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~ Information et nouvelle gouvernance économique ~

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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~ Information et nouvelle gouvernance économique ~

Le but du présent travail est de proposer une nouvelle représentation du modèle économique.

Je ne dresserai pas de critique sur le système économique dans son ensemble, je n'en ai ni les compétences, ni les moyens. Je tiens ici à me concentrer sur le socle fondamental de la discipline, à savoir le facteur de production. Celui-ci est à la base de l'entreprise et de la matière économique, et pourtant, il est péniblement décrit dans la littérature et manque cruellement de précisions. En outre, nous observons depuis quelques décennies un décalage grandissant entre le modèle économique théorique, et la réalité de notre monde physique. Ce modèle est dépassé, ne représente absolument pas l'entièreté du système dans lequel nous évoluons – notre planète – ainsi que les interactions et effets rétroactifs qui influent dans sa dynamique. Si nous voulons percevoir les changements réels de notre environnement, nous devons adapter et mettre à jour ce modèle, pour qu'il intègre tous les paramètres pertinents. Le but d'un modèle est d'offrir une capacité de compréhension du système qu'il représente, et de fournir des informations à son sujet afin de s'organiser, de décider. Un bon modèle doit offrir une marge de prévision sur l'état futur du système, de sorte que nos choix soient adaptés et optimisés. Or, la majeure partie des États et organes décisionnels mondiaux fondent leurs politiques et actent leur décisions autour de ce schéma économique incomplet. Les réponses de gouvernance ne parviennent pas à régler les problèmes sociaux, économiques et environnementaux, car elles ne disposent plus d'une vision pertinente sur la réalité de notre monde. Pour mieux appréhender le système économique, nous devons comprendre ce qu'est un système de production.

La vision moderne est bien trop centrée sur l'humain, et admet trop de biais issus de ce référentiel.

De plus, l'étude de l'économie est totalement déconnectée des autres disciplines qui ont, elles, bien évolué, alors que la « science » économique se contente de combler les trous comme elle peu. Un retour aux sources ne fait jamais de mal, et procurera un recul suffisant pour une nouvelle réflexion.

L'économie moderne : le mercantilisme

Le mercantilisme fonde le début de l'économie dite moderne, entre 1450 et 1750. Les contraintes politiques, géopolitiques et de gouvernance imposent un nouveau mode d'organisation.

La notion d’État se construit autour d'un destin commun à un peuple, de valeurs partagées, de limites géographiques déterminées, et d'une gouvernance nationale. Le mercantilisme propose que l’État se doit d'incarner une puissance forte tant à l'extérieur, pour défendre son territoire et sa population, qu'à l'intérieur, pour unifier et administrer le territoire. Sa puissance passe par un enrichissement économique, qui s’accroît par le commerce extérieur. La balance commerciale est positive pour l’État, qui attire des richesses et les redistribue selon ses besoins. En France, Colbert est le représentant le plus connu du mercantilisme. Il fut le principal acteur de la refonte du système industriel français, et de sa remise à niveau. L'armée, la marine, l'industrie, la gestion des forêts et la modernisation des ports font partie des domaines dans lesquels son action fut la plus perceptible.

Cette force navale, fraîchement construite, transportera les matières premières depuis l'étranger jusqu'en France, où elles seront transformées puis exportera ces biens manufacturés à l'étranger où ils seront vendus. La France devient une puissance exportatrice, militaire, et bientôt colonialiste.

La naissance de l'économie classique : les physiocrates

Des changements majeurs s'opèrent dans la réflexion économique du XVIIIème siècle.

Portée par les Lumières, et les nombreuses idées révolutionnaires de ce siècle, l'économie s'approfondit en de nombreuses directions. Les physiocrates s'opposent aux mercantilistes, et avancent l'idée que la richesse d'un pays consiste en celle de l’État, ainsi que celle de tous ses habitants. Ils considèrent que la seule activité productive dépend du travail de la terre, qui multiplie les biens que l'on y plante. Une graine semée produira plusieurs autres graines. Au contraire, l'industrie et le commerce sont stériles car ils ne font que transformer des matières premières issues

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de l'agriculture. Ce courant ne survivra pas à la Révolution Industrielle, qui consacrera l'essor des machines et de l'industrie. Au delà des physiocrates, l'économie connaît de profondes avancées grâce à Adam Smith et David Ricardo, qui postulent que la richesse naît du travail des hommes. Ce thème est toujours au cœur de l'économie moderne. Plusieurs autres idées compléteront ce renouveau de l'économie : libre échange, division du travail, accumulation du capital, régulation ou encore le rôle de l’État dans l'économie d'un pays. De son côté, Thomas Malthus1 suggère que la population humaine repose sur son agriculture qui la nourrit. Or, la population tend à s’accroître de façon géométrique (exponentielle), alors que la production de la terre n'augmente que de façon arithmétique (linéaire). Ce déphasage contraint les populations, agissant en goulot d'étranglement.

Ses travaux s'appuient sur l'expérience de Malthus lui-même et des famines qu'il a pu observer. Il est reste pessimiste sur le progrès général, qui est contraint par la loi des rendements décroissants.

Ses travaux seront mis de côté lors de la Révolution Industrielle, qui apportera une « relative » abondance aux humains, mais serviront de base en dynamique des populations, pour l'établissement des modèles proie-prédateur développés par Alfred Lotka et Vito Volterra au début du XXème siècle, et reviennent sur le devant de la scène de nos jours. C'est aussi durant cette période que se pose la question de la redistribution des richesses au sein d'un pays, de la spécialisation des pays en fonction de leur avantages comparatifs. C'est à cette époque que le célèbre Jean-Baptiste Say, qui par ailleurs contribue grandement aux avancées en économie, prononcera des mots bien malheureux. Ces mots fondent le modèle de représentation mentale biaisé et erroné qui régit l'économie et la pensée humaine dans sa grande généralité : « D'un autre coté, les richesses naturelles sont inépuisables, car, sans cela, nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques. »2

Le Capital et les marginalistes

Dans les années 1860, Karl Marx publie son fameux « Das Kapital » qui va étudier le capitalisme dans son essence même. Ses abords sociaux et structurels fondent le corps de la critique que Marx dresse du capitalisme. Les travailleurs ne disposent que d'un outil rudimentaire, leur corps et le travail qu'il peut générer. Les capitalistes, qui disposent du capital, ont pour leur part un pouvoir bien plus grand, qu'ils utilisent pour aliéner et exploiter les travailleurs. Les crises du capitalisme sont des crises de surproduction, qui renouvellent le capitalisme. Quelques années plus tard, un nouveau courant de pensée économique, moins connu, se développe. Ses fondateurs sont l'anglais William Jevons, le français Léon Walras et l'autrichien Carl Menger. Ils récusent la valeur travail et centrent leur pensée autour du concept d'utilité marginale. Même si leurs conceptions respectives varient, l'idée principale réside dans le fait que la valeur d'utilité d'un objet diminue, à mesure que l'on se procure plusieurs objets similaires, ou à mesure que l'on consomme le-dit objet.

Ce changement de paradigme conditionnera la discipline économique future, et sera à l'origine de l'économie néoclassique moderne.

Keynésianisme et école néoclassique

Nous en arrivons au XXème siècle. Pour John Maynard Keynes, l'économie ne tend pas naturellement vers un plein emploi de ses ressources. Une intervention extérieure est indispensable, l’État doit investir pour relancer les processus de production et les mener vers un stade d'équilibre.

De nos jours, le courant majoritaire de l'économie est le courant néoclassique, dit « orthodoxe ».

Suivant les idées des marginalistes, il repose, entre autres, sur les travaux publiés par Robert Solow3 et Trevor Swan4 dans les années 1950. Ceux-ci schématisent l'unité de base de l'économie, le facteur de production, qui consiste en entrée, au capital et au travail humain, et en sortie, la production. De façon plus large, il intègre largement l'outil mathématique pour modéliser de nombreux indicateurs macroéconomique comme l'investissement, la consommation des ménages, l'endettement des acteurs économiques ou encore le Produit Intérieur Brut (PIB). Cette école de pensée favorisera l'émergence d'un capitalisme brutal et débridé, le libéralisme. Celui-ci prône un rôle minimal de

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l’État, qui doit laisser les agents « s'auto-réguler » par la concurrence « libre et non faussée ». Le libéralisme constitue la quintessence du libre échange et de la mondialisation.

Les limites à la croissance ?

Les dernières crises nous montrent que notre modèle de société, fondé et basé dans son entièreté sur une croissance infinie et exponentielle, est voué à l'échec d'ici peu, si nous ne revoyons pas notre organisation. Même s'il décrit bien certains aspects de l'économie en général, et renvoie de bons indicateurs décisionnels, ce modèle économique se fourvoie totalement sur de (trop) nombreux autres points. Une pléthore de critiques est adressée sur les suppositions initiales du modèle, aux réponses qui en sont déduites : les ressources ne sont pas intégrées, la pollution inexistante, le rôle des machines (et des ordinateurs) est totalement écarté, l'injection de capital ne résout plus les crises, le travail ne manque pas et pourtant, la croissance reste à des niveaux faibles. Les coûts et effets délétères sont supportés par l'environnement, ou par les populations et l’État, sous forme de chômage, d'endettement, de privatisations inutiles, de récessions, de pollution, ou encore, d'une dégradation sans commune mesure de notre climat. Si ce n'était pas tant dramatique pour notre environnement, et l'avenir de notre espèce, les conséquences du libéralisme serait risibles, tant ses revendications sont précisément ce qui amènera à sa perte. La libre concurrence signifie plus d'acteurs économiques, qui produisent les mêmes objets ou services, exercent une pression considérable sur les ressources, génèrent une pollution hallucinante, pour un bénéfice en pouvoir d'achat très faible, et profitant à peu de personnes. L'épuisement des ressources s'accélère, les salaires ne sont plus suffisants pour alimenter une consommation stagnante, le chômage augmente, on délocalise, on dérégule encore plus, jusqu'à l'effondrement du système sur lui-même, par lui- même. Néanmoins, attendre que ce système s'écroule sous ses propres contradictions pourrait être encore long, et surtout, produira des effets catastrophiques et irréversibles sur notre environnement.

Le besoin de renouveler le modèle est donc urgent. D'une part, pour disposer d'une visibilité de notre environnement et des actions à entreprendre pour s'adapter ; d'autre part, car plusieurs facteurs d'importance vitale vont entrer en synergie et mettre fin à nos sociétés actuelles, de façon brutale. Les limites physiques (ressources, pollution, climat, démographie, migrations, troubles sociaux) vont provoquer de violents changements dans les années à venir. Plus nous tardons à accepter ces limites, et les intégrer à nos décisions, et plus nous limitons nos capacités d'adaptation, et par conséquent, nos capacités de survie. Si nous voulons comprendre ce qui se déroule vraiment dans notre monde, comprendre les mécanismes et les règles physiques qui bornent nos comportements, et pouvoir nous adapter rapidement pour survivre, il nous faudra trouver un modèle plus précis, et bien plus élaboré. Autrement, nous sommes dévolus à connaître une violence sans nom, qui contrastera d'autant plus avec nos sociétés vivant dans l'harmonie, l'opulence et le confort, ou tout du moins sans l'horreur de la guerre, de la faim et de la maladie.

Ce que je propose dans ce document est le résultat d'un travail personnel, en soi assez basique. Il reste à l'état d'ébauche, mais structure des concepts pertinents et précis, qui posent les bases d'un modèle intégrant les paramètres manquants pour appréhender l'économie, les facteurs qui la composent, et les tenants humains et environnementaux. Pour cela, je me sers de la physique et la chimie, qui sont les règles de notre Univers. Ces règles étant absolues, même un économiste chevronné ne saurait les violer. A cela, je rajouterai des éléments issus d'un concept qui pour moi trouvera un intérêt grandissant dans les années à venir, parmi les différentes strates scientifiques, techniques, politiques ou militaires. Il s'agit du concept d'information. J’intégrerai des éléments venant d'un autre travail que j'ai mené à ce sujet (et qui trouvent ici, un prolongement inattendu à l'origine), provenant de la théorie de l'information de Claude Shannon, ainsi que de son autre pendant, la cybernétique de Norbert Wiener. Par souci de clarté et de concision, je n'exposerai ici que l'architecture globale de mon projet, et n'entrerai pas dans la pléthore de détails techniques qui pourraient être apportés. Chaque paragraphe nécessiterait un exposé en soi afin de couvrir l'essentiel

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des propos que je vise à exprimer. Mon ambition est de transmettre un document général, qui combine les idées majeures et les intègre en une hypothèse d'étude concise, qui me semble plus rigoureuse et adaptée à notre réalité.

Physique et chimie, parents de notre Univers

Les domaines les plus fondamentaux dans notre Univers sont la physique et la chimie. Sans ces deux facettes de la science, nous aurions été incapables de construire nos sociétés modernes.

Décrypter les lois qui gouvernent notre environnement nous laisse tout simplement la possibilité d'optimiser nos comportements et nos actions. L'optimisation et l'adaptation sont d'ailleurs les critères les plus importants dans le monde vivant. Il reste nécessaire d'accepter que ces deux procédés ne sont possibles que parce que notre Univers est dynamique. S'il était figé, nous ne pourrions vivre et donc, nous adapter puisque tout est identique en tout temps. Les systèmes sont dynamiques et interagissent. Ils sont constitués de briques de base : énergie et matière. Dans le cadre de cet exposé, nous conviendrons que la matière est celle que nous manipulons au quotidien, la matière baryonique, consignée dans la tableau périodique des éléments de Mendeleïev. L'énergie se définit comme un moyen de transformer l'environnement. Au sens strict, il s'agit d'un différentiel qui lorsqu'il est relâché, peut produire du travail (W) et de la chaleur (Q). De façon très schématique, le travail correspond au déplacement d'un système, comme un piston en mouvement, alors que la chaleur est un transfert d'énergie thermique entre les molécules du système, le piston s'échauffe sous l'effet des frottements. Comme l'énergie se conserve, elle se transmet d'un système à un autre par le travail et la chaleur. Ainsi, l'énergie interne totale (notée U) se transmet à un système par une force motrice sur ce système, ainsi qu'une augmentation de l'agitation thermique du système, et de son environnement. C'est la première loi de la thermodynamique.

Les sources d'énergie les plus connues sont des différences de potentiel gravitationnel (un barrage, une chute), de pression (le vent), électrique (un courant électrique) ou calorique (une centrale électrique ou un moteur). Ce potentiel contient deux parties contraintes et qui n'interagissent pas ou peu entre elles. Ici réside le potentiel énergétique. Lorsque nous utilisons de l'énergie, nous utilisons ce potentiel (U) pour en produire un autre (W+Q), qu'il soit mécanique, thermique ou autre. Cependant, lors de ce processus, la qualité de l'énergie se dégrade. La chaleur est une forme d'énergie peu récupérable, et donc considérée de faible qualité. Elle constitue une part souvent importante des processus de transformation. Par exemple, si nous disposons d'un stock initial d'énergie interne U1 = 100 joules, nous obtenons après une première transformation un ratio égal de travail W1= 50 J et de chaleur Q1= 50 J. Cette dernière est peu récupérable. L'énergie U2 mobilisable est alors environ égale à W1 (≈ 50 joules) et diminuera à la seconde transformation (W2= 25 J et Q2= 25 J). Il devient plus complexe d'obtenir du travail à partir des transformations suivantes. Cette dégradation irréversible de la qualité de l'énergie porte le nom d'entropie. C'est la seconde loi de la thermodynamique.

Continuons avec la chimie. Une réaction entre des éléments, quels qu'ils soient, suit un processus similaire. Un ou des réactifs vont interagir spontanément, ou sous l'effet d'un apport externe en énergie, et vont donner un ou des produits. Dans la suite de ce travail, nous nous concentrerons sur les réactions irréversibles, qui occupent une place prépondérante dans les systèmes vivants. Ici, j'ai représenté une réaction de transformation entre deux réactifs, faisant intervenir un apport énergétique externe, et générant deux produits. Voici une version simple de processus de production (1). L'énergie se conserve dans le système.

1

ère

Loi : l'énergie se conserve : dU = dW + dQ

2

nde

Loi : l'entropie d'un système isolé ne diminue jamais : S >= dQ/T

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Le travail (W) a transformé les réactifs R1 et R2 en produits P1 et P2. La transformation a dissipé de la chaleur (Q). E2 correspond à l'énergie interne (U) non utilisée lors de la transformation, ainsi qu'à la chaleur (Q) dissipée. La majorité des réactions chimiques qui prennent place à l'intérieur des systèmes vivants fonctionnent selon le même procédé, et sont régies par les mêmes règles de la chimie et de la physique. Pourtant, un paradoxe semble apparaître. Si tous les systèmes tendent vers un état d'entropie croissante, les êtres vivants, eux, utilisent de l'énergie pour se contraindre, s'ordonner, diminuant leur propre entropie. Les organismes vivants semblent alors violer la seconde Loi de la Thermodynamique. Le paradoxe se résout si l'on se place dans un référentiel plus large5. En effet, les systèmes vivants « exportent » leur entropie dans leur environnement. Ils ne sont donc pas des systèmes isolés, mais bien des systèmes ouverts. Nous devons donc prendre en compte l'entropie globale, qui diminue chez les êtres vivants, mais augmente dans leur environnement. La somme de ces deux composants reste donc positive ou nulle.

La biologie ? Un mélange de physique et de chimie

Ce processus de transformation est vital pour tout système vivant. Sans surprise, le rôle de l'énergie dans l'émergence de la Vie constitue une des hypothèses les plus probables. Une des principales questions que les scientifiques du domaine cherchent à résoudre consiste à déterminer comment la Vie a pu émerger d'un océan de molécules chimiques. Trois hypothèses ont été émises6 : un cycle énergétique chimique, le stockage de l'information génétique et la formation de membranes lipidiques. Bien que vitales, ces deux dernières pistes semblent plutôt suivre l'apparition des premiers précurseurs du moteur de la vie, le métabolisme. Il s'agit d'un ensemble de réactions moléculaires internes, complexes, minutieusement réglées pour convertir les éléments de l'alimentation en énergie chimique utilisable par l'organisme. Par conséquent, l'alimentation et la recherche de nourriture sont la principale et première activité du vivant. Il s'agit d'un besoin primitif, vital, sans lequel la Vie ne peut subsister, et autour de laquelle orbitent toutes les autres utilités. Tous les composants de la cellule ou du corps sont articulés autour de cette fonction d'alimentation. Elle constitue un des piliers de la Sélection Naturelle, qui englobe survie et reproduction. Survivre consiste simplement à ne pas mourir, donc à se nourrir et ne pas servir de nourriture soi-même. Les pressions de sélection ont favorisé les organismes qui disposaient d'un arsenal plus adapté pour chasser ou manger, ainsi que ceux disposant des meilleures stratégies de fuite, de défense, de cache. L'alimentation a deux finalités : apporter du matériel pour construire, répliquer, transmettre ; ou régénérer des coenzymes très importants et des molécules énergétiques comme l'ATP (adénosine tri-phosphate). Il existe plusieurs circuits métaboliques parmi les espèces, ou selon les conditions physiologiques. Chez les animaux et les végétaux, la glycolyse et le cycle de Krebs (2) sont les composants principaux du métabolisme. Ils respectent bien les règles exposées plus haut : des réactifs sont transformés en produits, par l'usage d'une source d'énergie.

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Ce métabolisme est dit oxydatif : l'énergie est extraite par oxydation d'une molécule carbonée, ici les glucides. L'apport en dioxygène se fait par la respiration, tandis que l'apport en glucides provient de l'alimentation. L'énergie chimique de réaction régénère l'ADP (Adénosine Di- Phosphate) en ATP (Adénosine Tri-Phosphate), par liaison avec un groupement phosphate. Le processus de photosynthèse (3) chez les plantes répond aux mêmes conditions générales de réaction.

Les végétaux ne se déplaçant pas, ils possèdent une stratégie alternative à celles des animaux pour se nourrir, et se fournir en glucides. L'énergie de la lumière est captée par les feuilles, puis convertie en potentiel électro-chimique, qui va permettre à la cellule végétale de fixer le CO2 atmosphérique, pour le stocker en potentiel chimique, sous forme de glucides et d'amidon. Ceux-ci pourront ensuite emprunter les voies métaboliques mentionnées dans la figure précédente (2).

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Suivant les schémas exprimés plus haut, nous obtiendrons des produits finaux, issus de ces réactions. Ceux utiles sont gardés, ceux inutiles sont excrétés ou exportés. Ces déchets sont principalement évacués par le système digestif, bien que pouvant être exportés par d'autres systèmes d'échange comme les poumons ou les stomates. Tout ce procédé d'alimentation, de transformation et de rejet est finement régulé, afin de maintenir un état d'équilibre du système que l'on nomme

« homéostasie ». Nous en revenons au paradoxe que je mentionnais plus haut. Cet état d'équilibre est un état de faible entropie, qui est maintenu à ce bas niveau par un flot d'énergie constant.

L'alimentation caractérise ce flux, dont l'organisme extrait le potentiel énergétique pour se maintenir dans son état stationnaire de faible entropie. Néanmoins, certaines conditions vont perturber ces états, et doivent être contrebalancées, sous peine de graves dommages dans l'organisme, voire d'un basculement vers un état irréversible de déséquilibre. Nous pouvons citer la maladie, la déshydratation, la faim, la salinité, l'acidité, les blessures, le froid ou encore l'asphyxie comme facteurs perturbants de l'homéostasie. Pour prévenir ces perturbations, un organisme vivant dispose de nombreux capteurs et de retours sensitifs afin de strictement contrôler et maintenir cet état d'équilibre. Les capteurs indiquent s'il existe un besoin en certaines ressources (O2, eau, glucose, minéraux) et conditionnent de nombreux processus connexes comme le tactisme (déplacement en réaction à un stimulus externe), la faim ou la régulation du rythme cardiaque. Les organismes vivants sont donc des systèmes dissipant de l'énergie7,8 (structures auto-organisées), qui absorbent des ressources pour maintenir leur état par un ensemble de réactions complexes, autour d'un moteur principal, le métabolisme. Ce sont des organismes qui régulent en permanence leur état, et ont un contrôle, même indirect, sur la chaîne de réactions homéostatiques qui contribue à leur survie. Nous reviendrons cet aspect de contrôle dans le paragraphe dédié à la cybernétique.

L'homme est un animal spécial

Les êtres humains, qui sont des animaux, obéissent aux mêmes règles. Ils se nourrissent (import de ressources) et excrètent les éléments inutiles (export de déchets). Cependant, ils sont des animaux particuliers car ils ont la capacité d'utiliser des sources d'énergie externes à leur corps. La maîtrise du feu fut une première étape décisive dans cette entreprise. Le feu donne à l'Homme plusieurs atouts considérables par rapport aux autres animaux : la lumière dans la nuit, la chaleur dans le froid, la possibilité de rapidement brûler une forêt pour s'y établir et même de nouvelles stratégies de chasse. Ils gagnent également la capacité à modifier une composition chimique ou les propriétés physiques d'un objet (cuisson, renforcement, combustion, travaux de fonte, de forge, vaporisation, distillation). Ces procédés sont régis par les mêmes règles de la physique et de la

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chimie expliquées plus haut. L'être humain, machine vivante et mobile, va alors regrouper différentes ressources, et les transformer dans des buts bien précis. Il va se construire des outils pour couper, pour chasser, pour s'abriter, pour casser, pour s'habiller. A cet effet, il utilise de l'énergie pour trouver, rassembler et transformer ces ressources en objets, en outils (4) :

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Le schéma de réaction reste identique : des ressources R1 et R2 sont transformées grâce à une source d'énergie E1 en produits P1 et P2. Le reste énergétique E2 est toujours de l'énergie non consommée ainsi que de la chaleur dissipée. Je rajoute la part humaine dans la réaction, l'énergie fournie par l'être humain pour rassembler ces ressources, les faire interagir. Le potentiel énergétique Eh1 transforme le système, et devient Eh2. En guise d'exemple, prenons un homme qui veut cuire de la viande. Il rassemble alors la viande crue, du bois, des pierres. Il construit un foyer, démarre un feu et fait cuire la viande. L'énergie de combustion du feu représente E1, le bois représente R1, la viande représente R2, le rassemblement de toutes ces ressources représente l'énergie Eh1 dépensée par l'humain. En sortie, E2 représente le surplus de chaleur non utilisée pour la cuisson et dissipée dans l'environnement, P1 représente les cendres, P2 est la viande cuite, Eh2 représente la chaleur musculaire dissipée pour rassembler ces objets et les mettre en relation. Pour plus de clarté, nous pouvons réorganiser la figure (4) en (5) :

(5)

Nous conserverons cependant la figure (4) pour la suite de l'exposé, car l'Homme va très vite trouver d'autres moyens d'améliorer ce processus de production. D'une part, sa place dans le processus de production va profondément évoluer. D'autre part, les humains vont manipuler et transformer directement d'autres formes d'énergie. Dès lors, l'énergie constitue une ressource en soi, tout comme la matière. Le schéma de production (1) s'arrange finalement de la façon suivante (6) :

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Je tiens à préciser maintenant ce que j'entends par transformation. C'est un terme que j'ai, et que je vais beaucoup utiliser (il prendra une tournure très intéressante dans le contexte de l'information, que je ne peux aborder dans ce document). Une transformation consiste à changer la forme d'un objet. Prenons un morceau de marbre. Si je veux changer sa forme, je vais procéder à une transformation où je vais couper, poncer, retirer, sculpter le-dit marbre afin de lui donner la forme que je souhaite. De la même façon, un chimiste transformera des espèces chimiques selon son gré, il modifiera le contenu informationnel d'une entité chimique entre celle d'une autre, il transformera.

L'énergie se transforme, elle change de forme, de qualité mais se conserve en quantité.

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L'Humain, une machine si performante

Jusqu'ici, l'être humain est celui qui procède à la transformation. En termes bio-physiques, le travail se traduit principalement par l'action des muscles, composés de complexes d'acto-myosine.

Ces complexes forment les unités de base des fibres musculaires. Ce sont les vraies machines de l'économie, à proprement parler, puisque ce sont elles qui vont transformer l'énergie chimique carbonée du métabolisme afin de générer un travail mécanique musculaire. Nous pouvons alors remplacer l'humain par la molécule organique de myosine, qui génère la contraction des fibres musculaires, son fonctionnement suivra le même déroulement. Le cycle de contraction musculaire est bien évidemment plus complexe que ce schéma (7), mais respecte les conditions qui y sont exprimées :

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La myosine utilise une molécule énergétique, l'ATP, pour créer un mouvement de contraction, de travail musculaire. Ce travail provoque des frottements inhérents au processus de contraction, qui génèrent de la chaleur. La machine musculaire a utilisé de l'énergie utile (U, de l'ATP), qu'elle a transformé en travail musculaire (W, la contraction) et des forces de frottements (Q, la chaleur). Il n'est pas surprenant que le terme de « travail », employé en physique et en économie, repose en réalité sur une base commune. La notion de travail en économie (Labour, noté L) comprend une part de travail manuel, musculaire, qui dénote cet apport en énergie dans le système.

C'est ici une des rares concessions que l'on peut faire envers le modèle en vigueur du facteur de production. Il est à noter que dans l'acceptation courante de l'économie, le travail humain (W) est mentionné comme facteur de production (L), mais à aucun moment, l'énergie dont il dispose avant travail, ou même la chaleur dissipée pendant l'effort ne sont prises en compte. Pour la chaleur, nous pouvons le comprendre puisque ce n'est pas utile au système, donc on ne le compte pas. Pour l'énergie interne initiale (U), c'est tout simplement la nourriture de l'Homme ou l'énergie qu'il a stocké à cet effet. Ne pas les compter, c'est considérer que les êtres humains ne mangent pas, ce qui est d'une absurdité sans nom (à titre d'idée8, plus de 50% des terres arables mondiales sont utilisées pour produire des céréales, première source d'énergie pour l'être humain et les animaux de ferme).

Continuons notre avancée. Après la maîtrise du feu, l'humain poursuit sa quête de sources d'énergie et il domestique les végétaux. L'agriculture fut une étape importante du développement de l'Homme, qui lui a notamment permis de se sédentariser, ne craignant plus le manque de ressources locales, et de créer les premières structures communautaires fixes, qui deviendront plus tard les villes. Il apprivoise ensuite des bêtes sauvages, qui viendront trouver un avantage à fréquenter l'humain. En plus de la protection et de la chaleur que leur procurent les humains, les animaux trouvent une source de nourriture régulière, si ce n'est abondante. La contrepartie étant de servir eux-mêmes de nourriture aux humains, et/ou de travailler à leur place pour certaines tâches. Les machines changent, mais la fonction reste identique. Ce sont toujours les muscles qui effectuent le travail mécanique. Mais leur composition, leur efficacité, leurs spécificités ou encore leurs nombres sont variables parmi les espèces vivantes. L'homme va utiliser les animaux qu'il a domestiqué pour le remplacer dans ses travaux physiques. Sa force musculaire et sa résistance à l'effort sont bien plus faibles que celles de l'âne, du bœuf, du cheval, du dromadaire ou de l'éléphant. Il va ainsi déléguer son travail aux animaux pour des tâches trop ingrates ou inaccessibles physiquement, comme les efforts de trait, de charge ou de transport. Pour nourrir ces machines, la domestication des végétaux s'avère un atout considérable. Il est même probable que la domestication des végétaux et la maîtrise

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de l'agriculture aient pu favoriser la domestication de certains animaux.

Ainsi, dans la figure (6), nous pouvons inter-changer la place occupée par l'Homme, par un animal de trait comme le bœuf, ou encore une molécule de myosine. Bien que les contraintes puissent varier, la finalité sera identique : créer un mouvement, un travail musculaire. Dans les trois cas, l'énergie utilisée est toujours de l'ATP, régénérée par de l'énergie chimique carbonée issue de l'alimentation. Nous pouvons réarranger le schéma précédent, pour le rendre plus universel (8):

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Ce schéma sera le plus important, car il représente la base de toute production par une machine, qu'elle soit organique ou non. Je propose une première définition de la machine, que nous améliorerons plus loin :

Machine : objet fini qui réalise une (ou des) tâches dont la finalité est établie, en extrayant du travail d'une source d'énergie pour transformer des ressources en éléments finaux (produits). Ces éléments peuvent être des biens matériels ou des actions (déplacement, calcul, transfert, chaleur).

Transcendance, progrès et technologie

Dans sa quête infinie d'énergie, l'Homme poursuit ses avancées techniques et scientifiques.

Il devient capable de construire ses premières machines inorganiques. Pour « nourrir » ces nouvelles machines, il dispose des forces de la Nature : les courants hydrosphériques et atmosphériques. Il maîtrise les énergies renouvelables de l'eau et du vent. A nouveau, il se libère de son dur labeur : la meule qui tourne à force de bras et de jambes se retrouve dans une construction à part entière, le moulin, et devient un moteur hydraulique (puis éolien) ; le bateau à rames se dote de voiles pour naviguer et transporter personnes ou marchandises sur les mers, dans des proportions jamais connues auparavant. La compréhension que des différentiels de hauteur d'eau généraient un courant a fortement influencé les scientifiques du XVIII et du XIXème siècle. Tout comme un courant d'eau s'écoule du point haut au point bas, un fluide semble s'écouler entre les corps chauds et les corps froids. De la même façon que nos machines utilisent ce courant d'eau, nous devrions pouvoir comprendre et profiter de ce fluide mouvant, nommé « calorique ». La théorie du calorique constitue une large partie de la réflexion scientifique du XVIIIème siècle, qui postule qu'il serait possible d'extraire de la force motrice de ce calorique. Les progrès réalisés en sciences physiques et en ingénierie vont déboucher sur ce que l'on nomme la Révolution Industrielle. La théorie du calorique donnera naissance à une nouvelle branche de la science physique, riche en nouveautés : la Thermodynamique10. Comme je l'ai mentionné plus haut avec deux des lois de la Thermodynamique, les concepts d'énergie, de chaleur, de température ou encore d'entropie sont pleinement établis, définis et étudiés durant cette faste période, qui va chambouler les moyens dont dispose l'Homme pour produire des biens et des services.

Les progrès techniques sont tels que le développement économique est incroyable, l'impensable prospérité repose sur l'utilisation de machines bien plus performantes que les humains, les animaux ou les énergies renouvelables : les machines à vapeur. Ce sont des objets de métal qui développent la puissance motrice du feu et de la vapeur pour réaliser des tâches de façon bien plus efficacement. Pour nourrir ces nouvelles machines, les hommes leur fournissent un matériau qui ne servait jusqu'ici qu'à se chauffer : le charbon, forme énergétique très condensée. Ce charbon est à la

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base de presque tous les progrès que nous connaissons depuis plus de 200 ans, bientôt épaulé dans cette tâche par le pétrole, bien plus pratique dans les transports ; puis par le nucléaire dans la production d'électricité. C'est également lors de l'avènement du charbon que l'Homme fait sa première transition énergétique, passant des renouvelables (soleil de l'agriculture et sylviculture, vent des moulins et des bateaux à voiles, eau des moulins à eau) à des sources d'énergie fossiles carbonées, puis fissiles, bien plus denses et facilement accessibles. Elles disposent d'un autre avantage de taille : elles sont disponibles et mobilisables à tout moment, contrairement au vent et au soleil qui sont intermittents. L'Homme remplace des machines désormais archaïques et dépassées par ces récentes innovations technologiques : les humains, les animaux de trait, les moulins, les bateaux à voiles font place au moteur à vapeur. Il convertit ses activités aux énergies fossiles : le travail, le chauffage, les transports, l'éclairage.

Le mythe de l'infini, déphasage et Hybris

A cette même époque fleurissent des réflexions sur la nature du travail, de la production humaine et de l'économie. Leurs modèles seront intéressants, sans pour autant être complets par rapport aux connaissances de l'époque. Étrangement, c'est lors de la Révolution Industrielle qu’apparaît le déphasage entre la réalité physique de l'économie, et sa représentation mentale, sa modélisation théorique. Concernant les ressources, matière essentielle à la confection de tout bien utile à l'Homme, Jean Baptiste Say2 postule qu'elles sont infinies et que, par conséquent, il n'est pas nécessaire d'en tenir rigueur dans la conception de l'économie : « D'un autre coté, les richesses naturelles sont inépuisables, car, sans cela, nous ne les obtiendrons pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l'objet des sciences économiques ». Cette terrible idée subsiste encore dans notre conception moderne de l'économie, et forge une grande partie de l'inadéquation du modèle face à la réalité. Elle contribue à la fausse croyance que le monde est infini, et que nul barrière ne saurait limiter l'expansion, la croissance, le développement. William Stanley Jevons évoque ces relations entre ressources, machines, travail humain et prospérité économique dans son livre « The coal question »11. Ce livre est dédié à l'étude de l'épuisement des ressources en charbon de l'Angleterre, durant les années 1860. Cet épuisement remettrait en cause toutes les avancées industrielles et économiques britanniques modernes. Jevons constate avec exactitude que la prospérité du Royaume-Uni repose sur le charbon, et les machines utilisant cette ressource. Dès le premier chapitre, il affirme : « Jour après jour, il devient toujours plus évident que le charbon, que nous possédons fort heureusement en excellente abondance et qualité, est le ressort principal de nos civilisations matérielles modernes ». Il assiste au progrès des machines à vapeurs, qui gagnent en efficacité énergétique, et consomment moins de charbon pour une même tâche.

Comme il le souligne, les gains en charbon ne sont pas épargnés, mais directement réinvestis dans l'entreprise générale, alimentant de nouvelles machines. C'est le fameux effet rebond, autrement connu sous le nom de paradoxe de Jevons : « Le même principe s'applique, avec plus de force et de distinction, à l'usage d'un agent si général que le charbon. C'est précisément l'économie dans son utilisation qui amène à son usage extensif. Il en sera autant dans le futur qu'il en fut dans le passé.

Il n'est pas difficile de voir comment le paradoxe émerge ».

Dans le même sens, le rôle des machines, et la façon dont elles déchargent l'humain d'une partie de son travail sont admis avec lucidité. Say déclare12 : « Les machines ne sont que des outils compliqués que nous ajoutons à nos bras pour en augmenter la puissance [...] Leur résultat est évidemment de donner moins de travail pour obtenir la même quantité d’utilité, ou, ce qui revient au même, d’obtenir plus d’utilité pour la même quantité de travail humain ». Cependant, il ne fait pas le lien entre l'énergie utilisée par l'Homme à celle de la machine : « [...]or, des machines ne meurent pas de faim ; elles cessent de rapporter un profit à leurs entrepreneurs[...] ». Ce constat rejoint l'idée que les ressources sont hors du champ de l'économie, et n'y participent que de façon marginale et négligeable. Jevons délivre des constats pertinents, et bien plus profonds, au sujet du rôle prépondérant des machines et de l'énergie, dans la Révolution Industrielle contemporaine11 .

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Tout d'abord, citant Malthus, il explique que les populations croissent en suivant une loi géométrique (exponentielle) là où l'exploitation des ressources n'augmente que de façon arithmétique (linéaire), et que ce modèle n'est pas soutenable à long terme : « [Malthus] a dit, bien que nos nombres tendent à augmenter d'un ratio uniforme, nous ne pouvons attendre qu'il en soit de même pour nos ressources en nourriture. Nous ne pouvons doubler le produit du sol, au fil du temps, à l'infini ». En parallèle de la croissance démographique, les humains des champs, à la recherche d'un travail se raréfiant, migrent vers les villes qui disposent d'industries, et de postes vacants. Dans les villes étant déjà arrivées à saturation, une autre solution est l'émigration vers les colonies, ou le Nouveau Monde : « Notre surface agricole est fondamentalement limitée, les progénitures de la population rurale doivent trouver des emplois dans nos villes, ou par delà. Et la croissance de nos villes demande une croissance toute aussi grande des zones agricoles dans nos colonies étrangères ». Il décrit ici des phénomènes de migrations internationales mais aussi intra- nationales, c'est le début de l'exode rural, qui durera jusqu'à une centaine d'années, et bouleversera complètement les équilibres sociaux et démographiques établis jusqu'ici.

Alors même que les effets du charbon, des machines à vapeur et de la Révolution Industrielle sont admis et étudiés, leur contribution dans notre économie est totalement occultée, tout comme la place prépondérante des ressources. Elles le sont toujours dans les écoles de pensées économiques contemporaines pour qui l'énergie, les ressources et les machines ne font pas partie du schéma général de l'économie. Si nous prenons le modèle de Solow-Swan (9), qui sert de base aux économistes orthodoxes modernes, un système de production est fonction du travail humain et du capital entrant. Cette représentation n'a pas changé depuis l'époque pré-industrielle, durant laquelle, paradoxalement, ont eu lieu les révolutions les plus rapides et les plus profondes que nos sociétés aient jamais connues.

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Tout va pour le mieux, dans le meilleur des mondes possibles

Voici une synthèse (très) schématique (10) des éléments abordés en introduction, concernant la représentation actuelle d'un facteur de production. On comprend mieux le raisonnement découlant d'un tel modèle, et des limites qu'il peut rencontrer :

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Dans le modèle économique actuellement en vigueur, les ressources sont inépuisables, donc pas de problème d'approvisionnement et il est inutile des les décompter. La pollution et les déchets n'existent pas. Le travail humain, s'il est remplacé par les machines, n'est pas perdu puisque les chômeurs peuvent se former aux nouveaux métiers qui émergeront. Nous avons donc toutes les conditions réunies pour maximiser la croissance, qui va en retour, maximiser nos gains, et rétroagir par la boucle d'investissement. Ces gains sont forcément infinis, puisqu'il n'existe aucune forme de contrainte dans le système. Dans un choc de production, le tarissement de la croissance provient d'un manque de main-d’œuvre ou d'un manque de capital. Si le travail est limitant, on fait appel à des travailleurs supplémentaires. Si le capital est limitant, favoriser l'investissement suffit à relancer la machine. Dans les deux cas, si nous sommes incapable de relancer le cycle de croissance, la demande décline et stagne au niveau maximal de production, qui agit en goulot d'étranglement. Dans un choc de consommation, l'achat n'est plus possible pour de nombreuses raisons. Le problème se règle en favorisant le pouvoir d'achat des ménages par une baisse d'impôts, une hausse des salaires ou les prêts bancaires. Si nous sommes incapables de relancer le cycle, la production décline et stagne au niveau maximal de consommation.

Dans le principe, le schéma est assez simple, et plutôt implicite. Cependant, les problèmes économiques semblent s'accumuler ces dernières décennies sans pour autant que les solutions apportées ne portent leurs fruits. Les plans d'investissements se succèdent, le chômage reste élevé et le pouvoir d'achat, lui, commence à diminuer. L'endettement constitue une porte de sortie à court- terme, qui ne règle pas le problème de départ. De surcroît, les effets de ces méthodes, devenues depuis « non conventionnelles », sont peu compris, et ont tendance à profiter à certaines structures, à en désorganiser d'autres, sans pour autant régler le problème de fond.

Une mise à jour du modèle ?

Au regard des premiers éléments que j'ai évoqué dans les précédentes pages, les limites de ce modèle apparaissent clairement visibles sur cette dernière figure. Dans le schéma économique classique, les termes sont péniblement définis. Le travail humain est le seul traité plutôt (à peu près) précisément. Le capital regroupe tout un tas de notions, dont de nombreuses rajoutées à posteriori, pour tenter de combler les lacunes du modèle (capital humain, financier, social, naturel). Le résidu de Solow (le progrès technique ? efficacité énergétique ?) n'est pas intégré au modèle général, alors qu'il s'agirait d'un élément principal au cycle de croissance. La production dépend uniquement du capital et du travail, qui créent « magiquement » des produits finis et prêts à consommer.

Comparons-le (9) avec notre dernière figure (8) :

Un premier constat se fait sur les entrées du système. Dans le schéma schéma classique, les ressources n'existent pas. De fait, si un producteur vient à manquer de pétrole, de charbon, de

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métaux, de minéraux, ou que sa récolte est ravagée par une quelconque intempérie, il suffit de lui donner un peu de capital et de travail et alors, il pourra magiquement vendre des produits qui n'existent pas. Simple et efficace. Dans le modèle plus rationnel montré ci-dessus, les entrées sont de la matière et/ou de l'énergie de notre environnement. Les objets transformés ne se produisent pas par magie, et sont soumis aux règles de la physique. Ainsi, les produits de sortie sont bien construits, transformés (et non créés) à partir d'un substrat initial : de la matière et/ou de l'énergie.

Les sorties sont identiques en quantité, et nous verrons plus loin que là aussi, les économistes tentent de rafistoler le schéma global, avec les bien pratiques « externalités ».

Un second constat concerne l'objet et l'acte de transformation. La boite magique qui crée des produits est en fait une machine. Elle a longtemps été l'Homme lui-même, et n'est donc pas une entrée, mais le centre du système. Le travail transforme les ressources en produits. Cette action requiert de l'énergie que l'Homme se procure en mangeant. Les autres machines extraient elles-aussi du travail, en « mangeant » de l'énergie. Nous l'avons vu en premier lieu, l'Homme s'est remplacé lui-même par d'autres machines organiques. Les animaux fonctionnent comme les humains, et nécessitent de manger pour transformer. Plus tard, l'humain remplacera certaines tâches qu'il accomplissait par des machines « mangeant » de l'énergie éolienne ou aquatique, puis plus récemment, de l'énergie fossile carbonée (charbon, gaz, pétrole). C'est précisément ces énergies fossiles qui ont contribué à l'essor des machines métalliques, en place de pauvres êtres humains dépassés en terme de puissance. Ce que l'on nomme « Révolution Industrielle » découle en grande partie des avancées techniques et scientifiques autour de la notion d'énergie.

Contrôle et communication de l'information

Nous allons continuer avec ce nouveau modèle, et y ajouter quelques détails qui revêtent un intérêt primordial. Non seulement le schéma économique actuel n'a toujours pas intégré les découvertes scientifiques de la Révolution Industrielle d'il y a 200 ans, mais il est tout autant en retard sur des avancées plus récentes. En effet, plusieurs autres nouveautés scientifiques, un peu plus disparates mais néanmoins reliées par un concept commun, vont nous proposer une nouvelle vision dans cette grande fresque. Il s'agit de l'information, concept encore peu évoqué, mais qui est d'une importance toute aussi capitale que l'énergie. Les premiers usages du concept d'information au niveau économique et organisationnel se retrouvent dans le langage ou le comptage. Le langage est un moyen rapide et efficace pour communiquer, échanger, s'organiser. Le comptage se révèle très important pour quantifier ce que l'on possède (nombre de personnes, de réserves, de têtes de bétail), puis pour commercer. La création des mathématiques fournit les règles arithmétiques pour satisfaire cette application. Plusieurs tentatives sont menées afin de faciliter ou de mécaniser le comptage, avec le boulier, et bien plus tard, avec des machines spécialement dédiées, les machines à calculer, comme la pascaline13. Pendant la Révolution Industrielle, on note plusieurs progrès dans ce domaine14,15. Joseph Jacquard reprend, améliore et intègre une méthode de contrôle automatique dans les métiers à tisser, à base de cartes perforées15 ; Charles Babbage et Ada Lovelace tentent de construire une machine à calculer de la taille d'un salon et rédigent le premier « programme informatique » ; Georges Boole fait des avancées impressionnantes dans la logique et l’algébrique conditionnelle ; Herman Hollerith construit une machine à tabuler qui sera utilisée par l’administration des États-Unis pour le recensement de la population en 1890. Plus récemment, et sublimant la convergence de ces idées, Claude Shannon rédige et publie sa Théorie de l'information tandis que Norbert Wiener travaille sur le contrôle de l'information, puis fonde la cybernétique. Ces deux champs d'application sont les deux faces d'une même pièce : l'information. Et ils nous renseignent sur les lois de l'information, tout comme la Thermodynamique nous renseigne sur les règles de l'énergie. Je n'entrerai pas dans les détails techniques, mais la Révolution Numérique que nous vivons actuellement repose entièrement sur ces avancées, et sur le concept d'information. Nous allons découvrir un ressort très important de ces progrès : celui du contrôle des transformations, et par ricochet, des structures de production que sont les machines.

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La Théorie de l'information

Dans la première partie du XXème siècle, l'effervescence des recherches dans le domaine du chiffrement et de la transmission des communications va aboutir sur une œuvre scientifique majeure qui va bouleverser nos sociétés modernes. En 1948, un ingénieur américain du nom de Claude Shannon publie un article qui expose une théorie mathématique des communications16. Bien que peu connu, ce travail rassemble les connaissances très avancées du domaine des télécommunications aux États-Unis, et alimentera la Révolution Numérique en devenir, avec l'essor de l'électronique. Le travail de Shannon va également influencer de nombreuses autres disciplines que les télécommunications, au point que l'auteur lui-même devra publier un article, 8 ans plus tard, pour freiner les ardeurs des plus téméraires. Une blague sémantique va apporter une confusion énorme concernant la notion d'information. Celle-ci est déjà incorrectement associée à une équation que l'on dit « d'incertitude », et qui constitue un point central dans le travail de Shannon. Ce dernier va nommer cette équation d'incertitude du nom d' « entropie », terme assez difficile à appréhender et qui existe déjà en Thermodynamique. Shannon suit le conseil de John von Neumann en jouant sur la similitude entre les deux équations, et le fait que : « Personne ne sait vraiment ce qu'est l'entropie, donc dans un débat, tu auras toujours l'avantage! »17 Ce travail refait surface de nos jours, en biologie notamment, et nous permet de mieux cerner certains aspects de notre Univers. Les propriétés de l'information se montrent très pratiques pour améliorer le schéma général de l'économie.

La première propriété a une importance à priori mineure mais mérite que nous la mentionnons. Dans notre nouveau modèle, les ressources sont constituées de matière et d'énergie.

Hors, ces deux éléments sont de l'information par nature. Un facteur de production, machine humaine ou non, transforme donc de l'information (11). Dans un souci de clarté, je conserverai la notation de ressources en matière et énergie. Néanmoins, le lecteur retiendra qu'il s'agit d'information, et cette distinction se montrera bien pratique pour les approches scientifiques.

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Une seconde propriété se situe dans la considération des résultats d'une transformation.

Celle-ci va générer des éléments finaux que l'on dénommera en fonction de leur utilité pour l'Homme. Si ceux-ci s'avèrent utiles et sont désirés, alors nous nommerons ces éléments finaux des produits. Si ces éléments ne nous sont pas utiles, ou qu'ils s'avèrent gênants, nous les nommerons pollution ou déchets (12). Si nous suivons la nomenclature de l'information, les produits, éléments désirés, sont du signal ou un message. A l'inverse, les déchets, éléments non désirés, sont du bruit.

Cette distinction est de la plus haute importance, tant elle va influer sur la finalité de ces éléments, mais également sur les circuits économiques en aval du facteur de production. Nous commençons ici à entrevoir un possible lien entre l'information et le concept d'utilité émis par les marginalistes durant le XIXème siècle. Cette relation ne sera pas traitée dans le présent document et fera l'objet d'un prochain travail.

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La figure suivante représente une nouvelle étape dans la modélisation d'un facteur de production humain. Les ressources, qu'elles soient considérées comme de la matière et de l'énergie, ou comme de l'information, sont transformées par des machines en biens ou services d'intérêt pour l'Homme. On peut cependant discerner des conditions et des applications bien distinctes pour ces machines, et leurs produits. Les progrès scientifiques de la Révolution Industrielle ont favorisé la compréhension de notions comme l'énergie, le travail, la chaleur et ont découlé sur la maîtrise des machines mécaniques. Les progrès scientifiques dans le domaine de l'information et la Révolution Numérique nous rapprochent de la compréhension de la notion d'information, et favorisent l'essor des machines à calculer, des ordinateurs et des télécommunications. De plus, nous constatons que les éléments en sortie sont triés en fonction de leur utilité, et donc, de leurs destinés : ce qui est utile est un produit ou un signal, ce qui est inutile est un déchet, une pollution ou du bruit (13).

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Nous comprenons ici pourquoi j'ai décidé de conserver l'énergie parmi les ressources. Les nouvelles machines crées par l'Homme transforment de l'information et manipulent de l'énergie, sous forme d'ondes électro-magnétiques (électricité, lumière). Les systèmes électroniques, optiques ou photoniques sont de telles machines, qui ne transforment pas de la matière per se, mais bien de l'énergie, qui interagira ensuite avec la matière.

Rétro-actions et gouvernance

Passons maintenant à l'autre facette de la pièce. Là où la théorie de l'information se focalise sur la transmission d'un message ou d'un signal, la cybernétique s'attache à comprendre les lois du contrôle et de la régulation de l'information. Ce n'est pas un hasard si ces deux disciplines naissent à la même période, au sein du même nid de la recherche Nord Américaine. Elle fut élaborée par Norbert Wiener, mathématicien américain, durant la Seconde guerre mondiale, pour améliorer les systèmes de défense anti-aérienne. Elle fut détaillée plus précisément après le conflit, afin de garder le secret défense. Loin de l'image moderne que l'on peut avoir de la cybernétique, déformée par les œuvres artistiques littéraires et visuelles, la cybernétique étudie le contrôle des systèmes dynamiques. Le terme vient du grec κυβερνητική (kubernêtikê, l'art de piloter, de diriger), et correspond au pilotage d'un vaisseau. Les termes « gouverne, gouvernail, gouvernement » proviennent de la racine de ce terme, κυβερνάω (kubernáô, piloter, guider). Le terme est premièrement utilisé par André-Marie Ampère, physicien français, pour nommer l'art de gouverner :

« [...] je nomme Cybernétique, du mot κυβερνητική, qui, pris d'abord, dans une acceptation restreinte, pour l'art de gouverner un vaisseau, reçut de l'usage, chez les grecs même, la signification, tout autrement étendue, de l'art de gouverner en général ».18

Le terme désigne, chez Wiener19, le contrôle qu'un système fait de l'information dont il dispose, et la façon dont il s'organise en fonction d'elle. Les principaux concepts que l'on connaît de la cybernétique sont les phénomènes de régulation et de rétro-action (feed-back en anglais). Ils sont vitaux pour tout être vivant, car ils leur permettent tout simplement de s'adapter et de maintenir leur équilibre de vie. Il s'agit du concept d'homéostasie, que j'ai mentionné plus tôt dans le chapitre sur la biologie. Ce terme fut popularisé durant les années 1950 par William Ross Ashby20, psychiatre américain et un des principaux contributeurs à la cybernétique naissante. Un exemple simple de rétro-action est un thermostat dans un radiateur. Celui-ci régule et conditionne la température que

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l'on souhaite garder dans une pièce. Si la température descend, le thermostat laisse l'eau chaude remplir le radiateur. Lorsque la température atteint le point désiré, le thermostat ferme l'arrivée d'eau. Le thermostat régule ainsi la température grâce à des rétro-actions, afin de la garder autour d'une valeur d'équilibre. La technique et les applications sont bien trop nombreuses et complexes pour que je les détaille ici. Nous retiendrons néanmoins des points d'importance cruciale dans le schéma général d'un facteur de production et plus généralement, dans la dynamique des systèmes et de leur environnement. Certaines rétro-actions sont inclues dans le schéma économique néoclassique, sous le terme fourre-tout d' « externalités ». Il regroupe les rétro-actions positives, négatives ou encore une partie des progrès technologiques. Le sens même du terme « externalités » démontre à quel point on ne se soucie pas des conséquences de l'activité économique humaine. Il dénote aussi une incapacité à l'intégrer au modèle économique. Les principaux effets compris comme une externalité sont la pollution et les coûts sociaux. La compter dans une activité économique reviendrait à s'amputer d'un profit, à admettre que notre effet sur l'environnement existe, et qu'il s'avère souvent néfaste. Cela reviendrait à intégrer une partie des coûts sociaux et écologiques dans la pensée économique. Impensable !

Les systèmes de production sont une sous-partie d'un grand ensemble dans lequel ils évoluent que l'on nomme environnement, et à partir duquel ils extraient matière et énergie. Lorsque nous transformons des ressources, les éléments finaux, ainsi que l'acte de transformation, vont avoir des effets en retour sur leur environnement (14), et par conséquent, sur le processus de production lui même. Par exemple, les produits vont nous permettre d'améliorer notre extraction d'une ressource : une grande partie du charbon extrait des mines est réutilisée sur place pour fournir l'énergie nécessaire à cette même extraction. Nous avons là une rétro-action positive, dans le sens où elle améliore une condition que nous estimons favorable. Il existe également des retro-actions négatives qui vont impacter à la baisse sur les rendements de production. Je note ici trois modes de rétro-actions négatives des sous-produits : la chaleur intrinsèque à toute transformation ; les résidus et sous-produits finaux qui peuvent ré-entrer dans la machine et provoquer des dégradations ou des erreurs ; enfin, une dégradation sur les ressources, que l'on qualifie généralement de pollution.

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Du point de vue de l'énergie, le travail est bien utilisé pour la transformation, mais la chaleur dissipée n'est généralement pas utile (sauf lorsqu'on désire chauffer une pièce ou un objet). Elle est même bien souvent gênante, et l'on cherchera alors à s'en débarrasser. Comme nous l'avons vu plus haut, les machines qui utilisent de l'énergie génèrent de la chaleur lors de leurs actions. Cette

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chaleur, si elle s'accumule, peut détériorer la machine (dilatation des pièces, baisse de résistance des matériaux), ou réduire son rendement (comparé au cycle de Carnot10). Il convient donc de l'évacuer.

Le processus de production prend des ressources spécifiques en entrée, puis, les transforme.

Les produits contiennent rarement la totalité de la matière utilisée en entrée. Lors de la transformation, des résidus de matière sont échauffés et se dissipent en chaleur, d'autres résidus se détachent. Il arrive également que nous ôtions des parties inutiles d'un bloc plus grand, plus intriqué. Ces déchets n'étant pas les ressources désirées pour créer le produit, ils ne doivent pas entrer dans la machine et le circuit de transformation. Pire, ils peuvent détériorer la machine, insérer des imperfections dans le produit ou même amener des erreurs dans le processus de transformation.

Une attention particulière doit être apportée pour éviter que ces déchets ne pénètrent dans la machine. Les produits finaux sont aussi des déchets pour la machine. Évidemment, une fois le cycle de production terminé, il faut recommencer une nouvelle séquence avec des ressources de départ.

Le produit final représente alors une gêne qu'il faut évacuer. Alors qu'ils ne disposent pas de la même qualité pour l'observateur humain, déchets et produits sont des gênes à transporter impérativement hors de la machine.

La gestion de ces déchets est une problématique capitale, voire vitale. En effet, certains déchets sont très nocifs, y compris pour l'Homme. Des rejets de mines aurifères, ou une marée noire risque non seulement de menacer la vie du personnel, des habitants locaux, mais va se traduire par une mortalité élevée des espèces vivants en ce lieu. Nous observerons alors une dégradation des conditions de vie, de l'habitat et de l'apport en nourriture. Dans le cadre de la production elle même, les déchets doivent être évacués. Les déchets peuvent tout simplement agir sur les ressources de mon environnement, et dans ce cas, mon apport en ressources se tarit par mes rejets de déchets. Il convient alors de les éloigner et de s'en occuper. Une façon simple de traiter cette problématique consiste à les relâcher dans la nature, si possible vers un lieu éloigné. S'ils sont relâchés à proximité, ils risquent de provoquer des catastrophes assez importantes, d'où l'impérieux besoin de les déverser au plus loin, si possible dans un courant ou dans un lieu peu fréquenté. Une autre solution consiste à limiter les déchets générés lors de la production, ou de les retraiter.

Opérateur et machine, cerveau et muscles

Un second aspect concerne la sémantique et la définition des notions utilisées dans le processus de transformation. La cybernétique apporte plusieurs précisions qui nous seront précieuses pour mieux cerner les phénomènes d'éviction de l'humain, hors de la production économique. D'après Ashby20, les transformations font intervenir trois éléments distincts (15). Les opérandes comprennent tous les systèmes sur lesquels va être réalisé une action de transformation.

Les opérateurs sont les systèmes qui réalisent cette transformation. Les transformés correspondent aux systèmes issus de cette transformation.

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Ces définitions peuvent sembler anecdotiques à première vue, mais nous permettent de bien séparer et considérer chaque élément impliqué au cours d'une transformation. En dehors du champ mathématique, nous pouvons aussi appliquer ces concepts à l'usage de l'économie. Dès lors, les opérandes sont des ressources que l'on va modifier, transformer. Les transformés sont le résultat de l'acte de transformation, les produits et les déchets. Concernant les opérateurs, je tiens ici à rajouter

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cette nuance capitale, qui n’apparaît pas explicitement dans les travaux d'Ashby. En effet, il ne s'intéresse qu'aux transitions entre des états, et nomme opérateur ce qui produit ces transitions. Le terme désigne ainsi un ensemble assez flou. Dans notre cas présent, nous devons convenir d'une différence bien claire entre d'un coté les machines, qui effectuent un travail purement mécanique, et de l'autre coté, ce que j'estime être les vrais opérateurs, qui sont les systèmes contrôlant l'activité de ces machines (16). Ces derniers ne fournissent pas directement le travail mécanique en lui même, mais le gèrent par leur activité computationnelle et gestionnaire. Pour cela, ils disposent d'un ensemble de senseurs et d'effecteurs, les premiers renseignent sur l'état de la machine et des ressources, les seconds transmettant les ordres d'action à la machine. Afin de réaliser leurs tâches, machines et opérateurs sont dépendants de sources d'énergie : la machine pour le mouvement, l'opérateur pour le mouvement et le traitement de l'information.

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Si nous appliquons ces deux termes à l'Homme, la machine sera les muscles, l'opérateur sera le système nerveux. Les neurones sensitifs captent les informations extérieures et internes, transmettent une majorité de ces signaux au processeur central de traitement, le cerveau. Celui-ci réceptionne les multiples informations, les traite, les stocke, les associe, les compare. Il renvoie ses décisions sous forme de commandes à toutes les parties de la machine, par les neurones moteurs.

Ceux-ci complètent la « boucle sensori-motrice », en actionnant les muscles. Les systèmes organiques complexes sont tous dépendants de structures de gouvernance et sont, par définition, cybernétiques. De la cellule aux sociétés humaines, un centre opérationnel de contrôle est vital pour maintenir l'organisation générale du système, d'autant plus qu'il est vaste dans l'espace, consommateur en ressources (qui doivent être gérées), et constitués de nombreux sous-systèmes.

Les sociétés humaines sont parvenues à atteindre ce degré de complexité et de contrôle par la régulation de leurs activités, la structuration des comportements individuels et l'amélioration de la transmission de l'information au sein des sociétés, mais aussi entre les sociétés. Ce contrôle s'effectue par la loi, le droit, l'éducation, l'éthique, les traditions, la religion qui fournissent des règles et participent au maintien de l'ordre social. L'application de cet ordre se fait grâce à des moyens techniques de communication entre les différentes structures qui composent le système.

Nous en revenons ici à la nécessité de disposer d'un modèle précis et représentatif. Une cellule, un organisme vivant, ou un gouvernement doit posséder des informations ascendantes sur son environnement afin de s'organiser en conséquence, et prendre les décisions qui seront optimales. Si

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