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Gros plan sur la classe de français et les contenus effectivement enseignés

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Academic year: 2022

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Gros plan sur la classe de français et les contenus effectivement enseignés

Marielle Rispail et Christophe Ronveaux

Notre réflexion voudrait contribuer à mieux comprendre comment la configuration d’une discipline, le français, se traduit dans le cours de l’activité enseignante. Au centre de nos observations, nous avons placé les objets d’enseignement et les objets enseignés, ou le passage des uns aux autres. Ce faisant, c’est à l’analyse de pratiques de classe, ou de pra- tiques dans la classe, que se consacrent les chapitres qui suivent. Sur quels préconstruits s’appuient ces pratiques? Qu’est-ce qui se déplie dans la classe ou résiste? Comment les objets enseignés s’articulent-ils aux contingences de la gestion de classe et aux finalités assignées à la discipline? Voilà quelques-unes des questions que nous essaierons de poser, et à défaut de les résoudre, de faire avancer.

Qu’est-ce qui s’enseigne aujourd’hui dans les classes de français, de la maternelle au secondaire, dans telle ou telle situation différente? Si l’on se réfère aux recherches rassemblées dans le présent recueil dans des classes belge, romande, française (L1) et vietnamienne (L2), on peut établir la liste des objets suivants: la filiation des langues, la relation du sujet au verbe, la ponctuation, la littérature, la compréhension interpré- tative, l’écriture d’un récit de fiction, le lexique, la subordonnée relative, le texte d’opinion, le savoir scientifique. Tous ces objets font partie des pratiques effectives des enseignants d’aujourd’hui. D’aucuns voient dans cette disparité la dissolution de la discipline. Nous voulons, quant à nous, y voir un renouveau du paradigme. En tout état de cause, cette disparité ne peut être considérée à la seule aune des découpages territoriaux, des niveaux ou des langues d’enseignement. Pour que la disparité devienne variation et soit utile à la recherche en didactique, quelle démarche adopter? Plutôt que de poursuivre une perspective

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comparatiste sur les conditions d’exercice de la discipline dont nous n’avons pas les moyens aujourd’hui de servir l’ambition, un projet plus modeste consiste à mettre en contraste ces divers objets et leurs proprié- tés, à déplacer la comparaison pour la faire porter sur les différents lieux où chacun de ces objets d’enseignement est préfiguré, co-construit, appris et intégré. Il nous pousse par ailleurs à comprendre, dans une perspective transpositive, comment les objets d’enseignement sont configurés dans les pratiques effectives.

Nous désirons en effet insister sur la classe comme lieu de projets de savoirs visés, d’objets qui s’enseignent, voire s’échangent et varient, à travers des interactions didactiques et dans des situations qui varient elles aussi, plus que sur la classe comme lieu d’échanges et de ren- contres à travers la parole et autour des savoirs. Si la configuration cognitive ne change pas, c’est l’ordre dans lequel on aborde ses para- mètres de constitution qui varie. Par «interactions didactiques», il faut entendre l’espace sémiotique où se construisent des objets d’enseigne- ment, et pas seulement par la médiation du verbal.

U

N PROJET COLLECTIF

La forme éditoriale de ce recueil répond à un projet qui a réuni des équipes de chercheur-e-s belge (1), français-e-s (4) et suisses (5) en didac- tique du français. Leurs épistémologies et méthodologies de recherche ne se recouvrent pas forcément, mais toutes ces réflexions se sont discu- tées en 2004 lors du colloque de l’AIRDF à Québec, sur les objets effecti- vement enseignés et les curricula mis en place dans diverses situations d’enseignement. Ces équipes ont pu confronter à cette occasion métho- dologie, recueil de traces, constitution de corpus: mise en contraste par Garcia-Debanc de données «écologiques» ou celles issues de «l’ingénie- rie didactique», questionnement par Ronveaux et Thévenaz-Christen sur l’évidence des sources sonores enregistrées et leur analyse, multipli- cation des focus sur une même leçon chez Aeby Daghé et De Pietro, identification des conditions du recueil de traces discursives chez Dufays. L’exercice fut fécond et a poussé à enrichir l’interprétation des corpus, à affiner les méthodes d’analyse; il a ouvert de nouvelles ques- tions de recherche. Le présent ouvrage est le témoin d’un moment de cette réflexion commune; il s’inscrit dans la dynamique d’une réflexion de fond qui n’anime pas seulement la didactique du français

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(Schneuwly & Thévenaz-Christen, 2006; Dolz & Plane, 2008), mais aussi l’ensemble des didactiques (Éducation et didactique, 1, 2 et 3).

La centration principale sur l’objet d’enseignement dans tous les cha- pitres de cet ouvrage, même si et parce qu’elle jouxte des centrations secondaires (pratiques enseignantes, interactions verbales, modèles convoqués, etc.), impliquait donc qu’on élargisse l’empan de l’observa- tion. Qu’il s’agisse d’un objet majeur, structurant toute une séquence d’enseignement s’étendant sur plusieurs périodes administratives, ou d’un objet mineur, inséré dans une séquence au service d’un objet majeur, la description de ce qui se passe en classe ne peut se limiter aux 45 minutes de la leçon. Cet élargissement de l’unité d’analyse s’accom- pagne d’un élargissement du corpus. Dans son argumentaire, le cher- cheur ne peut plus se contenter de citer l’un ou l’autre tour de parole, ou l’une ou l’autre séquence d’interaction, il doit pouvoir resituer l’échange dans la logique d’un tout, tant au niveau local de la dynamique interac- tive qu’au niveau global de la séquence d’enseignement. Le présent ouvrage a fait la part belle au corpus, convaincus que nous sommes de l’intérêt de mettre à la disposition du lecteur des données sous une forme textuelle large, et les démarches méthodologiques par lesquelles le chercheur a transposé ces données en texte. Cette conviction repose sur le présupposé que la transcription d’un échange verbal ou la confec- tion d’un synopsis participe de la même opération interprétative de réduction et conditionne toute analyse. Aussi idéalement le chercheur devrait, en préalable à son analyse, expliciter la manière dont il conduit l’établissement d’un texte (transcription ou synopsis) à partir de ces données. Sans aller jusqu’à cette exigence idéale, les contributions du présent ouvrage s’efforcent de rendre visibles tout au moins les choix qui ont présidé à la sélection des passages analysés.

Le projet de centrer l’observation sur l’objet effectivement enseigné émane de cette hypothèse didactique que quelque chose d’essentiel se joue autour des contenus disciplinaires dans l’activité d’enseignement/

apprentissage. Non pas que l’agir de l’enseignant n’ait rien à nous dire sur la discipline, mais il est subordonné à cette spécification progressive des savoirs que d’aucuns nomment la «logique disciplinaire de la forme scolaire» (Hofstetter, Schneuwly, Lussi & Cicchini, 2004; Schneuwly

& Thévenaz-Christen, 2006). Partir des pratiques effectives en classe pour reconstruire l’objet enseigné ne conduit pas seulement, comme le préconisait Vergnaud (1994), à une meilleure connaissance du rôle de l’enseignant, mais aussi et surtout à une meilleure connaissance des

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conditions de transformation d’un objet d’enseignement. Signe de matu- rité de la discipline (Garcia-Debanc, ici même), cette centration sur les pratiques effectives se décline en plusieurs axes de réflexion et pistes de recherche, ordonnées de l’objet le plus réduit vers l’ouverture du champ.

C

ONSTRUCTION DE L

OUVRAGE AUTOUR DE QUATRE AXES ET TROIS PISTES

Comment avons-nous construit cet ouvrage, lui-même à plusieurs dimensions, voire à plusieurs entrées? D’un côté se sont dégagés trois axes de réflexion; de l’autre nous avons ordonné les textes de l’objet le plus réduit jusqu’à l’empan le plus large, nous y reviendrons.

Notre premier axe de réflexion investit le travail enseignant. Il pose et analyse le préconstruit de l’enseignant comme une entrée qui fédère les pistes de travail développées dans la classe. Il nous aide à percevoir l’acte de l’enseignant par rapport à l’apprendre qu’il souhaite déclencher chez l’élève. Il situe l’observateur face à un «agir orienté» vers l’objet enseigné, qui apparait alors comme la lucarne choisie pour analyser les pratiques de classe (Paolacci, Garcia-Debanc, Ronveaux & Thévenaz- Christen, Aeby Daghé & De Pietro, Rispail). De son côté, Dufays s’inté- resse à la diversité des objets enseignés plutôt qu’à un seul objet fixé au préalable; il s’ensuit qu’il analyse des pratiques «ordinaires», ce que Garcia-Debanc appelle un recueil «écologique», et non des pratiques

«commandées». Dans le moment interactif, l’observateur se concentre sur les reformulations (Garcia-Debanc), les institutionnalisations, tous ces gestes où quelque chose de l’objet d’enseignement prend forme à travers la gestion de la tâche (Aeby Daghé & De Pietro, Dufays, Ronveaux & Thévenaz-Christen).

L’axe 2 met le projecteur sur les interactions verbales, en tant qu’elles sont le lieu d’investigations privilégiées de l’objet enseigné: elles sont ce qu’on observe de la classe, mais elles n’y sont pas un objet en soi. Elles sont des ressources sémiotiques parmi d’autres auxquelles s’adossent les principaux partenaires de l’activité enseignante (Jewitt & Kress, 2003;

Nonnon, 2008). Car elles permettent avant tout de découvrir autre chose que de l’interactionnel. Une telle posture méthodologique implique que l’on considère les échanges verbaux comme l’une des modalités d’un processus de sémiose complexe et multidimensionnel. L’objet d’ensei-

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gnement étant le produit de cette sémiose, la question des ressources se pose dès lors en termes de contribution (limites ou spécificités) de cha- cune de ces dimensions dans la constitution de l’objet d’enseignement.

C’est le cas des objets mathématiques développés dans un cours de langue. Les interactions verbales donnent à voir le développement d’un objet d’enseignement aux contours flous qui varient selon les modes d’interactions choisis par les interactants (Rispail). C’est donc en tant que pratique méthodologique qu’on y prête attention (Ronveaux &

Thévenaz-Christen, Dufays, Rispail), comme révélateur des propriétés de cet objet enseigné qui est notre focale première. Les protocoles de transcription et leur étude sont alors des aides à la détermination de l’objet enseigné. Les interactions verbales sont considérées comme une trace observable de ce qui se déplie dans la classe, avec ses accidents, ses changements de rythme ou ses accélérations. Pour Dufays, ces interac- tions permettent aussi de percevoir les effets réels, sur les élèves, des pratiques mises en place.

L’axe 3 considère les modèles en actesdont le chercheur s’attèle à recons- tituer les effets sur la constitution de l’objet d’enseignement (Aeby Daghé

& De Pietro, Dufays, Garcia-Debanc, Paolacci, Ronveaux & Thévenaz- Christen). Il consiste à définir ce qui se passe, non dans les gestes mais dans les discours eux-mêmes, tout en sachant que dans le discours se développe autre chose que du seul discours (Rispail). En effet l’objet du discours se transforme et se déplace au contact de l’autre. Ces modèles en acte sont sources de tensions qui contribuent elles aussi à fournir une image mouvante de l’objet d’enseignement. Si on observe donc le «cours de l’agir» mis à l’épreuve de l’empirie, on touche sans doute, par le modèle en actes qui se déploie, à un des aspects de la transposition didac- tique, encore rarement élucidé, à notre connaissance du moins.

Enfin un quatrième axe émerge si on considère l’aspect disciplinairede nos problématiques et de nos objets d’analyse (Aeby Daghé & Dolz, Dufays, Plane, Rispail). Une dimension importante de notre réflexion interroge donc la vision du français qu’on peut dégager de ces analyses.

Le caractère de «transversalité» si souvent évoqué y garde-t-il du sens?

À travers les textes de cet ouvrage, on voit que les objets enseignés et leurs spécificités (littérature, lexique, ponctuation, relative, contenu scientifique, etc.) prennent largement le pas sur les points de vue com- municatifs, qui ont été développés ces dernières années.

Nous sommes partis du principe qu’il faut pouvoir interroger l’objet enseigné en dehors d’une étendue prédéfinie, mais qu’on peut l’observer

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