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LES VRAIS PROBLEMES DE LA SECURITE SOCIALE II

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Academic year: 2022

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LES VRAIS PROBLEMES

DE L A SECURITE SOCIALE II

II. — Les dépenses de la Sécurité sociale

Si l'on veut, pour les dépenses comme pour les ressources de la Sécurité sociale (1), poser les vrais problèmes, i l faut exa- miner distinctement les trois catégories de charges supportées par le régime général :

— les allocations familiales,

— les retraites vieillesse,

— les dépenses afférentes à la maladie et à l'accident du travail.

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es dépenses de la première catégorie reposent sur des faits générateurs simples, certains : avoir tant d'enfants, de tel âge ; encaisser, au foyer, un ou plusieurs salaires. Ce sont là des données objectives, à propos desquelles la quasi-totalité des fraudes éventuelles peut être décelée au prix de contrôles pure- ment factuels.

Pour les dépenses de cette catégorie, l'intérêt de mainte- nir un système de caisses et les mécanismes apparents d'une assu- rance n'est pas évident. L'attachement des milieux dits familia- ristes aux caisses d'allocations familiales est essentiellement tra- ditionnel et sentimental. En fait, l'inclusion desdites allocations dans le système de Sécurité sociale n'a guère été bénéfique pour

(1) Voir la Revue des Deux Mondes du mois de mars.

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les intéressés. L'excédent de ces caisses a très généralement servi à combler le déficit des caisses maladie ou des caisses vieillesse.

Alors qu'en onze ans, de 1968 à 1978, les dépenses maladie étaient multipliées par 5,32 et les dépenses vieillesse par 6,61, le coût des allocations familiales ne l'était que par 3,19. Parente pauvre du régime général, l'aide aux familles ne perdrait sans doute rien à être considérée comme une charge de la nation, financée par les ressources du budget. N'est-ce pas, au demeurant, le vrai caractère que revêtent, désormais, les allocations fami- liales? A l'origine, elles relevaient d'un système de péréquation entre employeurs, destiné à éviter que les salariés chargés de famille ne trouvent plus difficilement un emploi que les céliba- taires ; l'existence de caisses spécialisées se justifiait alors pleine- ment. Aujourd'hui, ces mêmes allocations sont l'expression d'une politique nationale dont l'instrument pourrait très normalement être le budget de l'Etat.

En bref, les allocations familiales ne posent pas de problèmes techniques particuliers. Elles peuvent s'accommoder du maintien du système actuel ; mais, du point de vue de la justice comme du point de vue économique, on peut, à l'inverse et plus proba- blement, estimer que l'heure est venue de les budgétiser.

Le seul vrai problème les concernant est d'ordre politique.

Il présente deux aspects : l'un de solidarité, l'autre d'efficacité.

Au regard de la solidarité, on est conduit à se demander si, aux taux actuels, les allocations répondent à leur objectif, qui est de compenser, au moins partiellement et toutes choses égales d'ailleurs, l'écart entre le niveau de vie réel des membres d'une famille et celui d'un célibataire ou d'un ménage sans enfant.

Il n'est pas sûr qu'en pareille matière la recherche de l'égalité constitue l'idéal. Mais quel est, alors, l'écart admissible en fonc- tion du nombre d'enfants ? Une telle question ne comporte évi- demment pas de réponse certaine : c'est affaire de sensibilité sociale.

En termes d'efficacité, le problème est beaucoup plus sim- ple. Quel niveau les allocations familiales doivent-elles atteindre si l'on veut obtenir le nombre de naissances souhaité pour assu- rer l'avenir de la nation ? Certes, d'autres facteurs que les seuls facteurs financiers, principalement les facteurs d'ordre moral, souvent liés eux-mêmes aux facteurs d'ordre religieux, inter- viennent dans la détermination du taux de natalité. Mais l'expé-

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rience de la politique familiale menée au lendemain de la guerre incite à ne pas faire trop d'angélisme en pareille matière et à admettre que les considérations économiques jouent ici un rôle essentiel. Si l'on considère, au surplus, que l'évolution des mœurs et le caractère laxiste de la législation récente en matière de contraception, d'avortement, de divorce font jouer les facteurs psychologiques et moraux à rencontre d'une fécondité élevée, le rôle des incitations financières s'en trouve accru d'autant.

Or il paraît évident qu'une politique énergique d'encoura- gement à l'accroissement du nombre des naissances s'impose d'ores et déjà. La France n'est pas épargnée par la baisse du taux de natalité qu'enregistrent, à des degrés divers, toutes les nations industrielles. Tant du point de vue de la défense que du point de vue du dynamisme économique ou de celui du rap- port entre population active et population inactive, un redresse- ment de la situation présente doit être considéré comme urgent.

C'est dire que, parmi les dépenses du régime général de la Sécu- rité sociale, i l faut admettre que les charges de l'aide aux familles ne sont pas de celles sur lesquelles des économies peuvent être envisagées. Il faut penser, au contraire, qu'un accroissement sen- sible est inévitable.

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es dépenses afférentes aux retraites des vieux travailleurs présentent certains caractères communs avec les dépenses entraînées par le versement des allocations familiales. Elles posent néanmoins des problèmes particuliers.

Comme les allocations familiales, les retraites sont assises sur des faits générateurs certains et relevant d'un contrôle factuel relativement aisé : âge de l'assuré, nombre d'années de travail.

Comme les allocations familiales, elles ont profondément changé de nature. Relevant à l'origine des mécanismes de la capitalisation, elles apparaissaient comme les justes fruits d'un système de pré- voyance collective. Financées aujourd'hui par répartition, étendues à des catégories de plus en plus nombreuses de bénéficiaires, largement indépendantes, dans leur montant, des sommes versées par les intéressés, elles présentent, comme les allocations familia- les, tous les caractères d'une action de solidarité à la charge de l'ensemble de la nation.

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En dépit de ces similitudes, le problème d'une éventuelle budgétisation ne se pose pas, pour les retraites de vieillesse, de manière aussi simple que pour les allocations familiales.

Après avoir été longtemps équilibrées ou légèrement béné- ficiaires, les caisses vieillesse accusent, depuis trois ans, un défi- cit qui va rapidement croissant, dépassera 5,5 milliards pour

1978 et, si les cotisations n'avaient pas été lourdement augmen- tées, aurait approché 9 milliards en 1979.

Une telle évolution conduit à mettre en cause plusieurs aspects de notre système actuel de retraites.

Le retour d'un système de répartition à un système de capi- talisation, d'abord. La plupart des grands pays industriels conti- nuent à assurer le service des retraites au moyen de fonds de pension responsables de la gestion et du placement des retenues effectuées sur les salaires ou des versements effectués par les employeurs. Un tel système présente les deux avantages suivants :

a) i l met des sommes considérables à la disposition des in- vestissements nécessaires au développement de l'économie natio- nale ;

b) i l assure une auto-régulation des dépenses, les retraites étant limitées — sauf complément exceptionnel versé par l'Etat ou l'entreprise — aux ressources des fonds.

C'est bien, au demeurant, cette dernière conséquence qui a conduit, en France, à l'abandon du système de capitalisation.

La dépréciation accélérée du franc, combinée avec la stupidité des règles qui, sous prétexte d'assurer la sécurité des placements, orientaient ceux-ci vers les fonds d'Etat ou autres valeurs assi- milées (c'est-à-dire les pires des emplois en période d'inflation), a réduit les ressources des caisses de retraite à un niveau tel-

lement bas qu'il aurait signifié la misère la plus noire pour les retraités.

Mais ces justifications circonstancielles du recours au sys- tème de répartition ne peuvent être tenues pour valables dura- blement. Un tel système est le plus évidemment et directement inflationniste, en même temps qu'il stérilise une grande part de l'épargne des salariés et fait disparaître tout auto-freinage de l'augmentation des dépenses. Le retour à un système de capi- talisation (plus intelligent que l'ancien quant au choix des pla- cements et sans doute assorti d'une garantie, donnée par l'Etat, de ressources minimales pour les retraités) est une réforme qui

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s'impose. Elle exige le maintien de caisses spécialisées et exclut donc la budgétisation.

Rendre l'autonomie et la responsabilité aux caisses est la seule façon de freiner la hausse vertigineuse des dépenses et, au second degré, de rendre à chacun une part de responsabilité per- sonnelle quant à son avenir et à celui de sa famille. L'inflation a ruiné l'esprit de prévoyance personnelle ; on ne peut se résigner à la permanence d'une telle irresponsabilité généralisée.

Mais rétablir des mécanismes de prévoyance par capitali- sation et rendre aux caisses une responsabilité de gestion des fonds de leurs adhérents implique que les données de base sur les- quelles peut se fonder une telle gestion ne soient pas remises en cause, c'est-à-dire que la politique des pouvoirs publics quant à l'âge et aux conditions de la retraite tienne compte des données démographiques du pays. Abaisser l'âge de la retraite, quand i l y a déjà trop d'inactifs par rapport aux actifs, c'est rendre impossible une saine gestion des caisses de retraite. Une des causes impor- tantes du déficit actuel du risque vieillesse est la multiplication des mises à la retraite anticipée, en raison de la situation de l'em- ploi. Mais substituer de jeunes retraités à des chômeurs plus âgés est un mauvais palliatif dont l'un des effets très certains est le développement du travail noir. Dans une vue à plus long terme, dans laquelle la résorption du chômage est fondée non sur une espèce de rationnement de l'emploi mais sur un dévelop- pement de l'activité, on doit se demander si l'abaissement de l'âge de la retraite n'est pas une mesure à contresens — et plus certainement encore si la crise actuelle de la natalité devait se poursuivre durant plusieurs années. Il y a là, pour l'avenir de la Sécurité sociale, une option politique de première importance, qu'il n'est pas possible de prendre indépendamment des options concernant l'encouragement aux naissances.

L

a dernière catégorie de dépenses, qui comprend les risques maladie et accidents du travail, diffère radicalement des deux premières par la nature du fait générateur. Objectif et contrôlable pour les allocations familiales et les retraites, i l comprend une part très large et inévitable d'appréciation subjective en cas de mala- die ou d'accident. En toute bonne foi, pour un même trouble, trois médecins peuvent juger nécessaire, l'un un simple traitement

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sans interruption de travail, l'autre un repos de quelques jours à la maison, le troisième une hospitalisation. A quoi s'ajoutera le coefficient personnel du patient, plus ou moins dur au mal, plus ou moins confiant dans la médecine et les médicaments, plus ou moins rétif à l'hospitalisation. C'est dire qu'en pareille matière un contrôle purement factuel ne mène pas bien loin : i l se borne, par exemple, à vérifier qu'un assuré social à qui l'on a accordé quelques jours d'arrêt de travail fait des réussites chez lui et ne descend pas au café, pour jouer à la belote. Un contrôle qui veut aller au fond des choses comporte nécessairement une appré- ciation des prescriptions édictées par le médecin traitant. Il dé- bouche alors sur la confrontation entre deux jugements sub- jectifs : celui du médecin contrôleur et celui du médecin traitant.

On mesure combien est délicat l'exercice de tels contrôles.

Rien d'étonnant, dès lors, si les risques maladie et accident du travail sont le terrain d'élection de la fraude ou, du moins, des abus de la part des assurés et, de la part du corps médical, d'un laxisme qui, dans certains quartiers ou certaines localités, est la condition absolue de constitution ou de conservation d'une clien- tèle. Il arrive, enfin, que les règles mêmes édictées pour prévenir certains abus en provoquent d'autres. Par exemple, l'obligation de présenter une ordonnance médicale pour obtenir le rembour- sement des médicaments entraîne une augmentation des con- sultations ; ou, à l'inverse, le désir de réduire le nombre des recours au médecin conduit à prescrire et acheter chaque mé- dicament en quantités excessives.

En présence d'une telle situation, il est clair que les contrô- les techniques les plus sérieux demeureront impuissants s'ils ne sont pas appuyés sur des éléments psychologiques tendant à la limitation des abus. L'institution d'un ticket modérateur, laissant à la charge de l'intéressé une part des dépenses, répond à cette préoccupation. Mais, depuis la mise en place de la Sécurité so- ciale, on n'a pas encore trouvé le juste point d'équilibre entre un ticket modérateur trop faible pour exercer un réel effet de dissuasion, ou un ticket jugé trop fort, imposant une charge trop lourde aux assurés sociaux, particulièrement à ceux qui dispo- sent des ressources les plus modestes. Une telle difficulté peut conduire à s'interroger sur l'uniformité voulue lors de la création de notre actuelle Sécurité sociale, alors que le régime d'assu-

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rances sociales, institué en 1928, laissait hors de son champ d'ap- plication les bénéficiaires de rémunérations élevées. Mais cette même difficulté doit, avant tout, amener à conclure que l'incita- tion psychologique individuelle n'est pas suffisante si elle n'est pas appuyée sur une incitation psychologique collective, d'inspi- ration mutualiste.

S'il est un domaine, en effet, où lê glissement progressif de la notion d'assurance à celle de solidarité nationale, observé pour l'ensemble des prestations de la Sécurité sociale, engendre des conséquences désastreuses, c'est bien celui du risque maladie.

L'homme est ainsi fait qu'il n'a le sens de ses responsabilités qu'à l'égard d'une communauté relativement restreinte et bien nettement définie. On le dirait atteint de myopie en matière de bien commun. Il admet qu'on cherche à lui interdire les abus, i l est même prêt à se les interdire à lui-même pour autant qu'il iden- tifie, soit par connaissance personnelle, soit, au moins, par une défi- nition catégorielle clairement perceptible, ceux à qui ses abus fe- raient tort ou, réciproquement, ceux dont les abus risqueraient de le léser. Quand, au contraire, l'homme — singulièrement le Français — se trouve en présence d'une masse anonyme et in- déterminée, quand i l est incapable d'identifier, au moins collec- tivement, par une proximité géographique ou professionnelle, ceux qui le lèsent et ceux qu'il lèse, le sentiment de sa respon- sabilité à l'égard du bien commun s'affaiblit et, rapidement, dis- paraît.

On ne rétablira pas un minimum de civisme dans le domaine de la maladie, on ne maîtrisera pas l'inquiétante contagion des abus et du laxisme si l'on ne restaure pas le véritable esprit du mutualisme tel qu'il existait à l'origine des assurances sociales.

Ne nous laissons pas abuser par les mots : dans notre système ac- tuel de Sécurité sociale, ce qui reste de mutualisme est beaucoup plus orienté vers une exploitation intensive du système que vers la création d'une réelle co-responsabilité entre mutualistes.

S'il fallait apporter une preuve à l'appui de cette affirmation que seul le retour à un système d'assurance créant un lien d'inté- rêt perceptible entre assurés peut mettre un frein aux abus actuels, on la trouverait dans les cas où une entreprise ou une profession a été autorisée à demeurer son propre assureur en matière d'acci- dents du travail. Quelle que soit la complaisance abusive de l'admi-

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nistration et des tribunaux — pour les accidents dits de trajet en particulier — la couverture du risque est très généralement, en pareil cas, assurée à moindres frais.

omme en matière d'allocations familiales ou de retraites, un problème politique se pose, en matière de maladie, touchant la part de leur revenu global que les Français sont disposés à consacrer à la prévention et au traitement des affections ou accidents. Mais ce problème peut être abordé avec un relatif sang-froid lorsque l'on discute du niveau de vie des familles nombreuses ou de la condition des retraités. Il revêt un caractère émotionnel, voire passionnel dès lors que la santé est en cause.

Combien de fois entend-on affirmer : quand i l s'agit de la vie ou de la guérison d'un homme, i l n'est pas admissible que les considérations financières entrent en ligne de compte ? A u plan sentimental, de telles déclarations sont infiniment sympathiques.

Au plan des réalités, elles ne sont pas sérieuses. Il ne serait pas bien difficile de démontrer que, dans l'état actuel des tech- niques médicales, si l'on voulait appliquer à tous les malades les traitements les plus perfectionnés, mettant en jeu les équi- pements les plus sophistiqués, si l'on s'obstinait à prolonger, aussi longtemps qu'il est possible, tout ce qui conserve l'appa- rence d'une vie humaine, l'intégralité du revenu national et de la capacité d'investissement du pays n'y suffirait pas.

Cette façon de poser le problème, de mettre en balance des valeurs spécifiquement humaines, telles que la vie ou la santé, avec des valeurs économiques, heurte la sensibilité du plus grand nombre. Si l'on veut garder la maîtrise d'une évolution qui tour- ne présentement à la catastrophe, si l'on veut tracer et suivre une ligne politique claire, on ne peut éviter de poser la question : quelle part de leur revenu global les Français veulent-ils con- sacrer aux dépenses de santé plutôt qu'à la construction d'écoles ou d'autoroutes, ou au financement d'investissements créateurs d'emplois dans l'industrie, le commerce ou les services ?

PIERRE D E C A L A N

(A suivre)

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