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CONCLUSIONS. Mme Sophie-Justine LIEBER, rapporteur public

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N°410552

Me D…, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société imprimerie Georges frères

C/ M. M…

N° 410553

Me D…, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société imprimerie Georges frère

C/ M. L…

N° 410554

Me D…, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société imprimerie Georges frère

C/ M. R…

N° 410555

Me D…, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société imprimerie Georges frère

C/ M. B…

4ème et 1ère chambres réunies Séance du 14 mars 2018 Lecture du 28 mars 2018

CONCLUSIONS

Mme Sophie-Justine LIEBER, rapporteur public

Le juge susceptible de fonder sa décision sur la tardiveté d’une requête au sens de votre récente jurisprudence d’Assemblée M. C… (13 juillet 2016, n° 387763, p. 340), doit-il communiquer aux parties un moyen d’ordre public en ce sens, non seulement si la tardiveté n’est pas déjà discutée entre elles, mais également si une « tardiveté classique » est déjà dans le débat ? Telle est la question que ces quatre pourvois vont amèneront à trancher.

L’imprimerie Georges Frère était une imprimerie de labeur, spécialisée dans les impressions publicitaires et commerciales. Ce secteur étant fort malmené, avec notamment la concurrence des imprimeries en ligne, elle a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 14 avril 2011 du tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing, qui a nommé Me D… comme liquidateur. Celui-ci a procédé au licenciement des salariés et a notamment demandé des autorisations de licenciement pour les quatre salariés protégés concernés par ces pourvois – MM. M…, L…, R… et B…. L’inspecteur du travail compétent a accordé les autorisations le 10 mai 2011, mais le ministre du travail les a ensuite annulées, a annulé les décisions implicites de rejet des recours gracieux qui s’étaient formées, et a refusé d’accorder de

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nouvelles autorisations, par 4 décisions en date du 2 décembre 2011. Ces décisions ne lui ayant pas été adressées, ce n’est que 17 mois plus tard, le 7 mai 2013, que Me D… les a contestées devant le TA de Lille, qui, sans se prononcer sur le caractère tardif des requêtes, les a rejetées au fond par 4 jugements du 1er juillet 2015. Me D… ne s’est pas découragé et a saisi la CAA de Douai qui, par les 4 arrêts contestés en date du 15 mars 2017, a rejeté ces appels en prenant appui sur votre jurisprudence M. C…, n° 387763.

L’un des moyens soulevés par le pourvoi justifie l’inscription de l’affaire devant vos chambres réunies : il est tiré de ce que la cour, en n’informant pas les parties de ce que son arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de la tardiveté de la requête au regard de votre jurisprudence M. C…, n° 387763, a méconnu les dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative.

1. Comme vous le savez, avant l’intervention du décret n° 92-77 du 22 janvier 1992 portant dispositions diverses relatives à la procédure administrative contentieuse, le juge administratif n’était pas obligé communiquer aux parties les « moyens d’ordre public » qu’il était tenu de relever1, mais seulement les moyens qu’il avait la faculté de relever d’office. Et vous jugiez ainsi que « le principe général du caractère contradictoire du la procédure ne saurait trouver application lorsque le juge statue sur des moyens qu’il doit examiner d’office » (Ass., 12 octobre 1979, Rassemblement des nouveaux avocats de France et autres, n° 01875, aux concl.

du président Franc2 ; 21 octobre 1981, V…, n° 19202, p. 383). Ce décret du 22 janvier 1992, dont Bernard Pacteau s’inquiétait alors de savoir, dans les colonnes de la RFDA, s’il annonçait vraiment la mort du « vieux moyen d’ordre public » que l’on voyait « surgir par surprise des conclusions du commissaire du Gouvernement (…) voir de l’arrêt lui-même3 », a donc considérablement réduit la portée de la distinction chinoise entre les moyens relevés d’office et les moyens d’ordre public. La règle de la communication des moyens d’ordre public figure désormais au 1er alinéa de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, aux termes duquel : « Lorsque la décision lui paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la chambre chargée de l’instruction, en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu’y fasse obstacle la clôture éventuelle de l’instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué 4 ».

2. Cette règle s’applique, bien entendu, lorsque le juge relève d’office une tardiveté – sauf s’il s’agit d’une irrecevabilité manifeste permettant de rejeter la requête par ordonnance sans procédure contradictoire. Ainsi, en appel, un moyen tiré de la tardiveté de la requête devant la juridiction de première instance revêt bien le caractère de moyen d’ordre public (26 mars 2001, Secrétaire d’Etat au logement, n° 216936, aux T.).

C’est le cas de figure de l’espèce, où la tardiveté de la demande de première instance n’a pas échappé à la cour ni, d’ailleurs, aux parties. Comme l’indique en effet le rapporteur public de l’affaire devant la cour, P. Habchi, auteur d’un commentaire sur l’arrêt à l’AJDA (AJDA 2017. 878), une fin de non recevoir avait été soulevée en défense par les salariés, en première instance comme en appel, opposant le caractère tardif de la demande. Ils faisaient valoir,

1 Cf. 31 décembre 1919, Moine, p. 973.

2 Arrêt qui censurait, par ailleurs, des dispositions du décret du 5 décembre 1975 permettant au juge de relever d’office des moyens de « pur droit » sans avoir à en informer préalablement les parties.

3 B. Pacteau, Du nouveau en procédure contentieuse administrative : la « communication des moyens d’ordre public », RFDA 1992. 480.

4 Le 2ème alinéa de cet article exempte toutefois de la règle de communication des moyens relevés d’office les cas dans lesquels le juge statue par ordonnance, en PAPC ou lorsqu’il décide de dispenser le dossier d’instruction.

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d’une part, que le recours n’avait pas respecté le délai de deux mois prévu à l’article R. 421-1 du CJA et d’autre part que le liquidateur, s’il n’avait pas eu la notification des décisions de refus d’autorisation du ministre, en avait néanmoins eu connaissance à compter des lettres qu’ils lui avaient adressées, le 30 janvier 2012, demandant leur réintégration. Me D… avait de son côté fait valoir que les décisions du ministre ne comportaient pas les voies et délais de recours, rendant ainsi inopposable tout délai de recours à leur encontre, en application de l’article R. 421-5 du même code. Autrement dit, la fin de non recevoir avait conduit les parties à discuter de la tardiveté de la requête de première instance sous deux angles :

- celui des voies et délais de recours ;

- celui de la « connaissance acquise » de la décision par l’employeur.

Mais ce n’est sur aucun de ces deux terrains que la cour a retenu la tardiveté : après avoir relevé que, s’il ne ressortait pas des pièces du dossier que Me D… avait reçu notification des décisions du ministre du travail, il en avait toutefois eu connaissance par les courriers du 30 janvier 2012 que lui avaient adressés les salariés, demandant leur réintégration à la suite de ces décisions, la cour en a tiré la conséquence que la requête de l’intéressé devant le TA de Lille, enregistrée plus d’une année après cette date, était tardive en application de votre jurisprudence M. C…, n° 387763.

Et, se fondant sur l’existence d’une fin de non recevoir soulevant une tardiveté, elle n’a pas communiqué aux parties de moyen d’ordre public indiquant la possibilité que la juridiction se fonde sur une tardiveté au sens de cette jurisprudence.

3. Pouvait-elle procéder ainsi ? En principe, une fin de non recevoir fait disparaître, pour le juge, l’obligation de communiquer le moyen correspondant aux parties ou, le cas échéant, de l’inviter à régulariser sa requête (28 avril 1997, Association des commerçants non sédentaires de Corbeil-Essonne, n° 164820, p. 169, pour le cas d’une irrecevabilité tirée du défaut d’habilitation régulière à agir du représentant d’une association), de même que, symétriquement, l’invocation spontanée par le requérant de la question de la recevabilité (9 avril 2014, Société Copalex, n° 357168, aux T.).

Mais encore faut-il que la fin de non recevoir ait permis un débat contradictoire sur le moyen qui intéresse le juge. Autrement dit, c’est seulement si l’information dont disposaient les parties leur a permis de présenter utilement leurs observations que la fin de non recevoir est satisfaisante et peut exonérer le juge de communiquer un moyen d’ordre public aux parties.

Dans le cas contraire, lorsque les écritures des parties montrent qu’elles ne se sont pas exprimées utilement sur le moyen qui intéresse le juge, celui-ci doit le relever d’office et le leur communiquer.

Le corollaire en est que la formulation du moyen d’ordre public doit être suffisamment précise afin, comme le souligne le Pr. Chapus dans son Droit du contentieux administratif, n°

965, de « remplir sa fonction d’information et permettre une discussion utile du moyen ».

C’est ce que relève votre décision de Section du 30 octobre 1992, Ministre des affaires étrangères c/ Association de sauvegarde du site Alma Champ de Mars, n° 140220, p. 384, dont le fichage indique que la communication des moyens que le juge entend relever d’office est destinée à provoquer un débat contradictoire sur lesdits moyens. Vous avez ainsi jugé, dans une décision du 25 septembre 1995, Association des licenciés sans procédure de la régie des passages d’eau de la Gironde, n° 153191, p. 976, qu’un moyen d’ordre public « tiré de l’irrecevabilité des conclusions de la requête » ne constituait pas une désignation

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suffisamment précise, et entachait donc la procédure d’irrégularité faute d’avoir permis aux parties de le discuter utilement. De façon comparable, la communication d’un moyen d’ordre public « tiré du champ d’application de la loi », sans aucune indication du texte dont le champ d’application aurait été méconnu, est également trop imprécise (25 octobre 1996, Préfet du Morbihan, n° 143362, p. 413). Il faut donc, sans aller jusqu’à expliciter tous les motifs de droit ou de fait ayant conduit le juge à envisager de fonder sa solution sur le moyen en question (21 décembre 1994, SARL La Flotte française, T. p. 1119), désigner ce moyen de manière suffisamment précise pour que les parties puissent le discuter utilement, et permettre que la discussion se déroule sur le bon terrain juridique5.

Or en l’espèce, comme on l’a vu, les parties, si elles ont discuté de la recevabilité des requêtes devant le TA, l’ont fait sur un terrain qui n’était pas celui de votre décision M. C…, n°

387763, mais celui du respect des règles procédurales imposant un délai de deux mois pour contester une décision, soit à compter de sa notification régulière, soit à compter du moment où l’intéressé a eu connaissance acquise de cette décision. Or une « tardiveté M. C…, (n°

387763) » part d’un terrain différent, qui est celui de la stabilité des situations acquises : c’est ce principe qui fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. S’il faut nécessairement que les parties aient pu débattre des conditions dans lesquelles la décision litigieuse a été notifiée ou dont le destinataire a eu connaissance acquise, ces éléments n’épuisent pas toute la discussion, qui doit aussi porter, nous semble-t-il, sur le délai raisonnable au terme duquel, compte tenu des circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire prévaloir la stabilité des situations juridiquement constituées, voire sur le délai mis par l’intéressé à contester la décision litigieuse, au regard de ce délai raisonnable. Autrement dit, le principe de stabilité des situations juridiques, qui fonde votre décision M. C…, n° 387763, vient « en surplomb », en quelque sorte, des règles procédurales, et exige cette discussion singulière, que les parties n’ont en l’espèce pas pu avoir. On voit bien, d’ailleurs, que l’arrêt de la cour est structuré en deux étapes : dans un premier temps du raisonnement, elle analyse les conditions dans lesquelles Me D… a eu connaissance des décisions litigieuses et en déduit la date à partir de laquelle il en a eu connaissance ; dans un deuxième temps, elle calcule le délai au bout du quel, compte-tenu de cette date, il a contesté les décisions et le compare au délai raisonnable permettant de concilier le droit au recours et la stabilité des situations acquises. Or les parties n’ont pas débattu de ce second temps du raisonnement. En outre, les notions de « connaissance acquise » et de « date à laquelle il est établi que le destinataire de la décision contestée en a eu connaissance » au sens de votre décision M. C…, n° 387763, ne se superposent pas forcément, comme l’avait d’ailleurs longuement souligné votre rapporteur public sur cette affaire, en raison notamment (p. 21 et svtes des conclusions). Un débat spécifique entre les parties sur ce point est donc là aussi nécessaire.

Nous relevons d’ailleurs que, dans votre décision d’Ass. M. C…, n° 387763, alors que le ministre avait soulevé dans ses écritures des éléments tenant à la tardiveté « classique », vous avez indiqué aux parties que votre décision était susceptible d’être « fondée sur le moyen relevé d’office, tiré de la forclusion de l’action en contestation de la décision attaquée » - la forclusion étant, comme le rappelaient les conclusions d’Olivier Henrard, d’ordre public (19 mars 1975, F…, n°96484, p. 203). Vous avez été plus précis encore dans votre décision du 10 juillet 2017, Mme Z…, n° 389288, comme il ressort des conclusions de Vincent Daumas sur cette affaire, qui indiquait qu’un MOP avait été communiqué aux parties « explicitant autant que possible [le] raisonnement susceptible de conduire à une solution d’irrecevabilité », tiré

5 Il n’est cependant pas nécessaire que l’indication du MOP porte sur un texte qui ne fait que préciser celui qui est invoqué : Sect., 5 mai 1995, U…, n° 155820, p. 197, concl. R. Abraham.

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de la combinaison de vos jurisprudences de section N… du 2 mai 1959, n° 44419, p. 282 et M.

C…, n° 387763, précitée. Autrement dit, plus les parties risquent de passer « à côté » du véritable motif de tardiveté, plus la communication du MOP doit être précise. C’est particulièrement le cas si les parties ont commencé à débattre de la tardiveté, mais sur un terrain différent de celui que le juge souhaite examiner, autrement dit, si le juge souhaite déplacer le terrain de la discussion.

Aussi vous proposerons-nous de juger, en l’espèce, que la cour, dès lors qu’elle entendait faire application de la règle dégagée par votre jurisprudence M. C…, n° 387763, devait l’indiquer aux parties en leur communiquant un « MOP » en ce sens, puisque l’application de cette règle n’avait pas été discutée par elles. Autrement dit, s’il y avait bien eu une discussion sur la tardiveté, celle-ci n’avait pas porté sur le bon terrain et n’a donc pas permis aux parties de présenter utilement leurs observations sur le moyen in fine retenu par la cour. En ne le communicant pas, celle-ci a donc entaché son arrêt d’irrégularité et nous vous proposons donc de l’annuler pour ce motif. Vous pourrez renvoyer l’affaire à la cour afin qu’elle puisse statuer à nouveau sur l’appel, après que la question aura été pleinement débattue par les parties.

Cela nous amène à nous interroger sur la question de savoir si, dans un cas comme celui de l’espèce, alors que la tardiveté « M. C…, (n° 387763) » a été discutée en cassation, il y aurait lieu de communiquer à nouveau ce moyen après renvoi, au stade du nouvel examen par la cour ? Nous pensons que oui, compte tenu du prisme nécessairement différent qu’ont les débats en appel et en cassation.

PCMNC à la cassation de l’arrêt et au renvoi de l’affaire devant la CAA de Douai. Et vous pourrez faire droit, à hauteur de 1000 euros dans chacune des affaires, à la demande de frais irrépétibles formulée par Me D….

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