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HISTOIRE DE L'UNEF de 1956 à 1968

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HISTOIRE DE L'UNEF de 1956 à 1968

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Les chemins de l'Histoire

COLLECTION DIRIGÉE PAR BLANDINE BARRET-KRIEGEL ET ANDRÉ BURGUIÈRE

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HISTOIRE DE L'UNEF

DE 1956 A 1968 ALAIN MONCHABLON

Presses Universitaires de France

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A PALM YRE

ISBN 2 13 037621 5

Dépôt légal — 1 édition : 1983, mars

© Presses Universitaires de France, 1983 108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris

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Introduction

1981-1956

1981

Avec l'élection présidentielle de François Mitterrand, les allées du Pouvoir se sont transformées. Un nouveau personnel dirigeant a com- mencé de se mettre en place. D'emblée les observateurs ont souligné l'importance, au sein du groupe parlementaire socialiste, des « profs barbus », catégorie fleurant bon l'archaïsme politique. Plus novatrice peut-être, une autre composante semble en revanche avoir été relative- ment peu mise en valeur : les « anciens de l'UNEF », l'Union natio- nale des Etudiants de France.

Et Pourtant ! Certes il n'y a pas d'ancien de l'UNEF au Conseil des Ministres, sauf a-t-on dit Michel Crépeau. Mais une demi-douzaine dans les cabinets ministériels, et autant parmi les députés socialistes.

Au total, sur les quelque cent vingt responsables nationaux qu'a connus le bureau de l'UNEF de 1956 à 1966, plus d'un dixième occupe aujourd'hui des responsabilités politiques directes. La proportion s 'élève encore si l'on considère la position actuelle des dix présidents annuels qui se sont succédé à la tête de l'UNEF pendant la même Période. Quatre d'entre eux sont aujourd'hui membres de cabinets Ministériels : Michel de La Fournière, président en 1956, au ministère

1 . On les trouvera au fil des pages ; voir également l'Annexe, infra, p. 203.

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de la Coopération, Pierre-Yves Cossé, président en 1957, au ministère de l'Economie et des Finances, Dominique Wallon, président en 1961, au ministère de la Culture, Michel Mousel, président en 1963, au ministère de la Fonction publique. En outre, Jean-Claude Roure, pré- sident en 1962, est désormais directeur de la Qualité de la Vie au ministère de l'Environnement, tandis que Bernard Schreiner, président en 1964, est député PS des Yvelines. Encore un tel pointage est-il incomplet, négligeant les associations locales au profit de la seule direction nationale. Il faudrait également mentionner pour les milieux de la presse les noms d'autres responsables formés à l'UNEF : Jacques Julliard au Nouvel Observateur, Jean-Marie Dupont au Monde, Serge Richard au Canard Enchaîné, Jean-Marcel Bouguereau, Antoine Gri- set, Serge July, Jean-Louis Peninou à Libération, Marc Kravetz actuellement à Actuel, sans même oublier l'évolution d'Etienne Mou- geotte, aujourd'hui à Europe 1.

Rétrospectivement l'UNEF apparaît ainsi comme une abondante pépinière politique. Rarement même une organisation de jeunesse aura joué un tel rôle, bien davantage en particulier que les sections jeunes des partis politiques. Il est frappant par exemple que Robert Chapuis, Michel de La Fournière, Daniel Frachon, qui sont aujourd'hui parmi les chefs de file des rocardiens au sein du PS, aient commencé il y a vingt-cinq ans à l'UNEF une collaboration politique qui ne s'est pas démentie depuis.

Pourtant, céder aux délices de l'histoire occulte et faire de l'organi- sation étudiante la Synarchie de la fin du siècle serait une dangereuse illusion. D'abord parce qu'à l'intérieur du PS les anciens de l'UNEF se répartissent assez équitablement entre les différents courants : si Michel de La Fournière, Pierre Guidoni, vice-président de l'organisa- tion étudiante en 1964, et Christiane Mora, vice-président en 1959, siè- gent tous trois aujourd'hui au secrétariat national du PS, le premier est le porte-parole des rocardiens, le deuxième est un des dirigeants du CERES, tandis que la troisième représente le courant ex-mitterrandiste.

Evidemment aussi parce que les anciens de l'UNEF n'ont pas tous rejoint le Parti socialiste : après tout, deux des petits candidats à l'élection présidentielle de 1981 étaient issus de l'organisation étu-

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diante : Huguette Bouchardeau et Brice Lalonde. Enfin et surtout parce que rien ne prédestinait naturellement l'organisation étudiante à pareille fonction : ni club de discussion, ni amicale de futurs anciens, l'UNEF n 'avait été désignée par aucune providence pour participer au renouvellement de la Gauche française. Petite et fragile organisation, son horizon spontané était assez restreint, et son vénérable passé ne la prédisposait pas d'emblée à l'innovation. Au reste, après l'élan qui suivit la Libération, elle était progressivement revenue aux routines

des groupements corporatifs.

Ce n'est donc pas de toute éternité, mais au travers d'une expé- rience historique précise, marquée par la guerre d'Algérie et les débuts de la V République, que s'est constitué un important mouvement étu- diant de gauche, que sa sensibilité politique originale empêchait de se fondre dans les forces politiques alors existantes.

Qu 'on ne cherche donc pas ici une geste des étudiants mais plutôt une recherche tâtonnante de nouvelles formes politiques et syndicales.

1956

Janvier : malgré la vague de froid qui gèle les oliviers et mène les chasse-neige à entrer en action près de Saint-Tropez, les électeurs sont allés nombreux aux urnes. En effet, pour la première et dernière fois dans l'histoire de la IV République, le président du Conseil, Edgar Faure, a usé de son droit de dissolution de l'Assemblée. Mal lui en a pris : la droite sortante est battue par le Front républicain, coalition assez lâche qui regroupe la SFIO de Guy Mollet, le Parti radical de Pierre Mendès France, les républicains sociaux de Jacques Chaban- Delmas et l'USDR de F. Mitterrand ; à l'extrême gauche les cent cin- quante députés communistes, à l'extrême droite les cinquante députés poujadistes sont exclus de toute majorité.

Guy Mollet, qui a qualifié d'imbécile et sans issue la guerre qui se développe en Algérie, est désigné puis investi président du Conseil.

Tournant à gauche donc, apparemment ; on sait ce qu 'il durera : le temps d' une pluie de tomates à Alger le 6 février ; désormais la guerre

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est juste et le dernier quart d'heure est en vue ; le vote avec la partici- pation des cent cinquante députés communistes des pouvoirs spéciaux du gouvernement en Algérie mène à l'envoi de centaines de milliers de soldats en Algérie, à l'enlisement dans la guerre et à l'effondrement sans gloire du 13 mai 1958.

Pour l'UNEF en revanche, 1956 est l'année d'un véritable tournant à gauche : dans le cadre chaotique et parfois folklorique d'une organi- sation de quatre-vingt mille adhérents, les « minos », c'est-à-dire la gauche, prennent le pouvoir, pour ne plus le lâcher. L'épisode peut sembler mineur ; et pourtant... : la gauche étudiante va continuer d'avancer, sans, elle, renier ses idées : sérieuse en diable malgré la tra- dition des canulars, soucieuse de rigueur, attachée à la gestion et à la cogestion, croyant aux grands mots de droits de l'homme et de démo- cratie que lui ont légués ses aînés, l'UNEF pense et agit : laboratoire d'idées et acteur privilégié de l'action contre la guerre d'Algérie, elle se trouve progressivement amenée à une responsabilité politique natio- nale, qui en fera le point de mire d'une partie de la gauche et la cible des gouvernements de la IVpuis de la V République. S'il est vrai que les étudiants sont une des catégories sociales qui ont évolué vers la gauche au cours des trente dernières années, cette évolution n'était pas forcément assurée, et l'UNEF en fut sans doute davantage l'agent que

le reflet.

Devenue par la force des choses, sans l'avoir vraiment désiré, aussi grosse que le bœuf de la fable, la chétive organisation étudiante finit par en crever ; en 1968 elle agonisait et le printemps, s'il lui donna une apothéose, lui fut fatal, mais de ce cadavre émietté le paysage poli- tique a conservé quelques traces ; en attendant, c'est la vie et la crois- sance de notre grenouille de 1956 à 1968, son irruption dans l'histoire de la gauche en France, qu 'on voudrait retracer ici.

2. Sur ces débris campent encore deux frêles détachements politiques rivaux, qui se disputent dans l'apparente indifférence des huit cent mille étudiants d'aujourd'hui le seul et dernier héritage de la gloire passée : le sigle UNEF.

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Cette étude s'appuie principalement sur les volumineuses archives de l'UNEF, actuelle- ment conservées au service des Archives de l'Université de Paris : Trois cent quarante- neuf cartons, particulièrement riches sur la période 1953-1966 ; ils contiennent la corres- pondance du Bureau de l'UNEF, les comptes rendus sténographiques des congrès et réu- nions statutaires, ainsi que des journées d'études et parfois les procès-verbaux des réu- nions du Bureau. Ma reconnaissance va à Annie Jeantet-Lévy qui la première a trié ce vaste matériau.

J'ai par ailleurs utilisé les ouvrages ou études suivants :

(Anonyme), Les sources du syndicalisme étudiant, 1945-1963, reproduit par le Bureau national de la MNEF.

Daniel BAGGIONI, Le discours syndical étudiant, recherche de socio-linguistique, Univer- sité de Paris X, 1971.

Alain BARTOLI, Le mouvement étudiant de l'Algérie à mai 68, théorie et organisation, DES d'histoire des institutions et des faits sociaux, Aix-en-Provence, 1976.

François BORELLA et Michel de LA FOURNIÈRE, Le syndicalisme étudiant, Paris, 1957.

A. BELDEN FIELDS, Student Politics in France, a study of the UNEF, New York, 1970.

Bernard DELAIRE, Apports et contributions du syndicalisme étudiant au syndicalisme des professions libérales de 1939 à 1955, thèse de chirurgie dentaire, Paris, 1976.

Jacques Antoine GAU, Le régime de sécurité sociale des Etudiants, Paris, 1960.

Pierre GAUDEZ, Les étudiants, Paris, 1961.

R. LAVAUD, Les étudiants et la politique depuis 1945, mémoire de l'Institut d'Etudes politiques, Paris, 1958.

Jacques-F. LEFÈVRE, L'UNEF depuis 1945, mémoire de l'Institut d'Etudes politiques, Paris, 1958.

Seymour Martin LIPSET, Student Politics, New York, 1967.

Nicole de MAUPEOU ABBOUD, Ouverture du ghetto étudiant, Paris, 1974.

Michèle PERREIN, La sensitive (roman évoquant une AGE du Sud-Ouest), Paris, 1956.

Claude WARIN, Le syndicalisme étudiant et la guerre d'Algérie, Université de Paris X, 1972.

Je remercie en outre tous ceux qui m'ont apporté informations et précisions : André Berelowitch, Roger Baralis, Alain Bartoli, François Borella, Paul Bouchet,

Anthony Bouthelier, Robert Chapuis, Guy Coq, Pierre-Yves Cossé, Georges Danton, Jean-Marie Dupont, Michel de la Fournière, Daniel Frachon, Jacques Freyssinet, Pierre Gaudez, Claude Geraud, Antoine Griset, Nicolas Guelman, Pierre Guidoni, Jean-Jacques Hocquard, Jacques Julliard, Jean Lecuir, Albert Lenclud, Michel Mousel, Jean-Louis Peninou, Jean-Claude Polack, Jacques Raffoux, Pierre Rostini, Jean-Marc Salmon, Jacques Sauvageot, Bernard Schreiner, Maurice Szigeti, Jean Tercé, Dominique Wallon, anciens responsables de l'UNEF ;

Maurice Herzog et Louis Joxe, anciens ministres du général de Gaulle ; Louis François, inspecteur général de l'instruction publique ; Marc Heurgon, ancien secrétaire du PSU ;

Philippe Robrieux et Guy Tissier, anciens dirigeants de l'UEC.

En revanche, il va de soi que les erreurs et incompréhensions contenues dans ce livre représentent ma contribution personnelle à l'ensemble.

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Par sa fondation en 1907, l'UNEF est la plus ancienne au monde des associations nationales d'étudiants. Pourtant la période qui s étend des origines à la deuxième guerre mondiale apparaîtra aux yeux des militants de 1956 comme une sorte de préhistoire. D'abord, parce qu'elle est, faute de documents suivis, relativement mal connue.

Surtout parce que la véritable histoire de l'UNEF commence en 1946 avec la fondation d'un syndicalisme étudiant qui se situe dans le pro- longement de la Résistance. En 1956 et après, l'œuvre des fondateurs de la Libération reste la référence essentielle de l'UNEF.

1907

C'est entre 1877 et 1884 que se sont constituées à Nancy, puis à Bordeaux, Lille, Dijon, Paris et Lyon, les premières Associations générales d'Etudiants (en abrégé AGE), dont la naissance coïncide avec la réorganisation de l'enseignement supérieur par la III République et l' apparition d'un personnage inconnu au début du XIX siècle, l'étu- diant fréquentant la Faculté

Le rôle des AGE est bien limité : elles participent, drapeau en tête, 1. Cf. A. PROST, Histoire de l'enseignement en France, A. Colin, 1967.

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aux cérémonies officielles de leurs universités, et gèrent parfois une bibliothèque, mais surtout elles organisent, au grand scandale des autorités universitaires, des « bals de grisettes » ou de bruyants monô- mes. « Esprit léger, cœur d'airain, chez l'élite l'un n'exclut pas l'autre, bien au contraire », écrira, en 1954, un nostalgique.

L'examen de l' Annuaire de l'Association des Etudiants de Paris pour 1905-1906 montre l'une de ces AGE :

Forte de 1 700 membres (parmi lesquels Ferdinand de B r i n o n adhérent n° 10294, et le futur orientaliste Louis Massignon, adhérent n° 10565), ce qui est peu (il y a à Paris environ 15 000 étudiants), elle offre l'aspect d ' u n club : son local installé sur plusieurs étages 43, rue des Ecoles, à deux pas de la Sorbonne, ouvert tous les jours de 8 h à 24 h, y compris le dimanche, abrite des salles de billard et un fumoir, une bibliothèque de 2 000 livres et revues d'intérêt général, de 20 000 livres spécialisés (Histoire, Droit, Médecine), des sections de musique, de photographie, d'escrime, un service de consultation juridique, un service médical fourni par des anciens de l'Association (au nombre des affections traitées : les maladies vénériennes). Parmi les activités régu- lières, outre l'inévitable banquet annuel, on note des « réunions ami- cales », des conférences d'intérêt général où prennent la parole des explorateurs, des grands voyageurs et autre exotisme, quelques syndi- calistes ouvriers (réformistes). Club de bon ton, donc, mais avec une caractéristique frappante : un républicanisme bon teint. Dotée d'une subvention annuelle, l'AGE de Paris a été placée sous les présidences d'honneur successives de Pasteur et Ernest Lavisse, deux gloires de l'Université républicaine. Elle compte parmi ses membres fondateurs des personnalités en vue du régime, d'Emile Zola à Félix Faure en pas- sant par Jules Ferry, Emile Loubet, Casimir Perier, Sadi Carnot ; elle semble donc un instrument de la propagande républicaine en même temps q u ' u n élément modérateur lors des traditionnels tapages d'étudiants.

En mai 1907 à Lille, des AGE existantes se fédèrent en une Union nationale des Associations générales d'Etudiants, dont le sigle est

2. Plus tard ambassadeur de Vichy près les autorités allemandes d'occupation.

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rapidement contracté en UNEF (Union nationale des Etudiants de France) Simple organe de liaison entre les AGE, l'Union nationale a une autorité restreinte et une activité limitée.

Au lendemain de la guerre 1914-1918 l'UNEF, après avoir, comme il se doit, tenu son premier congrès d'après-guerre dans Strasbourg redevenue française, se lance dans des réalisations matérielles en faveur des étudiants atteints par la dureté des temps : à défaut de l'allocation demandée pour les veuves d'étudiants, elle obtient la cons- truction du sanatorium étudiant de Saint-Hilaire-du-Touvet (Isère) Pour lequel Edouard Herriot, alors président du Conseil, apporta per- sonnellement son chèque, la création des premiers restaurants universi- taires, la fondation de l'Office du Tourisme universitaire. L'ensemble de ces réalisations sera regroupé et administré, en juillet 1937, par un

« Comité supérieur des Œuvres en faveur des Etudiants », créé par le ministre de l'Instruction publique du Front populaire, Jean Zay, dont le chef de cabinet avait été durant cinq ans président de l'AGE de Lyon. Manquant, en effet, de cadres capables de gérer cette infra- structure, l'UNEF l'avait en fait cédée aux Œuvres, relevant du minis- tre, qui d'ailleurs lui fournissaient son siège social, place Saint- Michel.

Bien que ses premiers succès revendicatifs coïncident avec les périodes du Cartel des Gauches et du Front populaire, l'UNEF de l'entre-deux-guerres s'interdit explicitement toute intervention dans le domaine politique, et Raymond Poincaré peut souligner devant le Congrès de 1924 que « les Associations générales d'Etudiants consti- tuent le seul lieu où l'on puisse se réunir en dehors de toute apparte- nance politique ou religieuse ». Ce que semblent confirmer les comptes rendus de congrès de l'époque, qui abondent principalement en récits de voyages et descriptions de banquets mémorables ; le der- nier congrès de l'avant-guerre, en 1939, dura six jours dont une jour- née de discussions et cinq de divertissement, marquées notamment par une longue excursion en Belgique. L'apolitisme est une règle qui souf- frit d'emblée des exceptions : au début du siècle, l'AGE de Lyon est secouée par l'Affaire Dreyfus et connaît pendant quelques années une scission entre deux formations rivales, l'une révisionniste et l'autre

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antidreyfusarde. Plus généralement, un certain nombre de personna- lités socialistes et radicales de la III et de la IV République firent leurs premières armes au sein de l'organisation étudiante. Avant de présider aux destinées de la IV Vincent Auriol présida à celles de l'AGE de Toulouse ; Edouard Daladier géra en 1913 la bibliothèque de l'AGE de Lyon ; César Campinchi, à plusieurs reprises ministre (radical) de la Marine dans les années trente, avait été en 1907 prési- dent de l'AGE de Paris.

A l'inverse, la même AGE de Paris, noyautée au début des années trente par les étudiants d'Action française (qui, au reste, lui firent alors quitter l'UNEF), joua un rôle certain dans le harcèlement de manifestations quotidiennes qui préparèrent l'émeute du 6 février 1934. A Paris, malgré une timide présence de la gauche à la Sorbonne, ce sont les groupes politiques de droite et d'extrême droite qui tiennent le haut du pavé dans la rue, et dans les amphithéâtres. Ils y interdisent de parole, entre autres, un spécialiste de droit international coupable d'avoir présenté à la Société des Nations un rapport concluant à l'agression de l'Italie fasciste contre l'Ethiopie. L'AGE de Paris, il est vrai, ne survécut pas à cette expérience : abandonnée de ses adhérents, elle fut emportée en juin 1934 par une débâcle financière dont nous savons peu de choses. Sur ses ruines s'édifièrent plusieurs AGE, une par Faculté ou Grande Ecole, ce qui donna une physionomie particu- lière à l'UNEF sur Paris. Elle n'y serait désormais plus représentée par une AGE, mais par plusieurs, regroupées en théorie au sein d'une assez inexistante Fédération des Etudiants de Paris.

1946

Les épreuves de l'Occupation puis de la Libération manquèrent bien être fatales à l'organisation étudiante, que son apolitisme tradi- tionnel mettait en fait à la remorque des gouvernements en place : situation somme toute enviable aux beaux jours de la stabilité institu- tionnelle, mais délicate à l'heure des changements de régime.

Privée de son dernier président de l'avant-guerre, fait prisonnier en

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1940, l'UNEF faillit en 1941 être frappée par un décret de dissolution qui arriva jusqu'au bureau du maréchal Pétain : elle exhalait, à l'heure de la Révolution nationale, un trop fort parfum de III Répu- blique. L'organisation étudiante survécut finalement, mais affaiblie par la mise en sommeil de nombreuses AGE, et privée de toute partici- p aux services des Œuvres, du Sport et du Tourisme universi- taires, dont la gestion fut confiée à un nouvel organisme créé par Vichy, le Service national des Etudiants. Privée de sa subvention tradi- t vivotant difficilement en zone Sud seulement, l'UNEF ne semble guère avoir été engagée en tant qu'organisation dans la Colla- boration, bien qu'un de ses présidents ait été nommé membre du Conseil national de Vichy. Les plus importants collaborateurs se sont plutôt trouvés au Service national des Etudiants. En tout cas, lorsque, en novembre 1944, une commission d'épuration se mit en place à l'UNEF, elle n'élimina que trois responsables trop compromis, dont un président de l'AGE de Lyon, qui avait été décoré de la Francisque.

Menu fretin dans les filets de la Collaboration, l'Association étudiante avait seulement esquivé pour l'essentiel tout débat et tout choix entre Résistance et Collaboration, se bornant à assurer au jour le jour la défense des intérêts immédiats des étudiants. Certes, au cours du Con- grès tenu en 1943 à La Chapelle-en-Vercors, il y eut des interventions qui étaient des appels implicites à la Résistance, mais elles restèrent minoritaires ; de même, si au cours d'une réunion de responsables tenue au début 1944 à Montpellier fut votée une adresse au général de G (alors à Alger), ce texte semble être resté ignoré de tous, y com- pris de son destinataire. Et les étudiants qui participèrent à la Résis- tance le firent en dehors de l'UNEF, voire contre elle, même quand ils en étaient des responsables : si un ancien président de l'UNEF fut à l'origine de la marche à l'Etoile du 11 novembre 1940, ce ne fut certes Pas ès qualités. A Lyon où, en quatre ans, trois cents étudiants tombè- rent dans le combat contre l'occupant, dont Gilbert Dru, membre du Comité de l'AGE, fusillé le 24 juillet 1944, l'AGE en tant que telle était Pétainiste. L'AGE de Grenoble qui assurait clandestinement des liai- sons avec le maquis du Vercors semble avoir été une exception.

Aussi, à la Libération en 1944, le prestige de l'UNEF est-il au plus

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bas. L'AGE de Lyon est dissoute par le premier commissaire de la République et ses biens sont placés sous séquestre. Si sur le plan national l'UNEF ne subit pas le même sort, c'est sans doute autant à son insignifiance qu'à la qualité de résistants de quelques-uns de ses membres qu'elle le doit. Mais à l'aube de la « Renaissance française » cette vieille organisation de jeunes est l'image d'un passé haï, fait de petites compromissions et de grandes lâchetés ; monstrueux rejeton tout à la fois de l'archaïque III République et du régime de Vichy, elle n'a plus sa place dans la France du renouveau, et semble vouée à s'éteindre doucement. Elle récupère avec difficulté sa place auprès du Comité des Œuvres, et la subvention de fonctionnement dont Vichy l'avait privée, mais elle doit partager ses locaux avec la force montante que constitue la nouvelle-née Union des Etudiants patriotes (section étudiante du puissant Front uni de la Jeunesse patriotique), où sont représentées les différentes tendances politiques auréolées de leur par- ticipation à la Résistance, des communistes aux démocrates-chrétiens ; l'ensemble UNEF-UEP formant l'Union patriotique des Organisations d'Etudiants (UPOE). En outre, il s'en faut de peu qu'un projet de délé- gations étudiantes élues à tous les niveaux (Facultés, Universités, échelle nationale) la dépouille de toute fonction représentative. A défaut de soutien de la part des étudiants, c'est grâce à « de nombreux appuis ministériels » que l'UNEF réussit à parer le coup : du projet ini- tial en effet, le décret Capitant du 16 mai 1945 ne retient que l'élection dans chaque faculté de délégués étudiants aux attributions limitées, sans aucune coordination entre Facultés et Universités : seule donc l'UNEF subsiste comme organisation nationale représentative, mais amoindrie et sans prestige, elle n'est qu'un sigle, une coquille vide.

C'est pourtant à cette date qu'un certain nombre d'étudiants, mar- qués par la Résistance à laquelle ils avaient participé, firent le pari de conquérir et transformer l'UNEF, pour en faire le cadre d'un syndica- lisme étudiant forgé de toutes pièces. Parmi eux des Lyonnais, qui commencèrent par prendre en mains le Restaurant universitaire, Jacques Miguet et Paul Bouchet qui fut président de l'AGE de Lyon de 1945 à 1947. Refusant la formule d'un parlement étudiant (ce qu'était l'UEP) voué aux affrontements purement idéologiques, aussi bien que

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le traditionnel apolitisme corporatif, ne s'inspirant d'aucun modèle Préexistant, ils eurent l'ambition de participer à la « Renaissance fran- çaise » en faisant de l'UNEF tout à la fois le centre de la vie étudiante (par les fêtes, les conférences...), un mouvement syndical revendicatif (ils s'opposèrent par la force et avec succès au remplacement par un nouveau venu du recteur Allix qu'ils avaient connu dans la Résis- tance ; ils obtinrent la réquisition des ex-maisons closes pour loger les étudiants) et un organisme de gestion de services matériels. Cette triple orientation devait, à leurs yeux, transformer le monde étudiant au nom d'une vision nouvelle de sa place dans la nation : aux côtés des

« forces vives du pays ». Restait à faire endosser cette nouvelle conception.

Après un échec au Congrès de Dax en 1945 qui vit le provisoire maintien en place de l'équipe sortante majoritairement apolitique, les Lyonnais parviennent à l'emporter en 1946 au Congrès de Grenoble : ne se bornant pas à éliminer les dirigeants traditionnels, ils engagèrent l' avenir : ils font voter par le Congrès un texte fondamental qui sous le titre ambitieux de Charte de Grenoble devait constituer le véritable acte de fondation du syndicalisme étudiant et la renaissance de l'UNEF.

Définissant l'étudiant comme un jeune travailleur intellectuel, la Charte instituait l'indépendance de l'UNEF (organisation de jeunes) vis-à-vis de toute tutelle politique ou étatique, sa nature syndicale et sa volonté de transformation sociale (organisation de travailleurs) ; la référence au statut d'intellectuel renvoyait enfin aux valeurs sacrées de vérité et de liberté que l'UNEF se devait désormais de défendre. Dans ce texte qui ne fut pas voté à l'unanimité, tous les délégués ne virent peut-être pas le corps d'une doctrine syndicale ; au moins nombre d entre eux le votèrent-ils d'abord comme le moyen de sortir définiti- vement l'UNEF de la collaboration (avec ou sans majuscule) aveugle avec les autorités qui l'avaient caractérisée jusqu'alors. Tel fut entre autres l'état d'esprit de la Fédération des Groupes d'Etudes de Lettres Voir le texte en annexe ; ce titre est manifestement inspiré du mouvement ouvrier dont la Charte d'Amiens fut longtemps le manifeste ; pour les Lyonnais, le mouvement ouvrier est au reste, sinon un modèle strict, au moins une référence explicite. La Charte de Grenoble servit en outre de base à la Constitution en 1946 de l'Union internationale des Etudiants.

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Les présidents de l'UNEF de 1956 à 1968

Entre parenthèses, l'AGE d'origine. Sauf indication contraire le mandat court de Pâques à Pâques.

Claude ROSSIGNOL (AGE de Clermont-Ferrand) novembre 1955-1956.

Jacques RAFFOUX (AGE de Lille) 1956 (démissionne en juillet).

Michel de LA FOURNIÈRE (FGEL) 1956-1957.

Pierre-Yves COSSÉ (Sciences Pos) 1957-1958.

Georges DANTON (Sciences Pos) 1958-1959.

Bernard ARCHER (Ecole centrale) 1959 (démissionne en juillet).

Jacques FREYSSINET (AGE de Lyon) 1959-1960.

Pierre GAUDEZ (FGEL) 1960-1961.

Dominique WALLON (Sciences Pos) 1961-1962.

François LEMEILLEUR (AGE de Caen) 1962 (démissionne en juillet).

Jean-Claude ROURE (AGE de Montpellier) 1962-1963.

Michel MOUSEL (Sciences Pos) 1963-1964.

Bernard SCHREINER (AGE de Strasbourg) 1964-1965.

J.-F. NALLET (AGE de Bordeaux) 1965-1966 (juillet).

Jean TERREL (Cartel des ENS) juillet 1966, démissionne en janvier 1967.

Pierre VANDENBURIE (AGE de Lille) janvier à novembre 1967.

Michel PERRAUD (AGE d'Angers) novembre 1967, démissionne en mars 1968.

Jacques SAUVAGEOT (AGE de Dijon) fait fonction de président.

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