FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNEE 18 99-1900 16
L A
Transmission flï Paludisme à Homme
PAR LES MOUSTIQUES
(Revue Générale)
THESE POUR LE D0UÏ0RAT EN MEDEC
présentée et soutenue
publiquement le 29 Novembre 1899
PAR
Gli.a.i"les-]VEai"ie-Liéop)olcl PLOMB
Né à Tollioules (Var), le %1 Mars
1876
Élèvedu Service de Santé de la Marine
Examinateurs de la Thèse
MM. LAYET professeur Président.
MORACIIE professeur....
LEDANTEC agrégé } Juges.
IIOBBS agrégé
Le Candidat répondra aux
questions qui lui seront faites
sur19S
diverses parties de
l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI —
PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 1899
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DENABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
PROFESSEURS
MM. M1GÉ ï
AZAM DUPUY...
MOUSSOUS
Professeurs honoraires.
Clinique interne.
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
Clinique externe Pathologie et théra¬
peutique générales. VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecine opératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments LEFOUR.
Anatomie pathologi¬
que COYNE.
Anatomie CANNIEU
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histologie VIAULT.
Physiologie JOLYET.
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agrégés en
skction de médecine(Pcitkolog MM. CASSAET. |
AUCHÉ.
SABRAZÈS.
MM.
Médecinelégale MORAGHE.
Physique
BERGONIÉ.
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Histoire naturelle ... GUILLAUD.
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Matière médicale.... de NABIAS.
Médecine expérimen¬
tale FERRÉ.
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gique BADAL.
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fants PIÉCHAUD.
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maladiesdesenfants A. MOUSSOUS.
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exercice :
ie interneet Médecinelégale.) MM. Le DANTEC.
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sectionde chirurgie et accouchements
/MM. DENUCÉ. I Pathologie externe)
V1LLAR BRAQUEHAYE CHAVANNAZ.
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section des sciences anatomiques et physiologiques
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Clinique desmaladies des voies urinaires : Maladies du larynx,des oreilles etdunez
Maladies mentales Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Chimie
Physiologie Embryologie Ophtalmologie
HydrologieetMinéralogie
Le Secrétairedela Faculté: LEMA1RE.
DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRELENT.
DUPOUY.
PACHON.
N.
LAGRANGE.
CARLES.
Par délibération du 5 août 1879, la^Facultéaarrêté que les opinions émisesdans les Thèsesquiluisontprésentées doivent être considérées comme propres à leursauteurs, et qu'elle n'entend leur donner niapprobationni improbation.
A LA
MÉMOIRE
DE MON PÈREA MA MÈRE
Faible gagede tendresseet d'ad¬
miration.
A mon Oncle
MONSIEUR EUGÈNE NÈGRE
COMMISSAIRE GÉNÉRAL DE LA MARINE OFFICIER DE LALÉGIOND'HONNEUR
Témoignage de monaffection et demaprofonde reconnaissance
B9
SSfiSi
A monFrère, àma Sœur
et à monBeau-Frère
MONSIEUR LE
DOCTEUR PAUL GAZEAU
MÉDECIN PRINCIPAL DE LA MARINE
CHEVALIER DE LA LÉGION
D'HONNEUR
|
Témoignagede
vive affection.
A mon Oncle
MONSIEUR LE
DOCTEUR LÈOPOLD NÈGRE
MÉDECIN EN CHEF DELAMARINEEN RETRAITE
CHEVALIER DE LA LÉGION
D'HONNEUR
A MES MAITRES DE
LA MARINE ET DE LA FACULTE
9
A mon Président de
Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR
LAYET
MÉDECIN PRINCIPAL DE LA MARINE EN RETRAITE
PROFESSEUR D'HYGIÈNE A LA FACULTÉ DE
MÉDECINE
DEBORDEAUX
MEMBRE CORRESPONDANT DE
L'ACADÉMIE
DEMÉDECINE
OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
Bien que
n'ayant
pas l'intentiond'écrire
un long avant- propos, nous ne voulons pasquitterl'Ecole
et la Faculté de Bordeaux où se sont écoulées trois années denotre vie sans adresser un mot d'adieu à ceux qui y furent noscamarades.Parmieux, il enest dont l'amitié nousfut et nous restera précieuse. Nous les quittons à regret mais en emportant la
douce certitudeque ni le temps, ni
l'éloignement
ne pour¬ront effacer de nos cœurs le souvenir des bonnes heures vécues ensemble.
Que M. le Prof, agrégé Le Dantec, qui fut toujours pour
nous un maître bienveillant, nous permette de le remercier vivement. C'est à lui que nous
devons l'inspiration
denotre travail comme c'est à lui que nous devonsde
l'avoir mené àlionne fin.
M. le Prof. Layet nous fait un grand honneuren acceptant la présidence de notre thèse. Qu'il nous soit permis de lui donner ici l'assurancede notre bien grande gratitude.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Aussi loin que
Ton remonte dons l'histoire du paludisme,
on trouve déjà
soupçonnée la nature parasitaire de cette
maladie, etl'on
voit Vitruve, Varron et Columelle incriminer
dans leurs
hypothèses les diverses espèces végétales et ani¬
males inférieures.
C'est qu'en
effet les conditions qui paraissent aider au
développement du paludisme sont celles-là mêmes qui sont
nécessairesàla vie de la
plupart de
cesespèces.
PourLancisi et Rasori
le paludisme était produit par des
animalcules qui,
engendrés
parla putréfaction des marais,
se
dégageaient dans l'air des contrées palustres et pouvaient
parla
voie respiratoire pénétrer dans le sang.
En Italie,cette
opinion était si bien acceptée par tous que,
dans le
peuple,
onavait donné à ces animalcules le nom de
« seraflci».
Virey
attribuait
auxinfusoires l'insalubrité des marais.
Boudin
pensait
quecertaines espèces végétales propres
aux régions
marécageuses, et principalement la flouve des
marais,
répandaient dans l'atmosphère des principes volatils
toxiques
capables de donner la fièvre paludéenne à celui qui
les
respirait.
Pour Bouchardat, l'agent
d'infection était une espèce de
veninsécrétépar
certains animalcules qui abondent dans les
marais.
Cen'étaient là que
des hypothèses mal fondées ; il a été
— 10 —
prouvé
plus
tard quela flouve était parfaitement innocente des accidents du paludisme, comme d'ailleurs laplupart
des agents incriminés par les auteurs.Plus tard, Mitcliell,
Mùhry,
Hammond considèrent comme les agents du paludisme les spores qui pullulent dans l'air des localités marécageuses.En 1864, dans un ouvrage intitulé « Recherches sur les organismes
microscopiques
renfermés dans Pair des ma¬rais », Lemaire attribue l'infection paludéenne aux inicro- phites et aux microzoaires contenus dans cemême air,mais il ne désigne pas une
espèce
en particulier.A la même époque, Massy à
Ceylan.Cunninghan
à Calcuttaet Corre au Sénégal adoptent en tous points les idées de Lemairesans spécifier plus que lui les agents infectieux.
De 1866 à 1880, les recherches tendent à devenirplus pré¬
cises et à plusieurs reprises les auteurs annoncent la décou¬
verte de l'agent du paludisme. Ce sont successivement des micro-organismesde l'eau, de l'air, dusolqui sont incriminés.
En 1866,
Salisbury
dit avoir observé d'une façon constante dans l'urine et dans la sueur des fébricitants de l'Ohio et duMississipi la présence de petites cellules végétales de
l'espèce
des palmelles et pense avoir trouvélà l'agent
spécifique
du paludisme.En 1867, Binz signale l'existence de bactéries dans le sang des paludéenset il annonce avoir produit le paludisme chez des animaux en leur injectant dans les veines des matières putrides d'origine végétale.
Balestra, en 1869, décrit comme l'agent pathogène des fièvres palustres une algue trouvée dans l'eau des marais Bontins.
En 1876, Lanzi etTerrigi se livrent à des expériences sur des animaux dans le sang desquels ils injectent de l'eau prise dans les marais d'Ostie et ils arrivent à conclureque le paludisme est dû à une bactérie brunâtre qui serait la
cause de la pigmentation que l'on trouve dans les organes des fiévreuxpaludéens.
En 1878, Ecklund considère comme le parasite du
palu¬
dismeun micro-organisme qu'il décrit sous le nom de
Lim- nophysalis hyalina et qu'il
asouvent rencontré dans les
marais fébrigènes.
En 1879, Ivlebs et Grudeli,
après de nombreuses recherches,
concluent que l'agent du
paludisme
est unbacille
etils lui
donnent le nom de Bacillus malariœ.
Ces
expérimentateurs avaient
essayéde cultiver le bacille
dont ils avaient constaté la présence dans l'air, dans
l'eau,
et dans le sol deslocalités palustres et ils
avaient injecté à
des animaux les liquides ensemencés.
Ils prétendaient avoir
réussi à provoquer
chez
cesanimaux des accidents analo¬
gues à ceux du
paludisme.
Maisces expériences et leurs
conclusions étaient passibles
de graves objections, et rien ne
permettait de distinguer le
Bacillus malariœ des nombreux bacilles du sol.
Cependant des
recherches entreprises
enItalie semblèrent
au début confirmer leurs dires :
Cuborii affirmait qu'il
avait réussi à cultiver
cebacille
spécial au paludisme.Marchiava et Ferraresi prétendaient
avoir-constaté sa présence
dans le
sangdu malade.
En 1880, Ceci, à la suite
d'expériences faites dans le labora¬
toire de Ivlebs,
prétendait avoir provoqué des accidents
palustres chez leschiens
etles lapins
enleur injectant dans
les veines des cultures faites avec la boue des marais.
Tel était l'étatde la
question lorsque,
en1880, Laveran
annonça qu'il
avait trouvé dans le
sangdes individus atteints
de paludisme l'agent
de cette maladie: l'hématozoaire. La
description de cemicrobe
nepermettait de le rapprocher
d'aucun des agents
pathogènes
connusavant lui.
Aussi n'est-ce
qu'en 1887
queMetchnikoff, tout
enconfir¬
mant les observations de Laveran, assigneuneplace à son hématozoaire et leconsidère comme unecoccidie.
La découverte de Laveran survenait au moment où l'on prétendait démontrer le
rôle du Bacillus malariœ de Ivlebs et
Tommasi-Crudeli : aussi fut-elle accueillie avec scepticisme.
Leprotozoaire
du paludisme
ne secultive
pasdans les
divers milieux artificiels, il ne se développe pas
dans le
corps dos
animaux de laboratoire
; aucunedes nombreuses
formes sous lesquelles on le rencontre
cbez l'homme
ne seconserve dans le milieu extérieur.
En un mot,
jusqu'à
cesderniers
tempsonignorait tout de
son évolution en dehors du corps humain et en
particulier
comment il pénètre dons notre
organisme.
On conçoit facilement quelles
difficultés
arencontrées
l'étude de la pathologie
de
cettemaladie et pourquoi il
aété
jusqu'iciimpossible de lui appliquer
uneprophylaxie ration¬
nelle.
Cependant dans
le courant de
cesdernières années, et particulièrement des années 1898 et 1899,
nosconnaissances
à ce sujet ont fait d'immenses
progrès.
Grâce eneffet aux puissantes
conceptions de savants tels
que Laveran
etManson, grâce
auxremarquables expériences
d'observateurs tels que Ross,
Bignami, Bastianelli, Grassi,
Kocli, il a été établi sur des basessolides
que :l'évo¬
lution extra-humainede l'hématozoaire se fait chez un hôte intermédiaire, le moustique, et que cet
insecte joue
unrôle
prépondérantdans la propagation du paludisme.
CHAPITRE II
PATHOGÉNIE
La conceptionque nous avons
aujourd'hui delà pathogénie
du
paludisme est restée longtemps dans le domaine de
l'hypothèse,
mais elle
aacquis dans ces dernières années une
précision remarquable grâce
auxfaits positifs apportés par
Ross et d'autres observateurs. Ces
savants n'ont
pasexercé
leurs recherchesuniquement sur
le parasite de la malaria;
ils ontaussi raisonné par
analogie, et
unedes parties les
plus intéressantes
de leurs expériences a porté sur un
hématozoaire des oiseaux analogue
à celui de Laveran. Or,
dans
l'exposé
quenousferons de leurs intéressantes décou¬
vertes, nous aurons
souvent à parler de l'un et de l'autre de
ces parasites;
aussi
noussemble-t-il indispensable d'entrer
auparavant dans
quelques considérations sur les hémato¬
zoaires et d'exposer
brièvement les connaissances déjà
acquises lorsque
furent entreprises ces recherches.
Ce rapide aperçu nous
paraît d'autant plus utile que c'est
dans l'étude
approfondie de
cesparasites et pour expliquer
certaines phases
obscures de leur évolution qu'est née la
théorie
pathogénique qui
nousintéresse.
Lhématozoaire de Laveran dans
le
corpshumain.
—Ce
parasitese trouvedans le
sanghumain sous diverses formes
qui ont été trop
bien décrites
parLaveran et par Manson
dans leurs Traités pour que nous nous y
arrêtions lon¬
guement.
Tout le monde connaît les corps
sphériques qui sontcarac-
— 14 —
térisés par leur développement
endo-globulaire, p&r
leursmouvements amiboïdes et parle pigment
mélanique
qu'onvoit à leur intérieur.
On a décrit descorpsen rosace,enmarguerite, etc.; il nous suffit de les réunir sous le nom de corps segmentés et de direque ce sont là des corps sphériquesarrivés au stadede
multiplication
et dont les formes varient suivant le nombre d'éléments segmentés. A un momentdonné,
ces éléments ou germes arrivent à faire éclater le globule et, libres dans leplasma, donnent de nouveau des corps
sphériq_uas,
Ils sem¬blent donc constituer un phénomène bien net de
multiplica¬
tion endogène, asexuée.
Mais certains corps ne prennentpas part à cetteévolution,
pas plus, d'ailleurs, que les formes spéciales désignées par Laveran sous le nom de corps en croissant. Ces corps ne subissent aucune transformation dans notre organisme, mais si on leur donne l'occasion de sortir du système circu¬
latoire, par une prise de sang par exemple, on les voit se modifier. Le corps en croissant se transforme en corps spliérique et alors l'un comme l'autre donnent naissance à
un nombre variable de filaments minces ou flagellas. Ils deviennent alors ce qu'on appelle des corps
à flagellas (Laveran).
Finalement ces filaments se détachent de la massequi leur a donnénaissance et, animés de mouvementsvermiculaires,
s'échappent
dans le plasma. Tels étaient les faits constatés et connus, mais bien des notions restaient indécises. L'étudede l'hématozoaire des oiseaux a permis de les préciser.L'hématozoairede
Danileivsky dans
lecorpsdes
oiseaux.—Ces
hématozoaires,
découvertsparDanilewsky,
sontconnus sous deux formes: Proteosoma et Halteridium(Labbé).
Sans entrer dans le détail des petites différencesmorphologiques
quel'on peut rencontrer, nouspouvonsdirequel'on retrouve chez ces parasites toutes les formes des parasites humains sauf, cependant, les croissants qui font défaut. A part cela, même
évolution,
même mode demultiplication
endogène etaussi même formation de corps
flagellés.
Mais chez ces parasites, les corps flagellés ont pu être
observés d'une
façon précise.
Par les recherches deSakharoff,il fut démontré que ces flagellas sont formés par la masse
chromatique centrale des parasites qui se fragmente et entraine avecchaque fragment une mince couche de proto¬
plasma,
rappelant
ainsi en tous points la constitution d'un élément mâle.MacCallum confirma peu aprèscette constatation etmontra queles flagellasjouent le rôle d'éléments fécondateurs. Il a pu voir, en effet, que si certains corps sphériques, les corps clairs, donnaient naissance à des flagellas; d'autres,lescorps granuleux, étaient destinés à être fécondés par un des
flagellas
environnants, et il a pu assister à cette fécondation.De ces faits onpouvait conclure qu'il existe dans le sang des oiseaux : 1° des corps en voie d'évolution, asexués, dont le cycle se fait dans l'oiseau; 2° des corps sexués, qui sont susceptibles de devenir mâlesou femelles et qui ne rempli¬
ront leur rôle que s'il leur est donné l'occasion de sortir du corpsde leur hôte.
Ces conclusions, bien établies pour l'hématozoaire des oiseaux, permettent au moins de penser
qu'il
peut en être de même pour les parasites de l'homme.En toutcas, ce qui était suffisamment prouvé, c'est que le cycle évolutifde l'hématozoaire de Laveran n'est pas com¬
plet chez l'homme, puisque certaines formes ne se produi¬
sentqu'en dehors de son organisme et il était
logique
que l'on recherchât partout l'évolution extra-humaine de cesparasites. C'est de ces recherchesqu'est sortie la théorie du moustique dont nous allons nous occuper.
Origine de la théorie du Moustique. Hypothèse de
Laveran.—■ Après avoir découvert, en 1880, son hématozoaire dans le sangdes malades et aprèsavoir compris la nécessité pour ces parasites d'une évolutionen dehors de notre organisme, Laveran chercha à retrouver ces germes dans le milieu extérieur, il
s'efforça de les cultiver
dans l'eau et dans tous les milieux artificiels. Partout il échoua. Devantl'insuccèsde— 16 —
ces recherches il en vint à se
demander s'il n'existait
pas, pour ceparasite
comme pourbien d'autres, un hôte inter¬
médiaire et, sous l'influence
des découvertes, alors récentes,
de Mansonausujet de la
filariose, il
soupçonnale moustique.
Recherchantalors dans la nature les faits
susceptibles de
venir à
l'appui de
sonhypothèse, il
enfit la longue énumé-
ration qui suit : « Les
moustiques, dit-il, qui abondent dans
leslocalités palustres,
disparaissent
surles hauteurs là où
cessel'endémie palustre.
» A Constantinople,
les moustiques, très nombreux dans la
vallée du Rummel qui est
insalubre, disparaissent dans la
partie haute
qui estsalubre; de même à Bone.
» Les quartiers
centraux de Rome indemnes de mousti¬
ques. sont
salubres.
» A Madagascar, nos
soldats, si éprouvés par les fièvres
lors de
l'expédition de 1895, étaient assaillis par des légions
de moustiques.
» Le drainage du
sol qui supprime les fièvres fait dispa-
raitre aussi les moustiques. Les
fièvres de première invasion
ne régnent
qu'à l'époque où les moustiques abondent; pen¬
dant le reste de Tannée on
n'observe
quedes rechutes.
» On sait
qu'il
estdangereux, dans les pays palustres, de
coucher les fenêtres ouvertes; or,
la meilleure précaution à
prendre contre l'invasion des moustiques, consiste à fermer
les fenêtres le soir.
» C'est
pendant la nuit qu'on est le plus exposé à contracter
le
paludisme et pendant la nuit que les moustiques s'achar¬
nent le plus
à leur proie.
» Dans les localités
palustres il est dangereux de coucher
sur le sol, et l'ona
remarqué
quedans les maisons les étages
supérieurs
étaient plus sains que le rez-de-chaussée et le
premier étage;
or,les moustiques abondent surtout au
niveau du sol.
» La
prédisposition
auxfièvres est d'autant plus marquée
que la peau
est plus fine, plus délicate; les entants, qui ont
tantà souffrir des moustiques,
sont plus éprouvés par les
— 17 —
fièvrespalustres que
les adultes. Les nègres, dont la peau est
épaisse,
résistante, et qui sont très peu sujets aux piqûres
de moustiques,
jouissent d'une immunité remarquable pour
le
paludisme.
» L'airestassaini dans les
régions où il existe des sou¬
frières, et il est
recommandé d'allumer de grands feux lors¬
qu'on est
obligé de
passerla nuit dans les localités palustres.
Or les moustiques
sont détruits
parles vapeurs d'acide
•sulfureux et ils viennent se
brûler
auxfeux de nuit ou bien
la fuméeles en écarte. »
Nous voyons
donc, d'après cette longue énumération de
faits, que Laveran
n'avait aucun doute sur l'intervention
des moustiquesdans
la propagation de la fièvre palustre.
Mais comment
comprenait-il
cerôle? Il
nepensait pas que
les moustiques
pussent inoculer le paludisme directement
d'homme à homme, car les
fièvres palustres
nese répan¬
dent pas par
contagion, alors même que les moustiques
abondent. Mais il n'avançait pas
d'opinion plus catégorique
à ce sujet, laissant
à d'autres le soin de pousser plus avant
la démonstration de sa théorie.
Théorie de Manson. —
L'hypothèse qu'il avait émise
trouvaun défenseur dansManson
auquel
sesbeaux travaux
sur la filariose donnaient
grande autorité en pareille
matière.
L'illustresavant anglais
étudiant,
en1893, l'évolution du
parasitedans
le
sanghumain, arrivait à cette conclusion :
« 11 estévident que
le parasite du paludisme vit hors de l'or¬
ganisme
humain
;il est également certain qu'il n'est pas
transmissible d'homme
à homme.
»Pourlui, l'infection
paludéenne est un exemple de parasi¬
tisme de choix;
l'hématozoaire trouve chez l'homme un hôte
alternatif qui
lui convient et duquel il peut s'échapper pour
propager son
espèce.
Mais sous quelle
forme et comment s'en échappe-t-il ? Les
corps.flagellés avaient attiré son attention et, insistant sur
le fait que ces corps nese
produisent qu'après la sortie du
Pl.
2
— 18 —
sang des vaisseaux, il en vint à penser que c'étaient là les agents de propagation du paludisme.
Cherchant ensuitequel pouvait bien être l'agent extérieur qui enlevait la plasmodie, Manson pensa comme Laveran l'avait antérieurement dit que la plasmodie étant un para¬
site sanguin passif, elle devait
s'échapper
de notre corpscomme le font par exemple les parasites musculaires passifs qui, d'ordinaire, sont ingérés par les carnivores. La plas¬
modie devait donc être avalée parquelque suceur de sang,*
très probablement le moustique.
En outre, Manson avait depuis
longtemps remarqué
des analogies de structure,d'exigences,
de coutumes entre la plasmodieet la filaire, parasite dans la vie duquel le mous¬tique joue un rôle si important. Il avait établi, en effet, que les filaires
embryonnaires
qui se trouvent dans le sangde l'homme ne sont pas aptes à se reproduire dans le milieu extérieur et qu'elles doivent nécessairement subirune phasede leur existence dans le corps des moustiques. Les filaires
embryonnaires
introduites dans l'estomac du moustique quittent les gaines qui les protégeaient, traversentlesparoisde l'estomac et vont se loger dans les muscles
thoraciques
de l'insecte. Lorsque les moustiques meurent et tombent dans l'eau, les filaires
s'échappent
et l'infection a lieu par l'eau potable.D'après
lui, les flagellas de l'hématozoaire du paludisme représentent le premier stade de la vie libre du parasite et ilsse comportentcomme les filairesembryonnaires
dans le sang des moustiques qui se sont gorgés de sangpalustre;
ils traversent les parois de la poche stomacale et subissent dans le corps de l'insecte une phase de leur évolution. Mais comment les sporozoïtes de la plasmodie quitteront-ils le moustique, comment pénétreront-ils de nouveau dans le corps de l'homme ?
Manson trouve une réponse à cette question dans l'évolu¬
tion etla mort môme du moustique. Peu après que le mous¬
tique femelle s'est gorgé de sang, il va pondre à lasurface de
- 19 -
l'eau, puis meurt en
entraînant le plus souvent
sesœufs
avec lui. Les larves qui naissent
de
cesœufs sont d'une
voracité tellequ'elles dévorent
le
corpsde leurs parents. Le
parasite passeainsi d'une génération à l'autre;
sonévolu¬
tion et sa
multiplication,
endehors du
corpshumain, sont
ainsi assurées.
Cette théorie amène Manson à conclureque l'homme peut ingérer la
plasmodie
enbuvant de l'eau et peut aussi l'inha¬
leren respirant les
poussières des marais desséchés.
Comme on le voit, la théorie de Manson
reconnaît dans le
moustiquel'hôte intermédiaire de l'hématozoaire. Pour lui,
lecycle
évolutif du parasite
neconsiste
pas en unsimple
passage d'homme à
moustique et de moustique à homme, il
y a aussi une
infection de moustique à moustique. Quant à
la réintroduction du germe dans notre
organisme, elle
sefait
par l'eau ingéréeet l'air
respiré.
Théorie cle Vinoculation. — A
l'opposé
de cettethéorie,
certains auteurs ont admis que
le moustique
peutinoculer
directement le paludisme
d'homme à homme,
enallant d'un
individu malade à unindividu sain, et en introduisant dans l'organisme du
second les
germes que satrompe
a pu retenir en piquantle premier. Cette idée, qu'un médecin
américainKing avait
émise autrefois (1883),
aété reprise et développée
depuis parBignami (1898). Cette théorie
nemérite
pasqu'on s'y arrête
longuement,,
car pourconférer le palu¬
disme à un individu soin il faut inoculer, sous lapeau ou dans uneveine, une
quantité
de sangpaludéen bien supé¬
rieureà celle qui peut rester
accolée à la
tromped'un
mous¬tique. Pourquele moustique
devienne
unagent inoculateur,
il est donc nécessaire que le
parasite subisse
uneévolution
a son intérieur.
Découvertes de Ross.—C'est à l'étude de cette évolutionque se livraRoss, etc'est parcette
voie qu'il
est parvenuà mettre
hors de doute le rôle du moustiquedans le paludisme et à remplacer par des faits
positifs les données jusque-là hypo¬
thétiques
de la théorie du moustique.C'est,
eneffet,
au— 20 -
D1' Ronald Ross, major général duservice médical des Indes, que l'on
doit les premières recherches expérimentales
surlerôle du moustique.
a) Expériences
surl'hématozoaire de l'homme.
—Dès
1895,il commença
à
se consacrerdans l'Inde à la solution de cette question.Il fit
piquer pardes
moustiques communs desmalades dans le sangdesquels il avait constaté la présence de l'hématozoaire de Laveran, et il étudia les modifications subies par le parasite dans le corps des moustiques. 11 exa¬
mina pour
cela, à
de courts intervalles, l'estomac de ces insectes.Après
de nombreuses expériences, il putétablir qu'au lieu d'être tués
etdigérés dans
l'estomac dumousti¬
que, les
croissants,
sauf quelques-uns, sedéveloppent rapi¬
dement. Presque tous deviennent des corps sphériques et
finalement 40 à 50
0/0
d'entre eux se transforment en corps flagellés,c'est à dire que dans l'estomac des moustiquesla
plasmodie se comporte comme la filaire. Mais à cause dela grande délicatesse de ces recherches, il ne put suivreles
flagellas libres dans les tissus.En 1897, ayant employé pour ses expériences une grosse
espèce
brune de moustique, il observa dans les tissus de l'estomac, ou plusexactement dans l'intestin moyen de deuxde ces moustiques nourris de sang palustre, des
éléments
arrondis qui contenaient indiscutablement le
pigment du paludisme.
En1898, il retrouvait ces mêmes éléments pigmentés dans
l'estomac deplusieurs moustiques à ailes tachetées nourris
avec du sang de paludéens. Les dimensions de ces corps étaient en rapport avec le temps écoulé entre le moment où
le moustique avait sucé le sang palustre et celui où il était
mort. Telle fut la première série deses travaux.
b)
Expériences
surVhématozoaire
des oiseaux. — Dansune seconde série, il prit pour objetde ses expériences
l'hé¬
matozoaireendo-globulairedes oiseaux décritpar
Danilewsky
etconnu sous le nom deProteosoma, et il étudia son évolu¬
tion chez le moustique.
Lesconditions de
l'expérimentation étaient ici plus faciles
qu'avec l'hématozoaire de Laveran et, d'autre part, les ana¬
logies
sont si grandes entre ces deux protozoaires qu'on
peut
admettre a-priori que l'évolution des deux parasites
doit être à peu
près la môme. Il opéra surtout avec des
oiseaux
(en particulier des moineaux) des environs de Cal¬
cutta et avec unecertaine
variété de moustiques qu'il appelle
moustiques
gris.
Enfaisantsucer àces
moustiques le sangd'oiseaux infectés
d'hématozoaires Proteosoma,
il trouva, dans les parois de
l'estomac, des
éléments pigmentés tout à fait analogues à
ceux du paludisme,
et il affirma deux faits : lo que ces corps
pigmentés ne se
rencontrent jamais dans les expériences de
contrôle faitesennourrissant
les moustiques
surdes oiseaux
sains ou infectés par des
Ilalteridiums (Labbé); 2° que les
corps
croissent
endimension de jour en jour. De là, il put
conclure que
les
corpspigmentés constituent un stade de
développement
de l'hématozoaire dans le moustique.
Ross, dans ses
expériences, s'efforça de déterminer exacte¬
mentla position
et l'évolution des corps sphériques dans la
paroi de
l'estomac. Il
neles trouva jamais comme on pou¬
vait lo supposer
dans la couche épithéliale interne de cette
paroi ; il les trouva
le plus souvent dans la couche muscu¬
laire, enclavés
entre les fibres qu'ils dissocient en quelque
sorte, à la façon
du Trichina spiralis qui dissocie les fibres
musculaires du porc.
A.
mesure queces parasites croissent
et arrivent à un grand
volume, ils progressent vers la paroi
externe etarrivent à faire
hernie à la surface externe de l'es¬
tomac. Cette saillie augmente
progressivement, de telle sorte
qu'au bout de
cinq
ousix jours un nombre considérable
decescorps se
trouvent versés dans la cavité cœlomique ou
sanguine de
l'insecte.
Ross n'est pas
arrivé à trouver la première position que
doit occuper au
début le Proteosoma dans les parois de l'es¬
tomac, maisdès le
second jour, paraît-il, il est très aisé de
trouver le parasite.
— 22 —
C'est un corps ovale, ayant environ 6 ou 7 pi de diamètre. A
travers le protoplasma homogène qui le compose, on trouve éparpillées 30 particules d'un pigment intensément noir. Le pourtour est très nettement délimité. Graduellement le
parasitecroît. Il atteint le troisièmejour 16 à 30 ^; le qua¬
trièmejour 40 a. Vers le quatrième ou cinquième jour, il devient assez fréquemment granuleux et présente parfois des vacuoles et une apparence de structure mal définie.
Après le quatrième ou cinquième jour, il devient plutôt
spliérique
et atteint unedimension considérable,environ 60 à 80 u. ; la paroi du Proteosoma devient alorsépaisse,
dense, et prend une apparence capsulaire. A mesurequ'ils se déve¬loppent, ces corps perdent leurs grains pigmentés et vers le
cinquième
jour il îVy a, en général, plus trace de pigmen¬tation.
La rapidité de l'évolution de ces éléments varie avec la
température
: d'une durée de six à septjours dans la saison cliaude, cette évolution peut se prolonger dans les saisons froidesjusqu'à
deux semaines et mômedavantage.
Ross put enfin constaterun fait de la plus haute impor¬
tance; lorsque les
sphères
sont arrivées dans la cavité générale des insectes, leur contenu se divise et il se pro¬duit deux sortes d'éléments :
1° Des
germinal-threads
oufilaments-germes,
petits corps de 12 à 16u. de long, très minces, pointus aux deux extré¬mités, très délicats.
2° Des corps foncés d'assez grande taille,
plus'
ou moins incurvés et très résistants(black-spores
deRoss).
Occupons-nous d'abord des
filaments-germes
que Rossput particulièrement bien étudier et suivre.Après
avoir constaté la présence abondante de ces corps dans la cavité et dans les tissus de l'insecte, ildémontra leur origine de lafaçon
suivante : en exerçant une pression sur la lamelle, il parvint à faire éclater une sphère et constata qu'un nombre colossal, des milliers de cesgermincil-
threads étaient expulsés de son intérieur. Il pensa alors
— 23 —
que ces
éléments
seproduisaient
aumoment où les sphères
pénétraient dans la circulation du moustique. Constatant,
d'autre part, que ces
filaments
nepossédaient aucune moti-
lité propre et
qu'ils
nepouvaient
progresserpar eux-mêmes,
il conclut qu'ils
devaient être charriés à travers les tissus
par lesang.
Afin de le
prouver,il piqua avec une aiguille le
dos d'un moustique à une
période où il devait s'être déve¬
loppé des
filaments-germes chez cet insecte. 11 obtint une
gouttelettede
sangqu'il mélangea à une solution salée et
qu'il examina
sousle microscope. Il put voir alors qu'en effet
les
sphères s'étaient
rompueset avaient donné naissance à
des myriades
de filaments-germes.
Dece fait leur origine était
établie; Ross voulut aussi
découvrir leur destinée. C'est alorsque
dans des dissections
délicates il parvint
à découvrir
uneglande
que nousétudie¬
ronsplus
loin et qu'il reconnut
commela glande à venin de
l'insecte. Il fut surpris de trouver
dans les grosses cellules
claires de cette glande un
nombre considérable de filaments-
germes
disposés d'une façon analogue aux groupes de
bacilles dans une" cellule lépreuse. De ce
fait, il devenait
facile
de.s'expliquer comment
cesfilaments sont inoculés à
des oiseaux sains par des
moustiques et comment ils ser¬
ventà la
propagation de la malaria. Ces expériences de Ross
neparaissent
laisser
aucundoute
surle rôle des germinal-
threads.
Cette série de faits
permettait d'établir d'une façon indis¬
cutable que les
sphères pigmentées sont des organismes
parasites des
moustiques et qu'ils proviennent des Proteoso-
mas de l'oiseau. Lesstatistiquesne
laissent d'ailleurs
aucun doute à cet égard. De 245moustiques nourris de la façon
indiquée,
178 (soit 72 0/0) ont montré des sphères ; 249 in¬
sectes de la même
espèce nourris
surdes oiseaux sains
ouinfectés seulement des formes
Halteridium n'ont présenté
aucun corps
pigmenté. Ross avait donc réussi à communi¬
quer aux moustiques
les parasites de l'oiseau.
Mais le
parasite peut-il réciproquement
passerdu mousti-
- 24 —
que à l'oiseau ? Les filaments-germes que nous avons vus tantôt décrits dans la glande à venin sont-ils capables de
produire
l'infection de l'oiseau ?Pour résoudrecette question Ross entreprit de nouvelles
expériences.
A la fin du mois dejuin 1898, 4 moineaux
(Passer indiens)
et 1 oiseau tisserand
(Ploceus bengalensis),
dont le sang examiné à plusieurs reprises avait toujours été trouvé indemne deparasites, furent soumis aux piqûres de nom¬breux moustiques gris, nourris plus de huitljours avant sur 1 moineau infecté de Proteosoma. Ces 5 oiseaux examinés le 9 juillet
présentèrent
des hématozoaires en quantité; ils moururentbientôtaprès.
Ross put constaterque leur foie et leur rateétaient fortementchargés du pigment noircaracté¬ristique de la maladie à hématozoaire des oiseaux.
R reprit à
plusieurs
reprises cette expériencetoujours avec succès. Un fort pourcentage s'est trouvé infecté après unepériode
déterminée
d'incubation. Sur 28 moineaux sains, 22 (soit 79 0/0) ont été infecté 5 à 8 joursaprès
avoir étéexposés
aux piqûres de moustiques nourris sur des oiseaux malades. D'autre part, de 2 corbeaux(Cornus indicus)
et4 oiseaux tisserands, 1 des corbeaux et tous les tisserands ont montré une forte infection à Proteosoma 8 ou 10jours après avoir été piqués par des moustiques nourris sur des moineaux infectés. Les essais échouèrent avec quelques au¬
tres
espèces
d'oiseaux.Chez tous les oiseaux auxquels la maladie put être trans¬
mise, l'invasion présenta un caractère constant et net. Le sang reste sans un seul Proteosoma jusqu'au cinquième, sixième, septième ou huitième jour après
l'expérience,
et alorson trouve 1 ou 2 parasites dans toute une prise de sang.Ce nombre augmente et les Proteosomasse multiplient rapidement si bien qu'on en trouve souvent de 20 à GOetplusdans le
champ
d'un objectif à immersion, et que Ross a pu enobserver jusqu'à 7 dans un même globule.La plupart des oiseauxmeurent et on constate à l'autopsie
non seulement la
pigmentation caractéristique du foie mais
encore une coloration
noire du
sang.Chez les oiseauxqui
guérissent, le nombre des parasites
diminue
rapidement. Un grand nombre d'oiseaux sains ont
servi decontrôle; ils
étaient préservés la nuit des piqûres
desmoustiquesen
liberté dans le laboratoire par une mous¬
tiquaire. Il est donc bien démontré que les moustiques sont
capables
d'inoculer les hématozoaires aux oiseaux et il est
bien vraisemblable que
les germinal-threads soient les
agents de
la transmission.
S'appuyant
sur cesfaits expérimentaux, Ross émit la
théorie suivanteau sujet
des hématozoaires du paludisme :
Il n'yapas
de raison
pourque l'hématozoaire humain dif¬
fère matériellement dans son
cycle évolutif de celui clés
oiseaux. Les
hématozoaires entrent dans l'estomac des
moustiques;
ils croissent dans les parois de l'organe ; ils
donnent naissance aux
filaments-germes-, ces filaments
pénètrent
dans les cellules de la glande venimo-salivaire de
l'insecte et de là sont
disséminés dans les capillaires du
sujet sain.
L'infection est expérimentalement produite et le
cycle est
complet.
Mais
quel est alors le rôle des black-spores ou spores noires?
11 n'est pas encore
bien établi. Ces corps sont sans doute des
formes de résistance. Elles ne
sont
pasmodifiées dans le
corps des
moustiques; elles restent également inaltérées
dans l'eau
après
unséjour de sept semaines. Administrées
per os à
des moineaux, les black-spores ne donnent pas
naissance à l'infection des
oiseaux
parl'hématozoaire.
Manson et
P'oss
admettent que cesoient là des éléments
spécialement destinés à infecter les. moustiques après un
certain tempsde
séjour dans l'eau et après exposition à la
lumièresolaire. C'est ainsi que
s'expliquerait chez les mous¬
tiques la propag
ition de génération à génération. Les spores
mûriraient dans l'insecte
adulte et donneraient à nouveau
des
germinal-threads et des black-spores, de telle sorte que
cycle
évolutif du parasite pourrait se développer sans pas¬
sage nécessairepar
l'homme
oupar l'oiseau.
— 20 -
Dans les travauxsi complets que nous venons
d'exposer
on peut cependant relever une lacune : Ross n'a pas pu voir le premier stade de transformation du Proteosoma dans l'es¬
tomac du moustique, c'est à dire son passage à l'état de corps
sphérique
tel qu'on letrouve au bout de trente heures dansl'épaisseur
de la paroi stomacale. Ross suppose qu'ilse produit là un fait analogueà celui constaté par Mac Cal- lum au sujet de l'Halteridium et que nousavons exposé au début de ce
chapitre.
Les flagellas, éléments mâles, fécon¬deraientles éléments
femelles;
les éléments fécondés donne¬raient naissance à des vermicides qui s'introduiraient dans la paroi de l'estomac.
Comme onpeut en
juger
parcet exposé, la théorie si vogue de la propagation du paludisme par lesmoustiques
prend corps avec les données nouvelles apportées par Ross.Malheureusement les faits si nettement établis pour l'hé¬
matozoairedes oiseaux ne pouvaient être appliqués aux hé¬
matozoaires du paludisme que par analogie. Des recherches nouvellesétaient nécessaires poursubstituer des certitudes aux probabilités. Grâce aux découvertes de Ross ces ques¬
tions devenaient
plus
faciles à élucider et les observateurs étaient mis dans la bonne voie pour des recherches à venir.Aussi de tous côtés voyons-nous entreprendre des travaux
complémentaires
de ceuxde Ross.Recherches en Italie. — Les observateurs italiens, qui sont très bien placés, à Rome notamment, pour l'étude du palu¬
disme, ont publié dans ces derniers temps des travauxqui viennent à
l'appui
de ceux de Ross. Bastianelli, Bignami et Grassi ont pu suivre les différentes phases dedéveloppement
des corps en croissant du sang palustre dans l'épaisseur de l'intestin de plusieurs
Anopheles claviger
maintenus à unetempérature convenable,
après
avoir été nourris sur des malades atteints de fièvre estivo-automnale. Les transforma¬tions de ces corps seraient tout à fait analogues à celles qui
ont été décrites par Ross pour le Proteosoma.
Dans quelques cas, Grassi, Bignami et Bastianelli ont vu
chezdes moustiques
nourris de
sangpalustre les analogues
des
black-spores de Ross; à l'intérieur de ces éléments, de
forme et de longueur
variables, munis d'une enveloppe
épaisse et
de couleur jaune brun, on trouverait un corps comparable à
unsporozoïte. Les moustiques recueillis dans
certaines localités contiennent des
blaçk-spores.
En 1898,
Bignami annonçait qu'il avait réussi à produire le
paludisme
chez
unindividu indemne de cette maladie en
l'exposant
pendant plusieurs nuits consécutives aux piqûres
des moustiques.
Voici comment il fit son expérience :
Un premier
essai tenté
surdeux malades avait échoué,
Bignami
entreprit
uneseconde fois l'expérience avec des
moustiques
de la
campagneromaine attrapés tous les jours
etlâchés dans la chambre. Le
malade s'exposa à leurs piqû¬
res du 26 septembre au
14 octobre, puis du 17 au 31 octobre.
Le 1er novembreil eut un
accès
defièvre (39°); la tempéra-
rature élevée et les frissons
durèrent jusqu'au 3
novem¬bre,oû la fièvre monta
à 40°4. On administra de la quinine
et la fièvre céda facilement. Le 7
novembre le malade était
guéri.
L'examen de son sang montra,
le 3 novembre, de
nom¬breux corps
amiboïdes pigmentés. Il était nettement atteint
de
paludisme. Ce n'est malheureusement qu'un seul fait
isolé,-mais il a
cependant
sonimportance et vient confirmer
la théorie de Ross.
Les recherches de Grassi et de
Dionisi les amènent à
con¬sidérer les hémosporidies
de l'homme et des oiseaux comme
desparasites
à génération alternante : le moustique est l'hôte
définitif, l'homme et
l'oiseau étant des hôtes accidentels.
Travaux et théorie de
Koc/r.
— EnAllemagne aussi, la
question du
paludisme
aprovoqué ces temps derniers des
recherchesactives et des travaux
remarquables de la part du
professeurKocli.
Pendant un long séjour
qu'il fit dans l'Afrique orientale
allemande, il étudia une
épizootie due
commele paludisme
a des hématozoaires: la fièvre du Texas