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Allocution de Chérif Khaznadar

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Texte intégral

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Allocution de Chérif Khaznadar

Président de la 2ème Assemblée générale des Etats parties à la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel

à l’ouverture de la 3ème Assemblée générale des Etats parties à la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel

Paris, UNESCO, le 22 juin 2010 Monsieur le Sous-directeur général,

Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames, Messieurs, chers amis,

Il y a deux ans vous m’avez fait l’honneur de m’élire comme président de votre Assemblée Générale. Au moment de vous remettre mon mandat je souhaite vous faire part de quelques réflexions que le suivi, avec assiduité et attention, de la mise en œuvre de notre Convention m’ont permis de dégager. Elles sont de deux ordres : celles liées à la conjoncture et d’autres de fond.

Pour ce qui est des questions de conjoncture, nous avons pu constater l’intérêt immédiat et important qu’un certain nombre de pays ont porté à la Liste représentative et le très important nombre de candidatures qui ont été déposées pour une inscription sur cette liste provoquant de ce fait une incapacité matérielle et humaine de traitement de l’ensemble des dossiers.

Parallèlement la Liste de sauvegarde, peu sollicitée dans un premier temps, a commencé à retenir une attention plus marquée qui s’est traduite par le dépôt d’un nombre croissant de candidatures.

Cette situation a provoqué bien des émois mais elle est normale dans une période que l’on peut considérer comme étant une période de « rodage » de la Convention. Elle a amené les états parties à revoir les directives opérationnelles de cette Convention et à proposer des modifications qui

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devraient permettre une mise en œuvre améliorée à la lumière de l’expérience acquise.

Pour ce qui est des questions de fond, force nous est de constater qu’un malentendu, prévisible d’ailleurs dès l’origine de la Convention, n’est pas encore totalement dissipé. Ce malentendu tient ses origines dans l’institution au sein d’une Convention de sauvegarde, d’une Liste représentative qui n’était pas sans rappeler la liste de la Convention de 1972. Pour beaucoup elle devenait la liste de référence alors que celle, principale, de sauvegarde revêtait, de ce fait, une acception péjorative.

Toutefois, à l’heure où je vous parle un renversement de tendance et une appréhension véritable des objectifs de notre Convention se fait jour.

Ceci est du à une prise de conscience universelle de l’importance du patrimoine culturel immatériel et de ses enjeux dans notre société contemporaine.

En effet, la notion de patrimoine, telle qu’elle était jusqu’ici limitée au patrimoine monumental et telle qu’elle a été renforcée par la Convention de l’UNESCO de 1972, relève d’un concept occidental de la patrimonialisation, concept que les sociétés du sud ont du mal à intégrer à leur culture et qui revêt, qu’on le veuille ou non, une forme d’impérialisme ou de néo- colonialisme. Ce fut d’ailleurs, ne l’oublions pas, l’une des raisons majeures de la création de la Convention de 2003 voulue afin de « rééquilibrer », le terme est devenu récurrent, celle de 1972. Le malaise alors exprimé reflétait une volonté d’élargir la notion de patrimoine, non seulement au patrimoine naturel, une autre vision encore occidentale, mais à toutes ces formes de patrimoine non bâti, non matériel, qui constituent l’identité des sociétés à travers le monde, à un patrimoine vivant qui, transmis de génération en génération, est porteur d’identité, à ce patrimoine qui valorise la créativité de ceux qui, comme l’écrit le grand poète Aimé Césaire

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« n’ont construit ni châteaux ni palais, mais sans qui la terre ne serait pas la terre. »1 Cette volonté, loin d’être un retour au concept de folklore de la fin du 19ème siècle, vient en réaction à la mondialisation et répond aussi à des besoins économiques de plus en plus pressants. Elle correspond aussi à une progressive, lente mais significative remise en cause du concept de

« modernité » qui serait, pour certains, à l’origine du profond malaise de toute une jeunesse coupée de ses racines, de ses traditions. Le patrimoine culturel immatériel répond à cette quête de la différence, à ce besoin de dialogue avec l’autre, dialogue qui ne peut se faire que dans la différence, qui ne peut s’enrichir que de ces différences. Cette différence sans laquelle il n’y aurait pas de diversité, cette diversité qu’une troisième Convention de l’UNESCO reconnaît et encourage.

La prise de conscience par la communauté internationale de la nécessité de sauvegarder le patrimoine immatériel c’est la reconnaissance de la créativité du génie humain, de ses savoir-faire, c’est le passage de la consécration du monumental et de l’exceptionnel, au savoir vivre, aux réponses que l’homme trouve aux questions fondamentales de sa relation avec son prochain, avec la nature, avec ses dieux, avec les forces qui régissent l’univers. Là, il n’y a ni hiérarchie, ni expertise, ni chef d’œuvre. Là il y a reconnaissance et respect mutuel, là il y a une déclaration de foi en l’homme.

La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a marqué un tournant décisif et irréversible dans l’appréhension par la communauté internationale du concept de patrimoine. Nous devons en être pleinement conscients et, aujourd’hui, au delà des détails de procédure, maintenons le cap, préservons l’esprit de cette Convention qui, au delà des modes, au delà du « fashionable », au delà du « people », au delà des

1 Aimé Césaire dans Cahier d’un retour au pays natal

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paillettes et des flonflons, ouvre à l’être humain des perspectives d’avenir meilleures parce que profondément enracinées dans son histoire, dans sa terre, dans son identité, dans le savoir faire et les pratiques que lui ont transmis ses aïeux.

Le patrimoine culturel immatériel ce n’est pas des listes, mais une nouvelle vision du monde et de l’avenir de l’homme.

Je vous remercie pour votre patience durant ces deux dernières années avec moi et je voudrais, en quittant, vous présenter tous mes vœux pour le succès de cette troisième Assemblée générale.

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