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Céline Croze. Autoportrait

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Céline Croze

Céline Croze est une artiste visuelle née au Maroc et basée à Paris, avec une formation en cinéma.

Elle commence sa carrière en tant qu’assistante opérateur sur des longs métrages tels que « Ixcanul » de Jayro Bustamante (Ours d’argent au Festival de Berlin 2015) ou « Las herederas » de Marcello Martinessi (Ours d’argent Festival de Berlin 2018). Parallèlement à son parcours dans le cinéma, Céline développe plusieurs projets photographiques et vidéos.

Elle participe aux workshops organisés par la Galerie Void avec Antoine d’Agata, la maison d’édition Akina et Kladvij Sluban.

Sensible aux fêlures que traverse notre société, Céline utilise les codes cinématographiques pour transgresser le monde qui l’entoure, s’immiscer dans la faille de ceux qu’elle regarde.

En 2019, elle est la lauréate du Festival In Cadaqués, ainsi que du Prix Révélation du Festival Map et du Festival Face à la mer avec sa série

« SQEVNV ».

En 2020, elle est la lauréate du Prix Mentor pour son futur projet

« Mala Madre ».

Autoportrait

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Céline Croze

Ce qui frappe d’emblée dans le travail de Céline Croze c’est sa couleur.

Sa couleur et la proximité avec le sujet. Voilà quelqu’un qui ne fait pas semblant. Ici on est directement dans l’action, dans le corps à corps d’une histoire violente qui ne laisse pas indifférent. C’est lors d’un tournage au Venezuela en 2015 et plus précisément à Caracas que la photographe fait la connaissance de Yair dont le portrait au milieu des photos proposées hypnotise littéralement le spectateur. Qui est cette homme, pourquoi s’intéresse-t-elle à lui ? Que veut-elle nous dire ? On a envie d’en savoir plus, c’est la force de l’écriture photographique de Céline Croze, très directe mais en même temps chargée de mystère par l’emploi de couleurs sourdes, le choix de lumières crépusculaires. Elle explique dans sa biographie qu’elle travaille également dans le cinéma. Pas étonnant, ici c’est un film noir qui se déroule en quinze images.

Céline Croze a visiblement beaucoup voyagé en Amérique du Sud et en a sondé les failles dans les visages, les gestes et les paysages avec une force peu commue commune qui imprègne la rétine à jamais…

Sylvie Hugues Conseillère artistique 2021

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Céline Croze

« SQEVNV - Siempre que estemos vivos nos veremos » (tant que nous serons en vie nous nous verrons)

« Siempre que estemos vivos nos veremos », c’est la dernière phrase que m’a dite Yair. Nous étions sur l’azotea (toit) du bloc 11, la brume enveloppait Caracas, la rumeur folle de la ville ressemblait à un chant funèbre. C’était une balle dans mon coeur. La conscience de sa propre fin avait quelque chose de terrible et sublime à la fois. Tout était dit. L’urgence de la vie, la fascination pour la mort, l’effondrement du pays.

L’extrême violence et l’absurdité de la situation donnait l’impression que la vie n’était qu’un jeu.

Je me rappelais deux jours plus tôt la gallina (arène pour combats de coqs). L’odeur du sang mélangée au rhum et la sueur, les cris de rage, l’excitation de chaque homme. Une transe impalpable enivrait l’arène.

Comme si nous étions tous fous. Comme si le sang, la mort et le pouvoir rendaient plus vivants.

L’énergie chaotique de la ville raisonnait dans chaque combat telle une danse qui se déploie, qui reste et pleure impuissante.

Un mois plus tard, Yair fut abattu. Il avait 27 ans.

Mes errances en Amérique Latine furent traversées par d’autres rencontres saisissantes.

Comme ces coqs de combats, je voyais des êtres danser et s’accrocher au désordre.

J’y retrouvais à chaque fois cette même sensualité insolente, comme une furieuse provocation, comme un cri d’adolescent amusé par le danger, condamné et libre.

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Céline Croze

Note d’intention

J’ai commencé cette série de photos en 2015 au Venezuela.

Je tournais un long-métrage à Caracas dans des « bloques », sortes de HLM d’Amérique Latine.

Pour aller ranger le matériel caméra, je devais passer devant le gang qui tenait l’immeuble. Ils trainaient là, faisaient le guet et essayaient de m’impressionner avec leurs flingues et leurs grenades. Et moi, je suis tombée amoureuse d’un regard, celui de Yair, le chef de gang.

L’équipe avec qui je travaillais ne voulait pas que je lui parle, le danger était palpable à chaque sortie et j’ai commencé à développer une sorte de fascination vicieuse face à l’adrénaline que cela me donnait. Je ne pouvais pas croire qu’un homme si doux pouvait être capable de tant d’atrocité.

Il devait y avoir autre chose. Je voulais savoir, creuser, m’imprégner. J’ai donc commencé à voir Yair en cachette. Il m’envoyait une moto me chercher et nous nous retrouvions le soir sur le toit de l’immeuble où il vendait la drogue. Les pitbulls et les gars gardaient l’entrée, et nous, nous étions assis face à l’immensité chaotique de Caracas. Il me racontait son histoire, sa vie, leurs vies. La beauté de Yair était habitée par une blessure et une fureur envoutante prête à se rompre à tout moment.

J’étais magnétisée par ses mots, et bouleversée par la situation. Le pays et le système mis en place avait créé des bombes à retardement. Il me fallait témoigner cette violence, laisser la trace de ces héros tragiques incapables d’échapper à leur destin.

Yair, cela faisait sept ans qu’il n’avait pas traversé la rue. Il aurait dû être joueur de basket, il est devenu dealer drogue pour l’État, comme presque tous les petits gangs. La milice leur fournit les armes, eux, doivent écouler leur drogue. S’ils décident de s’arrêter, de rentrer dans le droit chemin, ils sont éliminés pour ne pas parler.

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Céline Croze

Plus tard, je passais devant une maison coloniale en ruine, la porte est ouverte, la curiosité me pousse à regarder, je me retrouve nez à nez avec Juan qui m’invite à rentrer, il veut me montrer quelque chose. La maison est habitée par 15 personnes vivant dans des pièces insalubres de 5 m².

Nous arrivons sur le toit, c’est le royaume des coqs. Je les regarde les entraîner, c’est toute leur vie ces coqs. Je décide alors de les accompagner à un combat. Je suis submergée par la férocité de ces animaux et la folie de ces hommes.

Juan, ce jour-là, a tout perdu, je le revois assis dans sa chambre, le regard vide, le dos courbé comme si le temps avait dévasté son âme. Ce fut une expérience très forte et décisive dans ce travail.

Il y avait une analogie très forte entre les combats et ce que vivait le pays.

Au-delà de la violence et de la fusion identitaire entre l’animal et le mâle humain. Les règles du jeu étaient équivalentes aux règles du pouvoir mis en place. Si le coq décide de ne plus se battre, son coqueleur le tue sur place. Que cela soit avec les gangs et la milice ou lors des soulèvements civils contre Maduro, personne n’a le droit de quitter le jeu.

Tout devient une provocation à la vie, à la mort, comme ce portrait de policier assassiné et épinglé comme un trophée. Le mal est là, reste et rit.

Je suis retournée plusieurs fois en Amérique latine, mes yeux et mon âme restaient alertes aux cicatrices de ce continent. J’ai ainsi rencontré, Juan, Pretty eyes, El Feo… Tous devaient m’apprendre sur la vie et la mort. Tous m’ont amenée à tenter de comprendre pourquoi ce continent était en proie à une violence d’une sorte d’Éros et Thanatos. La photographie, elle, me permit de traduire cette folle urgence de vivre.

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Céline Croze

Formation

2013 Diplômée de l’EICTV (école de Cuba) - Atelier réalisation documentaire

2008 Diplômée de la Formation supérieure des techniques audiovisuelles de l’ESEC Paris

2006 Master 2 « Arts du spectacle mention Cinéma Audiovisuel » à l’Université Paul Valéry de Montpellier

2001 Baccalauréat ES au Lycée Lyautey de Casablanca, Maroc

Prix et Récompenses

2020 Lauréate du Prix Mentor 2020 pour sa série en cours « Mala Madre »

Lauréate du Prix Fisheye x Nicéphore : « Du sacré au profane »

Lauréate du Prix Mentor pour la session Visa pour l’image Finaliste pour le Prix Maison Blanche, Marseille, France Selection par FRESH EYES and Gup magazine des 100 Talent émergents européens 2020

2019 Lauréate du Prix Révélation du Festival Face à la Mer et du Festival MAP

Lauréate du Festival In Cadaques

Expositions

À venir « Nothing Happened », exposition personnelle, Rencontres de la jeune photographie internationale, Niort (CACP), France 2020 Billboard Festival, exposition collective commissionnée par

Hanne Lise Thomsen, Istanbul, Turquie

Exposition collective à la Biennale internationale de photographie Nicéphore, Clermont-Ferrand, France Projection de « SQEVNV », exposition collective pour le Prix Maison Blanche, Marseille, France

« SQEVNV », exposition personnelle au Festival MAP (devenue virtuelle à cause du covid), Toulouse, France « SQEVNV », exposition collective au Festival In Cadaques, Cadaques, Espagne

2019 « Nothing Happened », exposition collective Slideshow au Discovery Awards du Festival Encontros da imagem, Braga, Portugal

« Nouvelles Ecritures », exposition collective à la Fondation de la Photographie, Tanger, Maroc

2018 « Silencio », exposition personnelle dans le cadre du Mois de la photo El ojo Salvaje à Asuncion, Paraguay

« Nothing Happened », Photobook exposition collective, sélectionné au Kassel Dummy Award, Kassel, Allemagne « Nothing Happened », Photobook exposition collective, sélectionné au FUAM dummy book award, Istanbul, Turquie

Références

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