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La République transparente ? : un projet de quadrillage policier à Genève autour de 1779

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La République transparente ? : un projet de quadrillage policier à Genève autour de 1779

CICCHINI, Marco

Abstract

Ce texte est le chapitre d'un livre qui réunit plusieurs spécialistes de renom sur la circulation des modèles, des idées et des textes dans la genèse de la police moderne en Europe, entendue comme institution cardinale de la régulation sociale. L'enquête collective s'est portée sur des "mémoires policiers" du XVIIIe siècle, où des faiseurs de projets, des réformateurs ou des amateurs éclairés, impliqués à des degrés divers dans les appareils de police ou d'autres branches de l'administration, avancent des propositions amélioratrices sur la police. Le présent chapitre discute d'un projet élaboré à Genève en 1779 qui cherche à améliorer la surveillance policière, et qui vise à lutter, de manière pêle-mêle, contre le vagabondage, les étrangers indésirables, l'anonymat urbain ou le vol nocturne.

CICCHINI, Marco. La République transparente ? : un projet de quadrillage policier à Genève autour de 1779. In: Denys, C. ; Marin, B. & Milliot, V. Réformer la police . Rennes : Presss universitaires de Rennes, 2009.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:91820

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La République transparente?

Un projet de quadrillage policier à Genève autour de 1779

Marco CICCHINI

Dans de nombreuses villes de la seconde moitié du XVIIIe siècle, la réaction des autorités face aux populations migrantes et aux « gens sans aveu » semble constituer un tournant dans les conceptions policières traditionnelles 1Sortir l'étranger de l'anonymat urbain qui le protège, débusquer les individus désaffiliés pour les contrôler, rendre connaissables ceux que la proximité vicinale ne permet plus d'identifier : les projets en forme de « mémoires », plus ou moins réalistes, plus ou moins réfor- mistes, s'attachent à rendre ostensible une population flottante diffici- lement captive2. Demeurés dans la confidentialité des administrations d'Ancien Régime ou rendus publics par voie d'impression, ces nombreux

« mémoires >> policiers ont ceci de commun qu'ils dévoilent par l'écri- ture des pratiques de surveillance qui souvent échappent au regard des administrés, mais informent aussi les administrateurs des réalités interlopes qui se dérobent à leur regard. Témoins plus ou moins discrets du «secret du gouvernement », ces écrits invitent à questionner le jeu des regards que l'administration policière cherche progressivement à mettre en place.

Pris pour eux-mêmes, ces textes sont également les vecteurs des cultures administratives qui les produisent et sont en cela des points d'observation

1. M.-C. BLANC-CHALËARD et a/ii, Police et migrants. France 1667-1939, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001 ; C. DENYS, Police et sécurité au XVIII' siècle dans les villes de la frontière franco-belge, Paris, I.:Harmattan, 2002.

2. V. MILLIOT, Réformer les polices urbaines au siècle des Lumières : le révélateur de la mobilité», Crime, histoire et sociétés, vol. 10/1, 2006, p. 25-50. Voir les mémoires qui, à Paris, Strasbourg, Bordeaux sont centrés sur cette question dans V. MILLIOT (dir.), Les Mémoires policiers, 1750-1850.

Écritures et pratiques policières du Siècle des Lumières au Second Empire, Rennes, Presses universitaires de Rennes/Maison de la recherche en sciences humaines de l'université de Caen Basse-Normandie, 2006. À la fin du XVlll' siècle, la surveillance des populations est aussi au centre de la réforme du quadsillage urbain à Madsid et à Naples : cf. B. MARIN, • Les polices royales de Madrid et de Naples et les divisions du terri roi re urbain (fin XVIII'-début XIX' siècle) •, Revue d'histoire moderne et contemporaine, 50-1, janvier-mars 2003, p. 80-103.

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privilégiés pour saisir « comment pensent » ces institutions en charge de la police au siècle des Lumières3.

En 1779, les membres du Tribunal du lieutenant, chambre de police et de justice de Genève, finalisent un« réquisitoire du Tribunal de l'audience[ ... ] concernant les étrangers et gens sans aveu et les mesures à prendre à leur égard» qu'ils soumettent à l'appréciation du Petit Conseil, organe suprême du gouvernement. Ce projet de quadrillage policier se situe au croisement d'un moment de sensibilité aiguë à l'égard des populations migrantes, que connaissent d'autres cités, et d'une période de réflexion plus intense au sein de l'administration policière4. Face à l'afflux de main-d'œuvre étrangère venant s'associer à l'essor spectaculaire de la « Fabrique » genevoise (horlo- gerie, orfèvrerie-bijouterie) 5, face à une mobilité inédite d'individus « qui ne tiennent en rien à la Républiqué »,selon l'expression des magistrats, ce texte matérialise une tentative de recomposer la grammaire policière traditionnelle avec les nouvelles exigences de surveillance.

Ce document peut sans doute s'inscrire dans une « genèse histori- que » de la pratique du secret gouvernemental où ce dernier s'imposerait

«comme une stratégie apte à réguler les jeux politiques7 »,puisqu'il donne prise sur une multitude de dispositifs de surveillance. Mais les opérations de dévoilement qu'incarne et décrit ce mémoire sont plutôt ambivalentes.

Permettant de saisir l'élaboration en coulisse de la réglementation policière, d'appréhender la fabrication complexe de cette matière législative qui

·affleure épisodiquement dans l'espace public des villes d'Ancien Régime, de suivre les détours que prennent les dispositions de police dans les méandres de l'administration, ce texte illustre aussi les rapports de force qui se négocient entre administrateurs de la police et gouvernement. Au sein du Tribunal du lieutenant, l'activité policière s'appuie essentiellement sur la tradition cimentée par la pratique quotidienne. Les manières de faire laissées en héritage par les prédécesseurs en charge des fonctions de police sont perpétuées au sein d'un cadre institutionnel qui, « réflexe typique- ment républicain », tend à se rigidifier8. Dans la hiérarchie des fonctions publiques, la magistrature de police, limitée à trois ans pour les auditeurs et à un an pour le lieutenant, est une étape presque obligée de la carrière gouvernementale. Il s'agit pour l'auditeur de se faire connaître parmi ses

3. V MILLIOT, «Écrire pour policer: les "mémoires" policiers, 1750-1850 »,dans V. MILLIOT (dir.), Les Mémoires policiers ... , op. cit., p. 32.

4. Archives d'État de Genève (dorénavant AEG), )ur. Pén. !2 11, p. 349, 17 janvier 1779.

5. A.-M. PIUZ er L. MOTTU-WEBER, L'économie genevoise de la Réforme à la fin de l'Ancien Régime

(XVf-XVlll' siècles}, Genève, Georg-SHAG, 1990.

6. Pour éviter d'alourdir l'appareil des notes, rous les extraits de ce mémoire sont cités sans références.

Voir l'annexe.

7. A. DEWERPE, Espion. Une anthropologie historique du secret d'État contemporain, Paris, Gallimard, 1994, p. 116.

8. F. VENTURI,« Re e repubbliche tra Sei e Setrecento [1970] »,Pagine repubblicane, Turin, Einaudi, 2004, p. 20.

pairs et ses citoyens en faisant valoir des capacités à pérenniser l'ordre établi et la tranquillité publique, alors que le lieutenant est en principe un ancien syndic qui attend son tour (tous les quatre ans) pour retrouver la plus haute fonction publique. Entre les magistrats de police rédacteurs de ce projet aux multiples facettes et les destinataires, membres du Petit Conseil, qui doivent en décider l'application, il n'y a en principe pas d'opposition politique fondamentale sur le devenir de la République et de son régime

« aristodémocratique » 9En revanche, non seulement une génération sépare en général la plupart des membres du Tribunal du lieutenant et les conseillers d'État, mais aussi leurs positions respectives dans la hiérarchie gouvernementale conduisent à élaborer des « remèdes » qui ne sont pas forcément identiques.

Ainsi, si ce mémoire s'inscrit dans le développement de techniques administratives plus fines, les propositions de réformes de l'institu- tion policière restent d'abord tributaires du cadre constitutionnel de la République. Souveraine depuis l'adoption de la Réforme en 1536, la ville-État connaît une armature institutionnelle pratiquement inchangée depuis le dernier tiers du XVIe siècle jusqu'à la Révolution genevoise de décembre 1792. Le contexte politique des années 1760-1770 n'est d'ailleurs pas anodin: entre une élite oligarchique qui s'arc-boure sur ses privilèges et qui n'entrouvre que sporadiquement l'accès à la magistrature, et l' oppo- sition d'abord recrutée parmi les citoyens et bourgeois exclus des charges publiques, mais aussi des natifs 10 qui affichent des velléités politiques et aspirent à la promotion sociale, la marge de manœuvre pour réformer les institutions étatiques est étroite 11.

Tant sur le terrain de la pratique que dans les projets qu'ils rédigent à destination des édiles, les acteurs de la police sont attentifs à la réception sociale et politique des dispositifs de surveillance et négocient à travers leurs actions, à travers leurs écrits, leur propre autorité et leur position au sein de l'appareil gouvernemental. Dans ce contexte politique et institution- nel, quelles sont les possibilités de réforme des pratiques de surveillance?

Comment adapter les activités de police à des problèmes nouveaux dans une structure institutionnelle voulue immuable par le cercle des élites républicaines, et dont, précisément, font partie, ou s'apprêtent à y entrer,

9. Ceci n'exclut pas des voix discordantes, parmi les auditeurs notamment, par rapport à la politique oligarchique du gouvernement. Voir la production et la réception de projet de réforme de la police analysées dans un cadre« républicain » particulier :V. DENIS, « Peut-on réformer un "monument de la police"' La réforme de la police de Strasbourg en débat à la fin de l'Ancien Régime, 1782-1788 », dans V. MILLIOT (dir.), Les Mémoires policiers ... , op. cit., p. 131-149.

10. Parmi les catégories soda-juridiques que connaît la République, les natifs, descendants des habitants (étrangers ayant obtenu le droit de résider et de travailler en ville moyennant le paiement d'une caution), sont privés des droits politiques et exclus de certaines activités économiques.

11. Sur ce contexte politique tendu au seuil de la première « révolution » genevoise de 1782, voir M. NEUENSCHWANDER, « Les troubles de 1782 à Genève er le temps de l'émigration », Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, t. XIX, 1989, notamment p. 128-138.

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les auteurs du mémoire? Produit d'une pluralité de sollicitations et d'enjeux de position, ce mémoire affiche tout à la fois des intérêts de corps, des soucis d'efficacité « professionnelle » sur un objet précis de l'activité de police et des exigences diffuses de lisibilité du corps social.

Les conditions de production d'un mémoire policier

Daté du 17 janvier 1779, le « Réquisitoire concernant les étrangers » est un mémoire de police manuscrit qui se concentre sur un objet précis : la répression de la clandestinité des étrangers, cette dernière étant associée à la petite criminalité. D'ambition modeste, limité dans ses intentions réforma- trices qui tiennent sur sept pages manuscrites au format in-octavo, ce texte n'est pas produit pour être diffusé au-delà des cénacles gouvernementaux auxquels il est exclusivement destiné. Les deux seuls exemplaires connus sont un original, intercalé dans le registre du Petit Conseil de 1779, et la copie, qui se trouve dans les registres de police de la même année 12

Formellement, il s'agit d'un réquisitoire du Tribunal du lieutenant13

(lieutenant, six auditeurs et deux secrétaires de justice) auquel, semble-t-il, s'associe également le procureur général14. En conformité avec la tradition administrative républicaine, aucun protagoniste n'est nommément désigné : seules les fonctions des uns et des autres sont indiquées, hormis le secrétaire de justice Rillier dont la signature paraphe le document et lui donne sa

·validité officielle 15 • L identité du collectif n'est pourtant pas anodine : la moitié du Tribunal n'est en fonction que depuis peu de temps, notamment à la suite des élections en Conseil général le 23 novembre 177816Dès lors, si l'agenda répressif véhiculé par ce mémoire s'inscrit dans un contexte large- touchant l'ensemble des institutions étatiques et débordant le cadre de la République -, la chronologie de sa production dépend du rythme propre à l'institution policière: composé d'éléments récemment nommés, le Tribunal du lieutenant cherche à faire les preuves de ses compétences, saisit le problème à son compte et dessine les contours de ses prérogatives en la matière.

12. AEG, RC 280, annexe p. 52, 23 janvier 1779; AEG, )ur. Pén. I2 11, annexe séance du 17 janvier 1779.

13. I..:instirution porte d'autres ti cres, notamment« Messieurs de la justice»,« Tribunal de l'audience».

Comme personnel subalterne, le Tribunal emploie 8, puis 10 huissiers.

14. Jean-Jacques Dunant. Il devient lieutenant pour les années 1784, 1788 et 1792.

15. On retrouve cette pratique de 1'« identité fonctionnelle,. dan.s les publications de police: jamais les magistrats ou les fonctionnaires de l'État ne sont nommément désignés, sauf le secrétaire d'État qui paraphe le document.

16. En novembre 1778, F. Calandtini est élu lieutenant, G. Fuzier-Cayla, J. Argand sont élus auditeurs.

Début janvier 1779, I. L. Naville, en remplacement de G. Lefort, promu au rang de conseiller d'État, devient également auditeur. Le secrétaire de justice H. B. Rillier est également en fonction depuis novembre 1778. Bien qu'accédant pour la première fois à la charge de lieutenant, F. Calandrini ne peut toutefois pas êae considéré comme un « novice » puisqu'il a été lui-même auditeur de novembre 1767 à novembre 1770.

La culture administrative de la «proposition »

Considéré dans son contexte local, au sein d'une culture administrative essentiellement empirique où rares sont les textes de police qui prennent les pratiques pour objet, ce mémoire témoigne d'une évolution notable de la place de l'écrit comme mode de questionnement institutionnel. Une série de

« livres de police » est commencée dans la seconde moitié du xvn< siècle et

n'est interrompue qu'en 179417. Tenus par les deux secrétaires du Tribunal du lieutenant, ces registres répertorient les délits de police, ainsi que les sanctions prononcées, et conservent la mémoire des matières réglementées. S'il existe des observations sur le fonctionnement de la police, ses priorités ou ses objectifs, eUes sont dispersées au gré des affaires traitées. Le Tribunal est régulièrement assemblé en« conférences» pour discuter des problèmes du moment, mais sans que le produit des délibérations soit forcément enregistré18Bénéficiant d'un plus grand crédit, au début de chaque année

« prétorienne», des «propositions sur le bien de la police » sont formulées dès le début du xvrrr< siècle par les magistrats de police et dûment enregistrées.

Pour chaque nouvelle « classe » des Messieurs de la justice, l'exercice permet au lieutenant et auditeurs de façonner une culture policière commune.

Réunis formellement pour << réfléchir sur la police », comme le notent les secrétaires de justice lorsqu'ils évoquent ces séances de propositions, les

<< conducteurs de la police » abordent les sujets d'inquiétude du moment, se concertent sur le prix des denrées et débattent des mesures à prendre ou des changements- toujours << légers » - nécessaires à la pratique. Les remarques ne sont en effet jamais de nature à déstabiliser l'ordre institutionnel établi : le Tribunal du lieutenant cherche toujours à s'inscrire dans la continuité des magistrats antérieurs. Quant aux difficultés que rencontre le << maintien de la police », elles ne sont pas imputables aux règlements en vigueur, décrits comme<< très bons et suffisants », mais à leur inobservation 19.

Consignées dans les << livres de police », ces propositions, parfois des notes d'intention pour l'année à venir, malgré leur brièveté et leur caractère conjoncturel, constituent un fil continu pour les nouveaux arrivants dans cette partie de l'administration, tout comme elles forment un catalogue des terrains d'interrogation et des priorités d'action. Chaque année, les propo- sitions annuelles antérieures sont lues, provoquant parfois une délibération.

Mais rien n'est contraignant dans cette culture de la proposition : en 1762,

17. AEG,Jur. Pén. 12 1 (1691-1696) à 14 (1792-1794).

18. En 1734, le Tribunal décide de fixer« chaque semaine une matinée pour raisonner des affaires de Police,., soitle mardi matin (AEG, )ur. Pén. 12 6, p. 131,24 novembre 1733; p. 168, 23 novembre 1734).

19. I..:opinion résolument favorable dont bénéficient les règlements de police est un lieu commun des adminiStrations de police les plus diverses, comme celle de Paris autour de 1666-1667 ou de Saasbourg dans le second XVIIl' siècle: N. DYONNET, «Le commissaire Delamare et son Traité de la police (1 ~39-1723) », dans C. DoLAN (dir.), Entre justice et justiciables: les auxiliaires de la justice du Moyen Age au XX' siècle, Québec, Les Presses de l'université Laval, 2005, p. 107; V. DENIS,« Peut-on réformer un "monument de la police"?», op. cit.

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l'auditeur Perrinet des Franches, qui est dans sa troisième et dernière année de charge, se plaint de l'absence de retour sur les propositions et réclame

« que les propositions générales qui se font chez monsieur le lieutenant soient discutées et que monsieur le lieutenant détermine en conséquence un jour pour cela 20 ». Laissées à la libre appréciation des magistrats de police successifs, les propositions prennent toutefois une importance accrue dans la culture administrative du Tribunal du lieutenant. L'augmentation du nombre de ces réflexions culmine autour de l'année 1780 et l'examen des propositions antérieures se fait toujours plus attentif et méthodique21 . En novembre 1783 par exemple, lieutenant et auditeurs examinent les propo- sitions des années 1780 à 1783 et délibèrent méticuleusement sur chacune des soixante suggestions ainsi regroupées22. C'est en grande partie du matériau des propositions générales sur la police, toujours plus formalisées et affinées au sein de l'administration policière, qu'émane le « Réquisitoire sur les étrangers et gens sans aveu». Le mémoire soumis au Petit Conseil par le lieutenant et les auditeurs dévoile une batterie de mesures qui paraissent de prime abord hétéroclites, mais qui sont en réalité le produit accumulé par l'institution des « propositions générales sur la police ».

Ainsi, dès 177 4, en écho à une proposition plus ancienne, l'auditeur Jalabert demande que le rôle des « bulettes », billets de logement octroyés aux étrangers logeant en ville, soit quotidiennement examiné par le Tribunal de police afin d'éviter l'hébergement de« gens sans aveu». Ce même auditeur revient à la charge l'année suivante pour exiger un meilleur contrôle des ouvriers indienneurs et autoriser l'expulsion sommaire des étrangers sans aveu 23. En 1776, c'est l'auditeur Claparède qui s'inquiète de problèmes analogues et qui propose de réactiver la surveillance des quartiers par les dizeniers24. En novembre 1777, la question des gens sans aveu est à l'ordre du jour. Il est envisagé de confier la surveillance non seulement aux dizeniers, mais aussi aux soldats de la garnison et émerge l'idée d'une commission chargée d'élaborer sur ces questions un mémoire à présen- ter au Petit Conseil. En parallèle, par la bouche de l'auditeur Puerari, le Tribunal du lieutenant s'inquiète de l'augmentation des vols nocturnes et de la présence de mendiants dans les banlieues25 . Bien que formulées avec insistances, ces dernières propositions ne débouchent sur aucune décision et sont à nouveau mises à l'ordre du jour en 1778. Sans concertation apparente, les six auditeurs proposent pêle-mêle d'augmenter le nombre d'huissiers, d'augmenter les pouvoirs des auditeurs à l'égard des gens sans

20. AEG, ]ur. Pén. !2 10, p. 236, 23 novembre 1762.

21. Les décisions sont prises collégialement par les auditeurs et le lieutenant; ces derniers, lors de leur entrée en charge, héritent souvent de dossiers des magistratures précédentes.

22. AEG, ]ur. Pén. !2 12, p. 112-117, 29 novembre 1783.

23. AEG, ]ur. Pén. !2 11, p. 191, 24 novembre 1774; p. 221, 21 novembre 1775.

24. AEG, ]ur. Pén. !2 11, p. 275, 25 novembre 1776; p. 290, 24 juin 1777.

25. AEG, Jur. Pén. !2 11, p. 302,28 novembre 1777.

aveu, de faire patrouiller les milices bourgeoises, d'interdire le couchage dans les écuries - échappant ainsi au contrôle dévolu aux professionnels du logement. À cet inventaire de mesures, fait écho une lettre du syndic de la garde lue au Tribunal du lieutenant qui concerne les délits nocturnes et les précautions à prendre à ce sujet26. En décembre 1778, le Tribunal du lieutenant, réuni en assemblée extraordinaire, fait l'examen de toutes les propositions formulées depuis deux ans pour le « bien de la police ».

Devant la quantité d'interpellations sur la police des étrangers et sur la sûreté publique, deux auditeurs, Gallatin et Bordier, sont désignés par le lieutenant pour en faire « un mémoire, soit réquisitoire » à présenter au Petit Conseil27. Après plusieurs années de discussions en interne, lieutenant et auditeurs se è:l.écident à faire une démarche auprès du gouvernement pour exposer un plan d'action de sûreté publique. Traitant pêle-mêle des

« rôdeurs et mendiants », des« délits nocturnes » et de l'augmentation du personnel subalterne de police, le mémoire est avant tout une mise en forme de propositions annuelles antérieures, élaborées en ordre dispersé au sein du Tribunal du lieutenant, mais réorganisées et reliées entre elles à des fins de persuasion. D'« infra-mémoires» à« mémoires »28, les propositions disper- sées dans l'enregistrement quotidien des« livres de police» prennent forme dans un réquisitoire construit. Approuvé par le Tribunal du lieutenant en janvier 1779, ce dernier est remis au Petit Conseil par le truchement du premier syndic avec la demande pressante« d'être instant à cet égard29 ».

Un contexte propice au renforcement du contrôle social

L'écho sans précédent que rencontre la problématique générale de la police des étrangers, reliée par les magistrats de police à la mendicité et à la petite criminalité, n'est cependant pas une priorité exclusive du Tribunal du lieutenant. Ces questions s'arriment à un fonds d'inquiétudes plus large- ment partagé sur la mobilité géographique. Hormis la pratique adminis- trative que ces propositions évoquent, elles permettent en effet de saisir la sensibilité des praticiens pour les différents objets de la police. Comme ailleurs, le milieu du XVIIIe siècle à Genève marque un point d'inflexion dans le déploiement des dispositifs de surveillance et de sûreté publique, dont témoignent les propositions annuelles formulées au Tribunal du lieutenant. Jusque vers 1760, le personnel de police se soucie avant tout (huit fois sur dix) d'améliorer la vie économique et l'approvisionnement de la cité, négligeant presque totalement les objets de sûreté publique. Dans les décennies 1761-1791, la sûreté publique occupe une fois sur quatre les

26. AEG, Jur. Pén. !2 11, p. 340, 4 décembre 1778.

27. AEG, Jur. Pén. 12 Il, p. 342, 10 décembre 1778.

28. V MI LUOT,« Écrire pour policer. .. ,., op. cit.

29. AEG, ]ur. Pén. !2 Il, p. 349, 17 janvier 1779.

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MANCU UCCHJNJ

débats, au détriment des affaires économiques (cinq fois sur dix). La police des marchés reste certainement une activité fondamentale du Tribunal du lieutenant, mais elle perd de son importance, comme l'indique d'ailleurs la diminution des contraventions prononcées pour délits économiques ou le relâchement des mesures policières dans certains secteurs de l'approvi- sionnement urbain30. Fruit d'une maturation lente au sein du Tribunal du lieutenant, ce mémoire renvoie ainsi à des mesures antérieures ou parallèles déjà prises par les magistrats de police.

Les pratiques d'identification sont ainsi largement impliquées dans l'arsenal des mesures de lutte contre la mobilité inquiétante31. Dès 1774, l'auditeur Jalabert réclame également des mesures pour« empêcher que les bannis et tous ceux qui sont mis hors de la ville n'y entrent32 ».Restée sans effet malgré la décision du Tribunal de demander au Petit Conseil « une police efficace à cet égard », la proposition réapparaît dans un procès-verbal de l'auditeur Jalabert33. Revendiquant auprès du syndic de la garde l'établis- sement d'un registre de signalement des individus suspects ou condamnés qui, se trouvant en prison, seraient « visités » par un chirurgien, l'auditeur obtient satisfaction par la mise en place d'un« Registre des signalements et des visites faites à Genève de condamnés, de prisonniers et de suspects34 ».

Pur produit de l'administration policière, un tel instrument d'identification physique, déjà évoqué dans les notes préparatoires d'une ordonnance de

. police contre la mendicité dans les années 176035, s'additionne au« Registre

des bannis et des malvivants » (tenu depuis 1666) et au« Registre des signa- lements provenant de l'étranger» (depuis mars 1774)36.

Le mémoire entre également en résonance avec des exigences similaires de contrôle des migrations et du vagabondage formulées dans d'autres espaces institutionnels et selon d'autres modèles d'intervention. Bien qu'ils travaillent en fonction de logiques propres à leur mandat et en fonction de la personnalité de leurs membres, les divers corps gouvernementaux

30. M. OCCHINI, «Normes et délirs de poüce. Le principe de légalité en question», dans B. GARNOT (dir.), Normes juridiques et pratiques judiciaires. Du Moyen Âge à l'époque contemporaine, Dijon, Éditions de l'université de Dijon, 2007, p. 317-326.

31. V DENIS, Une histoire de l'identité. France, 1715-1815, Seyssel, Champ Vallon, 2008, notamment p. 211 sqq.

32. AEG, Jur. Pén. I2 11, p. 191, 24 novembre 1774; p. 194,29 novembre 1774.

33. AEG, PC 12686, février 1775.

34. AEG, )ur. Pén. H2 2.

35. «Je voudrais que tout vagabond arrêté dans la ville[ ... ] fût reconduit à la discipline, par exemple, où, une ou ~eux personnes préposées pour cela, prendraient son signalement par écrit» (Bibliothèque de Geneve [BGE], Arch. Tronchm 335, f" 1-4). Cette note anonyme fait partie d'un matériau disparate (projers manuscrits, synthèses de délibérations, nombreuses ordonnances de police des pays protestants voisins) réuni par une commission préparant l'ordonnance contre la mendicité du 16 juillet 1766 (AEG, R. pub!. 6, p. 96). Les membres de cette commission sont F. Tronchin, ]. Buffe et). A. Guaignier, tous anciens auditeurs (AEG, RC Cop 267, p. 1032, 1037, 1041).

36. Sur la logique identificatoire que permet le croisement de ces trois registres, voir C. CUÉNOD, « Une signalétique accusatoire : les pratiques d'identification judiciaire au XVIII' siècle », Crime, histoire et sociétés, 12/2, 2008, p. 5-31.

sont encore rapprochés par l'étroitesse d'une République oligarchique où le personnel gouvernemental est obligé de multiplier les rôles. Ainsi, le Conseil des Deux-Cents, duquel sont membres les auditeurs, a la possibilité de soumettre chaque premier lundi du mois une série de requêtes sur le gouver- nement de la République au Petit Conseil, sans que ce dernier soit pour autant obligé d'y répondre ni même de motiver les raisons de son silence37. Dans la séance de novembre 1778, est soulevée la question des vagabonds et des patrouilles à organiser à leur encontre ainsi que le problème des logeurs qui ne respectent pas les règles établies. Les échanges de préoccupations qui s'opèrent entre le Tribunal du lieutenant et le Consistoire, dont est membre en général un auditeur en exercice, sont également exemplaires. Depuis janvier 1778, en effet, l'institution de discipline ecclésiastique débat sur le problème des étrangers qui logent en ville sans permission et qui sont doublement indésirables dès lors qu'ils sont catholiques. Mettant sur pied une commission appelée à rendre un mémoire sur cet objet, le Consistoire nomme, entre autres, l'auditeur Gallatin, vraisemblablement parce qu'il est magistrat de police38. En septembre 1778, après avoir fait enquêter les pasteurs de la ville, la Compagnie des pasteurs remet un rapport au Petit Conseil faisant état de 353 ouvriers ou domestiques catholiques et de 44 ménages catholiques résidants en ville sans permission 39. Révélé par la problématique des « gens sans aveu », le maillage du contrôle social est tissé par la multitude d'institutions de la République concernées, comme le prouve encore la lettre adressée au Tribunal du lieutenant par le syndic de la garde, commandant de la garnison. Le mémoire, en forme de réqui- sitoire, met « sous les yeux » des plus hautes sphères gouvernementales une série de mesures jugées nécessaires, articulées les unes aux autres. I..:écrit rend visible un programme de pratiques policières qui, du coup, affleure à la surface de la politique. Ainsi, le mémoire sur les« gens sans aveu» est le produit de cette double évolution, à la fois administrative et politique, et les propositions annuelles sur le « bien de la police» sont en quelque sorte la matrice« professionnelle» qui permet l'élaboration d'un programme de mesures, d'un dispositif de sûreté publique.

Un train de mesures disparates

Les dispositifs préconisés par les magistrats de police ne sont pas à détacher de l'objet réprimé : la lutte contre l'anonymat des populations migrantes conduit à une entreprise de divulgation dont le mémoire figure la première étape fondamentale. Après un préambule qui justifie institutionnellement

37. AEG, RR CC 2, p. 1-2.

38. AEG, Consistoire R 90, p. 231,8 janvier 1778; p. 345,3 décembre 1778; p. 368,25 février 1779.

39. AEG, RC 279, 17 novembre 1778, p. 539 annexe. Les chiffres som avancés a minima, puisqu'un quart des dizaines, sur la base desquelles est faite cette enquête, ne rend pas de rapport.

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la démarche du Tribunal du lieutenant où, rotation des charges oblige, celui qui commandait la garnison en novembre est maintenant« ancien syndic de la garde », vient l'exposé de la situation. Celle-ci est présentée à grands renforts de rhétorique alarmiste et généralisante pour mieux souligner le danger que font peser sur la République ces individus de l'ombre que sont les étrangers sans aveu. Les images que se donne la police semblent référer à des intentions bien réelles et rendent tangibles non seulement des repré- sentations du monde social, mais aussi le type de prise que l'action policière cherche à exercer sur la société. Si, dans le contexte de la police du monde du travail, « "contenir", c'est la grande métaphore de la mission policièré0 », il en est de même d'autres champs de l'action policière. À deux reprises, le mémoire genevois parle bien de mettre un « frein » aux pratiques sociales déviantes. De manière complémentaire à cette première image, le texte insiste surtout sur la métaphore du regard.

«Cet ordre de gens qui devrait être le plus sous l'œil du magistrat et des seigneurs commis est précisément celui qui l'est le moins par sa position mobile et changeante. Il n'est guère mieux sous l'œil de la Police qui distrait par d'autres occupations et accablé par le grand nombre de ces gens-là ne peut donner à tous, l'attention qu'elle donnerait à quelques-uns.>>

Dans la lutte contre une population croissante qui échappe aux contrôles et qui est suspectée des vols en tout genre, les mesures proposées consti- tuent une grammaire du visible - souhaitable - et de l'invisible - sujet d'inquiétudes. [arsenal des dispositifs de surveillance préconisés tend à faire de la ville une République transparente. Mais si, finalement, les solutions nombreuses proposées par les magistrats de police ne trouvent pas toutes les grâces du gouvernement, elles se révèlent, précisément du fait de leur fortune diverse, des points d'achoppement des enjeux institutionnels dont le réquisitoire du Tribunal du lieutenant est porteur.

«Sous l'œil de la police>>

Soulignant la fonction essentielle que les magistrats de police assignent aux dispositions légales, propres à armer leur légitimité et leur autorité, ceux-ci commencent par requérir dans leur mémoire deux publications de police, la première devant renouveler l'interdiction faite aux particuliers de loger des étrangers sans permission, la seconde obligeant les logeurs profes- sionnels à enregistrer leurs clients et aux vendeurs de vin à fermer leur cave à l'heure réglementaire. Les règles de police paraissent pour le lieutenant et les auditeurs d'autant plus facile à faire observer qu'elles ont été publiées de fraîche date. Depuis le début du XVIIIe siècle, une vingtaine de publications,

40. S. L. KAPLAN, « Réflexions sur la police du monde du travail, 1700-1815 •, Revue historique,

CCLXIII, 1979, p. 17-77.

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pour beaucoup imprimées, marquent l'interdiction de loger des étrangers sans permission du syndic de la garde ou des commis sur les quartiers41.

La dernière en date avant la rédaction du mémoire paraît en 177242. La deuxième publication exigée, qui cherche à faire des aubergistes et cabare- tiers des «auxiliaires naturels» de police43, réactive l'obligation de tenir des registres d'auberges44, l'usage des « bulettes » de logement étant ancien.

Plus loin dans leur réquisitoire, lieutenant et auditeurs glissent également le vœu que la circulation sans lumière après dix heures soit interdite par une publication.

Sur le versant des dispositions ostensibles, les « publications45 » occupent certainement une place à part puisque la publicité des dispositions de police est même l'une des conditions fondamentales pour les doter de force contrai- gnante : selon le jus naturaliste genevois Jean-Jacques Burlamaqui, il faut que les dispositions légales soient publiées« d'une manière solennelle, claire et distincte46 » pour que personne ne puisse en prétendre cause d'ignorance.

Publiées à son de trompe aux carrefours de la ville et de la banlieue, impri- mées et placardées, surtout s'il s'agit de dispositions concernant la sûreté publique (à partir de 1760, neuf publications sur dix en matière de sûreté publique sont imprimées), les ordonnances de police, parées de la« cérémo- nie » qui les divulgue, arment ostensiblement les différents pouvoirs de police pour la poursuite des désordres47. Aucune démonstration d'autorité n'est d'ailleurs négligée pour accroître au besoin la visibilité des ordon- nances et règlements de police et en augmenter, suppose-t-on, l'efficacité opératoire48. Les dispositions policières et les normes à respecter, avec les publications de police, se donnent à voir et à entendre dans l'espace public.

Les autorités y font en effet communication d'une situation de désordre, ou jugée comme telle, annoncent une série d'interdits ou d'obligations, sous la menace d'une sanction, et mandatent une ou plusieurs institutions. Plaçant le renouvellement des publications de police au premier rang des mesures jugées nécessaires pour lutter contre les étrangers indésirables, le Tribunal

41. Pour un répertoire des publications imprimées, voirE. RIVOIRE, Bibliographie historique de Genève au XV/If siècle, Genève, J. Jullien, 1897.

42. AEG, R. pub!. 6, p. 174,23 mars 1772.

43. V MILLIOT, « Réformer les polices urbaines au siècle des Lumières : le révélateur de la mobilité •, op. cit., p. 32.

44. AEG, RC Cop 229, p. 49, 16 janvier 1730.

45. Sous l'Ancien Régime genevois, ce terme désigne dans le vocabulaire administratif des acteurs de la police les ordonnances, défenses, édits, règlements de police, diffusés par criée ou par voie d'affichage.

46. ].-]. BURLAMAQUI, Principes du droit naturel, Genève, chez Barri !lot et fils, 1747, p. 118-119. 47. M. FOGEL, Les cérémonies de l'information dans la France du XVf au milieu du XVllf siècle, Paris,

Fayard, 1989.

48. Les publications plus importantes connaissent un double canal de diffusion, oral et écrit, mais sont aussi proclamées avec une solennité spécifique : il arrive que l'un des deux secrétaires d'État fasse en personne la criée, parfois même accompagné des auditeurs (BGE, SHAG, n• 39, Journal de Mallet-Patron, p. 322, 13 août 1773. Dans son journal personnel, l'auditeur Calandrini confirme cette pratique au début des années 1720 [Archives privées]).

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du lieutenant veut poser les bases d'une action répressive parée de toute la publicité légale nécessaire : dès que les publications seront promulguées, lieutenant et auditeurs promettent d'y tenir « virilement la main » et de redoubler de« vigilance».

En rupture avec les formes de patrouille traditionnellement en usage dans la République, les magistrats de police préconisent le déploiement de patrouilles nocturnes composées de militaires et d'huissiers du Tribunal du lieutenant. Ordinairement, la garnison est employée depuis la fin du

xvue

siècle pour patrouiller le long des fortifications et dans les princi- pales rues de la ville. Il est arrivé au cours du XVIIIe siècle que les milices bourgeoises, qui ne jouent au quotidien qu'un rôle civique, soient réuti- lisées pour des patrouilles nocturnes en cas d'alarme extraordinaire ou de troubles politiques. D'ailleurs, au cas où les vols nocturnes continueraient, lieutenant et auditeurs, dans leur mémoire, envisagent de faire effectuer des rondes aux milices bourgeoises. Cumulant les avantages du nombre et l'intime connaissance de la ville, les patrouilles mixtes brisent égale- ment l'étanchéité institutionnelle en vigueur entre garnison et Tribunal du lieutenant. La garnison, en effet, échappe au contrôle du Conseil général, les capitaines de la garnison étant nommés au Conseil de Deux-Cents. Elle est composée, jusqu'en 1782, de 720 hommes qui, pour la plupart, surtout les soldats, sont étrangers. Au contraire, le Tribunal du lieutenant dépend du Conseil général, qui élit les magistrats de police, et les huissiers sont censés avoir obtenu leur lettre d'habitation 49 . Seul le personnel subalterne des deux institutions est affecté à cette surveillance active : la garnison fournit des hommes de main, disponibles en quantité, soumis au serment de fidélité à l'État; le Tribunal de police procure des hommes qui ont, d'après le mémoire, « l'intelligence » du terrain et« la prudence,, néces- saire pour conduire les patrouilles. Ce croisement institutionnel ne va pas sans poser des problèmes d'identité, voire d'identification, des patrouilleurs et les magistrats sont attentifs à prévoir un jeu de signes adéquat. Nulle nouveauté à ce que les patrouilles suivent chaque jour des itinéraires diffé- rents et à des moments différents. En revanche, si les huissiers sont vêtus de leur manteau officiel, les soldats sont rendus méconnaissables en tant que militaires, puisqu'ils sont dépouillés de leur armement et qu'ils doivent cacher leur uniforme sous une redingote d'habit bourgeois. Leur autorité leur est en revanche conférée par une bandoulière.

Visant à accroître le contrôle social, les magistrats surenchérissent dans la reconfiguration des espaces policiers avec la demande de faire contrô- ler la ville à partir du quadrillage des dizaines. L'institution remonte à la commune médiévale : ville et proche banlieue sont subdivisées en dizaines, à la tête desquelles se trouvent un membre du Petit Conseil, qui prend le

49. C'est en rour cas le vœu que font les magisrrars de police: AEG, Jur. Pén. 12 9, p. 52, 14 mai 1755.

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titre de Seigneur commis sur la dizaine, secondé par un substitut tiré du Conseil des Deux-Cents. Dans chacune de la vingtaine de dizaines que compte le périmètre urbain, un pasteur, un dizenier et un sous-dizenier représentent une sorte de « relais » des autorités au cœur du tissu social des quartiers pour tout ce qui touche à la religion, aux mœurs et à la tranquillité publique 5°. Les dizeniers ont notamment la charge de recenser les personnes domiciliées dans leur quartier, de quoi découlent des fonctions sur la police des étrangers ou sur l'assistance publique 51L'appel des magistrats de police pour un meilleur maillage du tissu urbain se fonde sur un principe simple :

«Dans une grande ville, l'inspection générale ne se fait jamais bien et[ ... ] il faut diviser les départements pour mieux veiller sur tous. >> C'est donc à une division plus fine de la ville que le Tribunal du lieutenant adhère. Voulant revivifier une institution peu exploitée, selon les magistrats de police, ceux-ci voudraient donner de la considération sociale au dizenier, par exemple en lui donnant un meilleur « rang dans les cérémonies publiques ». Mais la requête la plus hardie et la plus marquée par l'ambition de « tout rendre visible,,, selon la formule de M. Foucault52, consiste à créer dans chaque dizaine un« tribunal d'inspection>> auquel se joindrait un auditeur. Et pour accroître l'efficacité du contrôle social, chaque dizaine aurait son registre des délinquants déférés devant ce« tribunal d'inspection». La proposition n'est pas développée dans le détail, mais les bénéfices espérés sont explicites.

Grâce à ces registres et aux croisements qu'ils permettraient de réaliser, « une personne une fois notée ne pourrait se cacher>>. L'espoir des magistrats est d'arriver à ce que « tous les individus de la République [soient] connus>>, que« la ville entière [soit] sous l'obéissance du Gouvernement et sous le frein de la Police >>.

Des enjeux de position

Dans la batterie de mesures qu'envisage le Tribunal du lieutenant, certaines masquent à peine la volonté des magistrats d'obtenir des préroga- tives nouvelles. C'est ainsi qu'il est revendiqué pour les auditeurs la possibilité d'expulser sommairement les étrangers entrés sans permission en ville et qu'ils trouveraient dans les rues. Justifiée par la« promptitude dans l'exécution>>, une telle disposition est surtout de nature à accroître l'envergure judiciaire et symbolique des auditeurs. Plutôt que de procéder à un rapport pour chaque personne arrêtée et d'en référer à l'autorité de l'un des quatre syndics, les

50. B. ROTH-LOCHNER, De la banche à l'étude. Le notariat genevois sous l'Ancien Régime, Genève, Société d'histoire er d'archéologie, 1997, p. 504.

51. E. RIVOIRE (éd.), Sources du droit du Canton de Genève, Il, Aarau, Sauerlander, 1930, p. 549; Edits de la République tk Genève, 1707; AEG, RC 1721, 18 avril 1721; AEG, RC Cop. 290, p. 448-449, Règlement sur les fonctions et le nombre tks spectables pasteurs, approuvé au Magnifique Comeil des Deux-Cents le 19 mai 1786.

52. M. FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance tk la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 248-249.

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auditeurs revendiquent la possibilité de pratiquer des expulsions immédiates de leur propre autorité. Par ailleurs, en confirmant l'utilité des patrouilles nocturnes auxquelles sont associés les huissiers du Tribunal du lieutenant, ce dernier ne manque pas l'occasion de revendiquer l'augmentation du personnel subalterne. Cette exigence se comprend d'ailleurs dans l' autono- mie d'action plus grande qui est attribuée aux huissiers puisque quelques semaines avant de rendre leur réquisitoire, lieutenant et auditeurs décident de manière inédite de fixer des jours et des lieux de surveillance à chacun des subalternes du Tribunal, en rupture avec les conceptions traditionnelles qui en faisaient essentiellement des suiveurs des magistrats de police 53_

Si les fonctions de surveillance et de police « active » sont nettement valorisées par les magistrats de police, leur propre position dans le projet de quadrillage policier est beaucoup moins nette. Attentif aux enjeux de prestige, le Tribunal du lieutenant cherche à délimiter et à faire avaliser ce qu'il estime lui devoir revenir, en termes de prérogatives et de légiti- mité d'action, mais ne souhaite pas s'impliquer spécifiquement dans la surveillance des populations migrantes. Contrairement aux patrouilles diurnes qu'ils envisagent de réaliser, du moment qu'ils obtiennent le droit de justice expéditive, les auditeurs ne promettent pas de s'engager dans les patrouilles nocturnes. De plus, en promouvant la surveillance de la population étrangère à partir des dizaines, dont le personnel dépend du Petit Conseil, le Tribunal du lieutenant se déleste autant que possible du problème. Il est en tout cas révélateur que la division par quartier qui structure les fonctions au sein du Tribunal du lieutenant ne soit nullement

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evoquee . ourtant, c aque annee, es au 1teurs se 1stn uent par or re d'ancienneté et, suivant le résultat de leur élection, six quartiers de la ville (un pour chaque auditeur) ainsi que les objets de police de leur compétence qui, en général, vont de pair avec le rang des magistrats (marchés, bouche- ries, moulins, charbon, fripiers, etc.) 55. Passant sous silence, la division de la ville en quartiers d'auditeurs, le mémoire évite scrupuleusement d'abor-

~er tout sujet qui pourrait engager l'institution du Tribunal du lieutenant.

Evoquant en revanche l'augmentation de la population de la ville, signalant que « les affaires de police se sont multipliées » et que « les procédures civiles et criminelles se sont accrues et compliquées », lieutenant et auditeurs ne craignent pas l'àmbiguïté de leur diagnostic dès lors qu'ils ne réclament qu'une augmentation des huissiers, sans dire mot de leurs propres effectifs qui n'ont pas changé depuis 1568.

53. AEG, ]ur. Pén. !2 11, p. 345, 25 décembre 1778.

54. Quelques années plus tard pourtant, le Tribunal du lieutenant utilise précisément les quartiers d'auditeurs pour veiller« d'une manière plus exacte sur les étrangers qui ne se bornem pas à passer [en] ville» (AEG, ]ur. Pén. I2 12, p. 256, 8 avril 1786).

55. M. CICCHINI, « Être magistrat de police en République, ou apprendre à gouverner. I.:exemple de Genève au XVIII' siècle>>, dans J .-M. BERLIÈRE et a/ii, Métiers de police. Être policier en Europe, XV! If·

XX' siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 45-59.

LA REPUBLIQUE TRANSPARENTE'

Silence volontaire ou inconscient institutionnel des magistrats de police pour qui toute réforme institutionnelle est impensable, il demeure que le mémoire rend ainsi tangibles les possibilités limitées de réforme du Tribunal du lieutenant. Affleurent aussi les limites de compétences des auditeurs et du lieutenant qui dépendent du Petit Conseil pour chacune des dispositions envisagées, qu'elles soient nouvelles ou qu'il faille les renouveler. Pour être plus précis, c'est surtout un cadre d'intervention qui est réclamé et qui, une fois circonscrit, autoriserait l'action des magistrats de police : si des indivi- dus échappent aux dispositifs prévus par les publications de police, alors, proclament auditeurs et lieutenant, « ce sera surtout à nous à y veiller». Ce n'est qu'exceptionnellement que le Tribunal de police requiert l'intervention directe du gouvernement, comme dans le cas de la veuve Rendu, logeuse en perpétuelle contravention que les sanctions de police n'ont pu corriger («cent fois coupable, cent fois punie, et toujours incorrigible; censures, amendes, prison, rien n'opère »)56.

Reçu par le Petit Conseil dès le 23 janvier 1779, le « Réquisitoire » du Tribunal du lieutenant y est véritablement discuté en mars et en avril. Dès sa réception au sein du gouvernement, il fait l'objet d'un examen attentif de la part des conseillers d'État qui recomposent son contenu en une série de mesures distinctement énumérées. Peu porté aux réformes institutionnelles, le Petit Conseil tempère largement les projets de surveillance accrue prônée par ceux qui en ont la responsabilité. Il fait connaître ses décisions au lieute- nant et aux auditeurs par extrait de registres le 19 mai de la même année 57.

La seule mesure entièrement adoptée est la publication le 10 mai 1779 d'une ordonnance de police sur le logement des étrangers. Au carrefour d'une série de prescriptions élaborées par les magistrats de police au sein du Tribunal du lieutenant, sur la base de leur pratique et des dispositions anciennes, cette publication cumule les interdictions faites aux particuliers de loger sans permission et réglemente le logement professionnel. Si les principes généraux sur les modalités d'hébergement des étrangers ne sont pas nouveaux, les modes de catégorisation des '' gens sans aveu » sont affinés et le spectre des interdictions s'étend. Linterdiction de loger des étrangers sans permission est expressément étendue, comme le demandaient les magistrats de police, à ceux qui possèdent, pour pratiquer leurs métiers, des abris de fortune (grange, barques, etc.). Une autre mesure inédite est également prise à l'égard des non-protestants. Mettant fin à l'implicite jamais officiellement admis, la publication aborde de front les conditions d'hébergement en ville des catho- liques et donne prise à la situation réelle des flux migratoires. La première

« victime » du durcissement répressif concernant le logement professionnel

56. Cette logeuse est effectivement condamnée par le Tribunal du lieutenant aux prisons er à l'amende dans les années précédentes (AEG, Jur. Pén. 12 11, p. 166,21 janvier 1774; p. 233,30 décembre 1775).

57. AEG, )ur. Pén. 12 11, p. 360, 19 mai 1779.

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MARCO CICCHINI

est la fameuse veuve Rendu, mais contrairement aux attentes des magistrats de police, l'autorité du Petit Conseil n'a pas plus de succès pour l'empêcher de récidiver 58. En l'absence d'autres poursuites judiciaires, il paraît plus que probable que les contraventions des professionnels de l'hébergement ne se traduisent généralement pas par une médiation judiciaire, même après l' édic- tion de l'ordonnance de mai 1779. C'est tout le contraire qui se produit avec les particuliers, puisque pour les seules années 1780-1782, le Tribunal du lieutenant prononce 52 condamnations pour le logement non autorisé d'étrangers, et plus d'un tiers de ces derniers sont catholiques59.

Deux autres mesures sont adoptées, mais de manière moins franche et surtout moins manifeste. La continuation des patrouilles mixtes « extra- ordinaires » est laissée à l'appréciation du syndic de la garde et du lieute- nant qui doivent s'entendre sur ce point. Le mémoire pose en revanche les jalons d'une pratique qui est réactivée sous une forme hybride, mi-huissiers, mi-particuliers, dès 178560. Par ailleurs, au lieu de l'augmentation de quatre huissiers que les magistrats de police revendiquaient, le Petit Conseil n'en accorde que deux. Quant aux autres propositions, elles sont toutes rejetées : soit elles sont jugées inutiles, soit elles relèvent de changements institution- nels importants (comme les expulsions sommaires par les auditeurs et l'ins- titution de tribunaux de quartier) qui requièrent la révision des lois fonda- mentales de la République. :Linterdiction de circuler après dix heures sans lumières, qui n'a plus été édictée depuis les tensions sociopolitiques de l'été 173761 , est eg ement reJetee comme etant trop contraignante. oupesant ' al . ' ' .

s

les intérêts particuliers liés à la sociabilité vespérale, d'un côté, et, d'un autre côté, les exigences de surveillance formulées par le lieutenant et les auditeurs, les édiles font momentanément le choix de la liberté nocturné2.

Par conséquent, hormis la publication de police, qui octroie un surplus d'autorité aux magistrats de police dans la répression du logement des étran- gers, c'est la voie de la surveillance par le personnel subalterne « profession- nel », dûment salarié, que privilégie le gouvernement parmi les multiples solutions préconisées par le Tribunal du lieutenant. De réformes institution- nelles, il n'est pas question. Mais le recours à un ordre urbain aux mains de notables de quartiers (seigneurs commis sur les dizaines, pasteurs, dizeniers) n'est à l'évidence pas non plus à l'ordre du jour.

58. La veuve Rendu est encore poursuivie courant 1779 et 1780, alors qu'elle a reçu l'ordre du Petit Conseil de cesser roure activité d'hébergement (AEG, Jur. Pén. 12 11, p. 362, 8 juin 1779; p. 377, 19 novembre 1779; p. 390,4 mars 1780).

59. Jur. Pén. 12 11.

60. AEG, Militaire A3, p. 180, 9 décembre 1785; Jur. Pén. 12 11, p. 321, 5 décembre 1786; Jur Pén.

12 12, p. 148,8 novembre 1788; RC 292, annexe p. 1046, 17 décembre 1788.

61. AEG, R. pub!. 5, p. 132, 15 juillet 1737.

62. Les troubles politiques, moins de deux ans plus tard, changent la donne. La publication du 5 janvier 1781 intervient au lendemain d'une journée de tensions sociopolitiques qui voient la mort d'un natif(AEG, R. pub!. 6, p. 254). Dans les années 1780, les publications interdisant la déambulation nocturne sans lumière seront régulièrement édictées.

LA REPUBLIQUE TRANSPARENTE?

Sensibilités diffuses, institutions figées

Ce réquisitoire est révélateur, autant par ce qu'il dit que par ce qu'il tait, des manières de penser une réforme des institutions de police à Genève sous l'Ancien Régime. Il est symptomatique d'un État qui, pourtant confronté à un problème d'une dimension inédite, ne trouve de solutions que par petites touches. Si la tradition républicaine est en apparence préservée, il n'empêche que le déploiement de patrouilles mixtes relève bien peu de l'orthodoxie institutionnelle (une barrière sociale, politique et symbolique distingue la garnison du Tribunal du lieutenant) et que les fonctions de police actives émergent, certes à petites doses, mais formellement. Cette tendance est d'autant plus notable que c'est plutôt la paralysie institutionnelle, entérinée par la tradition et partagée, voire ratifiée, par chaque nouvelle génération de gouvernants, qui domine dans l'administration genevoise. Cet immobilisme institutionnel contraste avec les mutations progressives, au

xvme

siècle, de la structure économique de la ville et de ses environs, des pratiques de consommations, des sociabilités, des flux migratoires, et doit certainement se lire comme une idéalisation, volontaire ou involontaire, des structures républicaines voulues inaltérables.

Rendre la ville aussi lisible que possible est une des ambitions réforma- trices des Lumières que les « professionnels » de la police ou les littérateurs ont cherchées à préparer de leur plume. La réception bienveillante de ces textes auprès des autorités et la réalisation concrète des dispositions proje- tées n'est nulle part assurée. :Lapplication concrète des mesures de police dépend des contextes locaux et des enjeux de pouvoir que les mémoires policiers expriment souvent par la bande, mais demeure le sentiment diffus que les institutions étatiques doivent pourvoir à la surveillance des déraci- nés. Le« réquisitoire» genevois, tout rempli de pragmatisme professionnel, fait écho à l'utopie policière qu'est la Réformation de la police de France de Guillauté, texte daté de 1749, resté longtemps manuscrit63. S'y retrouvent une même sensibilité au quadrillage de l'espace urbain par quartiers, une volonté similaire de traquer la mobilité par des registres et de faire porter de la lumière la nuit, une aspiration partagée à pouvoir identifier tous les individus. Les jeux de regards mis en exergue par les mémoires policiers sont sans aucun doute les indices d'une sensibilité et d'une exigence plus marquées pour le contrôle de l'espace social, auquel doit contribuer une surveillance désormais institutionnalisée. Trace de ces exigences nouvelles, l'écrit est dès lors aussi le lieu d'expression d'une culture institutionnelle en gestation. En même temps que le mémoire policier donne à voir des dispositifs de contrôle, il dévoile également des enjeux de position des magistrats de police à travers ses conditions de production et la réception

63. ]. SEZNEC (éd.), Mémoire sur la réformation de la police de France, soumis au roi par M. Guillauté en 1749, Paris, Hermann, 1974.

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