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JÓZEF HEISTEIN DÉCADENTISME, SYMBOLISME, AVANT-GARDE DANS LES LITTÉRATURES EUROPÉENNES Recueil d'études

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ROMANICA WRATISLAVIENSIA XXVIII

ACTA UNIVERSITATIS WRATISLAVIENSIS N° 1019

JÓZEF HEISTEIN

DÉCADENTISME, SYMBOLISME, AVANT-GARDE DANS LES LITTÉRATURES EUROPÉENNES

Recueil d'études

Wroclaw 1987 Paris

WYDAWNICTWO UNIWERSYTETU LIBRAIRIE — ÉDITIONS

WROCLAWSKIEGO A. G. NIZET

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COMITÉ DE RÉDACTION

Karol Fiedor, Jerzy Jakubowski, Ewa Kolasa, Ryszard Męclewski, Herbert Myśliwiec, Janusz Trzcinski (président). Wojciech Wrzesiński

RÉDACTEUR LITTÉRAIRE Jadwiga Flasińska

Les épreuves du texte ont été revues et corrigées par Mlle Hélène Vazel, lectrice de français à l'Université de Wroclaw

Copyright 1987 by Uniwersytet Wroclawski — Wydawnictwo

ISSN 0239—6661 Acta Universitatis Wratislaviensis ISSN 0557—2665

ZGUWr. z. 1094, 800+100 B-5

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PRÉFACE

Le présent volume contient des textes des cours préparés pour les étudiants en littérature comparée et en italien de l'Université de la Sorbonne Nouvelle, et donnés pendant l'année universitaire 1985/86 ainsi qu'un certain nombre d'études ponctuelles sur les problèmes littéraires «comparés» qu'on peut trouver dans plusieurs recueils et revues publiés en Pologne et à l'étranger. Il ne s'agit donc pas d'une monographie sur la problématique abordée qui demanderait des milliers de pages, étant donné qu'on a affaire à plusieurs littératures.

Le but de l'auteur se limite à présenter aux étudiants et aux chercheurs un tableau général de certains problèmes montrés dans un contexte plus vaste — celui de plusieurs littératures européennes — et à donner quelques illustrations facilitant la «réception»

de ce tableau, à partir de l'exemple d'auteurs polonais, entre autres, qui occupent une place assez importante dans l'histoire de la littérature européenne, mais qui sont, malheureusement, peu connus hors de la Pologne.

Le texte du volume est présenté, en principe, à partir de mes propres recherches (dans la note bibliographique, jointe à la préface, et dans les références je mentionne mes travaux antérieurs), mais je m'appuie aussi sur des études parues dans deux volumes publiés en polonais, sous ma direction, comprenant en grande partie mes propres textes, mais aussi ceux de quelques chercheurs de l'Université de Wroclaw, notamment Futuryzm i jego warianty w literaturze europejskiej (Le futurisme et ses veriantes dans la littérature européene, Wroclaw 1977) et, surtout, Europejskie awangardy literackie lat dwudziestych (Les avantgardes littéraires européennes dans les années vingt, Wroclaw 1984) 3 De nombreuses références sont dues aux études de Z.

Baranski sur le Front de Gauche en Union Soviétique, de M. Szyrocki et M. Cienski sur le dadaïsme et l'expressionnisme allemands et de J. Trzynadlowski sur les avant- gardes polonaises.

1 Pour la publication, les textes ont été annotés et munis de références, pas toujours complètes, sans que pourtant la "convention" des cours ait été modifiée.

2 J 'évite la notion de «littérature comparée», il s'agit plutôt d'«études comparées» sur la littérature ou les littératures.

3 Ces livres, comme d'ailleurs tous les textes du présent volume, ont été écrits avant la parution de l'oeuvre Les avant-gardes littéraires au XX siècle, sous la direction de J. Weisgerber, t. 1-2, Budapest 1985 (collection Histoire Comparée de littérature des langues européennes, publiée sous les auspices de l'Association Internationale de la Littérature Comparée).

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Dans ce volume on consacre peu de place à la littérature française, et ce pour deux raisons: 1) Il y a un grand nombre d'études consacrées à la problématique ici abordée, parues en France ou en français (pour ce qui concerne ma propre contribution, on trouvera un certain nombre de problèmes dans mon livre intitulé Cours d'histoire

littéraire de la France. Le XX siècle, Warszawa 1982, et publié également en français);

2) La littérature française, dans le présent volume, ne sert, en principe et surtout dans les «cours», que de matériau de référence ou bien, pour ce qui concerne certains problèmes, par exemple: la présence du futurisme dans la littérature française, la portée du surréalisme; j'ai cherché — à tort ou à raison — une explication des phénomènes artistiques mentionnés, en m'appuyant aussi sur l'analyse des processus littéraires dans d'autres pays.

La présence d'études plus générales et plus ponctuelles permettra, à mon avis, au lecteur d'avoir un aperçu plus vaste, quoique moins précis, dont l'approfondissement est toujours possible si l'on s'intéresse à un problème particulier; parfois même ce type d'approfondissement sera nécessaire, par exemple pour ce qui concerne le texte intitulé Les frères polonais des «absurdistes» français, qui a été présenté sous forme de conférence illustrée de diapositives de quelques spectacles, mais dont une étude plus approfondie demanderait des volumes entiers.

La plupart des textes, même si certains furent adaptés aux «cours» et au «statut» de ce recueil en général, n'ont pas subi de changements importants par rapport à la publication initiale. Dans quelques textes, j'ai supprimé des fragments qui font écho à d'autres études bien que, dans certains cas, j'aie laissé ce genre de fragments pour ne pas obliger le lecteur à lire des textes plus vastes là où, à mon avis, suffit une brève synthèse.

Le volume est consacré presque entièrement à la problématique littéraire, bien que l'auteur soit conscient du manque de références plus exhaustives aux autres genres d'art; sans ces références, l'image des problèmes traités est certainement incomplète, mais le texte, pour les études littéraires auxquelles il est destiné, me paraît plus opératoire.

Toutes les traductions de fragments de textes ou d'études écrits dans d'autres langues que le français, sont de l'auteur du livre, sauf indication contraire.

Enfin encore une remarque. Je crois que les matériaux présentés dans ce volume peuvent non seulement servir aux comparatistes, mais aussi aux étudiants et aux chercheurs s'occupant de la littérature polonaise en dehors de la Pologne. J'ai pu constater qu'il y avait peu d'études sur la littérature polonaise publiées dans les langues dites «de congrès», plus accessibles au public étranger. Peut-être la publication de ce livre, s'il a du succès, pourra-t-elle encourager d'autres chercheurs polonais à continuer ce genre de travail.

Wroclaw, avril 1986. Józef Heistein

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NOTE BIBLIOGRAPHIQUE

Les chapitres I, V, VII et XIV ont été préparés dans la convention de «cours» au moment où j'attendais ma nomination au poste de «professeur associé» à l'Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III). J'avais publié plus tôt un certain nombre d'études sur les problèmes abordés dans ces chapitres, sans mentionner les cours donnés à mon université, celle de Wroclaw, notamment:

Chapitre I

L. Pirandello, Wybór dramatów (Drames choisis), édition préfacée et commentée par Józef Heistein Warszawa — Wroclaw — Krakôw 1978 (coll. Biblioteka Narodowa, série B).

G. Deledda, Annalena Bilsini, édition préfacée et commentée par Jôzef Heistein, Warszawa — Wroclaw

— Kraków 1985 (coll. Biblioteka Narodowa, série B).

Le Symbolisme et le Modernisme, [dans:] Modernités. Théorie et pratique dans la littérature, Lille 1975.

Chapitre V

La roman futuriste, «Romanica Wratislaviensia», vol. IX, 1973.

Le futurisme dans la littérature italienne et européenne, étude introductive à deux numéros de la revue

«Europe» (Paris) consacrés au futurisme, mars, avril 1975.

Les nouvelles études sur le futurisme, «Romanica Wratislaviensia», vol. XII, 1977.

La pensée littéraire de l'avant-garde, «Beiträge zur Romanischen Philologie», n° 1/1978.

Futuryzm i jego warianty w literaturze europejskiej, en collaboration avec Z. Baranski, M. Szyrocki et J.

Trzynadlowski, Wroclaw 1979.

Teatr futurystyczny (La théâtre futuriste), «Scena», VI 1979.

Le futurisme et les avant-gardes en littérature. L'apport de la Pologne. Conférences du Centre Scientifique de l'Académie des Sciences à Paris, Fasc. 122, Warszawa 1979.

Le futurisme en littérature. Méthodes de recherche sur les avant-gardes, [dans:] Actes du VIII Congrès de Littérature Comparée, Budapest 1980.

Le futurisme en Pologne, [dans:] Les avant-gardes littéraires en Europe, sous la direction de J.

Weisgerber, Budapest 1986.

Chapitre VII

Europejskie awangardy literackie lat dwudziestych, en collaboration avec Z. Baranski, M. Cieński, M.

Szyrocki, J. Trzynadlowski, cité dans la préface.

La poetica e la narrativa di Bontempelli, «Romanica Wratislaviensia», vol. VII, 1971.

Cours d'histoire littéraire de la France. Le XX siècle, Warszawa 1982, chapitre: Entre les deux guerres mondiales.

Chapitre XIV

Certains fragments ont été publiés dans mon livre Historia literatury wloskiej (Histoire de la littérature italienne), 1 éd. Wroclaw — Warszawa — Krakôw 1979, et surtout dans la 2 édition de 1987.

En outre:

Le roman anti-naturaliste. Quelques directions de l'art romanesque à la charnière des XIX et XX siècles (chapitre 1), [dans:] Typologie du roman. Actes du colloque organisé par l'Université de la Sorbonne Nou- velle (Paris III) en collaboration avec l'Université de Wroclaw à Paris, les 24-26 janvier 1983, présentés par Ch. Moatti et J. Heistein, Wroclaw 1984.

La vision scénique dans le théâtre symboliste, «Romanica Wratislaviensia, vol. XII, 1977.

Symbolisme et avant-garde, [dans:] Le Symbolisme en France et en Pologne, Actes du colloque organisé par l'Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III) en collaboration avec l'Université de Wroclaw, Wroclaw 1982.

Le futurisme et l' esprit d'avant-garde dans la littérature française au début du siècle, «Beiträge zur Romanischen Philologie», n° 2/1979.

L'esthétique de Witkiewicz et l'avant-garde théâtrale en France, «Revue des Sciences Humaines» (Lille), n° 1/1974, idem, «Zagadnienia Rodzajów Literackich», t. XVI, c. 2.

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Lignes de développement du drame et du théâtre d' avant-garde, [dans:] Le drame d' avant-garde et le théâtre, Actes du colloque franco-polonais organisé par l'Université de Wroclaw et l'Université de la Sorbonne Nouvelle, réd. J. Heistein, Warszawa — Wroclaw 1979.

L'humorisme de Pirandello et le «nouveau théâtre», «Beiträge zur Romanischen Philologie», n° 2/1978.

Les frères polonais des «absurdistes» français, [dans:] Les Cahiers franco-polonais, Varsovie 1982.

Le roman de Beckett et les extrêmes du naturalisme. «Romanica Wratislaviensia», vol. X. 1975.

Certains aspects de la clôture dans les romans de Gombrowicz [dans:] Le point final, Actes du colloque organisé par l'Universitéde Clermont II. Clermont-Ferrand 1984.

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I. LE DÉCADENTISME ET SES CONTEXTES EUROPÉENS 1. LA NOTION DE DÉCADENTISME: SOURCES ET SIGNIFICATIONS Il n'y a aucun doute: la notion moderne de décadentisme comme phénomène artistique et en particulier littéraire est née en France dans la deuxième moitié du XIX siècle. Pourtant il est aussi hors de doute, comme le constatent bon nombre de chercheurs, que «le Décadentisme se dérobe à toute définition, à toute mise en formule» du moins en France et dans l'historiographie française, comme il résulte des études littéraires les plus récentes On observe cependant l'existence de cette notion dans d'autres littératures, surtout dans la littérature italienne où le décadentisme a fait une carrière extraordinaire (il en sera question ci-dessous), devenant un terme désignant toute une époque littéraire et même artistique en général.

Ce qui saute aux yeux, ce sont des évaluations différentes, opposées même, de ce phénomène, et ce dès le début de l'«existence» littéraire et artistique du décadentisme.

D'un côté, ceux qui se réclamaient d'avoir été «décadents» s'en vantèrent, ils voyaient dans ce phénomène la source et le stimulant d'un art nouveau, de l'autre, leurs adversaires donnèrent à la notion de «décadence», à celle de «décadent» etc. une signification nettement négative, péjorative. Ces types d'appréciation ont persisté jusqu'à nos jours. Toutefois aussi bien le champ sémantique du terme «décadentisme»

que les significations qui s'y rapportent ont subi d'importantes modifications, en relation avec les facteurs historiques et géographiques.

Les sources de ce terme sont claires: on le réfère à la période du déclin de l'empire romain dont parla, entre autres, Montesquieu dans ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence. Les tournants dans l'histoire de la France au XIX siècle, les révolutions de 1830; de 1848, et surtout la guerre de 1870 et les batailles de la Commune de Paris, tout ce qui a conduit au déclin de l'empire napoléonien, ne pouvait pas ne pas provoquer certaines analogies avec la décadence romaine. Il en résulte que les sources de ce qu'on peut appeler «esprit de décadence»

(j'y reviendrai) ont un caractère très large, embrassant les terrains politique et social;

1 Cf. J. De P a l a c i o, Liminaire, recueil d'études Aspects du décadentisme européen, «Revue des Sciences humaines», n° 153, 1/1974.

2 Cf. l'article Décadence (auteur: P. B r u n e l), [dans:] J. P. de Beaumarchais, D. Couty, A. Rey, Dictionnaire des littératures de langue française, Paris 1984, vol. 1.

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cependant un certain redressement de la France après les chocs mentionnés, en particulier après celui de 1870/71, a permis à ce pays de garder et ensuite de renforcer sa position de puissance européenne, et contredisait les analogies avec le déclin politique et social de l'empire romain Seuls certains groupes d'artistes, d'ailleurs de manière très différente, continuaient à voir dans les dernières décennies du XIX siècle une période de «décadence», souvent sous l'influence des idées catastrophistes d'un Nietzsche, par exemple, ce qui donna à la notion de décadence un caractère extra- national et contribua au caractère cosmopolite des oeuvres marquées par cet esprit de décadence. Pour ces artistes, tout de même, la notion de décadentisme eut un caractère constructif, parfois neutre, souvent symbolique, voire polysémique, se prêtant à des interprétations diverses, comme c'est le cas du fameux vers du sonnet de Verlaine intitulé Langueur: «Je suis l'Empire à la fin de la décadence»

Je n'ai pas d'intention de tracer une histoire de l'emploi de la notion de décadence ou de décadentisme par les artistes, critiques littéraires et critiques d'art; on y a consacré un tas d'études qui peuvent être consultées Ce qui m'intéresse dans la présente étude c'est l'évolution des significations de cette notion aussi bien au moment de son entrée dans le cadre historico-littéraire qu'au cours des périodes ultérieures, aussi bien en France que dans d'autres pays européens (pas tous naturellement).

Avant de passer aux considérations sur le décadentisme dans certains pays ou plutôt dans certaines littératures, je voudrais essayer de délimiter les significations générales de cette notion dans le domaine de l'art, mais sans négliger ses contextes

extra-artistiques là où cela paraît i n d i s p e n s a b l e

1. On utilise cette notion pour définir une période de déclin d'une époque artistique aussi bien dans les temps anciens (dans l'art hellénique, par exemple) qu'aux époques ultérieures; dans ce sens les notions de «décadence» et de «décadents» sont utilisées en principe par ceux qui donnent aux périodes en question une appréciation plutôt négative.

2. La notion de décadentisme au sens plus étroit désigne une période dans l'histoire de certaines littératures où les traits de «décadence» sont mis en relief comme phénomène sinon dominant, du moins important du processus historico-littéraire.

L'évaluation de cette notion a alors plusieurs nuances, aussi bien positives que négatives, parfois neutres; cela dépend le plus souvent des points de vue des auteurs de ces évaluations.

3 Je ne mentionne ni les conflits sociaux liés à l'industrialisation et au développement de la classe ouvrière dont les protestations furent sévèrement réprimées, ni d'autres conflits qui boulversèrent la France vers la fin du siècle, l'affaire Dreyfus, par exemple, parce que ces événements n'ont pas conduit au déclin du pays.

4 Cf. entre autres l'étude de M. D é c a u d i n, Définir la décadence, [dans:] L'esprit de décadence, Paris 1980, Actes du colloque de Nantes, vol. 1, p. 6.

5 Cf. entre autres l'article mentionné Décadence (note 2), et R. P o u i ll i a r t, Le Romantisme, III, 1869- 1896, Paris 1968, Arthaud.

6 Dans ce domaine, je me suis basé, outre les sources mentionnées, sur l'article Dekadentyzm (auteur:

M. Glowiński), [dans:] Siownik terminów literackich (Dictionnaire des termes littéraires), Warszawa — Wroctaw 1976, mais j'ai essayé de considérer ce problème de manière plus large.

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3. La notion de décadentisme est utilisée pour désigner un courant spirituel présent de manière inégale dans beaucoup de pays au cours de dernières décennies du XIX siècle, ce courant se traduit par une attitude pessimiste et individualiste, par un sentiment de faiblesse et de raffinement spirituel, d'inadaptation à la situation politico- sociale et économique instable et aux relations interhumaines qui en résultent. Dans ce sens on utilise parfois d'autres termes qui, s'ils ne sont pas synonymiques, impliquent néanmoins certains des caractères énumérés ci-dessus; je pense surtout à «l'esprit fin de siècle». Parfois on utilise dans ce cas-là le terme de «modernisme», lui aussi polyvalent et difficilement définissable.

4. Parfois les notions de «décadent» (nom) ou «décadent(-e)» (adjectif) sont attribuées à certains auteurs ou à leurs oeuvres singulières, parues dans diverses époques, dans lesquelles l'univers représenté est considéré comme éloigné de la réalité, limité au monde intime de l'individu (à l'âme humaine), souvent aux traits pathologiques; ce type d'évaluation est utilisé en principe par des partisans du réalisme artistique selon lesquels, grosso modo, l'oeuvre d'art doit refléter les traits dominants (les plus typiques) de la réalité, se rapportant plus à la collectivité sociale et aux relations interhumaines (et aux idées sur cette réalité) qu'à l'homme seul.

2. LE DÉCADENTISME EN FRANCE

Comme je l'ai mentionné, je ne m'occupe pas ici de l'histoire de la notion de décadentisme, mais d'un certain nombre de faits et d'idées que je considère comme les plus importants pour déterminer sa place dans le processus littéraire. Certes, dans notre perspective, les idées sur le décadentisme caractéristiques des années quatre- vingts du siècle passé diffèrent de celles d'au jourd'hui, mais il vaut la peine de rappeler les polémiques autour du décadentisme à l'époque de sa naissance.

Voici ce que considéraient comme décadentisme ses partisans les plus fervents, à savoir le créateur de toutes les mutations de la revue «Le Décadent» et auteur du manifeste de l'«école décadente», Anatole Baju, et l'un des théoriciens de cette école Ernest Raynaud. Ce dernier, dans le numéro 3 du 15-21 janvier 1888 définit la notion de «décadent» de la manière suivante:

Tout artiste qui écrit, en dehors de la préoccupation du public, avec l'idée bien arrêtée de ne rien sacrifier de son art en vue d'aplaudissements, mérite d'être étiqueté tel, et c'est dans ce sens que je revendique l'honneur d'être décadent.

Dans le numéro 5 (15-29 février, 1888) Anatole Baju met en relief la rupture avec l'art du passé grâce à une autre façon de voir le monde et à l'utilisation d'un style particulier:

Les Décadents ne voient pas comme tout le monde et ils sont assez hardis pour traduire fidèlement leurs impressions: voilà ce qui fait leur personnalité. Insoucieux des préjugés, ils les heurtent du front au risque de démolir mais sans crainte de s'y briser.

Dans le numéro 9 de la même année, Baju condamne les poses et les extravagances de certains artistes: «Les vrais décadents répugnent à toutes ces poses. Chez eux rien J'utilise ici le terme de «courant» sans le définir, car ce terme est plus opératoire et compréhensible que les essais de le définir d'une manière généralement acceptable.

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n'est factice; tout est naturel». Il traite le décadentisme ou plutôt le «décadisme»

comme un mouvement très sérieux et large qui s'étend à toutes les branches de l'intelligence humaine: philosophie, histoire, critique, poésie, roman etc., et il dit ensuite: «Décadent est synonyme de clarté, de logique et surtout de probité l i t t é r a i r e »

Qui plus est, la littérature possède un rôle éminemment éducateur: l'écrivain effectue la direction morale en remplaçant le «prêtre mort». Quelques éclaircissements sur cette direction sont fournis par E. Raynaud dans son article Un point de doctrine; la fausse éducation, selon l'auteur, de la fin de l'Empire Romain, a produit «les moeurs du bas- empire», la situation dans la France de cette période ayant quelque chose d'analogue:

on apprend aux jeunes tout au long de leur éducation à exercer l'hypocrisie et le mensonge, l'art de parler pour ne rien dire. Le rôle de l'écrivain-décadiste est de «faire vrai consciemment», ce qui veut dire: chasser le monde objectif et se concentrer sur le monde subjectif, le seul possible à connaître. Car, les Décadents «ont acquis au conscient une bonne somme de l'Inconscient et ils ont repris résolument la conquête du Moi» (l'auteur considère comme maître de l'analyse de l'inconscient, entre autres, Rimbaud et Barrès).

Il est intéressant de noter, dans les écrits des partisans du «décadisme», leur rapport aux autres courants artistiques contemporains. Dans le même article, Raynaud fait une comparaison entre le décadisme et le naturalisme: les naturalistes, selon l'auteur, ne s'occupent que des phénomènes extérieurs, pour eux la description d'un paysage est un but, tandis que pour les décadistes ce n'est qu'un moyen de traduire un état d'âme correspondant. Plus intéressant est le rapport entre les décadents et les symbolistes décrit par. A. Baju; pour le chef de file du décadisme les symbolistes ne font que suivre les traces des décadents, ils n'ont rien apporté de neuf, ce sont des pseudo-décadents:

«Impuissants à créer, ils ont cherché à accaparer l'oeuvre des Décadents: ils sont les parasites d'une idée»

Citons encore le point de vue de Paul Bourget, une sorte de chef de file de cette génération tendant vers la modernisation de l'art, qui plus de dix ans avant la création de la dite «école décadente» déclara en 1876: «Nous accepterons sans humilité comme sans orgueil ce terrible mot de Décadence». Le futur auteur du Disciple et défenseur de l'idéologie nationaliste, royaliste et catholique, écrivait à cette période de façon très élogieuse de la poésie décadente; en témoignent ses Essais de psychologie contemporaine (1883, 1885) où il désigna Baudelaire comme le premier décadent conscient, le créateur de la théorie de la décadence.

Les fragments cités ci-dessus, sans prendre au sérieux la «grandeur» des décadents proclamée par eux-mêmes, nous permettent de faire quelques constatations qu'on trouve d'ailleurs dans d'autres études, mais qui nous serviront de références dans nos considérations sur le contexte européen du décadentisme, sans perdre de vue le fait que, premièrement, il faut tenir compte du décalage entre les idées contemporaines du phénomène en question, exprimant un «état de conscience» de cette époque, et les jugements postérieurs des historiens de la littérature et, deuxièmement, les mêmes

8 «Le Décadent», n° 20, 1-15 octobre 1888.

9 «Le Décadent», n° 23, 15-30 novembre 1888.

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historiens ne peuvent pas arbitrairement changer la terminologie, surtout restant en vigueur dans l'histoire littéraire des autres pays, même si cette terminologie provoque certains doutes plus ou moins justifiés:

1. Il n'y avait pas d'école décadentiste ou décadiste proprement dite, il n'y avait pas d'écrivains importants qui souscrivaient à cette école. D'ailleurs, dans le manifeste et dans les articles on ne trouve pas de poétique proprement dite, alors que justement une poétique particulière sert de base à l'existence d'une école littéraire.

2. Le manifeste et les articles dans les revues synthétisèrent, pour ainsi dire, certaines réalisations en littérature et certaines considérations sur les rapports entre la littérature et d'autres produits de la pensée humaine, mais n'apportèrent de grandes innovations ni dans la théorie du décadentisme ni dans les oeuvres considérées comme décadentistes.

3. Plutôt que d'une école il est préférable, comme il résulte du titre des actes du colloque consacré au décadentisme, organisé à Nantes, de parler de «l'esprit de décadence». Michel Décaudin, dans sa communication (déjà citée) fut d'avis que ce qu'on considère comme décadence suffit pour une prise de conscience collective plus que pour la formation d'une école. Certes, il s'agit d'une prise de conscience liée à l'abandon des illusions sur le progrès constant de la société grâce au développement de la science, grâce au progrès de la technique, ce qui stimula la renaissance de la philosophie idéaliste (ou, si l'on veut, néo-idéaliste) s'opposant à celle du positivisme précédent, une prise de conscience liée à la naissance de ce qu'on appelle idées catastrophistes qui dépassèrent les frontières d'un seul pays et s'étendirent à la civilisation à l'échelle mondiale. Tout cela contribua au fait que cet «esprit de décadence» devint un phénomène européen.

4. Pour ce qui concerne la France, Décaudin considère le décadentisme comme un

«moment de transition» avant l'apparition du symbolisme, bien que ce dernier n'ait pas effacé d'un seul coup l'esprit décadent qui se prolongea jusqu'à la veille de la première guerre mondiale. Il rappelle d'ailleurs que la plupart des décadents devinrent symbolistes. Je crois que les rapports entre le décadentisme et le symbolisme sont plus compliqués si l'on tient compte des faits suivants:

a) Aussi bien le décadentisme que le symbolisme ne naquirent pas au moment de l'apparition des manifestes correspondants; les manifestes résumèrent en général des

«faits déjà accomplis» et, en principe, ne traçaient pas de perspectives. Je considère comme «faits accomplis» des oeuvres de certains grands poètes de la deuxieme moitié du XIX siècle (et d'un nombre considérable de poètes moins connus) chez lesquels on trouve aussi bien les traces des idées décadentes que les éléments de la poétique symboliste; il est extrêmement difficile d'établir une césure dans ce domaine.

b) L'esprit de décadence et la poétique symboliste sont des notions qui s'enchaînent mais qui n'appartiennent pas aux mêmes catégories de pensée. Il est vrai, comme l'écrit Décaudin, que le héros du roman de Huysmans, À rebours, notamment des Esseintes, n'est pas un modèle complet de décadent, un modèle synthétisant tous les éléments composant l'«esprit de décadence» qui contient encore des affinités importantes avec le phénomène appelé parfois «esprit impressionniste», notion qui dépasse le cadre de l'impressionnisme dans la peinture. L'esprit impressionniste se

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traduit par une vision du monde qui contredit celle d'une réalité créée selon un ordre établi. Au contraire, cette vision est dominée par l'image du désordre, du chaos; à cette image correspond l'abandon de la technique figurative dans les arts plastiques, l'abandon de tout mimétisme en général. Comme on l'a déjà indiqué, à cette vision correspond également un subjectivisme plus ou moins radical, une conception selon laquelle les idées que l'artiste se fait du monde naissent dans son psychisme profond, voire dans l'inconscient. Du point de vue de la technique littéraire, pour refléter dans les oeuvres ce genre de vision, on a recours à la destruction de la syntaxe traditionnelle, aux expériments lexicaux et, dans la narration, par exemple, à l'abandon de la linéarité du discours. Les symbolistes pratiquaient ce type de vision dans leurs oeuvres, mais ce qui y domine, ce n'est pas la vision elle-même, mais les procédés (énumérés ci-dessus, entre autres) qui constituent la base de la poétique symboliste formée par opposition à la poétique naturaliste, une poétique préconisant un art plus raffiné, fondé sur des impressions plus personnelles et rares, faisant surtout abstraction du contexte social de l'art; cela ne veut nullement dire qu'on ne peut pas dégager, dans les oeuvres symbolistes, les éléments de la vision en question, mais que ces éléments, du moins dans l'intention des artistes, ne constituent pas l'essence de leur art.

c) Même si la composition d'une définition précise du symbolisme, fût-elle limitée au symbolisme français, nous paraît extrêmement difficile tout discours sur l'art symboliste, sur les oeuvres symbolistes, se résume en principe dans les catégories d'une esthétique et plus particulièrement d'une poétique, donc dans des phénomènes à caractère plutôt artistique. Dans la plupart des essais ayant pour but de définir la notion de symbolisme, leurs auteurs ne sont pas enclins, comme cela arrive dans le discours sur le décadentisme, à mettre en relief le contexte socio-politique de ce courant qui se réclame d'ailleurs d'entreprises pour échapper à ce contexte. Tout de même il ne faut pas négliger les ambitions philosophiques de certains symbolistes qui introduisaient dans leurs oeuvres et essais, des éléments à caractère métaphysique et essayèrent de démontrer que pour leur expression artistique l'art dit réaliste ne suffisait plus; il en résultait la demande d'utiliser de nouveaux procédés artistiques plus adaptés

Cependant, dans le discours sur le symbolisme il faut admettre au moins deux significations essentielles de cette notion: la première, plus étroite, se rapporte à un courant artistique (on parle parfois d'une école littéraire) d'une période plus ou moins délimitée; l'une des difficultés pour fixer des dates plus précises consiste dans le fait déjà mentionné, à savoir dans le décalage entre la parution des oeuvres d'un certain nombre d'auteurs, oeuvres singulières et recueils comme ceux de Poètes maudits d'une part et des manifestes de l'autre. Ajoutons encore (ce qu'on a déjà mentionné) que la délimitation des éléments attribués au décadentisme et au symbolisme constitue une 10 Cf. entre autres l'article Symbolisme (auteur: A. Preiss), [dans:] Dictionnaire des littératures de langue française, vol. 3.

11 Cf. entre autres K. W y k a, Charakterystyka okresu Miodej Polski (La caractéristique de l'époque de la Jeune Pologne), chapitre introductif à quatre volumes parus entre 1968 et 1974, intitulés Literatura okresu Mlodej Polski, Warszawa 1968, t. 1, p. 10.

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difficulté supplémentaire. L'autre signification, plus large, se rapporte aux «éléments symbolistes» qui existaient dès la naissance de l'art et de la littérature en particulier, et persistent jusqu'aujourd'hui, mais qui chez certains auteurs acquièrent des traits sinon dominants, du moins très importants. De cette façon on parle du symbolisme d'un Claudel (on l'appelle parfois poète post-symboliste), d'un symbolisme gidien ou proustien, par exemple.

En résumant ce qui a été dit à propos des rapports entre le décadentisme et le symbolisme, on peut parler des affinités importantes entre ces deux phénomènes, mais non pas de leur identité et, de plus, si l'on admet même l'opinion selon laquelle le décadentisme avait préparé le symbolisme, il faut tenir compte des diversités catégorielles de ces notions qu'on vient de mettre en relief. Je pense que, pour ceux qui étudient le décadentisme et le symbolisme en France, certaines élucidations pourraient être introduites grâces aux études sur les phénomènes en question dans d'autres pays européens.

3. LE DÉCADENTISME EN ITALIE

Tout d'abord il faut noter le statut particulier, déjà mentionné, de la notion de décadentisme dans l'histoire de la littérature italienne. Cette notion n'indique plus un mouvement ou une école artistiques, comme c'était le cas du décadentisme français, du moins dans les opinions de ses créateurs et partisans, il n'y a pas eu non plus de rapports mutuels entre le décadentisme et le symbolisme en Italie, parce qu'il n'y avait pas de poétique symboliste ni de poètes se réclamant du symbolisme, du moins avant la fin du siècle Ce qu'on observe en Italie, au cours des dernières décennies du XIX siècle, c'est un conglomérat d'idées politico-sociales et artistiques qui envahissent la littérature de cette période, où à côté des notions de décadentisme, de symbolisme, on trouve celles d'esthétisme, de modernisme et, qui plus est, c'est aussi la période où se développe et ensuite voit son déclin le vérisme qui se distingue du naturalisme français entre autres par certains traits résultant de la situation politico-sociale, économique et culturelle de l'Italie notons, non sans certaines simplifications, les caractères essentiels de cette période. En politique: l'indépendance et l'unité du pays acquises entre 1860 et 1870 n'ont pas résolu les graves problèmes socio-politiques et économiques, les gouvernements changeaient sans avoir pu créer un programme de redressement; on notait un certain développement économique dans le Nord, mais les contrastes entre le Nord et le Sud arriéré augmentèrent. Dans le domaine de la culture:

le régionalisme empêchait la création d'une culture italienne nationale et d'un art digne des grandes traditions de la Renaissance, il n'y avait pas de grands noms capables de représenter l'art italien hors des frontières du pays (sauf l'opéra); c'est, entre autres, la 12 Ce qui probablement a fait que certains chercheurs italiens traitent le décadentisme et le symbolisme comme des termes synonymiques; cf. entre autres S. C i g a d a, Introduzione a Les Délinquescences, poèmes décadents d'Adoré Floupette, Milano, 1981. Cisalpino-Goliardica.

13 J'ai évoqué ce problème, entre autres, dans l'article Le vérisme et le néoréalisme, «Romanica Wratislaviensia» VI, 1971.

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cause de l'«importation» des idées philosophiques et esthétiques venues de l'étranger qui ne furent pas immédiatement assimilables à la tradition culturelle et à la situation actuelle, et rencontrèrent une opposition dans les milieux intellectuels qui cherchaient à créer une littérature nationale.

Toutes ces causes, énoncées de manière nécessairement schématique, contribu- èrent au fait que, malgré l'échec des idées positivistes la rénaissance de l'idéalisme qu'on notait également en Italie, l'un des traits essentiels du décadentisme français, notamment la révolte antibourgeoise menant à l'art élitaire, exprimant le mépris à l'égard de la réalité politique et sociale, n'a pas pu être acceptée comme programme culturel. Même si les critiques voyaient dans certaines oeuvres des écrivains italiens les éléments caractéristiques du décadentisme ou du symbolisme français, ils mettaient en relief plutôt les distinctions que des ressemblances et les influences; c'est, entre autres, la position qu'Arturo Graf, un critique dont l'influence fut considérable à cette

époque, adopta à propos de l'oeuvre de D ' A n n u n z i o La plupart des intellectuels italiens à la recherche d'un redressement culturel, même ceux qui furent ouverts aux

«nouveautés» étrangères, comme ce fut le cas des collaborateurs de la revue «Il Convito», considérée comme l'organe du décadentisme italien, ne pouvaient pas approuver l'abandon de tous les idéaux et, en justifiant d'une certaine manière l'existence de ce type d'idées en France, les considérèrent comme signe d'une crise qu'il fallait surmonter.

Il y avait, dans l'Italie de cette période, des écrivains qui eux-mêmes acceptaient dans leur art certains éléments caractéristiques du décadentisme comme «esprit» et du symbolisme comme «poétique», mais simultanément ils ne renoncèrent pas aux grandes traditions de la «renaissance latine», surtout au cours des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix. S'ils reconnaissaient l'existence d'une crise culturelle en Italie à la fin du siècle, ils ne se limitèrent pas à la reconnaître et, par conséquent, à s'isoler dans leur monde intime et individuel, mais cherchèrent des solutions pour surmonter la crise. Pourtant l'existence de cette crise, liée — comme dans d'autres pays — à l'échec des valeurs en vigueur jusqu'alors et au manque de perspectives pour créer dans l'immédiat des valeurs nouvelles susceptibles d'améliorer la situation de la société — fur indéniable en Italie également. C'est pourquoi, malgré la différence entre la situation socio-politique et culturelle de ce pays et celle d'autres pays européens, ce conglomérat d'idées commença à dominer dans l'art italien, ce qui poussa une partie des critiques à chercher une formule reflétant les traits généraux de cette époque. De cette façon, avec le temps, le choix tomba sur la notion de décadentisme, et c'est cette notion qui fut finalement acceptée pour nommer l'époque en question. Tout d'abord on l'a choisie pour dénommer les tendances de l'art européen vues par les Italiens (décadentisme, symbolisme, fin de siècle, même préraphaélisme anglais) avant de reconnaître la prédominance de tendances similaires en Italie, à savoir l'opposition commune à l'égard des idées positivistes et les signes d'un idéalisme renaissant marqué par une vision apocalyptique du monde, vision qui trouva divers reflets et diverses

14 Cf. A. Graf, Preraffaeliti, simbolisti ed esteti, «Nuova Antologia», 1897, n 1; a présent dans: A.

Graf. Foscolo, Manzoni, Leopardi, Torino 1945, p. 510.

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explications dans l'art des Italiens, notamment dans un esthétisme parallèle à l'immoralisme, dans un spiritualisme religieux s'éloignant du dogmatisme des doctrines religieuses d'alors, dans la mise en évidence de l'opposition entre l'essence de l'individu et les normes injustes au service des collectivités.

Il est intéressant de noter qu'à l'origine du traitement de tous ces phénomènes comme ensemble d'idées caractéristiques de cette époque, ensemble sûrement considéré comme négatif, se trouvèrent les idées de Benedetto Croce qui condamnait presque intégralement les oeuvres littéraires contemporaines et reprochait aux plus grands écrivains de l'époque d'avoir pratiqué ce qu'il appelait «l'industrie du vide» et d'avoir accepté des tendances négatives d'origine étrangère Et même si l'on rejette maintenant les opinions du grand maître de la critique italienne de la première moitié du XXe siècle pour lequel l'esprit décadent de cette littérature ne méritait qu'une condamnation en tant que fait décidément négatif, on continue, dans l'historiographie italienne même inspirée par l'esthétique marxiste, de traiter toute cette période comme une des étapes dans l'histoire de la littérature italienne, égale ou plutôt similaire à celles de l'Humanisme et de la Renaissance, des Lumières (Illuminismo), du Rissorgimento et du Romantisme etc. Ce qui saute aux yeux, dans cette périodisation, c'est le fait qu'à côté des tendances éminemment littéraires ou artistiques on trouve, dans les dénominations des «étapes» ou des «époques» (Età), des phénomènes extra-artistiques, par exemple L'Età della Controriforma e del Barocco ou L'Età del Risorgimento e del Romanticismo. Pour ce qui concerne le décadentisme, il constitue pour certains une étape séparée (comme chez Petronio), pour d'autres il fait partie de La letteratura dell'età giolittiana. De cette façon, la notion de décadentisme perd sa valeur péjorative et acquiert, en Italie, une appréciation «neutre», comme phénomène existant à une certaine période, indépendamment des évaluations contemporaines et futures.

Cependant, aussi bien à l'époque contemporaine qu'ultérieurement le caractère décadent (au sens péjoratif) de certains auteurs et de certaines oeuvres ne disparaît pas dans les opinions des critiques bien que, sous l'influence du temps et des tendances idéologiques et artistiques ce caractère «décadent» soit mis en doute. Limitons-nous à quelques-uns des écrivains reconnus qui représentent diverses directions du

«decadentismo». À la tête de cette liste doit figurer Gabriele D'Annunzio, l'une des idoles de la charnière des siècles et du début du XX siècle, puis tombé dans l'oubli partiellement grâce á ses relations avec le fascisme, et dont l'oeuvre, au cours des dernières années, connaît une certaine renaissance. Après ses débuts véristes marqués par une exubérance érotique et un «flirt» avec la poésie parnassienne et ensuite symboliste, il rejette le positivisme et le naturalisme, et avec eux les mythes du XIX 15 Cf. B. C r o c e, Di un carattere più recente della letteratura, à présent dans: La letteratura della nuova Italia, vol. 4, Bari 1973.

16 Cf. entre autres: W. B i n n i, La poetica del decadentismo italiano, I éd. Firenze 1936; G. Pet r on i o, L'attività let ter aria in Italia, Palermo 1979.

Cf. C. S a 1 i n a r i, C. Ricci, Storia della letteratura italiana con antologia degli scrittori e dei critici, vol. III, Bari 1970.

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siècle. «Nous ne voulons plus la vérité — écrivit-il — donnez-nous des rêves». En même temps, surtout au début de notre siècle, son manque de confiance en l'homme, le traitement de la foule comme une masse digne de mépris, fait naître dans ses oeuvres un modèle de surhomme, mais d'un surhomme particulier: une sorte d'anti-héros aux traits du personnage-modèle du décadentisme français, des Esseintes, grâce à son raffinement artistique, et en même temps un héros — personnage exceptionnel s'élevant au-dessus de la masse, libéré de toute contrainte sociale et morale. L'écrivain devient donc un pontife de l'art, mais non pas de l'art pour l'art. Selon lui, c'est sa propre sensibilité artistique exceptionnelle qui lui permet d'apporter des messages à la société y compris des messages à caractère politique. D'Annunzio lui-même ne se limita pas aux messages verbaux, il essayait de les réaliser dans la vie à l'époque de la première guerre mondiale et aussitôt après la guerre lorsque, en qualité de commandant d'une légion, il occupa Fiume et devint ensuite un suppôt (un peu difficile) de Mussolini.

Giovanni Pascoli représente un autre type de décadentisme. Malgré ses tentatives pour puiser dans la poésie antique, comme l'avait fait son grand prédécesseur à la chaire universitaire de Bologne, Giosuè Carducci, il créa dans ses oeuvres poétiques un univers très intime, presque isolé de la réalité extérieure qu'il considéra comme hostile, en lui opposant un monde enfantin (il a créé ce qu'on appelle «poetica del fanciullino»), une vie campagnarde, des rêves basés sur la pureté idéale et l'innocence. Dans cette optique, en décrivant la migration des gens à la recherche d'un emploi, il mettait surtout en relief la nostalgie à l'égard de la maison familiale et des souvenirs d'enfance.

Également «décadente» fut sa vision statique du monde, monde sans perspective, anhistorique. Pour réaliser cette vision Pascoli introduisait, dans ses oeuvres, de nouveaux moyens poétiques, lexicaux et métriques, écrivant des poésies réservées plutôt à une élite. Cependant, le même poète eut des ambitions tournées dans une autre direction, il voulait devenir, comme son fameux prédécesseur, un poète national; au conservatisme politique de Carducci il opposa un certain libéralisme nationaliste, toutefois du point de vue de valeurs littéraires, ces poésies furent les moins réussies.

L'autre écrivain qu'on considère comme un porteur des idées décadentes fut Antonio Fogazzaro, étiqueté parfois comme moderniste, ce qui mène à une certaine ambiguïté. Or, les idées spirituelles de Fogazzaro correspondaient au «modernisme religieux» caractérisé par des tendances vers l'interprétation du christianisme en accord avec l'exégèse moderne, ce qui, entre autre, le mettait en désaccord avec l'Église et provoqua la mise à l'index de ses oeuvres, surtout du roman Le Saint. Pourtant il y a également, dans ses oeuvres, des traits le rapprochant des écrivains «décadents». Cet écrivain met notamment en relief les conflits plutôt intérieurs des personnages et explore les zones secrètes de l'âme humaine. Mais, en même temps, il crée des personnages qui peuvent être considérés comme des sortes de surhommes, très différents toutefois de ceux de D'Annunzio. Il s'agit bien d'un héros modelé comme un

«saint», porteur d'un message spirituel résultant entre autres de souffrances intérieures et d'une révolte qui, plus que des pulsions extérieures, naît de la complexité de l'âme de ce héros. Il est intéressant de noter que cette «grandeur d'âme» n'est attribuée qu'aux

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héros de ses romans, tandis que d'autres personnages, secondaires et épisodiques sont peints de manière plutôt vériste, non sans humour.

Un autre type de décadentisme peut être dégagé des oeuvres de Grazia Deledda qui, à vrai dire, est assez éloignée des idées des autres écrivains «décadents». Ses romans, dont l'action est située dans la plupart des cas en Sardaigne, possèdent certains traits véristes, mais en même temps on y trouve une transfiguration symbolique de cette société archâïque, un peu folklorique et exotique pour les habitants du «continent». La symbolisation apparaît même dans les titres des romans: Cendre, Les cannes dans le vent, Le lieurre. Pourtant cette symbolisation, accompagnée d'une analyse de l'âme humaine, est soumise à des buts moraux et met en évidence la lutte constante entre le bien et le mal; le spiritualisme d'origine religieuse, égàlement présent dans ces analyses, est donc marqué par les idées morales et même sociales résultant de la description de l'île et de ses habitants comme objets d'exploitation par les riches et par le pouvoir du continent. Cependant le mal, chez G. Deledda, n'a pas toujours de traits universels, il pénètre dans l'âme des individus qui ne peuvent souvent pas être considérés comme personnages représentatifs de la société; de cette façon on a affaire à des personnages fortement individualisés, se rapprochant ainsi des «héros» décadents, du moins dans une certaine mesure. Et cela justifie partiellement l'emplacement de ses oeuvres dans le cadre du décadentisme.

Le problème du «décadentisme» de l'écrivain le plus éminent de cette époque, Luigi Pirandello, est plus compliqué, sans parler de ses liaisons équivoques avec le fascisme dans les années vingt. On trouve dans les oeuvres de cet écrivain certains thèmes qu'on considère comme caractéristiques du décadentisme; on les trouve dans l'analyse des

«maux» pénétrant la personnalité de l'homme, dans le relativisme de l'être humain, dans la mise en relief des qualités «intérieures» de l'homme y compris son droit à la folie, tout cela en opposition avec les normes sociales en vigueur. L'autre élément

«décadent», c'est le traitement presque égal du réel et de l'illusion, deux phénomènes considérés comme incertains, mais qui se détruisent l'un l'autre provoquant une sorte d'impuissance de l'homme. Et tout cela nous est présenté dans le cadre du conflit individu—société où le premier appartient toujours aux opprimés, existentiellement opprimé et non pas comme un produit de la lutte de classes sociales. Tout de même l'image que l'écrivain donne de l'individu ne se borne pas à lui-même, à ses états d'âme, elle acquiert donc une dimension plus vaste que celle d'une âme isolée des conditionnements extérieurs. On ne peut pas négliger sa recherche des solutions politiques en germe dans son roman de 1909, I vecchi ed i giovani (Les vieux et les jeunes), solutions qui l'ont conduit probablement au parti fasciste, sans qu'il se soumette aux postulats «artistiques» du régime. Les personnages pirandelliens qui se résument, selon certains critiques, dans la notion d'un «uomo qualunque» — un homme aux traits aussi bien décadents que pré-fascistes avant la lettre, se prêtent donc à diverses interprétations; considérés dans le cadre du décadentisme, ces personnages ne facilitent pas la collocation de leur créateur dans un «tiroir» du processus historico-

18 Cf. C. Salinari, Miti e coscienza del decadentismo italiano, Milano 1960.

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littéraire et, partant, rendent plus difficile la définition du décadentisme pirandellien

Les poètes les plus liés à l'esprit de décadence furent ceux qui appartenaient à ce qu'on appelle «scapigliati», une sorte de bohème à la parisienne, révoltée contre la littérature du Risorgimento et contre les tendances contemporaines de la vie et de la culture bourgeoises, ce qui se traduisait par l'introduction de la laideur et de la thématique érotique exposée sans pruderie. Ils ne formèrent pas d'école, et utilisaient des techniques littéraires différentes; on peut dégager, dans leurs oeuvres, certains traits du décadentisme italien, mais plus encore s'y font sentir les lectures des

«poètes maudits» français. Les «scapigliati» chantaient pourtant la vie quotidienne grise, dépourvue de tout idéal, de tout optimisme; même les rêves furent traités avec ironie. En dénonçant la rhétorique bourgeoise du progrès, de la gloire, du patriotisme, des sentiments nationaux, ils rejetaient les anciens procédés littéraires, en leur substituant un langage courant, simple, parfois même extravagant. Ils furent suivis d'une certaine manière par les «crepuscolari» (Gozzano).

Ce bref aperçu, certes non exhaustif, nous montre cependant les raisons de la carrière de la notion de décadentisme en Italie. L'«Età del Decadentismo» ne représente donc pas une période du déclin (de la décadence) de l'art, mais l'art d'une période marquée par une crise profonde de la société. Dans cette conception du décadentisme, il est vrai, on pourrait dénommer comme décadentes d'autres époques dans divers pays (ainsi Lukács, par exemple, appelait décadents les avant-gardes artistiques), mais dans l'historiographie littéraire le cas du «Decadéntisme», par analogie aux autres étapes de l'histoire littéraire, est spécifique; il s'agit bien d'une étape importante dans l'histoire de la littérature d'un pays où l'art reflète un certain complexe de problèmes politico-sociaux et idéologiques; peut-être est-ce pour cela que ce cas italien reste unique dans l'histoire de la littérature mondiale.

4. LA NOTION DE DÉCADENTISME EN POLOGNE ET LE DÉCADENTISME POLONAIS Pour expliquer la présence du décadentisme en Pologne et avant tout le rapport de ce phénomène au décadentisme français et italien, il faut tout d'abord tenir compte de

19 Cf. ma préface de: L. P i r a n d e ll o, Dramaty wybrane (Drames choisis), éd. préfacée et commentée par J. Heistein, Warszawa — Wroclaw 1978, coll. Biblioteka Narodowa, série B.

20 J'utilise le terme de «décadentisme» rapporté à la Pologne (cf. aussi note 42), parce que je partage l'opinion de certains critiques littéraires selon lesquels il n'y avait pas de courant ou d'école décadentiste proprement dits. K. Wyka, l'éminent théoricien et historien de la littérature polonaise a préféré utiliser, pour dénommer la prémière période (préparatoire, selon lui, embrassant les années 1887-1903) de la «Jeune Pologne» — celui de modernisme (cf. K. W y k a, Modernizm polski, Krakôw 1959), qui comprend aussi les

éléments décadentistes comme une de ses directions, mais ne peut pas être référé à toutes les directions existant dans l'époque en question. Pour Wyka, les oeuvres «de point» du modernisme sont: la deuxième série de Poésies de Tetmajer (1894), Confiteor de Przybyszewski (dont il sera question ci-dessous), et le roman Próchno ( Vermoulure) de Berent (1901) que je cite, dans contexte un peu différent, dans le chapitre

consacré au roman anti-naturaliste.

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trois faits: deux extra-artistiques ou partiellement artistiques, et le troisième concernant le domaine de l'art proprement dit et résultant aussi des deux premiers, à savoir:

a) La situation politico-sociale de la Pologne vers la fin du XIX siècle différait beaucoup de celle de la France et de l'Italie. En réalité, la Pologne comme pays indépendant n'existait pas, le pays fut depuis la fin du XVIII siècle partagé par les trois puissances voisines: la Russie, l'Autriche et la Prusse. Dans les trois zones occupées la situation ne fut pas analogue: disons, pour simplifier, que les autorités autrichiennes étaient plus libérales (ce qui ne veut nullement dire qu'il n'y avait pas de censure et d'interdictions) à l'égard de l'esprit national qui influençait fortement la pensée des gens illustres (on dirait aujourd'hui: les intellectuels), y compris les artistes.

b) Les courses vers l'indépendance, très fortes et actives dans la première moitié du siècle et s'exprimant dans les insurrections de 1830 et de 1863, furent affaiblies ensuite et remplacées en grande partie par les appels au travail dit «organique» dont le but était la préparation économique et sociale aux futures batailles plus efficaces pour l'indépendance de la Pologne; il s'agissait, entre autres, d'attirer à cette bataille les masses populaires. Du point de vue culturel, on était en présence de certaines réserves à l'égard des rêves romantiques. On appelait cette époque «positivisme» qu'on ne peut pas identifier à la philosophie d'Auguste Comte, parce qu'on avait affaire, en Pologne, à un mouvement social, idéologique et littéraire (ce dernier s'exprimant, entre autres, par le recours à la méthode réaliste dans la présentation de l'univers des oeuvres d'art).

Pourtant les tendances indépendantistes y furent toujours vivantes.

Pour mettre en évidence certains caractères de la vie spirituelle (et non seulement spirituelle) des Polonais, il faut ajouter l'existence d'un autre phénomène qui influençait aussi bien la vie de la nation que l'art. La Pologne était traditionnellement très catholique, le défenseur du catholicisme dans les siècles passés, et elle a gardé ce caractère après la perte de l'indépendance; qui plus est, c'est l'Église catholique qui servit de trait-d'union entre les Polonais de toutes les zones occupées. C'est pourquoi aux yeux des milieux intellectuels, les problèmes moraux issus de la foi (ajoutons-le, aux traits plutôt dogmatiques) s'associaient à l'esprit indépendantiste, ce qui influença également l'art polonais. Il faut tout de même ajouter que dans les oeuvres d'une partie d'écrivains la morale chrétienne ne fut pas mise en relief, elle se confondait avec la morale laïque en faisant appel à un comportement positif «civil».

c) La Pologne, géographiquement, se trouve au carrefour de l'Europe et fut toujours influencée plus ou moins par l'art des autres pays, surtout occidentaux. La

situation dans ce domaine n'a pas changé vers la fin du XIX siècle. Cependant les différentes tendances artistiques de cette période arrivèrent dans notre pays presque en même temps: le naturalisme, le décadentisme, le symbolisme. Ces tendances s'ajoutent aux caractères nécessairement traditionnels et actuels (l'esprit néo-romantique lié à celui de la lutte pour la libération) en créant un conglomérat d'idées impossible à le définir dans les catégories des écoles, des courants et même d'un «esprit» dominant.

Les historiens de la littérature sont donc enclins à nommer cette période de la fin du

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XIX siècle et début du XX siècle (pratiquement 1890-1918) l'époque de la «Jeune Pologne»

Dans nos considérations, nous mettrons l'accent sur les éléments décadents dans la littérature de cette période (sans nous dissimuler que le manque de références plus précises à d'autres genres d'art appauvrit ces considérations). Ce qui a été dit plus haut explique tout d'abord les raisons de l'hostilité et même d'une opposition violente à l'égard de l'art et des artistes dits décadents: l'esprit décadent fut au début considéré comme un phénomène incompatible avec les idées essentielles des Polonais de cette époque, envahis par les orientations nationales et la morale chrétienne; on rejetait notamment l'individualisme exagéré qui isolait l'homme des problèmes nationaux et sociaux et de l'immoralité qui accompagnait les idées décadentistes aux yeux de leurs adversaires. Tout cela explique pourquoi, à son apparition, le décadentisme signalé comme un phénomène «français» fut considéré comme décidément négatif. Et, même plus tard, lorsque certains traits «décadentistes» furent assimilés par un certain nombre d'artistes, souvent au nom de l'«européanisation» de la culture polonaise, il n'y eut pas de manifestes se réclamant de ce type d'idées, et même ceux qui les confessaient d'une manière ou d'une autre, n'osèrent, dans la plupart des cas, se nommer «décadents».

Étant donné la liaison étroite entre les idées politico-sociales et artistiques, phénomène dont les raisons ont été expliquées plus haut, on peut envisager dans le discours critique concernant le décadentisme deux directions essentielles: critique non artistique et critique artistique. Quant à la première, elle ne fut pas homogène, parce que ce discours fut mené aussi bien par les représentants de la droite conservatrice que par la gauche marquée par l'idéologie marxiste. Ce qui fut commun aux deux ailes de la critique, c'est le fait que le décadentisme était considéré non seulement comme une tendance purement artistique, mais comme un phénomène moral, social même. Pour la droite, il s'agissait d'une exhibition de l'immoralisme et du nihilisme. On parlait, certes, des problèmes artistiques liés au décadentisme, mais on mettait en relief les bizarreries et l'incompréhensibilité de l'art issu du décadentisme, art inspiré par le mépris des artistes pour le public, pour l'homme en général

Pour la critique de gauche, le décadentisme (identifié au modernisme) fut un produit inévitable de la période de destruction de la culture traditionnelle du fait, notamment, de l'industrialisation capitaliste. On acceptait toutefois l'idée selon laquelle le décadentisme s'opposait aux valeurs reconnues par le monde bourgeois.

21 Le terme a son origine dans une série d'articles publiés sous le titre Mloda Polska dont l'auteur fut Artur Górski (ps. Quasimodo), qui a ainsi appelé le nouveau groupe littéraire lié à la revue «Życie» de Cracovie (1898).

22 Cf. T. Jeske-Choiński, Rozkład w życiu i literaturze (La putréfaction dans la vie et dans la littérature), Warszawa 1895. Une étude intitulée La critique du Symbolisme français avant la première guerre mondiale a été publiée par M. T o m i c k a dans le volume Le Symbolisme en France et en Pologne (Actes du colloque franco-polonais organisé à Paris en 1979 par l'Université de la Sorbonne Nouvelle en coopération avec l'Université de Wroclaw), Wroclaw 1982, où l'on cite des voix critiques de cet auteur, entre autres. M.

Tomicka a soutenu ensuite une thèse de doctorat sur la réception du symbolisme français en Pologne, thèse présentée à la Faculté de Philologie de l'Université de Wroclaw (actuellement sous presse).

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ISSN 0557-2665

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