LE
ROI DE PIQUE,
COMÉDIE,
EN UN ACTE ET EN VERS,
Par G. A. P....
RepréfentéeàParis,au Théâtredes jeunesArtiftes.
A PARIS,
Chez
P
ER N
iER
, Libraire, rue de la Harpe, N*, 188,
vis-à-viscelleSéverin.
An VII.
Arçaivçs
.Ai'cJiicf ^J RUSSEL
NOMS DES PERSONNAGES.
O RGÔN
,Roi
de Pique ou David.M
me.ORGON
, Pallas ou laDame
dePique.ROSALIE,
RacheïoulaD
me.de Carreau,AGLAÉ,
Argineou
laD
me. deTrèfle, >fillesd'Orgcn.
JULIE,
Judith ou laD™.
defCœur,
Le
ColonelD O R VA L
,Roi
de Carreau ou Céfar, '
Le
CapitaineDORVAL,
t>^; Ar,T*aan ai i ) touslestrois frères.
Koi
de 1renéokAlexandre,/
JLe
PréfidentD O RV A L
,Roi
de
Cœur
o«Charlemagne
,
CHAMPAGNE
,Hector
ou leValet deCarreau.L A P
IE R RE
, Valet de Trèfle.LA BRIE, Hogier
ouleValet de Pique.LA FLEUR
,La Hire
ou le Valet deCœur.
La
Scène ejl dans un château d'Orgon.LE ROI DE PIQUE, COMÉDIE.
flore
ENE PREMIERE.
£, LA FLEUR, CHAMPAGNE, LA PIERRE.
La Fleur.
{Lestroisautres Valets9enentrantfurlafcène avec lui7 ferontdes éclatsderireàfesdépens.)
\^j'eS
T
allezplaifanter dema métamorphofe
:Au moins, quand
jem'y
fuisprêté,
Dois-je favoirle but qu'on fe propofe.. . . (Lesautresnenfont queriredavantage.
)
Eh
bien qu'avez-vous projette.. . .Riez, • . Bonjour.. .
(Ilfaitminedefortir. LaPierrete retient.)
La Pierre.
Un
mot.. ."IaFleu
r.Ilfautvous expliquer*
La Brie.
Plus tu te fâcheras, plus tu
nous
ferasrire. . . ,Laifle-là ton
humeur
, &c que peux-tu rifquer ,En
te chargeantdu
rôle deLa
Hire?.. .(//lesdéjigneenlesnommant.
) Si
Champagne
eftHe&or,
fimoi
je fuisHogier*
A
x(4)
Sid'Alexandre enfin
La
Pierreeftl'écuyer;De La
HireLa
Fleur ne peut pas fe dédire.La Fleur.
Je confens à tout\ maisjeveux favoirpourquoi.
La Brie.
Veux-tu rendre fervice à ton maître?
La Fleur.
Qui? moi?
. .Sans doute.
La Brie.
N'a-t-il pas des delfeins fur Julie? . .
La Fleur.
Il faudroitl'enterrer3 s'il ne fépoufoit pas.
-
Son amour
tientde la folie.Ce
font, àchaqueinftant, desfoupirs, deshélas!...Ilétoittemps qu'unefentence
Terminât
fon procès.Champagn
e.Eh
bien , l'a-t-il gagné*La Fleur.
Un
Préfident qui plaide en eft bien fur d'avance;Mais
ill'auroitabandonné
Plutôt que d'être encore éloigné de fa belle.
La Brie.
Quoiqu'elle foit pluscalme> elle eft auftî fidelle.
La Fleur.
Fortbien-, mais il faudroit que l'inflexible
Orgon, Son
très-honoré père, entenditlaraifonEt
feprêtât àl'hymen deJulie., Quelle eft cette bizarrerie
De
refufer le Préfident,
Quand
deux fœurs deJulie en époufentlesfrères ? Il eftd'Orvalcomme
eux,comme
eux très-opulent;Ils font, il eft vrai, militaires.
La Brie.
Et moins
pédans que lui.La Fleur.
Pédant ou non
, il plaîtj Il eft aimé.La Brie.
Soit.. . .
Mais Orgon
le hait; Partant, la chofeàpréfent importante3 Eft que notrevieillard à fonhymen
confente.La Fleur.
Quel
rapport ce déguifement Peut-il avoir à fon confentement}La Pierre.
Voilà ce qu'ilfautqu'on t'explique.
Orgon. ...
Les deux autres (enfemble aveclui).
Croit
fermement
être leRoi
de Piqu£.La Fleur.
Le Roi
dePique
i .. .Champagne.
Au
point,qu'unmiracle aujourd'huiNe
leguériroitpas d'unetelle chimère.La Fleur.
Mais
que diable ! . . .Tous enfemble*
Il le croitj oui., oui.
A3
La Fleur.
L'extravagance eft par trop fingulière.
La Brie,
A
l'entendre,on
diroitque quand on
devientfou%On
choifît librement Ton genre dedémence
;Mais
qu'on fecroye alorsBaleineou Loup-garou,
Souverain deMaroc
, de Piqueou
deBHance
>En
eft-onpour
celaplusou moins
infenfélu . •D'ailleurs^ dece délireil étoitmenacé.
D'un
héros de théâtre affectantle langage>Ils'en croyoit, dès-lors> prefque le perfonnage.
La Fleur.
Depuis
lepeu
de temps que nous l'avons laiffé ,Quel
effet allezprompt
détermina lacrife? . . .La Brie.
Quoique
par cara&ère il ne foit pas joueuryUn
pharaon le tente;&
voilà qu'il s'avifeD'y
prendre goût;du
fortilcroit que la faveur Eft exclufivement fixée auPvoi de Pique.Il yponte\ il yperd-, 8c plus ilaperdu
,
Plusil s'attacheencoreà cette carte unique.
Si le jeu, par
bonheur
>rieût étéfufpendu >Il s'enfiloit jufqu'au dernier
éçm
A
cette féance orageufeLa
nuit qui fuccédafutune
nuit affreufej Mille réflexions l'accablèrent alors>La
frénéfie exprimefes tranfports>Et
, bientôt agité d'une fièvre cruelle*Le phantome
royal affeda façeçwUe
Au
point quç de l'accès une fois, dégagé5(?)
Son
bon-fens tout-à-fait en eft déménagé.Ilfecroit
donc David
,8cveutun Roi pour
gendre.Les
deuxautresDorval
, aveuglément fournis,
Déjà
de Céfar> d'AlexandreOnt
pris lenom &
les habits.Reftedonc
Charlemagne
:or,pour peu
que tonmaîtreAime
en effetJulie, il le feraconnoître,
En
s'annonçant icicomme
leRoi
deCœur.
La Fleur.
UnPréfidenti.
..La Brie.
D'Orgon
ildoitflatterl'erreur, S'il veuten faire l'allianceSa
femme même
L A F L E U
R.Eh
bien? . ..
La Brie.
Cède
à la circonftance:Quand
elle a fu Fétatd'Orgon
Elleeftvite accourue.
La Fleur.
Après
dixans d'abfence: . .ttEt
d'oùlui vient ce retour de raifon? . . .La Brie.
L'intérêt eft l'objet qui feul la détermine*
La Fleur.
PatiTe-, car ce n'eft pas , àce quej'imagine, L'emprefTement qu'elle a
pour
fon époux.La Brie,
Oh
non...»A 4
( 8 )
Quoi
qu'ilen fôit> la voilàrevenue... »La Fleur.
Et
fort malaccueillie?La Brie.
Orgon
ne Ta pas vue,
Et même
ne veut pas en entendre parler.Dès
qu'une foisy dit-il, il adû
l'exiler ,Qu'il a prononcé le divorce\
L'exil doit> fans appel5 fubfifter dans fa force.
Il eft3fur ce point-là5 d'autant plus entêté,
Qu'ilveut
une
autrefemme
: il adonc
arrêté D'épouferLa Fleur.
Qui
?La Brie.
Pallas...
Oui
>laDame
dePique»La Fleur.
Le
projeteftétrange autantqu'il eftcomique.La Brie.
Ce
n'eftpas tout:jeveux quefafemme
aujourd'hui>Pour
la féconde fois, fe marieaveclui.Ses filles 3 leurs
amans
> chacun de nous l'engageA
faire dePallas l'augufte perfonnage.Ses filles, deJudith^ d'Argine
&
de'Rachel>Ont
déjà les illuftresmarques
;Et
ton maîtreeft lefeulyde nosquatreMonarques
>Le
feul àcouronner-y fi fonamour
eft telQue La
Fleur a voulu le peindre>H
ne doit pas héfiterun
inftant.(
9)
La Fleur.
Songe donc
qu'il eft Président.La Brie.
Mais
qu'il fongepour
lui qu'unrefus eftà craindre.Siy
même en
fonbon-fens,Orgon
l'eût renvoyé:A
préfent qu'il a dans la têteQu'au
fang des Rois le fien foit allié;A
foncaprice, ici , lorfque chacunfeprête;S'y refufer feroit plus fou quelui.
Ton
maître,là-defïusj doitprendre fonparti.Toi, comme Ambaftadeur
plénipotentiaire>Tu
viendrasdefa part.La Fleur.
Il feroitnéceflaire Qu'il entendîtraifon,
La Brie.
Il faut le décider
La Fleur.
Je doute qu'on parvienne à leperfuader.
La Brie.
Il eftperdu s'il délibère'.
Julie en auroit de l'humeur.
La
belle3 en luidonnant
foncœur
,A
confervé fon cara&ère.La Fleur.
Elle eft3 je le fais, décidée.
La Brie.
Dans
lacrainte de lui déplaire%Ton
maître n'héfitera pas»(
io)
La F l e u
r.PourPinftruiredetout,jevolefur Ces pas, (IIfort.)
LA P
IE R
RE. (En f
uivantLa
Fleur.) JEtnous,Champagne,
allons l'annoncerà fes frèresl( // fort avecChampagne. )
SCÈNE IL
LA BRIE
(fcul).1 A R
exemple , avec eux, parlez-moi de traiter,On
peut dilcourir, difeuter: .D'un
platorgueil ils n'ont pas les chimères;Et
fur leurs intérêts ils entendent raifon.SCÈNE
I IL
M-. O'RGON, LA BRIE- La Brie.
(Avantque
M
me. Orgonfoit tout-à-faitavancée.)v_/eS
T
elle-même...Oui
,c'eftMadame Orgon,
Enfin, notrevieille coquette,
En
habitde Pallas a changé fa toilette.Le
plaifantperfonnage!M
me.Orgon.
Eh
bien,me
voilàdonc
Dame
dePique
? . * .La Brie.
A
syméprendre
\En
honneur,on
croïroit quela nature exprès^( II )
De
cette Majefté vous a tranfmis les traits.M
me.Orgon.
A
ce fotcompliment
je n'ai pasdû
m'attendre*Sur-tout de la part d'un Laquais,
Pour un
rien jerenonçeroisA
cettemafçarade.La Brie.
A
vous libre,Madame.
M
me,Orgon.
A
quel propos elle expofeune femme
! ....
La Brie
{très-rapidement).J'yconfens; fâchez-vous:que
me
fait,s'ilvousplaît%Que
vous foyez,ou non. Dame
dePique?
[1 ne s'agit ici que de votre intérêt ;
Du moyen
d'augmenter la penfionmodique
Où
votreépoux
vous réduifoit . . ._,e Notaire avec nous volontiers s'y prêtoit ;
3e
tous vos biens enfin vous repreniez l'ufageM
me.Orgon.
a
y
compte
bien encor. 'La Brïe
( ne donnantprefquepasletempsà
M
me. Orgondéparier).Par-là vous alîuriez
De
vos enfans le triple mariage.M
me.Orgon.
[>uipeuty mettreobftacle?
La Brie.
En
vainvousvoudriez, ans cemoyen
,d'Orgon
obtenir le fuffrage; it nos
amans
ailleurs n'auront qu'à fe pourvoir*VILLE DE BRUXELLES
-STAD BRUSSEL
-Archives
-Archief
( I*.)
Si d'époufer Pallas votre
époux
perd l'efpoir.A
la repréfenter vous étiez décidée. . . .Vous
changez maintenant d'idée*M
rae.Orgon.
Quel
bavardéternel!. . .La Brie.
Les
frais enfont tousfaits,. .Le
fuccèsy j'en fuis sûr, eût rempli votre attente..Vous nelevoulezplusy tantpis.. .
M
me.Orgon.
Jeleveux; mais
Je
ne faurois fouffirirqu un
valetme
plaifante^ Jufqu'àme
rire au nez.La Brie.
Ne
vous y trompez pas.Ce
rireuniquement
s'adreiïbit à Pallas.Quant
àmadame Orgon
, fon ferviteurLa
BrieN'oferoit hafarder
une
plaifancerieD'un
fourîie pourtant3 foyez debonne
-foi,Souvent
vous n'êtes pas plus maîtrefle que moi.M
me.Orgon.
Sans doute> y réfifter
me
paroît difficileQuoi
qu'il en foit, fene
fuis pas tranquille.Non
y le penchantd'Orgon
àme
haïr,
Me
fait appréhenderun
fâcheux fouvenir.....
S'il
me
reconnoiiïoit !.. .La Brie.
Oh
!non
j l'antipathie N'ira pas jufque-là*( 15 )
M
m% Orgon,
Tu
crois?La Brie.
Certes, je crois
Que
votreépoux
; dans fa folie ,Vous
donnera lamain pour
la féconde fois.M
rae.Orgon,
Le
tour fera plaifant.La Brie.
Sachez qu'avec adreiïe J'ai tellement difpofé fon cerveau,
Que
déjà de foncœur
vous êtes la maicrefïe :J'ai peint votre vifage
&
iî frais&
fi beau,Que
de vingt ans> aumoins
,jevous airajeunie..I Il en eft enchanté ! ....
M
me.Orgon.
'S'il eft ainfi,
La
Brie,(LaBrie témoigneparlapantomimeleridiculede
M
me.Orgon}•L'infenfe va
me
croire à peine àmon
printemps.L A B R IL
Je vais vous annoncer ;
&
de fesvœux
prefTans Satisfaire l'impatience. (Ilfort).SCÈNE IV.
M™. ORGON
(feule).xH OU
svoilàdonc
bientôt touslesdeux enpréfçnce.Si de Pallas le coftume
emprunté
En
impofe , en effet , à fa crédulité >Profitons de la circonstance :
(
14)
Flattons-le
du bonheur
de former ces liens.S'il peut en.avoirrefpérance >
Je me
verrai bientôt maîtreflfe de (es*biens.De mes
filles auffi qu'il figne l'hyménée,
Et mes vœux
font remplis. Si je fuis dédaignée,
J'aidequoi
me
venger...Quel
bruit!...quelappareil!SCÈNE V.
M"*. ORGON, LA BRIE,
ORGON
(avecfafuite).La Brie.
JLe Roi
y meilleurs>leRoi....Orgon,
J'ailaiffé
mon
Confeil,
Princelïe >
quand
j'ai fu que Pallas elle-même ,Sans cérémonial, oubliant fa grandeur,.
S'annonçcitdans
ma
Cour...•Je vousvois,jevous aime. ...Le
portraitqu'onm'a faitn'eftni faux, niflatteur', Il reffemble à celui que s'en faifoitmon
cœur.Et du
premiermoment
, jefensce trouble extrême,Du
pouvoirde l'amourcharmantavant -coureur.Je
vais.... Eft-ildu
ciel faveur plus authentique!Je
vais mettre à vos pieds la couronne de Pique.M
me.Orgon.
Pardon
, fî je frémis d'en partager l'honneur;Mais
j'aifu qu'autrefois, pleinde lamême
ardeur,On
vouscrut quelque temps desépoux
le modèle,Tandis
qu'à votre époufe à préfent infidèle;Vous
la répudiez....Orgon,
Une
raifon d'EtatM'y
force malgrémoi Je
dois avec éclat.;Soutenir
ma couronne
:&
parune
alliance %De
ce rang élevé maintenir la puiflance.Ces
liens fi defirés, aiïurantmon bonheur
,'De
toute inquiétude affranchirontmon
cœur.M
me.Orgon.
A
vos premiers fermens vous fûtespeu
fidèle.Orgon.
Epargnez-moi , princefle,
un
reproche odieux.M
me.Orgon.
J'ai fu que dans vos goûts fouvent capricieux
,
Votre
cœur
s'embrafoit à lamoindre
étincelle.O R G O
N.Pour me
jutëifier jen
ai qu'à direun
mot.Celle que vous plaignez > bizarre , impérieufe >
Fut
coquette à l'excès > ôc fortpeu
fcrupuleufe.Voulois-je lui prouver fes torts ? j'étois
un
fot;Et
déjà fa fureur m'avoit fermé la bouche.Cette
femme
> enun mot
, qui partageama
couche,Tenoit
le jour d'un bourgeois parvenu ;Et moi
,^dès-lors ,madame,
en fecret prévenu ,Par
le preflentiment dema
grandeur future ,Que
le ciel m'affuroit le pouvoir abfolu 3D'un
indigne mépris je dévorois l'injurey
Mais
j'en fuis bien vengé.(
16)
La Brie.
( appercevant ungcftemenaçantde
M
mt% Orgon)#Prenez gard,e.
M
me.Orgon (à La
Brie ).Jeveux
Qu'on
le faife interdire....
La Brie.
Adieu
les mariages,Orgon.
Que
vois-je 1Et
quels {ombres nuagesOnt
tout-à-coup obfcurci vos beaux yeux ?La Brie.
Y
osbeaux yeux!...Ah
! cemot
réparetout.Orgon.
Princefle,
Vous
rnallarmez> qui peutcaufer votretrifteflfe?M
me.Orgon.
Vous.
La Brie,
N'en
déplaife à votre Majefté»Ce
portrait...
Orgon.
Eft la vérité.
La Brie.
Fort
bien-, mais elle eftun peu
dure.Et
fimadame
va conclureQue
vous êtes fâcheux > difficile 3 jaloux \Cela ne prévient pas en faveur d'un époux.
Orgon.
De
cettefemme
à vous voyezdonc
la diftance!Et,
(17)
Et
y grâce au rang dont je fuis décoré,
Voyez
aufli la différenceDe
cetépoux
régénéréPar
la fplendeurdu
diadème.Les
dignités élèvent notrecœur
;.
Et
croyez , lorfque jevous
aime ,Que mon amour
fe fent dema
grandeur,M
me.O R G O
N.Sa
grandeur!.. . de pitié malgrémoi me
fait rire.O r go
isr.Ce
rire,ma
princefle y embellit vos appas;Ceft un
préfage heureuxpour
l'hymenoù
j'afpire.Je
vais donnerune
heure aux foins demes
états%Et
le reftedu
jour fera tout à Pallas.(
M
m£.Orgonfort. Orgons'appercevantqu'elletfifeule)9Gardes,fuivez-la
donc
\jeveux qu on
l'accompagne.{Ellefort).
SCÈNE VI.
LA BRIE, ORGON
{avec fafuite).La Brie.
1 ERMETTEZ qu un moment
je fixe ici vospas.O R G O
N.De
quoi s'agit-il ?La Brie.
Charlemagne
,
Enfin fécondant vos fouhaits
,
A
l'iiiftant que j'en parle eft dans votre palais,
Très-emprefïé de voir votre augufte perfonne.
B
( 18 )
<
O R G O N
( monte furfort trône).Aux
regards dema
Majefté 3Dans
tout l'éclat qui l'environne,
Je veux qu'il
me
fait préfenté.Vous pouvez
l'introduire.{La
Brufort).SCÈNE VIL OHGON
(féal).\J N
eftbienfurun
trône.. .Si3 par malheur ,
un
jourjem'en
voyoischalfé!.. ,Mais
3 que dis-je ? ce doute eftun
doute infenfé.SCÈNE VI
I I.. . .
'
-
ORGON, LE PRÉSIDENT.
j ,
Lé Président
•
(fansvoirOrgon
&
fansenêtrevuJ.
JL/E
cet appartement lechangement
m'étonne.(appercevant Orgon).
Eh
! mais.... c'eftlui! *-.. jeneme trompe
pas.O R G b N
(cherchantàreconnoître celuiqdilapperçoit ),
Quel
eft l'audacieux qui porte ici fes pas? (AprèsravoirbienexaminéyilreconnoîtlePrêfident. )Le
Préiîdent !.... Sans ordre, il fe hafardeA
pénétrer ainft dans le palais des Rois !...
Téméraire....
(
19)
Le Président
(fourïant).En
quoidonc
?Orgon,
Il plaifaiite3je crois»
Savez-vous bien> fij'appelle
ma
gardeyQue
de vous , à l'inftant >on me
fera raifon.Savez-vous qui je fuis?
Le Président.
Orgon
eft votrenom.
Orgon.
Orgon!...moi!... quelleinjure!...
Le Président.
Et
quiferoit-cedonc
?...Orgon.
Voyez
ce fcèptre\... àcettemarque
,
Connoillez déformais,refpe&ez
un Monarque,
Le Président.
Un Monarque
de carnaval.Je
voisque vous donnez un
balyPardon
3envous nommant
, fij'aipu
vousdéplaire.Orgon.
Me
prendrepour un mafque
!...être alfez témérairePour me
le dire en face!.... àmoi
!...
Mais
3 je vous dis que je fuis Roi.Le Président.
L'idée eft tout-à -fait plaifanca,
Et
j'en devine à préfent les motifs.Je vois, à ces préparatifs >
Qu'il s'agit d'unefête j elle feracharmante....
Vous
jouez voire rôle au parfait.B
z(
io)
Orgon,
Me
voilà MaintenantRoi
deComédie.
L'impudence
eft trop forte....Hola
_,gardesj holà.Le Président,
C'eft-là le ton*
&
je défieQu'un
Souverain , dans fa fureurj Ait plus de dignité.Orgon.
J'enrage de
bon
cœur.Qu'on
le faifîlFe.Le Président.
Halte-là3 je vous prie.
Orgon.
Obéifîez.
Le Président.
Non
\ la plaifanterie Iroit trop loin. Parlons raifon.Orgon.
Raifonnerl
Quand
j'ordonneyil faut qu'on obéilïe.Le Président.
11 eft temps qu'avec
moi
votre rôle finiiFe.Soyez enfin
Orgon.
Orgon.
Orgon
!.. toujours Orgon.Le Président.
C'eftainfiqu'onvous
nomme.
Orgon.
Et
jevousdisque non.Déjà
cette ailurance auroitdu
vous fuffire.Je fuis le roi David.
Le Président (à pan
).Quel que
foit fon defTein,Ou
plutôtfon caprice, il y faut bien foufcrire.,..( haut).
De mon
indifcrétiony Sire,Je
reconnois les torts.O R G O
N.Enfin.
Le Président.
Permettez que l'amour rappelle à votre altefle
Une
union d'oùdépend mon
deftin....O R G O
N.Autre
temps*autresfoins... SachezquelaPrinceflè*Que ma
fille ne peut répondre à votreamour
;Sa main
eftpour un
Roi.Charlemagne,
ence jour,Doit
Tépoufer.Le Président.
Charlemagne
!..*O R G O
N.Sans doute.
Croyez-vous à préfent > croyez-vous
que
j'écouteD'un homme
telque
vous les dolentes fadeurs?..»Et
croyez-vous enfin qu'un inftant je balance Entreune
altefle&
votre préfidence!...Non
,certes,vouspouvez
chercherfortuneailleurs-»Sur-
touty de voirJudithn
ayez pasl'impudence ;Autrement
> tous les deux redoutezma
fureur,Bî
VILLE DE'::. ILES- :ISSEL
AxcfoÂv<- VrcM©f
SCÈNE IX.
ORGON, LE PRÉSIDENT, UN PERSONNAGE.
Le Personnage.
JLa Reine
avec impatience >De
votre Majefté defîre la préience.Orgon.
De Charlemagne
ici j'attends l'Ambaffadeur*.
Le Personnage.
De
faCour
elle vient d'avoirune
dépêcheQui
femble l'occuper. .Orgon.
Sa volonté fuflfït.
Je
dois la fatisfaire ,&
rien nem'en
empêche*(
En
defeendantde/ontronc.)
,
Qu'on me donne
la main,(Ilfort),
SCÈNE X.
LE PRESIDENT
(feul).IL
a perdu l'efprit.Un Charlemagne
eft, prétend-il3 le gendre yLe
gendre qu'il choifit1.. .Mais
ce prétenduRoi
,Quel
qu'il puifTe être_, eftun
autre que moi.....Un
autre!..Et
queleft-il?..quipourrame
l'apprendre3 (LaFleurapercevantlePréjîdent, fait en forte de n'en ùrepas.vu)*( *3 )
SCÈNE XI.
LE PRÉSIDENT, LA FLEUR.
Le Président
( continuantfon monologue).
v->e coquin de
La
Fleur...Ah
! lemaudit
valet.Il devoit y de
ma
part3 aller trouver Julie;La
prévenir.... Il n'en aura rien fait...•Et
lemaraud
s'ennivre à quelque cabaret.La Fleur (à
part).(Sansêtre,apperçuduFréjidmt).
Voilà
comme on
vous calomnie... .Il aura de
David choqué
la Majefté.Le P r
é.s id e n
t.Je le remercierai....
La Fleur (à
partf.Ce
n'eft pas néceflaire.En
déguifantma
voix> tâchons deme
fouftraireAu
premiermouvement
de fa vivacité.Le Président
(Vappercevantytémoignefafurprlfe ).
Que
vois-je !... encoreun mafque
!... Ils font tous fous, je penfe.( IciLaFleurfecouvrelevifâgeavecfa main9&fedètournt
defaçonà nêtrepasreconnuparlePréfident.)
Mon maraud
auraitdû m'en
donner connoifTance.La Fleur.
Mal-à-propos vous aceufez
La
Fleur.B
4(
H)
Le Président.
Vous
favezdonc
quil eft àmon
fervice,Ce
pendard} .../
La Fleur.
^01! monfïeur> rendezplus dejuftice
A
ce fidèle&
zélé ferviteur.Comme
de fonbon
maître il parle avec chaleur!..'.Comipe
il peint fonamour
à la belle Julie !....Cerfesy de vous aimer il donneroit envie
Oui
>pour
vous obliger il fe mettroic au feu.Qu'ildoitvousêtrecher!
Le Président.
Très-cher;ah!oui parbleu>
Sur-tout après fa négligence !
Àufîî doit-il compter fur
ma
reconnoifTance.La Fleur.
De
luicomme
demoi
pourtant je vous réponds.SCÈNE XII.
LE PRÉSIDENT, LA FLEUR, LA BRIE.
Le Président
(fixantLa
Brie).V^uelle
eft encor cette figure ?La Brie.
Reconnoiffez
La
Brie.La Fleur.
Eh
! vite , dénichons.{Ilfort).
(
4
)SCÈNE XIII.
LE PRESIDENT, LA BRIE.
Le Prés iden t
( rcconnoiffantLaBric)•
C'est La
Brie! ...La Brie.
Oui
ymonfieur-,lequel,jevousallure,
De
votre éloignement avoit biendu
fouci...Soyez le bien venu.
Vous
avezvu La
Hire.De
tout ce qui fe pafle il vient de vous inflruire}Le Président.
La Hire
!...
L A B
VR
IE.Ou
bienLa
Fleur. Qu'ilétoitdonc
fâché,Dans
cepalais3 envain, de vous avoir cherché!Il vous quitte à l'inftant.
Le Président.
Sans fe faire connoître, Sans
me
rien expliquer, il s'échappe!... le traître!...Quelle
démence
ici trouble tous les efprits!.,.La Brie.
Celui
du
pauvreOrgon
eft le feul en campagne.Le Président.
Il eft à renfermer.
La Brie.
Il vous a bien furpris U*„
( 26.)
Le Président.
Sur-toutquandilm'aditqu'enpeud'unCharlemagne,
L'hymen,
avec Julie , alloit fceller les nœuds.La B r
i e.iVous
même
vous ferez ceCharlemagne
heureux>Si vous le defîrez,
comme
je le préfume,Lt P R É
S ID E N
T. *Comment
?La Brie.
Il fuflira d'en prendre le coftume.
Le Président.
Où
le prendre ?La Brie.
Il eft prêt.
On
vous a prévenu.Il faut vous en vêtir,
ou
vous ères perdu.Le PRÉSIDENT
(ironiquement).On me
ferok jouerun
charmant perfonnage.La Bri
e.Vos
frères, cependant> en ont eule courage :Et
3 grâce audécorum
dont ils font ajuftés ,Dun immenfe
apanage ils fe trouvent dotés»L'un
époufe Rachel, Se l'autre époufe Argine.Charle eft enfin l'époux qu'à Judith
on
deftine.Le Président.
Mon
rôle3 danslemonde
, en ordonne autrement»La Brie.
Penfez , avant tout autre 3 à celui d'un amant»
Je. vous laiife v rêver*
( *7 )
S C È N E X
IV.
LE PRÉSIDENT
(Jèul).•3epeut-ilque
mes
frères,De
cette extravagance 3 adoptent les chimères !..••Julie exige-t- elle auflï
En me compromettant
deme
voir avili!....SCÈNE XV.
JULIE, LE PRÉSIDENT, LA FLEUR.
( Le Préfident eflfuppofé ne voir queLaFleur).
La Fleur,
J E n
aurois pas ofé devant vous reparaître Sans fa protection.Le Président.
Ah
! te voilàdonc
traître !..„LA FLEUR
(fejetteàfesgenoux).De
la cave au grenier jeme
fuis tranfportéy J'ai parcouru le parcQù
n'ai- je pas étéPour
voustrouver?..,Le PRÉSIDENT
(leprenant au collet).Menfonge,.. Ilfaut quejet'alfomme.
La Fleur.
J'ai craintvotre courroux...
Voyez
fi j'avois tort.,.Le Président,
Frippon
!....La Fleur.
Eh
bien î fi j'étaismort
>ff4\
Serois-je
moins
frippon^&vousplus honnêtehomme?
Àh
! vous regretteriez votre pauvreLa
Fleur.( Il faitun mouvement pour
£
échapperBupréjïdenl,&
placer Julieentreeux deux.) Placez-vous entre nous , Princefle refpe&able-,D'un
coup-d'œilou
d'unmot
détournezfa fureur,Ou ma mort
efi inévitable.Le PRÉSIDENT
(appercevantJulie).Julie !... Julie, ô ciel !... eft-ce vous quejevoisl
Comment
!...^S^\ JULIE.
^^^S\ Eh
bien...' '
^5^ Le Président.
C'eftvous!..
Julie.
C'eft moi.»
Président.
Julie ainfi Julie *> eft-il croyable ?..„..
Julie.
N'allez pas m'ennuyer de ce ton lamentabley
Ni
des prétentions de votre dignité.Le Président.
Quand
je vous voisun
ridicule y Puis-je n'en pas être affedélJulie.
Je
neme méprends
point à ce rare fcrupule >A
l'égoïfme feul il faut le rapporter.Si vous m'aimez... .
La Fleur.
Oh
i je puis-l'attefter.( *5>)
Le
jour, lanuit, foncœur
foupiroîtà touteheure,Ne
formoit d'autrevœu que
celui de vous voir.Abfence
n'a jamais caufé ce défefpoir.Ilpleuroit, nouspleurions> ÔC voilà
que
j'enpleufe Seulement d'y penfer.Julie.
Et
bien, s'il eft ainfi,*Vous
devezcomme moi
prendre votre parti...Vous
êtes prévenu de tout ce qui fe palTe.Le Président.
Oui
, mais mettez-vous àma
place ;Voyez
, qu'en butte à mille&
mille traits,Je
deviendrai la fabledu
Palais.Julie.
Le
grandmalheur>qu'onvous
plaifante!...Le Président.
Ma
réputation vous eft indifférenteA
ce point là I....
Julie.
Sa
réputation !... .Encore un coup
l'orgueil vous fait illufion.Mais
n'efpérez pas qu'ilme
gagne....Non
;&
telle eftma
réfolution.Ou
fauxou
vrai, je veuxun
Charlemagne.Pour m'
obtenir il faut, très -grave Préfident «Sous
ce noble coftume arriver à l'inftant.Autrement
'3un
refusme
rend inexorable.Telle eft
ma
volonté confiante , irrévocable.(Elleparoù s\n aller J.
LA FLEUR (au
Préjldetitpréoccupé).Eh
bien! à quoi rêve-t-il à préfent?Monfîeur
, monfîeur....Le Président.
Tais-toi*
La Fleur.
Que
jeme
taife!Mais on
s'en va, ne vous deplaife.Le PRÉSIDENT
(courant aprèsJulie).Belle Julie
/ &
quoi ! vousme
fuyez ?Julie.
Que n
êtes-vousun
prince?...Le Président.
Ah
ycruelle!..Julie.
Ah,
barbare!..C'en
eft fait.Le Président
(femetà/espieds).Ecoutes.
J U L
I E.Je
vousvoisàmes
pieds !....Et
jufque là vous oubliezLa
dignité de la fimarreVous
avez tort 3 fi vous croyezA
votre orgueil ainfim'
avoir foumife.Il
n
en eft rien.{Ellefort.)
(3i)
SCÈNE XVL
LA FLEUR, LE PRÉSIDENT.
La Fl eu
r..Excusez ma
franchifeiMoi
y je ne balancerais pas.J'aimerois
mieux
bleifer la préfidençe,Que
renoncer à {es appas.Le Président.
Pour
douter de la préférence ,Elle connoîr trop bien l'excès
Ae mon amour
,
Et
que j'en luis fefclave fans retourCet amour,
au furplus, n'a rien qui m'humilie:Il faut
me
foumettreEt
pourquoi Balancerois-je .>quand
Julie_,Julie , en faifant tout
pour moi
,La
première fe facrifîe ?(Ilfort).
SCÈNE XVII.
LA FLEUR
{fini).JL>E notre magiftrat le pédantefque orgueil Vient enfin de céder au pouvoir d'un
coup
d'œiî.Tel
eft l'attraitdu
(exeyou
plutôt la magieIl en eft temps-, allons trouver
La
Brie*«hé m mmm - staî> brussbl
SCÈNE XVIII.
LA BRIE, LA FLEUR.
La Brie.
JC.
H
bien , moitié joyeux&
moitié mécontent,
Je
viens de rencontrer ton maître:En
coftume royal va-t-il bientôt paroître ?La Fleur.
Julie enfin a fon confentement.
Je
ne crois pas qu'il veuille s'en dédire3Autrement
il feroit à fon tour en délire.La Brie.
A
propos de Julie ;Orgon
eft furieuxDe
l'entrevue ici de nos deux amoureux.Pour
l'appaifer, quelque chofe qu'on fafle ,Il crie encor plus fort, il tempête, il
menace, Et
parle de lui faire à l'inftant fon procès\De
l'exiler, enfin.La Fleur.
Adieu donc
nos projets.La Brie.
Je connois
mieux
que toi le père de Julie :Puifqu'à nos
vœux
le Président fe plie ,Je
fuis bien sûrqu'Orgon
alors fe calmera.Des
deux autresDorval
il eftdupe
déjà; Sans lemoindre
foupçon de notre mafearade-,Et
fur ton maître auilî crois qu'il fe méprendra.La Fleur.
Je
vaisdonc
difpofer toutpour mon
ambaffade.La Brie-
( 33 )
La Brie.
Prends
un
grand air dç. dignité.La Fleur.
Mais où
diable3 dis-moi,veux-tuque
je leprenne?La Brie.
Vois
quels égards font dûs à cette Majefté,Et
juge après fi tu dois être en peine.Pourvu qu
il foit convaincuqu
il eftRoi
,Tu peux
y fans te gêner > laiflfer aller ta tète.La Fleur.
En
ce cas , il fautqu
il s'apprêteAu
pluspompeux
éloge.La Brie.
On
s'en rapporte à toi.O R G O N
(fansêtreencorefurlafcene).Holà
! gardes.La Fleur.
Quel
bruit!...O R G O N
(toujoursfans
êtrefurlafcene).A
Tinftantqu'onl'arrête.La Brie.
Laiflbns paffer la crife ,
&
tu viendras après.(Usforumlorfque lagarded'Orgonentrefur lafcene)t