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Les banques centrales au coeur de la reconstruction écologique

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Octobre 2020 l N° 4

Les banques

centrales au cœur de la reconstruction écologique

Auteurs Étienne Espagne (AFD), Antoine Godin (AFD) et Thomas Mélonio (AFD)

Introduction

Face à la crise pandémique et à ses conséquences écono- miques et financières à court et moyen terme, les banques centrales se sont retrouvées en position de gardiennes du chaos. Elles ont agi rapidement et de manière massive pour éviter les conséquences potentiellement dramatiques de l’arrêt soudain d’un grand nombre d’économies dans le monde. Face aux retournements des flux de capitaux hors des pays en développement et émergents, nombre d’entre elles se sont retrouvées en situation de crise de change et de besoin urgent de liquidités. La Federal Reserve (FED) américaine a ainsi dû répondre à une demande soudaine de dollars et de bons du Trésor. Pour ce faire, elle a mis en place des lignes d’échange de devise (swaps lines) avec un petit nombre de pays et une facilité de prise en pension (sales and repurchase agreement ou repo) de bons du Trésor pour les pays jugés moins prioritaires. Dans le même temps, la FED déployait une batterie inédite d’outils d’as- souplissement quantitatifs afin de stabiliser les marchés financiers domestiques. La Banque centrale européenne (BCE) lançait, quant à elle, son programme de politique mo‑

nétaire non conventionnelle lié à la pandémie, le Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP) assorti de ses pro‑

pres lignes de repo en euros. Les politiques monétaires non conventionnelles de la crise financière de 2008 sont ainsi devenues très largement conventionnelles en 2020.

La triple crise, sanitaire, environnementale et sociale, s’inscrit cependant dans la durée et marque l’entrée dans une nouvelle période de franchissement de points de bascule écologiques. Elle invite à débattre des principes d’intervention de la puissance monétaire. En témoigne la question de la délimitation entre politique économique et monétaire impliquant la Bundesbank en Allemagne, la Cour suprême de Karlsruhe et la BCE. Aux États‑Unis, c’est la crainte d’une accélération des déséquilibres sociaux, potentiellement renforcés par ces politiques expansives, qui a récemment préoccupé la FED. Comme le souligne également le Fonds monétaire international (FMI), les ban‑

ques centrales devraient se soucier, dans le cadre même de leur mandat, de l’explosion des inégalités[1]. Dans l’Union Les politiques monétaires non conventionnelles de 2008 sont devenues conventionnelles en 2020.

Elles n’intègrent pas encore les impératifs sociaux et écologiques de la décennie à venir.

Un nouveau régime des banques centrales doit s’organiser autour

d’une coordination interne avec les acteurs financiers de la reconstruction écologique et d’une coordination externe pour aligner la fourniture de la liquidité internationale sur les impératifs de la reconstruction écologique.

‘‘ L’UE et la Chine pourraient jouer un rôle moteur conjoint dans cette redéfinition écologique de la liquidité internationale. ,,

[1] Hansen N. J. H., Lin A. and Mano R. (2020), “Should Inequality Factor into Central Banks’ Decisions?”, IMF Working Paper WP/20/196.

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Géographie : monde

Mots-clés : banques centrales, Accord de Paris, COP15, DTS, green swap line,

banques de développement Thématiques : économie, banque centrale,

transition écologique

Agence française de développement (AFD) 5, rue Roland Barthes, 75012 Paris.

Directeur de publication Rémy Rioux Directeur de la rédaction Thomas Mélonio Création graphique MeMo, Juliegilles, D. Cazeils Conception et réalisation Coquelicot

Dépôt légal 4e trimestre 2020 | ISSN en cours | © AFD Imprimé par le service de reprographie de l’AFD Retrouvez les autres publications dans cette collection : https://www.afd.fr/fr/collection/policy‑brief

européenne (UE), ce sont plutôt la crise écologique et les risques croisés pour la stabilité financière qui préemptent les débats. Ces interrogations renvoient in fine à la question de la « neutralité de marché », qui sous‑tendait le principe d’indépendance des banques centrales. Or, il s’avère que les politiques monétaires distordent la structure des marchés[2]. Symétriquement, les marchés financiers eux-mêmes peinent à internaliser les principales exter- nalités sociales et environnementales qui conditionnent l’existence même des sociétés. Le changement climatique est d’ailleurs considéré par Lord Nicholas Stern comme la plus grande imperfection de marché de tous les temps.

Certaines tendances vers un nouveau régime des ban‑

ques centrales sont aujourd’hui décelables. Ainsi, plusieurs actions prises dans l’urgence de la crise pandémique pourraient avoir vocation à s’institutionnaliser : de l’élargis- sement récent des pratiques de la FED, qui tempère la stricte maîtrise de l’inflation, à la réactivation d’un compte de liquidités de court terme entre la Banque d’Angleterre et le Trésor britannique ; de la revue complète des opéra- tions monétaires de la BCE, passées notamment au prisme du changement climatique, à la tentative indonésienne d’introduire un représentant du ministère des Finances indonésien au Conseil de la Banque centrale. Ces réformes, en apparence disparates et incohérentes entre elles, reflètent toutes un souci d’orientation qualitative de la pratique des instruments monétaires.

Recommandations

Or, l’émergence d’un véritable nouveau régime d’action des banques centrales exige une cohérence d’ensemble.

Il s’agit d’abord de reconnaître la nécessaire complémen- tarité des politiques monétaires, fiscales et industrielles pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris et celui du futur Accord de Kunming, d’ici une à deux décennies.

Cette coordination nouvelle pourrait se matérialiser autour de deux dimensions.

– La définition taxonomique des activités vertes et brunes et son extension à une refonte de la comptabilité. Les banques centrales, actrices de la reconstruction éco- logique (cf. BIS, 2020[3]), doivent s’impliquer dans cette redéfinition de la valeur économique. L’UE a déjà déve- loppé une première taxonomie, définissant des critères objectifs qui peuvent guider les investisseurs ainsi que les banquiers centraux. Cet exercice gagnerait à inclure

une évaluation des activités brunes et à s’étendre à la prise en compte des trajectoires de décarbonation pro‑

pres aux pays en développement ou émergents.

– La mobilisation conjointe des banques centrales d’une part, des banques publiques ou des banques nationales de développement d’autre part, pourrait s’institution- naliser au travers de l’usage partagé et évolutif de cette taxonomie. Les banques de développement constituent en effet une source disponible de financement fléché, dans la mesure où leur mandat social et environne- mental est clair. Les banques centrales du réseau NGFS (Network for Greening the Financial System) pourraient ainsi soutenir indirectement les banques de dévelop- pement au travers d’achat d’actifs en devises sur les marchés secondaires dans le cadre de leurs program- mes d’assouplissement quantitatifs.

Au-delà d’une coordination accrue entre institutions financières et banques centrales au niveau national, le besoin de multilatéralisme et de coordination internatio- nale dans la gestion et l’orientation de la liquidité interna- tionale n’a jamais été aussi grand. En témoignent les récents débats autour des modalités de gestion des dettes publi‑

ques au niveau international, consécutivement à la crise COVID, tout en évitant d’obérer les conditions macroéco- nomiques d’une reconstruction écologique, notamment dans les pays en développement. À cet égard, la liquidité internationale et les conditions de son accès sont détermi- nantes. Deux types de propositions découlent de ce besoin renforcé de multilatéralisme.

– Des formes de green swap lines pourraient voir le jour entre les membres du réseau de banques centrales NGFS et les pays émergents ou en développement, par échan‑

ge de devises avec les pays s’engageant dans des plans de reprise d’activité alignés avec les objectifs clima- tiques et de biodiversité. L’UE et la Chine, étant parmi les blocs régionaux les plus engagés dans le respect des objectifs climatiques et de biodiversité, pourraient jouer un rôle moteur conjoint dans cette redéfinition écologi‑

que de la liquidité internationale. Les réseaux de banques de développement multilatérales pourraient apporter la garantie (sous surveillance) du respect de ces objectifs écologiques et sociaux des projets ainsi financés.

– Les pays disposant de surplus non utilisés de droits de tirage spéciaux (DTS) auprès du FMI pourraient les prêter aux banques multilatérales et bilatérales de dévelop- pement dans le cadre de plans de soutien au finance- ment des objectifs de la COP21 (climat) et de la COP15 (biodiversité) à venir. Le FMI pourrait enfin transformer progressivement le système de quotes‑parts en un système d’allocation des DTS, en fonction de la contribu- tion aux efforts de reconstruction écologique des pays, en tenant compte du principe de responsabilité com- mune, mais différenciée de la convention‑cadre des Nations unies sur les changements climatiques dans la répartition des efforts.

Les analyses et conclusions de ce document sont formulées sous la responsabilité de leurs auteurs. Elles ne reflètent pas nécessairement le point de vue de l’AFD ou de ses institutions partenaires.

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Crise financière mondiale de 2008 Crise Taper Tantrum de 2013

Krach boursier de 2015 en Chine Crise de la Covid-19

FLUX DE PORTEFEUILLE VERS LES ÉCONOMIES ÉMERGENTES AUJOURD’HUI ET LORS DES ÉPISODES PASSÉS (MD USD)

Source : Jonathan Fortun, Daily capital flows tracker. ©2020 Institute of International Finance, Inc. Droits réservés. http://www.oecd.org/coronavirus/policy‑responses/

covid‑19‑and‑global‑capital‑flows‑2dc69002/#figure‑d1e212 Note : t = 0,

correspond au jour du début respectif des différents événements.

[2] Schnabel I., “Never waste a crisis: COVID‑19, climate change and monetary policy”, Speech given at a virtual roundtable on “Sustainable Crisis Responses in Europe” organised by the INSPIRE research network, 17 July 2020.

[3] Bolton P., Despres M., da Silva L. A. P., Svartzman, R. and Samama F. (2020), The green swan: Central banking and financial stability in the age of climate change, Bank for International Settlements, Bâle.

Références

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