Reproduction in vitro des effets de la pollution
par le dioxyde de soufre
surquelques lichens
Max BEDENEAU
LN.R.A., Station de Recherche sur la Forêt et l’Environnement Centre de Recherches
forestières
d’OrléansArdon, F 45160 Olivet
Résumé
Trois
espèces
de lichens, Lecanora conizaeoïdes(Nyl),
Parmeliaphysodes
(L) et Parmelia caperata(L.)
Ach, ont étéexposées
à des flux constants de S02enatmosphère
sècheet saturée.
Pour ces
expériences,
unappareil original
a été conçu. Ses différents composants sont décrits et discutés.Les
dégâts
causés par le S02 lors de cesexpériences
sont semblables à ceux observéssur le terrain, un massif forestier soumis à
pollution.
Les effets de la
pollution atmosphérique
sur lavégétation
fontl’objet
de nombreux travaux. L’attention des chercheurs a été attirée par les lichens du fait de leur sensibilité auxpolluants atmosphériques :
lesespèces
lesplus
sensiblesdisparaissent
au fur et à mesure que la
pollution
s’accroît. Cetteparticularité
de cesvégétaux permet
de tracer des cartes depollution atmosphérique
sur l’ensemble d’unerégion.
Cependant,
les effets que l’onpeut
attribuer à unpolluant
déterminé sont encorepeu connus.
Dans une
précédente étude,
nous avons fait mention de ladégradation
dedifférentes
espèces lichéniques
dans un massif forestier soumis àpollution.
Afin dereproduire
lesdégâts
observés sur leterrain,
nous avons construit une installation depollution artificielle,
danslaquelle
nous avonsexposé
lesespèces
rencontrées enforêt,
maisprovenant
de zonesexemptes
depollution,
à un flux constant deSO!.
La
présente
étude décrit laconception
de cetappareil
depollution
artificielle et lesexpérimentations
sur lesespèces lichéniques
retenues.1. - Matériel et méthodes
Les
expériences
depollution
artificiellepeuvent
se classer ainsi :-
Fumigation
dans la nature :. Sans contrôle des doses émises
(S KYE , 1968).
t Avec contrôle des doses émises
(DE CoRMis, 1977).
-
Fumigation
en laboratoire :. Polluant en
atmosphère
confinée : lesvégétaux
sontplacés
dans une enceinteclose,
àatmosphère
de teneur donnée depolluant (R AO
&L EBLANC , 1965).
. Courant gazeux continu
(GoosErrs, 1976).
. Immersion dans une solution du
polluant
considéré(Tü RK
&W IRTH , 1975).
L’installation de
pollution
artificielle que nous avons construite est basée surla méthode du courant gazeux continu : un flux de gaz, de vitesse et de concentration constantes, inonde des thalles de lichens.
Les
appareils déjà
existantspossèdent quelques
contraintesimportantes :
- Le gaz utilisé est un gaz
fabriqué spécialement
parl’industrie,
d’unprix
derevient élevé.
- Des mécanismes de
régulation
etd’analyse
dupolluant
asservissent cesinstallations à une source
d’énergie (l’électricité),
cequi
rend cesappareils
fixes.- Les enceintes où sont
placés
les éléments àexpérimenter
sont conçues pourun
sujet précis,
et peupropices
à l’accueil d’autres matériels.Il nous a semblé intéressant de concevoir un
appareil simple,
pouvant accepterplusieurs
gazpolluants
defaçon
à tester l’effet seul ou combiné de ces gaz.Les enceintes doivent être facilement transformables pour
accepter n’importe quel type
desujet
àexpérimenter.
Le fait que cet
appareil
soit mobile peutpermettre, grâce
à un circuittémoin,
d’étudier l’effet des gaz
polluants
in situ sur des échantillons deplantes.
Nous avons été amené à choisir la formule suivante
(figure 1).
Soit deux bouteilles d’acier
allégé,
une contenant de l’air pur, l’autre contenantun
mélange
dosé deS0 2
etd’air,
reliées chacune à un débitmètre.De ce débitmètre
partent
deuxtuyaux
reliés chacun à l’avant de deux enceintes.Dans
l’une,
ondispose
unecoupelle remplie
d’eau distillée avec dupapier filtre,
de
façon
à avoir un tauxd’hygrométrie
de 100 p. 100. Le fait d’avoir des enceintes humides sejustifie
par les études de TURK et al.(1974) qui
ont démontré l’actionplus
nocive duS0 2
enatmosphère
humide.L’autre enceinte n’a aucun
dispositif
de ce genre(enceinte sèche). Chaque
enceinte est close de
façon
étanche au moyen de masticsynthétique.
Laplasticité
dece matériau en
permet
l’ouverturepériodique.
A l’arrière des deuxenceintes,
il y aun orifice de sortie des gaz relié de
façon
étanche à un flacon contenant de l’acétate de zinc ensolution,
destiné àpiéger
leS0 2 (M ALBOSC , 1967).
On obtient donc deux
circuits,
un témoin(air pur),
unpollué,
reliés chacun à deuxenceintes,
unehumide,
l’autre sèche.En détendant l’air contenu dans les
bouteilles,
on crée un flux de gaz à l’intérieur desenceintes,
flux que l’onrègle
par lapression
de sortie de labouteille, puis
par le débitmètre.La bouteille du circuit témoin est
remplie d’air, préalablement
filtré(sans
pous-sières, graisses
eteau),
au moyen d’un compresseur. Lapression
est de 180 bars.Généralement,
laproduction
et le contrôle deS0 2
nécessitent unappareillage complexe.
C’estpourquoi,
recherchant une voie peuonéreuse,
nous avons choisi deproduire
en laboratoire unequantité
connue deS0 2
que l’on transvase dans unebouteille vide. On
rajoute
ensuite laquantité
nécessaire d’air pur(à
l’aide d’uneautre bouteille
préalablement remplie),
pour obtenir la concentration voulue.1.1. Choix des divers
paramètres
1.11. Le gaz
Pour
produire
leSO.,,
nous avons utilisé la réaction de l’acidesulfurique
sur lesodium sulfite selon la formule :
H., SO, + Na&dquo; SO., - Na.. SO., + H&dquo; 0 + SO!
B
RAUN
(1976)
a utilisé la même réaction lorsd’expériences
sur lesépicéas
etnous nous sommes
largement inspiré
de ses travaux pour les temps de réaction et les doses deNa 2 SO,.
La
quantité
deS0 2 dégagée,
z, lors de cette réaction va être telle que :1&dquo;’&dquo; 1 !1- !&dquo; N
64 où x est la
quantité
de Na2SO!.
On tire x = z. -(1)
126
Cette
quantité
z va sedégager
dans un certain volume v. Si on ouvre un autre volume v,, laquantité
deS0 2 migrant
dans cevolume,
z1, va être telle que :o ,, ,,
En associant
(1)
et(2),
on obtient :rB. IlItr.T- O/1 B.
La
quantité
finale deS0 2
à obtenir est calculée ainsi :(1)
Concentration désirée en ppm( * )
X 2 857 =Q (SO z )
en mg.(2) Q (SO!)
X(volume
de la bouteille Xpression)/
1 000.La
quantité
deNa, S0 3
nécessaire est obtenue enmultipliant Q (S0 2 )
par lesfacteurs décrits
précédemment.
(
*
) ppm = 1 partie de SO, pour 10° parties d’air. 1 ppm = 2 857 &dquo;g/m3 dans les conditions normales de température et de pression.
Le
S0 2
ainsifabriqué
est transvasé dans une bouteille de 15 litres danslaquelle
on a
préalablement
fait le vide(74
mmHg).
On
rajoute
ensuite de l’aircomprimé provenant
d’une bouteille de 50 litresremplie
à 200 bars. Le transvasement s’effectuejusqu’à équilibre
depression
entreles deux bouteilles.
A toutes les
étapes
de laproduction,
on contrôle la teneur enSO,
à l’aide detubes
colorimétriques (D R nECER, 1976),
couramment utilisés par leshygiénistes.
Pour la vérification dans le flacon du
laboratoire,
on utilise des tubespermettant
une détection de 1 à 20 ppm. Lors du transvasement, on vérifie à différentes
pressions,
à l’aide de tubes allant de
0,1
à 3 ppm.Le gaz
envoyé
dans le circuit témoin est de l’airpompé
dans le milieu ambiant etpréalablement
filtré etdesséché, compressé
à 200 bars dans une bouteille de 50 litres.1.111. Dose G
ILBERT
(1969)
a démontré quel’absorption
du soufre par les lichens étaitun
phénomène
actif.O’H
ARE & WILLIAMS
(1973)
ontanalysé
les thallesqu’ils
avaientfumigés
à desconcentrations
comprises
entre0,1
et0,2
ppm ; les valeurs maximales sont de l’ordre de 3 500 ppm.Le
problème
est donc de se situer à des doses et des débits tels que les lichensexposés
nepuissent
tout fixer.Une dose de 10 000
1 tg
deS0 2
par gramme de lichen et par moiscorrespond
à13,89 pg/g/heure.
Afin depouvoir
observer facilement lesdégâts
occasionnés par leS0 2 ,
nous avons choisi une concentration de0,5
ppm, soit 1 429[ tgl m 3 .
Cettedose n’est pas
irréaliste, puisque
de telles concentrations ont été observées à Roumarependant
12 heures(Service
desMines, 1980).
1.112. Débit
Certains auteurs
(D IBBEN , 1971)
ont constaté des altérationsd’espèces lichéniques placées
en conditionsartificielles,
dues parexemple
à des envahissements par deschampignons
lichénicoles non lichénisés ou desalgues.
Il s’est effectivement
développé,
à des flux très faibles« 5 1/h)
deschampi-
gnons
parasites
dans les enceintes humides. Aucune colonisation de ce genre n’a eulieu dans les enceintes sèches. C’est en fonction de ces données que nous avons choisi
un flux de 8 1/h et une
hygrométrie
de 100 p. 100 dans les enceintes humides. Il semble que leschampignons parasites
et lesalgues
soientbalayés
par ce flux et nepuissent
sedévelopper,
bienqu’un
examenmicroscopique
relève laprésence d’algue
Pleurococcus se
développant
dans les anfractuosités du cortexsupérieur
desespèces
exposées.
Le débit a été calculé :
Les conditions
expérimentales (poids
delichen,
renouvellement desbouteilles)
nous ont
obligé
à réduire ce débit et àadopter
finalement un débit de 8 1/heurequi,
vu le volume de l’enceinte(0,5 1), permet
un renouvellement de 16 fois parheure,
chiffre
adopté
par GOOSENS(1976).
1.113. Durée
Les durées
d’exposition varient,
selon les auteurs, dequelques
heures à desdoses très élevées à
plusiers jours
à doses moyennes. Lors destransplantations
dansla nature, ces
expositions
durent mêmeplusieurs
mois(F ERRY
&C OPPINS , 1979).
Nous avons choisi de
fumiger
les lichensjusqu’à
ce que desdégâts
visiblesapparaissent
dans l’unequelconque
des enceintes. Nous avonsrepris
leprotocole
deO’H
ARE & WILLIAMS
(1975)
pour l’estimation desdégâts.
Dans la
pratique,
ceci nous a conduit àfumiger pendant
trois semaines consé- cutives le lichenchoisi,
duréeproche
de celle de WtxTrt & TÜRK(1975)
et Goo-SENS
(1976).
1.12.
Température
Aucun
dispositif
derégulation
detempérature
n’a étéprévu
à l’intérieur des enceintes. L’ensemble de l’installation estplacé
dans unepièce d’entrepôt,
chaufféepar un radiateur
électrique.
Lesexpérimentations
ont eu lieu durant les mois d’hiver et deprintemps,
latempérature
mesurée au niveau des enceintes atoujours
étécomprise
entre 15 °C et 21 °C.1.13. Eclairement
Nous avons installé un
dispositif d’éclairage composé
de 10 tubes néons montésen série
(M AZDAFLUOR -
TF40/BBL).
Afin de déterminer la distance à
laquelle
nous allionsplacer
cette rampe lumi- neuse, nous avons mesuré l’éclairement dans un sous-bois de chênes trèsclair,
oùcroissaient
particulièrement
bien des thalles de Parnzelia caperata.Nous avons trouvé des valeurs de l’ordre de 5 000
lux,
ceci au mois dejanvier
par
temps
clair(voir figure 2).
Nous avons
placé
la rampe lumineuse à 65 centimètres desenceintes,
cequi
donne un éclairement d’environ 4 600
lux, compte
tenu de lalégère absorption
par leplastique.
1 (
*
) Si 1 m3contient 1 429 ug de SO,, 1 wg de SO, est contenu dans m3. 1 429
Le
photopériodisme, réglé
par unehorloge électrique,
est de 12 heures.Ces données nous
permetent
deplacer
les lichens dans des conditionsproches
des
paramètres
naturels(C LAUZADE , 1970) (voir photo).
1.2. Choix des
espèces lichéniques
Nous désirons
reproduire
enatmosphère
confinée des conditions depollution
par
SO.,
pour observer ladégradation
des lichens. Nous avons choisi troisespèces,
reconnues de sensibilité différente au
S0 2 (HnwKSwottTH
&RosE, 1970).
Ils’agit
de :- Lecanora conizaeoïdes
Nyl. : espèce
résistant à lapollution.
- Parmelia
physodes (L.)
Ach. :espèce moyennement
résistante.- Parmelia caperata
(L.)
Ach. :espèce
sensible.Des thalles
vigoureux
de ces différentesespèces
ont étéprélevés
dans des zonesnon
polluées (forêt
deLyons,
environsd’Orléans)
etexposés
dans les enceintes avec l’écorcequi
les supporte.1.3.
Exposition
Quatre
échantillons d’une mêmeespèce, provenant
du mêmeprélèvement,
sontplacés
dans chacune des enceintescorrespondant
pour Lecanora conizaeoïdes et Par- meliaphysodes
à :-
pollué
sec :0,5
ppmS0 2 ,
0 p. 100hygrométrie,
-
pollué
humide .0,5
ppmSO!,
100 p. 100hygrométrie,
- témoin sec :
0,0
ppmS02 ’ 0 p.
100hygrométrie,
- témoin humide :
0,0
ppmSO.,
100 p. 100hygrométrie.
Les mêmes
répétitions
ont lieu pour les thalles de Parrnelia caperata, mais à0,25
ppm deS0 2’
II. - Résultats
2.1.
Morphologie
Sur toutes les
espèces exposées,
nous avons constaté deschangements
de couleurdu thalle sur les échantillons
placés
dans les enceintespolluées.
Ces décolorations sontplus importantes
sur lessujets placés
en enceintes humides.Sur P. caperata, les
premières
décolorations(inférieures
à 25 p. 100 de la surface duthalle) apparaissent
au bout d’une semaine. Elles sont nettement situées au centre duthalle,
c’est-à-dire dans lapartie
laplus âgée.
Après
deuxsemaines,
le thalleprésente
un blanchissementplus
intense(entre
25 et 50 p. 100 de la surface du
thalle),
s’étendant sur les lobesmarginaux. Quelques points
blanchâtresapparaissent
sur les thalles des circuitstémoins,
mais ils ne s’éten- dent pas à l’ensemble du thalle.Les décolorations des thalles
pollués, plus particulièrement
enatmosphère humide,
s’étendent sur 50 p. 100 de la surface du thalle en find’expérience.
P.
physodes, pollué
à0,5
ppm deSO!,
connaît au bout d’une semaine desplages
blanchâtres(!
25 p. 100 de la surface duthalle)
situées au centre du thalle.Ces
plages
s’étendent sur les lobesmarginaux
la semainesuivante, puis
à l’ensembledu thalle. Le
sujet placé
enatmosphère
sèchepolluée
est nettement moinsdécoloré,
mais
présente
unepruine
sur l’ensemble du thalle. Lessujets
des enceintes témoinssubissent,
comme les thalles de P. caperataquelques
décolorations blanchâtres.Sur Lecanora
conizaeoïdes, pollué
à0,5
ppm deSO!,
on voit d’abord une tur-gescence des
apothécies qui
deviennent brunâtres au boutd’une semaine,
dans l’enceintepolluée
humide. Lesujet placé
dans cette enceinte voit son thalle fractionné enpetits
paquets et bruni sur 25 p. 100 de sa surface. Lesujet
de l’enceinte sèche ne subit pas cefractionnement,
mais lesapothécies
sont intensément brunes.Après
3semaines,
les thalles situés en
atmosphère
humide sont décolorés enplages
brunes etblanches,
les thalles des enceintes témoins ne subissent aucune
dégradation,
seulesquelques apothécies
dusujet placé
enatmosphère
humide deviennent brunes.2.2. Anatomie
Sur toutes les
espèces exposées
en enceintespolluées,
nous avons pu constaterdes altérations de
l’algue symbiotique.
Dans les
sujets prélevés
avantl’expérience,
on peut observer des soralies( * ).
Onne peut en voir sur les
sujets exposés, quel
que soit le circuit(pollué
outémoin).
Il semblerait que le flux gazeuxbalaye
les sorédies(v‘),
lesdispersant
dans les flacons situés en aval des enceintes.La
séquence
dedégradation
desespèces placées
enatmo.sphère polluée
humideest la suivante :
-
dégradation
dequelques
cellulesalgales,
avec d’abord une rétraction deschloroplastes ;
-
dégradation
de l’ensemble des cellulesalgales,
décolorationcomplète
des cellules mortes,cytoplasme granuleux
des cellulessubsistantes ;
-
migration
de ces cellules à l’intérieur de lamédulle,
où elles forment avecles
hyphes mycéliennes
desglomérules présentant l’aspect
dessorédies ;
- ces cellules meurent à leur tour, les
hyphes mycéliennes
sontplus
nombreusesautour des
algues.
Durant ces
transformations,
on observe une coloration différente du cortexsupé- rieur,
ainsi que sonépaississement.
En maintsendroits,
il se fractionne. Des cellules de Pleurococcus sedéveloppent
en chaîne dans ces crevasses, pouvant même atteindre la médulle( ** ) (il
estpossible
de faire la différence entre laChaetophoracée
Pleu-rococcus .rp. et
l’algue symbiotique,
dans notre cas une Chlorococaccée du genreTrebouxia).
(
*
) Sorédies ; soralies : les sorédies sont de fines granulations de 2S à 100 microns de
diamètre, formées par quelques cellules algales entremêlées et entourées de filaments mycéliens.
Elles prennent naissance en groupes appelées soralies.
(
**
) Médulle : « moelle p, partie la plus interne du lichen, composée d’hyphes mycéliennes lâches.
Dans les circuits
pollués
secs, on observe une mortalitéimportante
des cellulesalgales,
sans que celles-cimigrent
vers la médulle. On observe le mêmephénomène
dans le circuit témoin sec. Le cortex
supérieur
desespèces placées
dans ces enceintesprésente
de nombreux fractionnements sans que sedéveloppe l’algue
Pleurococcus.On n’observe aucune variation notable dans le circuit témoin humide.
Selon les
espèces exposées,
le nombre de cellulesalgales
mortes varie.Ainsi,
dèsla
première semaine,
environ lequart
des cellules est touché chez P. caperata(à 0,25
ppm deS0 2 ) ’
la mêmeproportion
chez P.physodes (à 0,5 ppm),
alors que seulement 10 p. 100présentent
desaltérations, principalement
celles situées sur le rebord thallin desapothécies,
sur L. conizaeoïdes. Vers la fin desexpériences,
toutesles
cellules,
chez toutes lesespèces, présentent
des altérations notables.2.3. Substances
lichéniques
Nous avons suivi tout au
long
del’expérience
sur chacune desespèces,
lessubstances
lichéniques ( * ).
(·°) Nous avons utilisé la méthode de chromatographie sur couches minces décrite par CuL
S
Exsorr (1970) : trois quantités égales d’extrait acétonique de lichen sont déposées sur trois plaques chromatographiques, ainsi que des extraits de Parmelia acetabulum, qui contient deux substances témoins, l’atranorine et l’acide norstictique. Ces plaques sont développées dans trois solvants différents, A, B et C.
La migration des substances lichéniques est différente selon les solvants, chaque tache est
repérée par rapport aux lignes de migration de l’atranorine et de l’acide norstictique. Pour chacun des bains, chaque tache est affectée d’une classe : inférieure à la ligne de l’atranorine, égale
ou supérieure, etc. Selon les différentes classes obtenues, un système de cartes perforées et d’aiguilles permet l’identification de la substance, si celle-ci a été décrite.
Dans une étude
précédente (B EDENEAU , 1980),
sur l’évolution des substances liché-niques
en milieupollué,
il avait été mis enévidence,
sur les extraits de Parmeliaphysodes,
laprésence puis
ladisparition
d’une tache rouge,migrant
à un rF de0,25
dans le solvant C. Cette
substance,
non décrite par CULBERSON(1969-1970), apparaît
dans les zones
moyennement polluées (! 60 !!,g SO!/m&dquo;4 - L EROND , 1978), puis disparaît
dans les sites nouvellementpollués
ou récemment colonisés par Parmeliaphysodes.
Dans la
présente expérience,
on observe en deuxièmesemaine,
sur la chroma-tographie
d’extrait de Parmeliaphysodes,
cette tache rouge. Elle est encoreprésente
en troisième semaine.
Comme KLEE & STEUBING
(1977),
nous n’avons noté aucune variation deconcentration de l’atranorine tant sur P. caperat’a que sur P.
physodes.
Il
n’apparaît
aucune tache surnuméraire sur leschromatogrammes
d’extrait de L. conizaeoïdes et iln’y
a aucune variation notable de la teneur en acidefumarproto- cétrarique.
III. - Discussion
Les altérations
morphologiques
des lichensexposés
auSO!
sont semblables à celles observées sur leterrain,
notamment :- les décolorations des
thalles,
- le fractionnement de ceux-ci en
petits
amas.Comme TüRrc et al.
(1974),
nous constatons que lesdégâts
sontplus importants
en
atmosphère
humidequ’en atmosphère
sèche. On peut formulerquelques hypothèses
pour
expliquer
cephénomène :
- Les
composés
soufrés sontplus
nocifs enatmosphère
humide du fait de leurcombinaison avec l’eau
(il
en résulteH z S0 4
parexemple).
- L’activité
biologique
deslichens,
directement conditionnée parl’eau,
estplus
intense
quand
le milieu est saturé. De cefait,
il absorbe defaçon plus importante
les divers
composants
del’atmosphère.
Il a été démontré que l’activité des lichens est
plus importante
enatmosphère
humide(C LAUZADE , 1970).
TüRK et al.(1974)
ont démontré la nocivité descomposés soufrés,
notamment par l’acidification du milieu. PUCKETT et al.(1973) précisent
que toutes les formes de
S0 2
en solution sont desoxydants
d’autantplus importants
que le
pH
est bas.Il semble donc que ce soit la
conjonction
de deuxphénomènes (taux d’hygrométrie, présence
deS0 2 ) qui
entraîne ladégénérescence
des lichens en milieupollué.
Par cette
expérimentation,
nous avonsreproduit
lesdégâts anatomiques, déjà
décrits dans la
littérature,
notamment par RIEUX(1977).
Nous retrouvons effecti-vement des altérations de
l’algue symbiotique,
tuée au bout dequelques
semaines. Lecomportement saprophytique
duchampignon
pose unproblème,
de même quel’appa-
rition d’une substance
lichénique
nouvelle(qui,
comme toute substancelichénique,
est sécrétée par leshyphes mycéliennes).
Des recherches ultérieures sont nécessaires car
plusieurs questions
se posent : Est-ce la mort dequelques algues,
est-ce larupture
d’unéquilibre qui
provoquece
changement
decomportement ?
Il nous semble nécessaire
d’apporter quelques
améliorations àl’appareil
depollu-
tion artificielle que nous avons conçu :
- En
atmosphère
sèche(0
p. 100d’hygrométrie),
l’activitébiologique
des lichensest extrêmement ralentie.
- Par contre, en
atmosphère humide,
à éclairement constant, cette activité estau contraire fortement stimulée.
Dans la nature, ces activités sont
intermittentes,
liées à la luminosité et à l’éco- nomie de l’eau.Une
première
amélioration de notreappareil
consisterait donc àréguler
le tauxd’hygrométrie (par exemple
à l’aide de solution depotasse).
La mesure de l’activitéphotosynthétique pourrait permettre
de définir les intervalles de variationoptimum
du taux
d’hygrométrie,
de suivreplus précisément
les altérations enatmosphère polluée.
Les doses de
polluants employées
sontexagérément
élevées pour despériodes
de
temps
aussilongues (3 semaines). N’importe quel végétal
subit des altérations notables à de tels niveaux depollution.
Néanmoins,
il est troublant dereconstituer,
à des doses sifortes,
lesdégâts
observés sur le terrain. Il reste donc à déterminer les seuils de sensibilité des lichens
au
S0 2 :
&dquo;- Ces
végétaux
sont-ils détruits par despointes
depollution (de
l’ordre de 2 000E ag/m 3 pendant
4heures) ?
- Ou sont-ils
affaiblis, puis
détruits par un enchaînement dephénomènes complexes (parasitisme
desalgues
et deschampignons lichénicoles),
par unepollution
à un taux
beaucoup plus
faible(de
l’ordre de 100p g/m 3 pendant
unmois) ?
IV. - Conclusion
A l’aide d’un
dispositif simple,
il a étépossible
dereproduire
lesdégâts
macros-copiques
observés sur le terrain(B EDENEAU , 1980).
La
plasticité
de chacun des éléments de l’installation permetl’adaptation rapide,
soit à différents
types
de matériels à tester, soit à différentspolluants.
Ainsi l’installation est utilisée pour déterminer la sensibilité de
microarthropodes
du sol à la
pollution
soufrée(M ORVAN , 1981,
encours).
Une étude se
poursuit
sur les lichens enprenant
commepolluant
le fluor sousforme gazeuse. Il est
envisagé
d’étudierprochainement
lemélange SO !-fluor
sur cesvégétaux.
Enfin,
le dernier« étage », filtration, peut
être aisémentremplacé
par unétage d’analyse : photosynthèse,
teneur enpolluant, permettant
ainsi uneapproche physio- logique
duphénomène
dedégradation
desplantes
ou des animaux par lespolluants
atmosphériques.
Reçu
pourpublication
le 7juillet
1981Summary
Artificial SO! effects
on lichensThe effects of SO, were tested on three species of lichen in dry and water saturated
atmospheres :
on Lecanora conizaeoides (Nyl), Parmeliaphysodes
(L), and Parmelia caperata (L) Ach.For these
experiments
anoriginal fumigation
apparatus wasdesigned.
Its various components are described and discussed here.The effects observed in the lichens are similar to those observed in the field, in a
polluted
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