D OMINIQUE G UIN
La notion d’opérateur dans une modélisation cognitive de la compréhension des problèmes additifs
Mathématiques et sciences humaines, tome 113 (1991), p. 5-33
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1991__113__5_0>
© Centre d’analyse et de mathématiques sociales de l’EHESS, 1991, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Mathématiques et sciences humaines » (http://
msh.revues.org/) implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.
numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est consti- tutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit conte- nir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
LA NOTION
D’OPÉRATEUR
DANS UNEMODÉLISATION
COGNITTVE DE LACOMPRÉHENSION
DESPROBLÈMES
ADDITIFSDominique GUIN 1
RÉSUMÉ -
Nousdistinguons
deuxétapes
dans l’activité decompréhension
d’unproblème additif :
la compréhension de l’énoncé et la réduction à unproblème
prototypique. Après avoir mis en évidence, à partir derésultats de recherches
cognitives
etdidactiques,
certains processuscognitifs
élémentaires dans l’activité decompréhension d’énoncés
additifs,
nous proposons une modélisation cognitive de lacompréhension
desproblèmes additifs
basée sur la notiond’opérateur
qui permet deprendre
en compte et d’articuler les deux étapesprécédentes.
A partir d’une structuremathématique,
nousprésenterons
lesdifférents
types deproblèmes
intervenant dans cette modélisation, et les
problèmes
prototypiquescorrespondants.
Nous pourrons alors simuler le processus decompréhension
par unecompilation
dereprésentations
cognitivesexplicitée
à l’aided’opérateurs.
SUMMARY - The operator notion in a
cognitive modeling
of theunderstanding
process of additive wordproblems.
We
distinguish
two steps in theunderstanding
processof
an additive wordproblem : understanding
the termsof
the
problem
andreducing
it to aprototypical problem. After having pointed
out some cognitiveelementary
processes in the
understanding
activityof
additive wordproblems, from
results in cognitive and didactical research domains, we suggest a cognitivemodeling of
theunderstanding
processof
additive word problems basedon the operator notion which enables us to take into account and to articulate these two previous steps. From a mathematical structure, we present
different
typesof problems
coming up in thismodeling
and theircorresponding prototypical problems.
Then we are able to simulate theunderstanding
processby
acompilation of
cognitive representationsexplicited
with operators.1. INTRODUCTION
Notre but est de modéliser la démarche de
compréhension
d’un énoncé deproblème additif,
comme par
exemple :
"
Pierre a
joué
deuxparties
de billes. A lapremière partie
il agagné
16billes,
à la secondepartie
il en a
gagné
9.Que
s’est-ilpassé
en tout ? "2Plus
précisément,
nous voulons modéliser lecomportement
humain de l’élèveexpert3
aucours de la lecture d’un tel
énoncé,
afin depouvoir
réaliser ensuite une simulation sur ordinateur du traitement effectué. C’est donc dans uneperspective
non seulementcognitive,
mais aussididactique qu’il
nous faudraexpliciter
le processusdynamique
d’élaboration par l’élève de sa1 Institut de Recherche
Mathématique
Avancée(Strasbourg)
et Centred’Analyse
et deMathématiques
Sociales(Paris).
2 Les énoncés
français présentés
dans cet article sont extraits de (G. Vergnaud,1981).
3 Au
sens de J.R. Anderson :expliciter
comment l’élève " idéal " devrait se comporter dans cette situation.représentation
duproblème.
Aplus long
terme, notre but est de modéliser l’activité de résolution d’unproblème
additif en vue de la réalisation d’un tutorielintelligent.
Mais la modélisation de la démarche decompréhension
nousparaît
être unpréalable indispensable
à ce travail. Eneffet,
l’activité de résolution d’un
problème
est ledéveloppement
d’une interaction entre deux fonctions essentielles : lacompréhension
duproblème
et l’élaboration d’une solution. C’est l’idéequi
est àl’origine
duconcept
de"système
dereprésentation
et de traitement"(Hoc,1987) qui permet
deréintégrer explicitement
lacompréhension
dans l’activité de résolution deproblème
et
d’exprimer
la connexité des connaissances associées au domainespécifique
auproblème, désignée
dans le domaine de laDidactique
desmathématiques
par la notion dechamp conceptuel
introduite par G.Vergnaud.
Pour réaliser une simulation sur ordinateur de l’activité de
compréhension,
il estindispensable
de faire uneanalyse cognitive approfondie
dans le domainespécifique
choisi. Ilfaut reconnaître
qu’en général,
dans l’élaboration de tutorielsintelligents,
la démarche est loind’être celle-ci : le
système informatique
choisi détermine un fonctionnement bienprécis,
et lamodélisation de l’activité
cognitive
se fait aposteriori
en fonction despossibilités
de cesystème informatique (Guin, 1989).
Dans ce contexte, on nepeut espérer
que la réalisationinformatique
soit véritablement une aide à
l’apprentissage ;
un tutorielintelligent
nepeut jouer
un rôle efficace que si tous les processuscognitifs qui peuvent
poser des difficultés pour un élève y sontexplicités :
c’est seulement dans cettehypothèse qu’il
pourra aider l’élève à progresser par des commentaires et desjustifications
de sa démarche.2. UNE APPROCHE
OPÉRATOIRE
DE LAMODÉLISATION
COGNITIVEL’idée de reformuler à l’aide
d’opérateurs
certains processus intellectuels adéjà
étéexploitée
ausein de l’Ecole de Genève
(Frey, 1967).
Dans cetteétude,
L.Frey formalise,
à l’aide de laLogique
Combinatoire(Ginisti, 1988),
lesopérateurs qui
sous-tendent les transformationslogiques
étudiées par J.Piaget.
Cedernier,
dans la discussionqui
suitl’exposé,
déclare sonintérêt pour une méthode
qui permet
de "retrouver desopérations simples
dansl’esprit
dusujet".
La nécessité d’une
analyse cognitive poussée
a déterminé notre choix d’étudier lesproblèmes
additifs. En
effet,
ce domaine a faitl’objet
de nombreuses recherchescognitives, linguistiques
etdidactiques (Carpenter
etMoser, 1983 ;
De Corte etVerschaffel, 1987 ;
Dellarosa etalii, 1988 ; Escarabajal
etalii, 1984 ; Esfahani, 1989 ;
Glendon etalii, 1990 ; Marthe, 1982 ; Riley
etalii, 1983 ; Vergnaud, 1981, etc...).
Uneapproche plus opératoire
des modélisationscognitives
ouvre la
possibilité d’exploiter
l’idée d’invariantopératoire,
introduite par J.Piaget
etdéveloppée
dans le domaine additif par G.Vergnaud,
dans le but deconceptualiser
le réel pouragir
efficacement en faisant intervenirexplicitement
les contenus de connaissance.En
privilégiant
la notiond’opérateur,
nous souhaitons mettre l’accent surle fonctionnement opératoire
mis enjeu
par le processus de transformation d’unobjet
en un autre,qui
sembleplus proche
de l’intuitionopératoire
des élèves. Il nousapparaît
que la distinction formelleopérateur 1 opération,
que nousrappelerons ultérieurement,
n’a pas été assezprise
encompte
dans les modélisationscognitives, peut-être
sous l’influence del’Intelligence
Artificielle.Or,
certaines recherches
didactiques
menées montreraient que les enfants nemanipulent
pas desopérations,
au sensmathématique
du terme, maisplutôt
desopérateurs
directement associés à desexpressions linguistiques.
Pour un adulte
contemporain,
lesproblèmes
additifs sont devenus desproblèmes "triviaux", qui
se ramènent à uneéquation
dans le groupe des entiers relatifs Z =Z,+>.
Un certainnombre de travaux, notamment en
intelligence Artificielle,
fontimplicitement (ou explicitement)
l’hypothèse
que lessystèmes
dereprésentation
et de traitement quemanipulent
les enfantsseraient des
systèmes "incornplets "
dusystème
del’expert : l’approche ,overlay"
identifie lemodèle de
l’apprenant
à un sous-modèle du modèle del’expert (Carr
etGoldstein, 1977).
Pourtant dans
l’acquisition
d’unecompétence opératoire
duchamp additif,
un enfant de dix ans nepeut
avoirintégré
la structure de groupe additif surZ, puisqu’il
n’a même pas à sadisposition
les entiers
négatifs.
En outre, de nombreuses recherches ont mis en évidencel’importance
del’encodage linguistique
dans le choix desprocédures
de résolution.L’enfant confronté à un
problème
additifpart
de l’énoncélinguistique
duproblème
etdoit,
àpartir
de ceténoncé,
construire unereprésentation
abstraite et définir unestratégie
de résolution.L’observation du
comportement
des enfants révèle une interactionprofonde
entre lesexpressions
verbalisées(notamment
lesverbes)
et lesprocédures
de résolutionqu’ils
utilisent.Les verbes tels que gagne, a de moins que etc...orientent l’enfant vers une construction et une
manipulation d’opérateurs
et nond’opérations
binaires comme le confirment lesprocédures
mises en évidence telles que :
Separating From, Adding
on, Take out, etc...(Carpenter
etalii, 1983 ; Riley
etalii, 1983).
Il nous
paraît
doncinadéquat
de considérer que lesreprésentations opératoires manipulées
par
l’enfant,
même"expert ",
sont des "morceaux " d’une structure de groupe fondée surl’opération
d’addition. Ilsemble,
aucontraire,
que la mise enplace
d’unsystème
dereprésentation
et de traitement(SRT)
additifcorrespondant
à la structure de groupe de Znécessite,
mêmeaprès
l’introduction des entiers relatifs desréorganisations
successives dessystèmes précédents.
Comment décrire ces différentssystèmes
dereprésentations
et leurstransformations sans les ramener à des
sous-systèmes
dereprésentation qui
seraient"incomplets"
parrapport
auxsystèmes
dereprésentations
basés sur la structure de groupe deZ?Est-il
possible,
àpartir
des résultats des recherchescognitives
etdidactiques
menées sur labase d’observations du
comportement
des enfants dans l’activité de résolution desproblèmes
additifs :
(i)
de modéliser les processus derésolution,
(ü)
depréciser
lesreprésentations cognitives
mises enjeu
par ces processus derésoludon, (iii)
de mettre en évidence lesconcepts additifs
effectivementmanipulés
par l’enfant dans sesreprésentations (ü)
et mis en acte dans sesprocédures
de résolution(i), (iv)
de donner une formemathématique
auxconcepts
additifs de(üi), (v)
d’insérer cesconcepts
formalisés(iv)
dans une structuremathématique,
(vi)
finalement de construire un modèlecognitif
de résolutionfondé
sur cesconcepts
et lastructure de
(v) explicitant
le caractèreopératoire
des théorèmes en acte4 de G.Vergnaud.
Dans cet
article,
nous souhaitons montrer que la notiond’opérateur,
tellequ’elle peut
être thématisée dansl’algèbre
universelle et leslangages applicatifs (À-calcul
etlogique combinatoire), peut
contribuer defaçon positive
à la modélisationcognitive
visée en(vi) qui
serait
plus
conforme aux résultats des recherches enpsychologie cognitive
etdidactique.
Deplus,
ellepermettrait d’envisager
un modèleexplicatif (et
non pas purementdescriptif
destiné àune
simple simulation) indispensable
à l’élaboration d’un modulepédagogique,
au sens de(Nicaud
etVivet, 1988),
d’unsystème d’apprentissage
informatisé.4 Ce terme sera
précisé
en 3.2.4.La modélisation de l’activité de
compréhension
desproblèmes additifs,
que nous proposons dans cetarticle, intègre
une modélisation de lacompréhension linguistique
etprend
encompte
la mise en évidence de processuscognitifs
élémentaires.Après
avoirrappelé
succinctement les modélisationsdéjà
réalisées(3.1),
nousprésenterons
ces processus élémentaires(3.2).
Nousexpliciterons
leconcept d’opérateur
et la distinctionopérateur
/opération
en(4.1),
cequi
nouspermettra
d’articuler lesopérateurs additifs
que nous voulons cerner avec lesopérateurs linguistiques
telsqu’ils
sontappréhendés
dansl’analyse
des Grammairescatégorielles
et laGrammaire
Applicative
Universelle(Desclés, 1990).
Nous nedévelopperons
pas, dans cetarticle,
le formalismemathématique qui
s’attache à cesmodèles,
il feral’objet
d’un second article(Guin,
àparaître).
Par contre, nous montrerons comment cesopérateurs
permettent de traduire les processus élémentairescognitifs
mis en évidence en(3.2),
d’unepart
dans le processus decompréhension linguistique,
et d’autrepart
dans celui de réduction à unproblème prototypique qui
seraprécisé
en(4.2).
Nousprésenterons
la structuremathématique
annoncée en(v) :
lestypes
deproblèmes
intervenant dans une modélisation basée sur lesopérateurs
définis àpartir
d’une loi de groupe
quelconque (5.1).
Puis nous en déduirons lesopérateurs
additifsqui
donnent la forme
mathématique
annoncée en(iv)
desconcepts
additifs(5.2),
lestypes
deproblèmes
additifs et lesproblèmes prototypiques correspondants (5.3).
Nousprésenterons
simultanément des
exemples prototypiques
deproblèmes
enlangue
naturelle. Nous pourrons alors décrire le processus decompréhension
d’unproblème
additif par un processusopératoire
où tous les
changements
entrereprésentations
intermédiaires serontexplicités
par desmanipulations
sur lesopérateurs
définisprécédemment (6).
Nous discuterons enfin de la validité de cette modélisation(7).
3. ANALYSE COGNITIVE
On ne
peut
raisonnablement étudier la formation desconcepts
additifs sans considérer lechamp conceptuel (Vergnaud, 1988) qui
leur estassocié,
c’est-à-dire :- l’ensemble des situations de référence
qui
donnent du sens aux concepts,- l’ensemble des
propriétés
et des relations invariantes que lesujet
doit extraire et utiliser pour traiter cessituations,
- l’ensemble des
signifiants langagiers
etsymboliques susceptibles
dereprésenter
lesconcepts
et leurspropriétés,
et, par voie deconséquence,
les situations de référence et lesprocédures
derésolution nécessaires pour les traiter.
Comme nous l’avons mentionné
précédemment,
cechamp conceptuel
est assez biendéfriché : notre travail ici sera donc d’en extraire les informations utiles pour réaliser une
modélisation
cognitive
du processus decompréhension s’appuyant
sur le conceptd’opérateur qui
nousparaît pertinent.
3.1 Les modélisations
cognitives
actuellesNous
présenterons
succinctement cesmodèles,
enreprenant
laterminologie
des auteurs : ilpeut
donc exister desambiguïtés
de laprésentation
d’un modèle à laprésentation
d’un autre dues à ladiversité des domaines de recherche
(Psychologie cognitive, Didactique
desmathématiques
etc
...).
Uneprésentation
de ces modèles peut êtreégalement
consultée dans(Escarabajal, 1988).
Les modèles réalisés sont des modèles de résolution deproblème qui englobent
unmodèle de
compréhension.
3.1.1. Le modèle
proposé
par(Riley
etalii, 1983)
est basé sur la classification due à(seller
etGreeno, 1978)
desproblèmes
additifs en troiscatégories générales qualifiées
par les auteurs de"sémantiques" : Combine, Change, Compare.
Cette classification a été établie à la suited’expérimentations
mettant en évidence des différences de réussite à desproblèmes correspondant
à la même"équation",
maisportant
sur des situations différentes. Si nousconsidérons
uniquement
desproblèmes
additifs dont laquestion
porte sur le résultatfinal,
ceuxliés à la
catégorie Change
sont ceuxqui posent
le moins de difficulté(87%
deréussite).
Lesproblèmes
de la secondecatégorie
Combine sontparfois plus
difficiles(80%).
Les résultatspour la troisième
catégorie Compare
sont nettement inférieurs(60%).
Le deuxièmeparamètre important
de cette classification est la"place
de l’inconnue". Dans la deuxièmecatégorie
parexemple,
si laquestion porte
sur "l’ensembleréunion",
les résultats sont nettementsupérieurs (80%)
à ceux pourlesquels
laquestion porte
sur un sous-ensemble(46%).
La
catégorie
Combine porte sur les relationsstatiques
entre ensembles :Exemple :
Joe has 3 marbles. Tom has 5 marbles. How many marbles dothey
havetogether ?5
La
catégorie Change
décrit unemodification
orientée d’un état initial vers un état fanalExemple :
Joe had 3 marbles. Then Tom gave him 5 more marbles. How many marbles does Joe have now ?La
catégorie Compare porte
sur descomparaisons
concernantessentiellement,
pour les auteurs, des ensembles :Exemple :
Joe has 3 marbles. Tom has 5 more marbles than Joe. How many marbles does Tom have ?Ces
catégories
sont divisées ensous-catégories
tenantcompte
dutype
dequestion
et de la"place
de l’inconnue "(i.e., qu’il
conviendrait à attribuer àl’inconnue).
Pour ces auteurs, cesont certaines
compétences mathématiques
des élèves(éléments
relatifs aux ensembles : cardinaux et relations entre cesderniers) qui
interviennent essentiellement dans le processus decompréhension
des énoncésarithmétiques.
3.1.2. Le modèle
proposé
par(Escarabajal
etalii, 1984) distingue
deuxétapes
dans l’activité decompréhension :
- construction des éléments de base
qui
sont lespropositions,
- mise en relation de ces éléments par
intégration
dans un schéma relationnelqui
décrit lesconnaissances
pertinentes
pour la résolution."Pour résoudre un
problème,
il faut sélectionner un des schémasdisponibles, puis
il faut leparticulariser (évaluer
ses variables avec les éléments tirés del’énoncé).
La notion de schémapermet,
dans cetteperspective,
non seulement dereprésenter
lesconnaissances,
mais encore dedéfinir le processus de
compréhension
en termes departicularisation
d’un schéma connu. Ellepermet
aussid’intégrer
lesprocédures
de résolution : parexemple,
le schémachangement
d’étatenglobe
lesprocédures enlever, ajouter, de...pour
aller à ...".5 Nous choisissons de ne pas traduire les
exemples
enanglais,
afin de ne pas introduire de nouvelles incidenceslinguistiques.
Toutefois, après
uneexpérimentation
menée pour valider ce modèle(Escarabajal, 1988),
l’auteur conclut
que "
ladescription
des connaissances en termes de schémas ne vaut pas pourtous les enfants... il faudrait
envisager
unedescription plus dynamique
d’un processusqui
ressembleplutôt
à une construction de lasignification
de lasituation, qu’à
unereconnaissance... Ce
point
de vuepermettrait
desouligner
etpeut-être
de clarifier le rôle dulangage
dans la résolution desproblèmes
additifs ". C’estpourquoi
N. Darcel(Darcel
etEscarabajal, 1987)
a modifié cettereprésentation
desconnaissances,
dans son modèleinformatique développé
avec lelangage
orientéobjet Mering II,
afinqu’elle
soit moinsstatique.
Elle utilise des situations
prototypes appelées
entités situationsqui
sont hiérarchisées et choisies à la rencontre d’un verbe d’action ou depossession,
d’une marquetemporelle,
d’unobjet
associé à un contexte
additif,
ou d’une informationnumérique.
La reconnaissance d’une telle entité situation suffit pour que le processus conduise à une résolution.3.2. Mise en évidence de processus
cognitifs
élémentaires 3.2.1 Classification de G.Vergnaud :
G.
Vergnaud
propose uneapproche beaucoup plus
ambitieuse : c’est uneapproche opératoire qui
sedistingue
par saprise
encompte
du contenu desconnaissances,
dusignifié.
Sonobjectif
est la
description
d’un schème(Vergnaud, 1985),
c’est-à-dire "une totalitédynamique organisée
que l’on
peut
définir comme uneapplication qui prend
ses entrées(informations)
et ses sorties(actions)
dans des espaces multidimensionnels". G.Vergnaud
a étendul’analyse présentée
en(3.1.1 ).
Il a défini dans son étude desproblèmes
additifs sixgrandes catégories (Vergnaud, 1981 ).
Les troispremières catégories
coïncident avec lescatégories Change,
Combine etCompare.
Les trois suivantescorrespondent
à des "compositions"
de celles-ci :4ème catégorie :
deux transformations secomposent
pour donner une transformation.Exemple :
Paul ajoué
2parties
de billes. A lapremière partie il a gagné
16billes, à
la secondepartie, il en a gagné
9.Que
s’est-ilpassé
en tout ?5ème catégorie :
une transformationopère
sur un " état relatif ".Exemple :
Paul devait 6 billes àHenri,
il lui en a rendu 4. Combien lui en doit-il maintenant ?6ème catégorie :
deux états relatifs secomposent
pour donner un état relatif.Exemple :
Paul doit 6 billes d Henri et 4 billes à Pierre. Combien de billes Paul doit-il en tout ? Dans le cadre de ladescription
du schème desproblèmes additifs,
G.Vergnaud
met enévidence les différents statuts des notions mises en oeuvre dans les
problèmes
additifs(par exemple,
pour lasoustraction,
tantôt transformation inverse del’augmentation,
tantôt différenceentre états
successifs,
tantôt relation decomparaison,
tantôt différence entretransformations).
Pour chacune des six
catégories,
lesparamètres importants
de la classificationproposée, compte
tenu des résultats
expérimentaux,
sont laplace
de l’inconnue et les valeurs relatives des entiers.Cette classification est confirmée par les différences de réussite aux
problèmes proposés
dans lesexpérimentations (Marthe, 1982; Vergnaud et Durand, 1976 ;
De Corte etVerschaffel, 1987).
Une fois cette classification bien
établie,
la recherchedidactique
sur lesproblèmes
additifs estloin d’être
épuisée :
pourespérer apporter
une aide efficace auxélèves,
il fautmaintenant,
essayer de déceler et
d’expliquer
les causes des difficultés observées. Pourcela,
il est nécessaire d’affinerl’analyse cognitive précédente
de manière àdécomposer
l’activité decompréhension
enprocessus
opératoires
élémentaires. Lesanalyses
deprotocoles
enPsychologie cognitive
et lesanalyses
desproductions
des élèves enDidactique
desmathématiques
nous permettent de mettreen évidence des processus
cognitifs
élémentaires nécessaires à la démarche decompréhension
del’énoncé verbal.
3.2.2.
Interprétation
dulangage
naturelLes recherches actuelles sur la
compréhension
de textesmathématiques
abordent laquestion
dela
prise d’information
et de l’incidence descaractéristiques linguistiques
dans cette activité.Pour la
compréhension linguistique
d’un énoncéverbal,
une activitéd’interprétation
est sollicitéede la
part
des élèves : la difficulté est dedégager
oude paraphraser
cequi
estsignifié
dansl’énoncé. Il
s’agit
pour l’élève decomprendre
lasignification
de formes verbales telles que"gagner", "recevoir", "devoir",
"rendre", "rester",
etc... dans le contexteparticulier
desénoncés additifs. Les résultats de certaines recherches mettent en évidence que la
compréhension
de texte est un facteur
important
dans les difficultésposées
par lesproblèmes
additifs : les textesde
problème qui comportent
certaines formeslinguistiques
telles que"quelques",
"combien enplus
de Xque de
Y?" et certaines utilisations de la locution "ensemble" sontplus
difficiles à résoudre pour les élèves.De récentes recherches montrent des modifications
importantes
desperformances
des élèvessi l’on modifie
l’encodage linguistique
tout en conservant la structure"sémantique"
duproblème.
Elles mettent en évidence des difficultés de résolution dues àl’emploi
de formeslinguistiques qui
necorrespondent
pas aux structuresconceptuelles disponibles
chez l’enfant :un élève
peut comprendre
les relationspartie-tout
et être indécis sur la manièred’interpréter
lesformes verbales
correspondantes.
Comme certains auteurs lesoulignent (Dellarosa
etalii, 1988),
les difficultés
proviennent
alors de la connaissancesémantique
et non de la connaissance dite"logico-mathématique".
Exemple :
There are 5 birds and 3 worms. How many more birds are there than worrm ?Le
point
de vue"logico-mathématique" explique
la difficulté d’un telproblème
par lacomplexité
des relations du "schémapartie-tout". Cependant
les résultats sont bienmeilleurs,
sil’on
remplace
laquestion
par "How many birds won’t get a worm ? ". D’autrepart,
dans le cas de difficultéd’interprétation linguistique,
les élèves traitent l’énoncé eninterprétant
la formeverbale comme une
simple possession :
ilsremplacent "a plus que"
par"a ",
et de manièreanalogue
la locution "ensemble" par" chaque",
etc...(Glendon
etalii, 1990),
àpartir
de recherchespsycholinguistiques,
confirentl’importance
de
l’interprétation linguistique
par les résultats obtenus auxquestions
directes decomparaisons (hors
du contexte desproblèmes additifs)
comme, parexemple :
"Which number is two morethan rhree? ". Un
encodage linguistique peut
donc rendre la structuresémantique
duproblème plus
ou moinsapparente. Pourtant, (Carpenter
etMoser, 1983) remarquent
que, dans les modélisationsactuelles,
lesprocédés
utilisés pour extraire lasignification
des énoncés verbauxdes
problèmes
restent une boîte noire.Une autre difficulté
importante
pour les élèves est celle del’interprétation
des marquestemporelles
telles que"avant",
"maintenant" etc... : ils confondent l’ordrechronologique
despropositions
avec leur ordre deprésentation
dans l’énoncé. Si l’ordre danslequel
les évènementssont décrits
correspond
à l’ordre de déroulement de cesévènements,
les résultats sont meilleurs.3.2.3. La
paraphrase
La
compréhension
est une activitédirigée
par desrègles
de transformation ou de reformulation.L’activité de
compréhension
nécessite une recherche des combinaisons derègles
detransformation pour
intégrer
une nouvellephrase
aux connaissancespréalables.
Leproblème
dulangage
dansl’enseignement
desMathématiques
est surtout lié àl’appréhension
descorrespondances
et desnon-correspondances
entreplusieurs registres
deprésentation
d’unemême idée
(Duval, 1988).
Pour lacompréhension
d’unénoncé,
la difficulté est dedégager
ou deparaphraser
cequi
estsignifié
dansl’énoncé,
de refonnuler autrement ouplus
brièvement cequi
vient d’être lu. Nous avons
déjà souligné
que différentesrecherches
ont révélé des difficultés liées à des formulations de l’énoncé rendant lacompréhension plus
difficile(plus
de travail pour relier un nouvel élément à cequi
existedéjà).
Certaines formes verbalespermettent
un accèsplus
aisé que d’autres à la
représentation
duproblème.
La
possibilité cognitive
de passage entre deuxexpressions
référentiellementéquivalentes
estun
problème
fondamental. Cette activité deparaphrase
constitue souvent pour les individus ensituation
d’apprentissage
un saut difficilement franchissable.Or,
substituer une formulation àune autre
qui
lui est référentiellementéquivalente
est un processus essentiel pour lacompréhension.
Unsimple changement
d’écriturepermet
d’exhiber despropriétés
du mêmeobjet,
tout en conservant la référence.Cependant
deuxexpressions peuvent
être référentiellementéquivalentes
et ne pas êtresémantiquement congruentes (Duval,1988) :
dans ce cas, il y a un coûtcognitif important
pour lacompréhension.
La diversité dessignifiants
pose leproblème
dela congruence
sémantique :
" tous lessignifiants
ne se valent pas, certains reflètent mieux que d’autres lespropriétés
dusignifié
"(Vergnaud, 1988).
Exemple : Hier,
Paul et Pierreont joué
deuxparties de
billes. A lapremière partie,
Paul agagné 5
billes. A la secondepartie
Paul agagné
4 billes.Que
s’est-ilpassé
en tout ?Hier,
Paul et Pierre ontjoué
deuxparties
de billes. A lapremière partie,
Paul agagné
5billes. A la seconde
partie,
Pierre aperdu
4 billes.Que
s’est-ilpassé
en tout ?Dans la seconde
phrase,
il faut transformer "Pierre aperdu
4 billes" en "Paul agagné
4billes" pour
pouvoir
résoudre leproblème :
ils’agit
demanipulations paraphrastiques
de lalangue
naturellequi permettent
de recoder les informationspertinentes
dans ce contexte. Il nousfaut donc
prendre
encompte
les variations de congruence entre différentesprésentations sémantiques
d’une même information et lesmanipulations paraphrastiques
de lalangue
naturelledans l’activité de
compréhension.
3.2.4. Reconnaissance d’invariants
opératoires
Dans le schème des
problèmes additifs,
G.Vergnaud
décrit certains invariantsopératoires, c’est-à-dire,
"lesobjets, propriétés
relations et processus que lapensée découpe
dans le réel pourorganiser
l’action". Un des résultats essentiels de cette recherche concerne leconcept
de théorème-en-acte(Vergnaud,1988) :
sans êtrecapables
de lesformuler,
les enfants utilisent des"théorèmes". La reconnaissance d’un théorème-en-acte détermine le choix de la
procédure
derésolution : "le but essentiel d’une
analyse cognitive
est d’identifier ces théorèmes enacte" ;
voiciquelques exemples
du domaine additif :Dans le cas d’une
question portant
sur l’état initial INIT d’une transformation additive T connaissant l’état finalFIN,
il existeégalement
un théorème-en-acte :qui exprime
la nécessité d’inverser la transformation T pour obtenir l’état initial àpartir
de l’étatfinal.
Dans le cas où l’inconnue
porte
sur l’étatinitial, (Kintsch
etGreeno, 1985) justifient
laplus grande
difficulté de cetype
deproblème
par l’absence deprocédure
de résolution et la nécessité de transformer leproblème :
le dernier théorème-en-acte ci-dessusexplicite
cette transformationet
permet
de mettre en évidence uneprocédure
de résolution. Cesproblèmes qui posent
de grosses difficultésjusqu’en
fin de la 3~me(20%
de réussite en coursmoyen)
ont été étudiésplus particulièrement
par(P. Marthe, 1982 ;
E.Esfahani, 1989).
Exemple :
Brunojoue
2parties
debilles,
à lapremière partie
il gagne 9 billes.Après
ces 2parties
il aperdu
en tout 6 billes.Que
s’est-ilpassé
à la secondepartie ?
Dans ce cas, le choix d’une
procédure
de résolution nécessite uneanalyse sémantique
portant
sur la relation entre les deux transformationsindiquées.
Les erreurs des élèves sont duesà l’économie d’une
interprétation
de l’association de deuxpropositions correspondant
à lacomposition
des deuxopérateurs
relatifs à"gagner"
et"perdre".
La transformation cherchéeest alors la
composée
de la transformationcomposée
et de l’inverse de l’autre transformation élémentaire. P. Marthe note que peu d’élèves déterminent la transformationréciproque.
4. UNE
MODÉLISATION
PRENANT EN COMPTE CES PROCESSUS COGNITIFSGRÂCE
A LA NOTIOND’OPÉRATEUR
Nous allons maintenant
présenter
lesgrandes lignes
de notre modélisationqui
nouspermettra
de traduire les processuscognitifs
mis en évidence en(3.2).
4.l.Mise en évidence de la notion
d’opérateur
Rappelons qu’il
nousparaît pertinent
de lier les deuxchamps
de recherchecompréhension
dutexte et résolution de
problèmes : l’objectif
est d’unepart
de lier les processus d’entrée et de traitement del’information,
et d’autrepart
les processus de mise en oeuvre desprocédures
derésolution. L’activité de résolution de
problème
est alors conçue comme ledéveloppement
d’uneinteraction entre deux fonctions essentielles : la
compréhension
duproblème
et l’élaboration d’une solution. D’où leconcept
de"système
dereprésentation
et de traitement(ou SRT)"
pourexprimer
la liaison indissociable entre lesreprésentations
et les traitements(J.-M. Hoc, 1987).
La fonction
principale
de lareprésentation
est alors deconceptualiser
le réel pouragir efficacement ;
elleexige
parconséquent
que l’on considère les connaissances enjeu
et leurcontenu.
Chaque
classe desituations,
pour êtretraitée, appelle
des processuscognitifs qui
reposent toujours
sur la reconnaissanced’invariants, qu’il s’agisse
de modéliser une situationou
d’appliquer
un théorème nonexplicite.
"Ces invariantsopératoires,
c’est-à-dire lespropriétés,
relations et processus que lapensée découpe
dans le réel pourorganiser l’action,
constituent le noyau dur de la
représentation,
celui sanslequel
ni lesinférences,
ni lesrègles d’actions,
ni lessignifiants
n’ont de sens"(Vergnaud, 1985).
C’est la notion
d’opérateur qui
va nouspermettre
de mieuxcapter
et donc demanipuler
cesinvariants
opératoires. Rappelons
la distinction nette établie entreopérateur
etopération (Desclés, 1981) ;
l’examen du mécanisme formel mis enjeu
dansl’opération dégage
un nouvelobjet symbolique plus
abstraitdésigné
paropérateur.
Unopérateur
est une entitéqui,
étantappliqué
à unopérande, produit dynamiquement
un résultat. Cette notionprend
tout son sensdans la