouvé
l'exposédes
faitsd'où découle
l'état actueldes
relationsde
laCochinchine avec
la Chine.Quant aux
termes mêmes de
ces relations, je les aipuisés à
la meilleuresource
qu'il soitdonné de
consulter;je
veux parler du
« Ta-ts'ing-hoei'tien-che-li Cetouvrage,
en920
livres,a
étépublie en 1818
sous
lepatronage de
lacour de
PéJcin ; ildonne f
historiquedes
faitsdont
se sontoccupées
les différentes administratio7isgouvernementales du
Céleste
Empire, depuis
lecommencement de
ladynastie
tartarerégnant actuellement en Chine
jusqu'ànos
jours. C'està
la foisun
recueilde
statuts administratifs etde précédents,
cequi
est toutun en
Chine.on y trouve, sur ces peuples, des notices très précieuses et d'un grand secours pour remonter plus haut dans l'histoire ancienne de VExtrême Orient.
'
^ ^ % ^ ^ M
-^"^ p'^'f'"'' p^""' avantageux d'intercaler dans le texte de Wei-yuan certains extraits de ce recueil officiel. Il n'en est pas de même de ceux qui traitent du cérémo- nial; je lesai placés à la suite les mis des autres, après ma traduction du Cheng-vou-ki.VIII rNTEODUCTION.
Mes
investigationsont en comme
résultat,pour
ainsi dire inattendu, celui
de me faire
trouverune
carte chinoise et des notesgéographiques qui pour- ront
êtred'nn
certainsecours pour compléter nos
cartes,
encore
Lien défectueuses,du Tong-hing
: ce so?it des itinérairesde Chine à Hanoi, que
je ?i'aivus
millepart
aussi précis.La
carte chinoisedont
jeparle date de
la dynastie desMongols
eta
étépubliée
en1579. Malgré sa
date,Finexac-
titude, je dirai
même
la fantaisie,de
ses projjor- tions, ellepeut encore donner une
idée assez justede
laposition
relativedes
lieuxdont
il est faitmention dans
lecours de mon
travail.Je
n'aipas voulu
laisserde
côténon plus
lesrenseignements commerciaux qui me
sonttombés sous
lamain. Je
leur ai faitune place à
la finde
ce livre; c'est làqu'on
trouvera,puisés aux
meilleures
sources
chinoises, lestableaux
despro-
duits
du Tong-hing
et desprovinces
chinoisesad-
jacentes.Il me
resteà
direquelques mots sur
lebut
que
jeme
suisproposé
d'atteindre endonnant
les caractères chinoisde
tous lesnoms propres
histo- riquesou géographiques qui ont passé sous ma
rxTKODmiox. IX
pJu)ne
:rAnmm peut
êtrepour heaucoup de per-
sonnes,
comme
il lestencore pour moi, un
sujet (Tétude toutnoumau. Xignore Tannamite,
toutcomme
(Tautres,sachant
cettelangue, peuvent
être tout-à-fait étrangersà
laprononcicdion
chinoisedes
caractèresidéographiques devenus communs aux
deud'peuples;
or, travaillanten Chine sur
des textes chinois etayant voulu m'aider
desouvrages
écritsen français sur
laCochinchine,
jeme
suisheurté à de
grosses difficultés d'assimi- lationde noms,
difficultésque
je n'eussepas
rencontrées, si les
auteurs que
je consultaisavaient donné en
notes,comme
je le fais, les signes chi- nois représentant cesnoms. En un mot, fai
voulu,en adoptant
ceperfectionnement
indispensable, éviterà
d'autres lesembarras dans
lesquels jeme
suis trouvé; outre cela,
fai pensé que
lespersonnes que mon
travail intéresserotit peut-être seront sur- tout cellesqui s'occupent spécialement de VAnnam, fai cru
devoir,pour
le leurrendre
aussi clairque
possible et leur en faciliter la lect\ire, le diviserpar
chapitres etremplacer, dans
le texte,autant
que
je l'aipu,
les appellationsou
désignations chinoises pjar lesdénominations correspondantes
X
INTRODUCTION.en annamite,^ de
tnanière fonte/oisque
lesnoms af-
férant,
soità VAnnam,
soità
laCochinchine, con-
servassent leurprononciation
nationale respective.Pékin, 1878.
' Cest au savant M. Petrns Tniong-vhih-ki/ que je suis redef:able d'avoir pu opérer ces transcriptions du chinois en annamite: Je me fais un devoir et ?(« plaisir de lui en exprimer ici toute ma gratitude.
1. Lê-loi chasse de l'Annam les armées chinoises desMing et fonde la dynastie annamite des Le.
En
1407, c'est-à-direune
quarantaine d'années après s'êtreemparée du g-ouvemement du
Céleste Empire, la dynastie chinoise desMing
* se rendit maîtresse deYAn- iiamJ
Elle ne put jouir longtemps de cette conquête,1 1368 à 1628.
- Ce que nous appelons aujourrriiui le Tonfj-king ou Dong-kinh; le plus ancien nom qui l'ait désigné est celui de Giao-chi ; sous l'empe- reur Yu, 22Ô5 av. J.-C, ce pays était appelé Nam-giao
^
parles Chinois; le fondateur de la dynastie ïc'in, 2ô5 à 206 av. J.-C, en fit la province de l'Éléphant ou Siang-kiun ^(i- commencement de la dynastie des Han, 206 à 140 av. J.-C, le Toug-king fut appeléNam-viet ou Nan-yuê
|^
: eu 140 av. J.-C l'empereur Ou-ti le divisa en troisgouvcraements ou Kiuu : 1° celui de Giao-chi; 20 celui de Cim-chon
^ iS
(d'où semble dériverlemotde Cochin), qui occupait lesprovinces actuelles de Thanh-hoa et Ninh-bi'uh; 3° celui de Nhùt-namQ
quioccupait les provinces de Nghê-an et Hà-tinh. Sous la dynastie chinoise des Ou, 222 à 277, ces trois gouvernements furent appelés Cûïï-duc
"fh ^û-binh
^
etTân-xù6ng ^/j-^
; sous la dynastie desSong. 420 à 477, ces trois noms furent changés en ceux de Tông-binli Tûy-tri yj^, Long-biên
^|
enfin sous la dynastiedes Leang, 502 à 556, le Toug-kiug fut appelé Annam
^
(ExtraitduNgan-nau-t'ou-chouô, publié à la fin de la dynastie desMing, en 1579).
Ainsi qu'on leverraparla suite, leTong-kingcontinuades'appelerAunam
jusqu'en 1803, époque à laquelle le roi Gia-long, fondateur de la dynastie régnant aujourd'hui à Hué, ayant réuni l'Annam à la basse Cochinchiue (Dong-naï) et à la Cochiuchine centrale (Quang-nam), obtint de la Chine
la permission d'appeler ce nouvel étatYue-nauouViêt-nam j:^. nom
1
2 IlIf^TOlRE DES iîKl.ATIiiXs DE LA (IIINK AVECI/AXXAM.
car, en 1428,
un Annamite nommé
TJ' on Lê-loi^ s'étant refusé à servir la Chine, prit lesarmes
pour affrancliir son paysdu
joug- del'étranger.La
mC'meannée, le succès de cette entreprise fit monter Lê-loi sur le trône : il se proclama roi dans la Capitale orientale de l'Aiinani(Hanoï
actuel).^2. Révolte des Mac sous le règne de Lê-duy-hué.
—
La Cliine nomme major yénéral de VAnnam le rebelle Mqc-nguyên-thunh.—
Lcjs ministresTrinh et NguySa.
Vers
1544, sous le règne de Lê-dny-Juiê,^^ neuvième successeur de Lê-loi,l'Annam
était au pouvoir d'unsous lequel la Cochinchinc actuelle est eucore désirée et se désigne en- core, dans les documents officiels échangés avec la Chine. Il semble que ce n'estqu'à dater de 18G2 et seulement dans ses relations avec les puis- sances occidentales que le roi Tu-dûc, par une sorte de fantaisie toute orientale, donneà son état le titrei)ompeux de Bai-nam-quôc
^
|^«Grand Empire Méridional». Peut-être veut-il ainsi relever, aux yeux <Ks puissances étrangères et de ses propres sujets, le rang de son royaume.
Les puissances contractantes l'ont accepté sansprotestationsetlOnt. i)arce
fait, consacré.
'En chinois: Li-li 7p|j. Da))rés les chroniques de la dynastie des Ming, lesroisd'Annauiontdeux noms, dont l'un estexclusivement employé dans leurs missives respectueuses adressées à l'empereur de laChinemote de Wei-Yuan, auteur du Cheng-ou-ki).
2 E^ông-kinh, capitale orientale; appelée primitivement r>aî-la.
l)uis Tlian,i;-long-
|^
eu 1010, etKedio, aujourd'hui llano'i jfpj^
C'était le Giao-chaû >|>j»j de la dynastie des T'ang; un
'rou-lioti, capitaine iiénér.il. l'ailniinistrait.
3 Enchinois: Li-wei-lioei g,^- noms de ses huit |>rédé- ccssouissont, d'après le Ki-kin-so-kieu-lou
^
^^l^. Traitéde numismatique, publié en 1819 (en chinois):
Li-li, 1-132.
Li-liu ou Li-long, 1434.
^ ^
c |h|
Li-juei ou Li-ki-long
^ }^
c |S
PJ^HISTOÏKKDES RELATIONS DE LA CHIXE AVECL'AXNAM. 3 fonctionnaire
nommé
Mqc-dàng-dimg,^ qui s'était révolté.—
Lé-dny-liuê en fut vite réduit à se défendre dans Thanh-hoa,- capitale occidentale de son royaume.(La
famille Lé, impuissante, ne régna plus
que
dans le midi de l'Annam.)Ce
ne fut (qu'eu 1573) qu'un prince de cette famille, appeléLê-duy-âàm^
ayant levé des troupes, put, gTàce à l'énergie dedeux
de ses ministres, Trinh-ûc^et Nguyën-vei;' vaincre les
Mac (nom
sous lequel sont désignés les successeurs et partisans de Mac-dâng-duug).Cette victoire rendit
au
roiLê-duy-dàm
le royaimie de ses pères, à l'exception de Cao-bâng^ situéprès de la fron- tière de Chine et resté entre les mains deMqc-nguyën-
tlianh,'
que
laChineavaitnommé
major-général de l'Annam.Li-hao ou Li-sse-tcheng, 1460.
^
y|É q |^
Li-hoei ou Li-tseug, 1497,
^ 0^
o |Li-i ou Li-joci, 1504,
^
o I3^
Li-tiao ou Li-hig, 1509,
^ 0^
o 1S
Li-ning, 1530,
^
Les dates ci-dessus semblent correspondre à Tinvestiture decesrois par la Chine, car Cung-hoang (1523 à 1528), mort sans recevoir l'investiture, est omis sur cette liste.
'Enchinois: Mo-teng-yong j^.
-Enchinois: Ts'ing-hoa nom de la pronnce royale, sol natal de plusieurs dynasties annamites y compris celle des Ngnyên, a été la capitale occidentale de l'Annam, avant 1803.
' Enchinois: Li-wei-t'an
li^i -i^ssi appelé Lê-tliê-tong-nghi, 1573 à 1600.
* Enchinois: Tchen-i
^Enchinois: Joan-wei^^
[
|.
<îEnchinois:Kao-p'iug
1^
2p."Enchinois: Mo-3'uau-ts'ing
jpQ Les Mac, pour obtenir de la
Chine le titre de major-général, avaient t'ait dire au gouvernement chinois que la famille Lé était éteinte (Bouillevaux).
1*
4 IIISÏOIRKDES KELATIOXS I)E I-A CIIIXKAVECL-AXNAM.
Les
ministres Trinli-tîc etNguyên-vei
reçurent, enrécompense
de leurs services, le premier le titre de Soutien degauche du
trône, et le second celui de Sou- tien de droite.Ces
titres et les fonctions qui s'y ratta- chaient étaient transmissihles à leurs descendants.3. Rivalités et guerre entre les héritiers des ministres Trinh et Nyuyëii.
—
Ceux-ci sont reléguées dans le Quûng-nam.Le
roiLê-duy-dàm mourut
en l'anIGOO;
c'est à cette époque quecommença une
guerre civile appelée guerre desNguyën
: les descendants du ministre Trinh-iïc vou- lurent dominer à l'exclusion des héritiersdu
ministi'eNguyèn-vei, la royauté des
Le
devint le jouet que se disputèrent lesdeux
partis cherchant la i)répoiulérance dans le gouvernement. Profitant de la mort d'unNguyhi
et de la minorité de celui qui devait rcmjjlacer le dé- funt
comme
Soutien de droitedu
trône, les Trinli usur- pèrent cette dignité au profit d'un de leurs. Soutiens de gauclie et de droite, ils régnèrent sans partage sur le roi et sur l'Annam.Quant aux Nguyèn,
ils furent relé-gués dans le territoire
du
Quâng-nain^ érigé pour eux à cet effet en principauté (qu'ils rendirent indépendante de fait).' En chinois: Koaiii^-nan |^. (.infinir-iiaiii est lo nom do la pi-o-
viuce où se trouve la baie do Toiuaiint'.
HLSTOIKEDES RELATIONSDE LA CHIXEAVEC L'ASNAil. 5
5. Chute de la dijnastic chinoise dos Ming.
—
UAnnain se déclare vassale des conquérants mantchoux.—
Expédition mixte contre les pirates.—
Fixation d'époqiic^ pour l'envoi du tribut de VAnnam à Pékin.
—
LaChine fait rendre des honneurs funèbres à l'occasion de la mvrt du roi d'Annam.
—
L'Annam livre aux Mantchoux un descendant des Minr/.En
ce temps-là,mie
rébellion avait éclaté en Chine, la dynastie impériale des Ming- approchait de sa fin,Pékin
ne tarda pas à tomber entre lesmains
des ré- voltés;im
général chinoisnommé
Oit-san-koei,^ voulant à tout prix sauver son pays, fit intervenir" les Tartares- Mantchoux.Leurs
troupes furent bientôt à Pékin, maisil ne fut plus question alors de rendre
aux Mng
leur gouvernement. Chen-tsong^^ le dernierempereur
de cette dynastie, mourait en1620
etun
princemantchou
s'as- seyait, en 1644, sur le trône de Chine; c'est l'empereur Choun-tche,^ fondateur de la dynastie des Ts'ing* aujour- d'hui régnante à Pékin.Une
de ses premières préoccu- pations fut de fah'e disparaître les derniers princes de la dynastie chinoise déchue (l'im d'euxnommé
Tchou- ieou-lang,^ petit fils de l'empereur Chen-tsong, prit le titre deKoei-ouaug
à Tchao-k'ing-fou'^ dans la province de Canton), c'est de lui, qu'en 1649, le roid'Annam
' '«•'«
' '/p. » ""'2.
^
È
IS^' passagequi concernecepersonnageestextraitdel'his- toire intituléeYu-pi-li-taï-t'ong-kien-ki-Ian^ ^ M ^
^ prince de Koei, à jjSp.
6 UISTOIREDES KELATIOX?; DE LAf'HINE AVECL'ANNAM.
Lê-than-tônrj-nguyen^ reçut son investiture.
Œn
1050. leprince Tehou-ieou-lang-, traqué et poursuivi, se jeta dans
l'Annam
et de là g"ag-na leYun-nan)r Ce
ne fut qu'en1659
que les troupes de l'empereur Choun-tclie s'assu- rèrent de cette province : le roid'Annam envoya
des fonctionnaires vers lescommandants
de l'armée tartare.(L'héritier des ^liug-, Tchou-icou-lang, avait dû s'en- fuir en Birmanie;' son fils, le prince Minli,^
S^S^^
Siam.^
A
la tin de l'année IGfil, les Tartares com-mandés
par les généraux Ou-san-koci et Xfjdî-sing-a^pénétrèrent assez avant dans la Birmanie; les autorités
du
pays leur livrèrent Tcliou-ieou-lang-: ce prince chinoismourut
l'année suivante, KiG'i, au Yiiu-nan.) (Ce fut alorsque
la cour dePékin
reçut iiiu' lettre par laquelle le roid'Annam
faisait sa soumission.)Les
envoyés remirent à l'empereur, à titre de trihut, des hrûle-paifums et des flacons d'or ciselé, des bassins d'argent, de Taloës, des parfums appelés Sou-siang, Tze-kiang-siang, Paï-mou- siang,du
tatîetas blanc, des cornes de rhinocéros et del'ivoire.'
Cette
même
année 1GG2, legouvernement
annamite, venant en aide à la Chine, lit une expédition militaire contre les pirates et livra à l'empereur ('houn-tche un' Eu cliinois: Li-wei-clie
^ ^
jjjr^. 1C40 à 16G;î.' Voir Cluipities 57 et 58.
—
I>o texte à partir rte Ce t"nt alors....» jusqu'à la fin duChapitre i est extrait rtuTa-ts'ing-lioei-tien.HISTOIliEDES lUXATIOXS DKLA CHINE AVECL'ANNAJI. 7
des derniers rejetons de la dynastie cliinoise des Ming-
;
en retour de ce service, la cour de
Pékin
daigna ac- corderau
roid'Annam
des présentscomposés
de four- riu'es et de cinq cents onces d'argent.De
plus, l'empe- reur fit rédiger des lettres patentes^que
les envoyés annamites devaient remettre à leui* maître.Le
roi Lé-tlian-tông-nguyênmourut
en 1(3G3, époque à laquelle la Chine décidaque l'Annam
devait doré- navant envoyer régulièrementun
tribut trisannuel.-Lc
filsdu
roi défunt, Lê-lmyên-tong-mucj^ avisa sans retard le gouverneui" de la provincedu
Koancj-si'^ de lamort de son père; sur le rapport de ce fonctionnaii'c
1 Tclie-chou. Je dois expliquer ici l'expression Tche-chou, que je traduis peut-être imparfaitement par «lettre patente»:
Choii. veut dire «lettre».
Tche, selon le dictionnaire de AV.Williajis, veut dire : «
An
ordinance, an order. what is done by spécial command of the emperor, a charter, a spécial permit or precept trom liini—
to give in charge as to punish; to receive warning».Les lettres adressées par le roi de Cochinchine portent le nom de Piao
«rapport à l'empereur», marquant Tinférioritédeceluiquilesadresse vis-à-\ns de celui qui les reçoit. Les réponses de l'empereur portent au contraire le nom de Tche-chou pour marquer sa supériorité vis-à-vis du
destinataire.
Cet usage subsiste aujourd'hui; voir plus loin Chapitre 50, un extrait delaGazettedePékindu29mars 1878,et Chapiti-e 39, lecérémonial encore en\iguenrpourlaremised'un Tche-chouauroideCochinchine; Chapitre43, la remise à Pékin, par les envoyés annamites, d'une lettre de leur roi.
2 Voir Chapiti-es 6, 9, 31, 36, 41, 42, 58. Ce tribut est encore actuelle-
ment envoyé à Pékin tous les deux ans.
3 En chinois: Li-wei-chi
^ ^
jjjg, 1663 à 1672.^
^
^"stteprovince, aveccelleduKoang-tong ouCanton,^
constitue la vice-royauté provinciale des Deux Koang. C'est encore au
8 IllSTOIliEDES UELAÏIOSS DE LA CHINEAVECL'ANXAM.
à l'empereur, le
gouvernement
annamite fut autorisé à envoyer des représentants àPékin
poury
recevoir respectueusement les ordres de la cour.L'année suivante, 1664, l'empereur fit rédiger la prière destinée à être brûlée devant la tablette funéraire
du
roi, et il ordonna
au Grand
Conseil de faire préparer, par le Ministère des finances, des dons mortuaires.Ds
furent composés de cent onces d'argent (environ
800
fr.)et de sept pièces de soie.
Un
fonctionnaire du Minis- tère des rites etun membre
de l'Académie impériale des Han-lin furent désignés par décret pour aller euAnnam
procéder à la lecture et à Tincinératiou de l'oraison impériale.'5. Les Tartarcs-Manichoux se font rcmeUrc fi'.s srcaiix cliiitoi.s donnésaux
rois (VAnnam par les Aling, KUtH.
Le
prince-héritier avait faitdemander
enmême
temps à l'empereur, son suzerain, qu'on lui conférât l'investiture royale.'^Avant
de se rendre à cette dernière requête lenouveau gouvernement
de la Chine exigea (ju'on luiremît le sceau royal
que
le roi défunt avait reçu, en 1659,du
princeMing
Tchou-ieou-lang. Cette remise ne fut effectuée qu'en 1666; l'empereur de la Cliine délé- gua, dès lors,deux
hauts fonctionnah'cs qui allèrent enAnnam
remettre l'investitureroyale à Lê-huyen-tong-muc.vice-roi de Canton, par l'entremise du gouverneur du Koang-si. que le
Gouvernement cochinchinois tait passer ses demandes adressées à la cour de Pékin.
' Voir Cliapitre 40: Honneurs funèbres (cérémoitial).
'- Voir Chapitre 40 le cérémonial de Tinvestiture.
IIISTOIKK DESKELATIOXS DE LA CUISEAVECL'AXXAJI. 9
Ce
prince reçut d'eux, outre ces lettres,un
sceau d'ar- gent doré dont la poignée représentaitun
cliameau/Dans
la cérémonie qui eut lieu à cette occasion les envoyés chinois,conformément aux
insti'uctions de leur souverain, avaient revêtuun
costume de cour fait de satin brodé de chimères d'or avec des écussons repré- sentant des cerfs d'or.' L'empereur mongolKhoubilaï-Klian, qui a régné en Chine de 1280 à 1295, connu sous le uom de Ciie-tsou, donnait, delamêmefaçon, unsceau à son vassal le roi de Perse, Arghoun; ce sceau portait les caractères pao», c'est-à-dire «sceau decelui qui soutient l'empire etgouverne enpaix les peuples» (Archives nationales de Fi'auce, p. 776).
Il seraitintéressantdeconnaître lasuscriptiondusceau chinois-mantchou que laChine a fait remettre auroi Tu-diic lors de son investiture,en 18i9.
Les princes chinois-tartares de première classe reçoivent de l'empereur un sceau d'or surmonté d'unetortue-, leroideCorée,lemême, maispluspetit-, les roisduLieou-kieou,d'Annam,duLaos,deSiam etdeBirmaniereçoivent un sceau d'argent doré sunnonté d'un chameau. Ce sceau c'st carré et a 3 pouces V2 ^6 côté sur 1 pouce d'épaisseur.
Les princes chinois-tartares dedeuxièmeclasse reçoivent un sceau d'ar-
gent doré surmonté d'un cerf".
—
Au-dessous de ce degré, les sceaux des fonctionnaires ou princes sont d'argent, de cuivre ou debois sanspoignéesspéciales (Ta-ts 'ing-hoei-tien).
Ce n'est qu'à dater de l'année 1762 que les sceauxconfiés par laChine aux rois d'Annam ont porté une inscription eu caractères mautclioux (Ta-ts 'ing-hoei-rien)
.
Quant au chameau qui forme la poignée du sceau, il est l'emblème de la vassalité de l'Annam. Lesanimauxemblématiques dont se sert actuelle-
ment laChine sont: le di'agon, le phénix, le tigre, l'ours, la grue, le paon, la tortue et le cerf. Le seul animal domestique qui serve d'emblème en Chine, est le cheval et encore n'y a-t-il que les porteurs du palanquin de l'empereur qui en soient ornés.
10 HISTOIREIJK.SliKLATIOXS DK LA CUINK AVECL'AXXAM.
6. Le rebelle Mac-nf/ui/ëH-thanh perd Cao-hanfj et s'enfuit en Cliine.
—
Celle-ci ohl'uje l'Annam à rendre Cao-bang aux Mac.
—
lîévoUe chinoise dans le Yun-nan.—
L'Annam reprend définitivement Cao-bang, 1672.—
Xouvelle.'! époques fixées pour le trilnd.
Comme
il a été dit plus liant, la famille royale deLe
avait reconquis ses états, à l'exception deCao-bang
qu'occupait encore l'usurpateur Mac-nguyen-thanh, dont les troupes faisaient de fréquentes expéditions.En
1067, le roiLe-lmyên-tong'-muc
s'empara par surprise de Cao-bang.Mac-nguyên-tlianli, vaincu et poursuivi, dut se réfugier avec trois mille des siens dans la })r(>viiiee eliinoise
du Yun-nan;
mais, sur l'ordre de la cour de Chine, le roi dut restituerCao-bang
et Tii-cMu^ à celui auquel illes avait enlevés.
En
1672, le général chinois Ou-san-koei (dont nous avons déjà parlé) se révolta contre les Tartares (sesnouveaux
maîtres; il prit le titre d'emi)ereur).La
province
du Yun-nan
fut un des lioiilevards de cette insurrection, à la faveur de laquelle le roid'Annam
s'emparaune
seconde fois deCao-bang.
qu'il garda définitivement.Désormais
unique possesseur de l'Annam, le roi de-manda
à la cour dePékin
la permission d'apporter tous les six ansdeux
tributs au lieu du tribut trisannuel qui avait été in'escrit jusqu'alors.Le Gouvernement
acquiesça à cette modification.*1 Encliinois: Ssc-tclicou
^jj^ >|>j>j danslapartiesud-ouestduKoang-si?).
2 Voir Chapitres 9, 31, 36, 41, 42, 58.
mSTOIKE DES KKLATIOXS DE LA llIINE AVEC LAXXA3I. 11
7. Investiture, parla Chine, des rois d'Annam qui ont régné de 1674 à 1761.
—
La CJiine fait rendre deshonneurs funèbres aux rois d'Annam.—
Délimitation des frontières du côté de K'di-hoa.Le
roi Lê-hiiyOn-tong-miicmourut
en 1674. Lê-gia- tông-my^ lui succéda; les communications avec la fron- tière annamite étaient encore interceptées; l'empereur de la Chine ne put donc envoyer des fonctiomiaires porter des inières devant la tablette funérairedu
dé- funt.Le
roi Lê-gia-tông-mymourut
en1682;
son frère et successeur Ze-7i?-^ô?z(/^ ayant fait parvenir cette nou- velle à Pékin, l'empereur de la Chine désigna l'année suivante, 1.683,un
officierdu
Ministère des rites etun
académicien pour aller porter enAmiam
ses présents mortuaires, rendre les honneurs funèbresaux deux
roismorts et conférer l'investiture royale à Lê-hi-tông.
.A la mort de celui-ci, son fils et successeur Lê-du-tông^
fit part de cet
événement
à la cour deChine
qui fitrendre les honneurs funèbres au feu roi et conférer, en 1710, l'investiture à Lê-du-tông.
Ce
prince eutun
diffé-rend avec le
gouvernement
chinoisau
sujet de la dé- limitation de iCdl-hoa,^ district chinois situé dans la partie sud-estdu Yun-nan
: il fut obligé, en 1727, de• En chinois:Li-wei-ting
^ |^
jji^, 167-2 ;i 1675.2 En chinois: Li-wei-tchcng
^ |^
Jg, 1675 à 1705.3 Enchinois: Li-wei-tao 1'*^^ ^ITi'd. L'omissiondu nom de son prédécesseur, le roi Lè-hon-duc-công ou Vinh-khanh, 1729 à 173-2, indique que ce dernier, étant mort avant d'avoir reçu l'investiture, n'apas été reconnu par la Chine.
12 HISÏOIIfK DE.SKELATIUNS DK LAlUlXEAVEC L'AXXAM.
faire des excuses à l'empereur; celui-ci, tenant compte
du
caractère respectueux de ladémarche
du roi. le confirma dans la possessiondu
territoire de quarante li(quatre lieues) indûment occupé par les Annamites.
La
cour de Chine ayant appris la mort de Le-du-tông- fit rendre
au
défunt, en 1731, les honneurs funèbres d'usage; son successeur, Lê-tlaian-tong,^ reçut l'investiture royale en 1733.Ce
prince ne régnaque
trois ans, la Chine lui fit rendre les honneiu's funèbres de lamême
manière qu'à ses prédécesseurs (1737) et conféra, en
même
temps, l'investiture de la royautéd'Annam
à Lê^-tông,^ frèredu
jjrécédent. (Ce prince, après cinq ans de règne, abdiqua eu faveur de son neveu Lt-hiên-tông''' en 1740), ce ne fut qu'après la mort
du
roi dé- missionnaireque
Lê-liiên-tông reçut de la Chine l'in- vestiture royale (17G1).^s. Les Ncjwjhi trahis sont chasses du Quâng-nain par fcs Trinh.
—
Les nouveaux NguySn.—
Ngiii/ën-huê.—
Ngui/Sn-iihac.Les
Trinh tuèrent le fils de Lê-hiên-tùng (roi de f;iitdepuis l'abdication deson oncle, en 1740); ilss'emparèrent
du
sceau royal afin de pouvoii' gouverner.Le
roi n'eutplus bientôt
que
son palais pom- tout royaume.' En diinois: Li-wei-hou
^ ^
jjfj.2 En chinois: Li-wci-hoei
^
)|^. 1735 à 178(5, aussi appeléVinh-huu.
3 En chinois: Li-wei-toan
^
/lîffiî• ^^^^ IISH, aussi .appeléCanh-hung.
^ToutceChapitre 7esttirédesdocumentsofficielsduTa-ts'ing-hoei-tien.
HISTOIRE DES RELATIONS DE1,A CIIIXEAVEC L'ASXAM. 13
Les
troupes qu'entretenaient lesNguyên
dans leur principautédu Quâng--nam
étaient supérieures à celles de leurs rivaux, les Trinli. C'était pour ces derniersun
sujet d'inquiétude.
Les
Trinli, pressentant l'oppositionque
leurs desseins pouvaient renconti'er de ce côté, attirèrent à eux, en les corrompant,deux
fonctionnairesdu Quâng- nam,
Nguyen-lmê'^ etNguyln-nhac^ (membres
de la famille de leurs adversaires).Ces deux
(traîtres) con- sentirent à attaquer, dansHue,
^ le princedu Quâng- nam
et à en faire disparaître la race des Xg'uyên, à laquelle ils appartenaient.Dès
lors Trinh-dông^^ chef des Trinli, se proclama roi; Nguyên-liuê, chef des (nou- veaux)
Nguyèn,
en fit autant et tous deux, devenus rivaux à leur tour, se firent la guerre. (Quantaux
an- ciensXguyèn,
ils se réfugièrent dans la Cochinchine méridionale.)Le
roi légitimed'Aimam,
Lê-hiêii-tông, était dansune
situation on ne peut plus critique.1 Enchinois:Joan-hoei
[î/i^
!^
. frèrecadetdeNgujên-nhac; ilsecon- stitna roi sons le titre de Tae-tê-ouan<? Les historiens le désignent sons le nom de Lmig-nhuong-dtai-Uionfj-qHân ou «Grand chef des dragons de la terre rouge ».^ Enchinois: Joan-yo frère aîné destroisNgnyên, surnommés Tây-son ou montagnards <le l'ouest. Devenu roi en1775, il prit le titre de Tchen-ts'ing-ouang
pjj xj||
3 Phu-xuân, eu chinois Fnu-tch'oucu nomduterritoire deHué, appelé aussi C'houn-hoa-fou
>^
jj^ etTch'eug-t'iên-fou^
est la capitale occidentale du Vietnam, depuis l'année 1803.
En chiuois: Tchen-tong pj^