ÉLIMINATION DU PALUDISME
Étude de cas 10
Élimination du paludisme et
prévention de sa réapparition en
Tunisie : une réussite exemplaire
ÉLIMINATION DU PALUDISME
Étude de cas 10
Élimination du paludisme et
prévention de sa réapparition en
Tunisie : une réussite exemplaire
Catalogage à la source : Bibliothèque de l’OMS
Élimination du paludisme et prévention de sa réapparition en Tunisie : une réussite exemplaire.
(Élimination du paludisme étude de cas, 10)
1.Paludisme – prévention et contrôle. 2.Paludisme – épidémiologie. 3.Programmes nationaux de santé.
4.Tunisie. I.Organisation mondiale de la Santé. II.University of California, San Francisco.
ISBN 978 92 4 250913 7 (Classification NLM : WC 765)
© Organisation mondiale de la Santé 2015
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Crédit photo couverture : © Programme national de lutte contre le paludisme, Tunisie Design de Paprika, Annecy (France)
Imprimé en France
Les dernières versions des documents du Programme mondial de lutte antipaludique de l’OMS sont accessibles sur le site Internet à l’adresse suivante : http://www.who.int/malaria.
Les publications de l’Université de Californie, San Francisco sont disponibles sur le site de l’UCSF
(http:// globalhealthsciences.ucsf.edu/global-health-group), Global Health Group, Université de Californie, San Francisco, CA, USA.
TABLE DES MATIÈRES
Remerciements . . . .vii
Liste des abréviations. . . .viii
Glossaire . . . . ix
Résumé . . . .xv
Période de contrôle du paludisme (jusqu’en 1966) . . . .xv
Élimination du paludisme par le biais des stratégies et politiques du Programme mondial d’éradication du paludisme (1967-1979) . . . .xvi
Réussite sur le long terme de l’objectif de prévention de la réapparition du paludisme (depuis 1980). . . . xvi
Conclusions . . . .xvii
Introduction . . . . 1
Série d’études de cas sur l’élimination du paludisme . . . . 1
Le paludisme dans la région Méditerranée orientale de l’OMS . . . . 1
Le paludisme en Tunisie . . . . 2
Profil du pays . . . . 3
Géographie . . . . 3
Climat et végétation . . . . 3
Organisation politique et divisions administratives . . . . 3
Population . . . . 3
Économie . . . . 6
Système et politiques de santé . . . . 7
Profil de santé . . . . 7
Épidémiologie et activités programmatiques au fil des ans . . . . 9
Parasites et vecteurs . . . . 9
Contrôle du paludisme dès 1903 . . . . 9
Première campagne de contrôle du paludisme, 1934-1954 . . . . 9
Efforts déployés lors du Programme mondial d’éradication du paludisme (1955-1965) . . . .12
Programme d’élimination/éradica-tion du paludisme (1966-1996) . . . .13
Prévention de la réintroduction depuis 1996 . . . .15
Facteurs contribuant à l’élimination du paludisme en tunisie et à la prévention de sa réapparition ...17
Comment le paludisme a-t-il été éliminé en Tunisie ? . . . .17
Quelles sont les principales stratégies et politiques du programme actuel pour prévenir la réapparition du paludisme ? . . . .26
Problématiques du programme pour prévenir la réapparition du paludisme . . . .35
Élimination du paludisme | Table des matières v
Leçons apprises et conclusions . . . .39
Maintenir le paludisme à un niveau faible dans les années 50-60 . . . .39
Éliminer le paludisme grâce à la mise en œuvre des politiques et stratégies du Programme mondial d’éradication du paludisme . . . .39
Réussir à prévenir à long terme la réapparition du paludisme . . . .40
Conclusions . . . .41
Bibliographie . . . .42
Annexe 1 : Sources des données et méthodes utilisées . . . .45
Annexe 2 : Estimation de population par gouvernorat, 2011 . . . .46
Annexe 3 : Indicateurs sanitaires et de développement . . . .47
Annexe 4 : Parasites et vecteurs du paludisme, passé et présent . . . .48
Annexe 5 : Formulaires de notification standard . . . .50
vi Élimination du paludisme | Table des matières
REMERCIEMENTS
Cette étude fait partie d’une série d’études de cas sur l’élimination du paludisme réalisées par le Programme mondial de lutte antipaludique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Global Health Group de l’Université de Californie à San Francisco.
Les deux organisations sont reconnaissantes à la Fondation Bill & Melinda Gates de leur appui financier à la préparation et au développement de ces études de cas.
Pour cette étude de cas, les données ont été collectées par le Dr Dhikrayet Gamara (coordinatrice du programme tunisien de lutte contre le paludisme), le Pr Karim Aoun (Institut Pasteur de Tunis), le Pr Hamouda Babba (Faculté de pharmacie de Monastir et Laboratoire du centre de maternité et de néonatologie de Monastir), le Pr Mounir Ben Djemaa (Hôpital universitaire Hédi Chaker à Sfax), M. Mohamed Bel Kahla (Responsable surveillance/épidémiologie au sein du programme national de lutte contre le paludisme), le Dr Ali Bouattour (Institut Pasteur de Tunis), le Pr Aïda Bouratbine (Institut Pasteur de Tunis), le Pr Emna Chaker (Laboratoire de Parasitologie- Mycologie, La Rabta, Tunis), le Pr Ahmed Ghoubantini (Faculté de médecine de Tunis) et le Dr Faiçal Zouiten (Service des maladies infectieuses, La Rabta, Tunis).
Le Dr Jean-Olivier Guintran, auparavant à
l’OMS/Bureau régional pour l’Afrique/Équipe de soutien inter-pays et aujourd’hui à l’OMS/Vanuatu, est l'auteur principal du rapport. Il a compilé et analysé les données, puis a rédigé le manuscrit de cette étude de cas. Le texte a ensuite été revu et finalisé conjointement par le Dr Hoda Atta/son équipe du Bureau régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale ; et les Drs Rossitza Kurdova- Mintcheva et Aafje Rietveld (Programme mondial de lutte antipaludique au siège de l’OMS).
L’auteur remercie également le Dr Dhikrayet Gamara (coordinatrice du programme tunisien de lutte contre le paludisme) qui a assuré l’organisation des réunions et de ses entretiens avec les principales parties prenantes à Tunis, ainsi que les bibliothécaires et documentalistes qui ont extrait et compilé quantité d’informations et de références au siège de l’OMS à Genève et au Bureau régional au Caire. Une aide et des commentaires substantiels ont été apportés à la rédaction du rapport par M. Laurent Bergeron, les Drs Richard Cibulskis et Michael Lynch, Mlle Cara Smith Gueye et le Dr Ghasem Zamani.
En dépit de leur aide précieuse, l’étude comprend sans aucun doute certaines erreurs ou omissions dont l’auteur est entièrement responsable.
Élimination du paludisme | Remerciements vii
LISTE DES ABRÉVIATIONS
ACT Combinaison thérapeutique à base d’artémisinine AL Artéméther-luméfantrine
An. Anopheles (moustique de type)
CHU Centre hospitalo-universitaire
CNAM Caisse nationale d’assurance maladie
DAC Dépistage actif des cas
DDT Dichlorodiphényltrichloroéthane
DHMPE Direction de l’hygiène du milieu et de la protection de l’environnement
DSSB Direction des soins de santé de base
EMRO Bureau régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale
GMEP Programme mondial d’éradication du paludisme
INS Institut National de la Statistique
InVS Institut national de veille sanitaire (France)
IPA Incidence parasitaire annuelle
IPT Institut Pasteur de Tunis
MSP Ministère de la Santé Publique
OMS Organisation mondiale de la Santé
ONMNE Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes
ONTT Office National du Tourisme Tunisien
P. Plasmodium
PIB Produit intérieur brut
PID Pulvérisation intradomiciliaire d’insecticides à effet rémanent
PNEP Programme national d’éradication du paludisme
PNLP Programme national de lutte contre le paludisme SCSF Service du contrôle sanitaire aux frontières
TAEH Taux annuel d’examen hématologique
viii Élimination du paludisme | Liste des abréviations
GLOSSAIRE
Les termes utilisés dans ce glossaire sont définis en fonction de leur usage dans cette publication. Ils peuvent avoir d’autres significations dans d’autres contextes.
Absence de paludisme
Zone dans laquelle il n’y pas de transmission locale de paludisme par les moustiques et où le risque de contracter le paludisme se limite seulement aux cas introduits.
Capacité vectorielle
Nombre de nouvelles infections que la population d’un vecteur donné provoquerait par cas et par jour dans un lieu et à un moment donnés en assumant une absence d’immunité. Les facteurs affectant la capacité vectorielle comprennent : la densité des anophèles femelles par rapport aux humains ; leur longévité ; la fréquence de leur repas ; la propension à piquer les humains ; et la longueur du cycle extrinsèque du parasite.
Cas de rechute
Cas acquis localement quelque temps auparavant (la période maximale admissible est égale à la durée de vie de P. vivax ou P. ovale chez l’hôte humain) ou recrudescence de P. falciparum ou de P. malariae après une période de latence silencieuse1.
Certification de l’absence de paludisme
Certification accordée par l’OMS après avoir vérifié que la chaîne de transmission locale du paludisme par le moustique de type anophèle a été complétement interrompue dans un pays dans son ensemble depuis au moins trois ans.
Définition de cas (programmes d’élimination)
Autochtone - Cas acquis localement par transmission à partir du moustique, c’est-à-dire un cas indigène ou introduit (aussi appelé « transmis localement »).
Importé - Cas dont l’origine peut être retrouvée dans une zone impaludée hors du pays dans lequel il a été diagnostiqué.
Indigène - Tout cas acquis localement (c’est-à-dire à l’intérieur des frontières du pays), sans forte indication d’un lien direct avec un cas importé. Les cas indigènes incluent les premières crises retardées de paludisme à Plasmodium vivax dues à des parasites à longue période d’incubation acquis localement.
Induit - Cas dont l’origine peut être due à une transfusion ou autre forme d’incubation parentérale et non à une transmission habituelle par le moustique.
Introduit - Cas acquis localement, avec forte indication de lien épidémiologique direct avec un cas importé (première génération de transmission d’un cas importé, c’est-à-dire le moustique a été infecté par un cas classifié comme importé).
1 Organisation mondiale de la Santé (OMS) Bureau régional pour la Méditerranée orientale (EMRO) (2007) Guidelines on the elimination of residual foci of malaria transmission, Le Caire (Séries de Documents techniques, EMRO, n° 33).
Élimination du paludisme | Glossaire ix
Transmis localement - Cas acquis localement par transmission à partir du moustique, c’est-à-dire un cas indigène ou introduit (aussi appelé « autochtone »).
Paludisme - Tout cas pour lequel, sans tenir compte de la présence ou de l’absence de symptômes cliniques, des parasites du paludisme ont été confirmés par un diagnostic de laboratoire de qualité contrôlée.
Définition de cas (programmes de contrôle)
Paludisme confirmé - Cas suspect de paludisme pour qui des parasites de paludisme ont été retrouvés dans le sang par microscopie ou par un test de diagnostic rapide.
Paludisme présumé - Cas suspect de paludisme sans test de diagnostic mais néanmoins traité présomptivement pour paludisme.
Paludisme suspect - Maladie potentiellement due au paludisme selon le personnel de santé. La fièvre est souvent l’un des critères.
Dépistage actif
Détection, par les agents de santé, d’infections palustres au niveau des communautés et des ménages dans des groupes de population considérés à haut risque. Le dépistage actif peut être fait par un examen parasitologique ne ciblant que les patients fébriles ou en testant la totalité de la population.
Dépistage passif
Détection des cas de paludisme chez des patients qui, sur leur propre initiative, se rendent dans une structure de santé pour un traitement, souvent pour une fièvre.
Efficacité du vecteur
Capacité d’une espèce de moustique, en comparaison avec les autres espèces dans un environnement similaire, à transmettre le paludisme dans la nature.
Élimination
Réduction à zéro, à la suite d’efforts délibérés, de l’incidence de l’infection par les parasites humains du paludisme dans une zone géographique définie. Des mesures continues pour prévenir la reprise de la transmission sont requises.
Endémique
Appliqué au paludisme quand il y a une incidence mesurable de cas et de transmission par le moustique dans une zone pendant plusieurs années.
Enquête de cas
Collecte d’informations permettant la classification d’un cas de paludisme par origine de l’infection, c’est-à-dire importé, introduit, indigène ou induit. L’enquête de cas inclut l’administration d’un questionnaire standard à une personne chez qui une infection est diagnostiquée.
Épidémique
Survenue d’un nombre de cas supérieur aux prévisions pour une zone et une période données.
Éradication
Maintien à zéro de l’incidence mondiale de l’infection par les parasites humains du paludisme suite à des efforts délibérés. Les mesures d’intervention ne sont plus nécessaires lorsque l’éradication a réussi.
x Élimination du paludisme | Glossaire
Évaluation
Tentatives de déterminer le plus systématiquement et objectivement possible la pertinence, l’efficacité et l’impact des activités en fonction de leurs objectifs.
Foyer de paludisme
Localité définie et délimitée située dans une zone couramment ou anciennement impaludée qui comprend de manière permanente ou intermittente les facteurs épidémiologiques nécessaires à la transmission du paludisme : une communauté d’humains, au moins une source d’infection, une population de vecteurs et des conditions environnementales propices à la transmission.
Hypnozoïte
Phase dormante du parasite du paludisme dans les cellules hépatiques de l’hôte (uniquement pour les infections à Plasmodium [P.] vivax et P. ovale).
Incidence du paludisme
Nombre de nouveaux cas de paludisme diagnostiqués durant une période définie et dans une population spécifique.
Intensité de transmission
Vitesse à laquelle les personnes d’une certaine zone sont inoculées par les parasites du paludisme transmis par les moustiques. Elle est souvent exprimée en tant que « taux annuel d’inoculation entomologique », c’est-à-dire le nombre d’inoculations par les parasites du paludisme reçues par une personne en un an.
Intervention (de santé publique)
Activités entreprises pour prévenir ou réduire l’incidence d’une maladie dans une population. Des exemples d’intervention pour le contrôle du paludisme comprennent la distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide, la pulvérisation intradomiciliaire d’insecticides à effet rémanent et la fourniture de traitements efficaces pour la prévention et le traitement des crises de paludisme.
Lutte antivectorielle
Toutes les mesures prises contre les moustiques transmettant le paludisme afin de limiter leur capacité à transmettre la maladie.
Notification de cas
Déclaration obligatoire des cas de paludisme détectés par les unités sanitaires et les médecins, aux autorités de santé ou aux services d’élimination du paludisme (selon la législation ou la réglementation en vigueur).
Période d’incubation
Période entre l’infection (par inoculation ou autre) et l’apparition des premiers signes cliniques.
Phase d’attaque
Dans la terminologie de l’éradication du paludisme, phase des opérations au cours de laquelle des mesures antipaludiques visant à interrompre la transmission de la maladie sont appliquées à grande échelle, de manière à assurer la couverture totale d’un secteur opérationnel déterminé. Cette phase est parfois appelée période de couverture complète par pulvérisations2.
2 Organisation mondiale de la Santé (1964) Terminologie du paludisme et de l’éradication du paludisme, Genève, http://apps.who.int/iris/bitstream/
10665/39008/1/9242540145.pdf ?ua=1, page consultée le 7 avril 2015.
Élimination du paludisme | Glossaire xi
Phase d’entretien
Dans la terminologie de l’éradication du paludisme, phase des opérations qui commence au moment où les critères de l’éradication ont été satisfaits dans une zone opérationnelle donnée, et qui est appelée à se poursuivre jusqu’à ce que l’éradication du paludisme ait été réalisée dans le monde entier. Au cours de cette période, les services de santé publique exercent une vigilance adéquate pour prévenir toute reprise de propagation du paludisme par importation de la maladie à travers les frontières de la zone considérée2.
Phase de consolidation
Dans la terminologie de l’éradication du paludisme, phase des opérations qui succède à la phase d’attaque.
Elle est caractérisée par des opérations de surveillance actives, intenses et complètes visant à éliminer toutes les infections qui subsistent et à prouver que l’éradication du paludisme a bien été réalisée. Cette phase prend fin quand les critères de l’éradication ont été satisfaits2.
Population à risque
Population vivant dans une zone géographique dans laquelle des cas de paludisme acquis localement ont été dépistés au cours de cette année ou des années antérieures.
Prévalence du paludisme
Nombre de cas de paludisme à un moment donné dans une population définie, mesuré par un test positif en laboratoire.
Prévalence parasitaire
Pourcentage de la population chez qui une infection par Plasmodium est détectée à un moment donné par un test de diagnostic (généralement microscopie ou test de diagnostic rapide).
Prise en charge de cas
Diagnostic, traitement, soins et suivi des cas de paludisme.
Réapparition de la transmission
Réapparition d’une incidence constante et mesurable de cas et de transmission par le moustique dans une zone sur plusieurs années. Le signe d’une possible réapparition de la transmission serait la survenue d’au moins trois infections introduites et/ou indigènes au sein d’un même foyer géographique, pendant deux années consécutives pour P. falciparum et pendant trois années consécutives pour P. vivax.
Réceptivité
Abondance relative de vecteurs anophèles et existence d’autres facteurs écologiques et climatiques favorisant la transmission du paludisme.
Rechute (clinique)
Nouvelle manifestation d’une infection après une latence temporaire, résultant d’une activation d’hypnozoïtes (donc limitée aux infections par P. vivax et P. ovale).
Registre des patients ambulatoires
Liste des patients vus en consultation dans une structure de santé ; le registre peut inclure la date de la consultation, l’âge du patient, le lieu de résidence, les motifs de la consultation, les examens réalisés et le diagnostic posé.
2 Organisation mondiale de la Santé (1964) Terminologie du paludisme et de l’éradication du paludisme, Genève, http://apps.who.int/iris/bitstream/
10665/39008/1/9242540145.pdf ?ua=1, page consultée le 7 avril 2015.
xii Élimination du paludisme | Glossaire
Registre national des cas de paludisme
Base de données centralisée de tous les cas de paludisme enregistrés dans un pays, quels que soient l’endroit et la méthode de diagnostic et de traitement.
Registre national des foyers
Base de données centralisée de tous les foyers de paludisme dans un pays.
Saison de transmission
Période de l’année durant laquelle la transmission du paludisme par les moustiques a normalement lieu.
Suivi (de programme)
Revue périodique de la mise en œuvre d’une activité, en cherchant à ce que les apports, les produits, les calendriers, les résultats attendus et autres actions nécessaires progressent selon les plans établis.
Surveillance (programmes d’élimination)
Partie du programme conçue pour l’identification, l’enquête et l’élimination d’une transmission persistante, la prévention et le traitement des infections, et les preuves finales de l’élimination.
Surveillance (programmes de contrôle)
Collecte, analyse et interprétation continues et systématiques de données spécifiques de morbidité pour la planification, la mise en œuvre et l’évaluation des actions de santé publique.
Surveillance cas par cas
Notification de chaque cas, et enquête immédiate (avec inclusion dans le système de rapports hebdomadaires).
Taux annuel d'examen hématologique
Le nombre de lames examinées à la recherche de paludisme par microscopie pour 1 000 habitants par an.
Taux de positivité des lames
Pourcentage de lames de microscopie positives pour Plasmodium parmi les lames examinées.
Taux de positivité des tests de diagnostic rapide
Pourcentage de résultats positifs parmi tous les tests de diagnostic rapide effectués.
Test de diagnostic rapide
Test antigénique sous forme de bandelette, cassette ou carte pour dépister le paludisme, dans lequel les lignes colorées indiquent que des antigènes plasmodiques ont été détectés.
Traitement radical
Dans le cas d’infections à P. vivax et P. ovale, recours aux médicaments détruisant les hypnozoïtes (classiquement une combinaison de chloroquine pendant 3 jours et de primaquine pendant 14 jours).
Transmission locale par les moustiques
Survenue de cas humains de paludisme acquis dans une zone donnée par la piqûre d’un moustique de type anophèle et infecté.
Élimination du paludisme | Glossaire xiii
Vigilance
Fonction des services de santé publique pendant un programme de prévention de la réapparition du paludisme, consistant en une pleine capacité de dépistage de la survenue du paludisme dans une zone où il n’a jamais existé, ou de laquelle il a été éliminé, et de l’application de mesures de lutte.
Vulnérabilité
Proximité de zones impaludées ou fréquence d’afflux de groupes ou d’individus infectés et/ou d’anophèles infectants.
xiv Élimination du paludisme | Glossaire
RÉSUMÉ
Cette étude de cas décrit et évalue les activités antipaludiques menées en Tunisie pour réduire de manière constante le poids du paludisme au cours du XXe siècle, puis les stratégies adoptées pour l’éliminer.
Elle retrace également l’expérience vécue par ce pays en matière de prévention de la réapparition de la maladie et de maintien d’un territoire exempt de paludisme ces 35 dernières années. Des enseignements sont décrits à l’attention des pays qui sont engagés sur la voie de l’élimination du paludisme ou de la prévention de sa réapparition.
Période de contrôle du paludisme (jusqu’en 1966)
En Tunisie, la transmission du paludisme était active sur tout le territoire et holoendémique ; de nombreuses épidémies ont été recensées au début du XXe siècle.
La déclaration des cas est devenue obligatoire en 1922, et les parasites Plasmodium (P.) falciparum et P. vivax étaient largement présents dans l’ensemble du pays, avec aussi quelques signalements d’infections à P. malariae. L’épidémie de 1932-1935 a été
particulièrement sévère avec un pic à près de 16 000 cas en 1934, une mortalité annuelle supérieure à 5 décès pour 1000 habitants dans les régions les plus touchées, des indices spléniques compris entre 70 % et 90 %, et une incidence parasitaire annuelle (IPA) supérieure à 7 ‰. Un ensemble de mesures antipaludiques a été alors mis en place, notamment :
• le dépistage actif des cas et le traitement par des agents de santé itinérants ;
• des lazarets pour traiter les cas dans les zones rurales reculées, et des laboratoires mobiles pour mesurer les prévalences et cartographier les zones de transmission intense ;
• la chimioprophylaxie saisonnière par la quinine ;
• la lutte antilarvaire (utilisation de poissons larvivores dans les zones inondables) ;
• l’assainissement et le drainage.
Ces interventions ont permis de réduire l’IPA à 2 ‰ environ en 1938.
Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, la désorganisation des services entraîne une nette recrudescence des cas de paludisme, avec à nouveau plus de 16 000 cas recensés en 1948 (IPA d’environ 5 ‰).
Les activités antipaludiques sont alors réintroduites, et le nombre d’infections à P. vivax et P. falciparum baisse de 14 563 en 1949 à 3 884 en 1950. Dès lors, l’incidence reste à un niveau faible.
À la fin des années 50, une stratégie d’éradication du paludisme au niveau national est développée avec le soutien de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et ce, après le lancement du Programme mondial d’éradication du paludisme (GMEP). Faute de financement, cette stratégie nationale n’a cependant pas pu être lancée en 1959 comme prévu. Le pays a alors poursuivi ses activités antipaludiques avec un accent sur le dépistage des cas par le biais d’agents de santé itinérants, des campagnes de chimioprophylaxie utilisant l’amodiaquine, et la lutte antilarvaire par insecticides (dieldrine) répandus par pulvérisation sur les plans d’eau les plus importants et l’introduction de poissons larvivores dans les petites retenues. Même si ces interventions antilarvaires et de chimioprophylaxie ont nécessité un financement annuel conséquent,
Élimination du paludisme | Résumé xv
à savoir environ US$ 100 000, elles n’ont pas empêché la survenue de nouvelles épidémies ni interrompu la transmission au niveau national.
Élimination du paludisme par le biais des stratégies et politiques du Programme mondial d’éradication du paludisme (1967-1979)
Après une nouvelle épidémie en 1964, l’OMS a aidé au développement d’un nouveau programme d’éradication sur six ans, lequel a été mis en œuvre en 1967.
L’élimination du paludisme a pris davantage de temps et inclus les différentes phases suivantes : phase d’attaque (1967-1972), phase de consolidation (1973-1977), phase d’entretien (1978-1995) et phase de prévention de la réintroduction depuis 1996.
La Tunisie n’a obtenu des financements extérieurs pour son programme d’éradication du paludisme qu’au cours des dernières années du GMEP (à partir de 1967).
Des activités de contrôle et une surveillance intensives ont abouti à la disparition du parasite P. falciparum dans le nord du pays en 1971, jusqu’à son élimination de l’ensemble du territoire en 1979. Le dernier foyer de P. vivax, dispersé sur 15 localités, a produit 16 cas en 1975, puis 6 en 1976. C’est dans la région de Jendouba que les deux dernières rechutes de cas autochtones seront enregistrées en 1979 et, depuis lors, aucune transmission locale du paludisme n’a été signalée en Tunisie.
Les approches mises en œuvre par la Tunisie pour expliquer le succès du programme national d’élimination peuvent être résumées comme suit :
• Dans le domaine de la lutte antivectorielle, la pulvérisation intradomiciliaire d’insecticides à effet rémanent (PID) à base de
dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), appliquée trois fois par an, a été une intervention majeure pendant la phase d’attaque et a entraîné une forte diminution de la population de moustiques et du niveau de transmission. Lors de la phase de
consolidation, elle s’est limitée aux seuls foyers restants, avant d'être suspendue à la fin des
années 70 lorsque la transmission a été interrompue.
La lutte antivectorielle a reposé sur une surveillance entomologique régulière des vecteurs et des sites de reproduction, ainsi que sur l’enregistrement et la cartographie des foyers.
• Efficace, le dépistage des cas a largement bénéficié d’une détection active et intensive réalisée par les agents de santé itinérants lors de tournées mensuelles. Élevé, le taux annuel d’examen hématologique (TAEH) durant cette campagne est un indicateur de bonne couverture du dépistage du paludisme au sein de la population.
• Le contrôle qualité externe du dépistage du paludisme en laboratoire a eu pour objectif d’assurer une qualité optimale du diagnostic en laboratoire au niveau national.
• L’investigation épidémiologique, le reporting, la notification et l’enregistrement des cas de paludisme, ainsi que les travaux de collecte et d’analyse des données ont mis à disposition des décideurs des informations régulières.
• Les sources d’infections palustres ont considérablement diminué grâce à la fourniture de traitement radical par chloroquine et primaquine aux patients souffrant de paludisme à P. vivax, et à la mise en œuvre de la chimioprophylaxie saisonnière par l’amodiaquine.
Réussite sur le long terme de l’objectif de prévention de la réapparition du paludisme (depuis 1980)
Même si la Tunisie n’est officiellement passée à la phase de prévention de la réintroduction du paludisme qu’en 1996, elle réussit à empêcher la réapparition d’une transmission autochtone depuis 1980. Le changement des conditions environnementales a également été un paramètre favorable au cours des 30 dernières années, et a contribué à diminuer la réceptivité au paludisme.
xvi Élimination du paludisme | Résumé
Les efforts du gouvernement s’attachent en priorité à contrôler le risque d’importation des parasites du genre Plasmodium et à en prévenir les conséquences, notamment par le biais des activités suivantes :
• Vigilance intense, dépistage précoce et traitement radical rapide de chaque cas de paludisme importé avec une attention particulière portée aux groupes à risque, tels que les étudiants étrangers (dépistage actif des cas [DAC] obligatoire), les voyageurs à destination des pays à risque élevé, et les individus présentant une fièvre inexpliquée et persistante.
La prise en charge efficace des cas et la qualité du traitement s’appuient sur l’application d’un protocole thérapeutique et de suivi standard des cas, et sur un système centralisé pour l’achat et la délivrance des médicaments antipaludiques.
• Gestion des risques pour les voyageurs : des recommandations à l’attention des voyageurs sont disponibles au Service du contrôle sanitaire aux frontières (SCSF) à l’aéroport de Tunis et un dépliant est distribué par la Direction des soins de santé de base (DSSB) aux agences de voyages ; les voyageurs à destination des pays endémiques peuvent obtenir une chimioprophylaxie gratuite et sont suivis à leur retour.
• Maintien d’un système de surveillance basé sur la déclaration obligatoire des cas, laquelle s’accompagne d’une investigation épidémiologique de routine, d’une classification des cas, et d’activités de reporting et d’analyse.
• Surveillance continue des vecteurs.
• Maintien des activités de préparation aux épidémies au niveau national, et de stocks
suffisants en fournitures, insecticides, médicaments antipaludiques, réactifs de laboratoire et autres consommables pour le dépistage du paludisme en cas d’épidémies.
• Maintien d’une expertise dans le domaine du paludisme.
Ces activités préventives reçoivent le soutien financier du gouvernement. Le budget du programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), soit US$ 145 500 en 2012, a principalement couvert l’achat de médicaments antipaludiques (chimioprophylaxie et traitement), et de consommables de laboratoire. L’OMS soutient la formation en microscopie organisée tous les deux ans et fournit un appui régulier sous la forme de mise à disposition en faibles quantités, mais néanmoins nécessaires, de produits suivants : combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (ACT), primaquine et quinine injectable. La Tunisie fait aussi partie du réseau de lutte contre le paludisme du Bureau régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale (EMRO).
Conclusions
L’expérience de la Tunisie devrait bénéficier aux autres pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, lesquels i) sont situés dans la même région paléarctique et ii) viennent, ou sont sur le point, d’éliminer le paludisme. Outre le récit des efforts ayant mené à l’élimination, ce document présente quelques-uns des dispositifs pouvant être utilisés pour limiter l’importation de parasites et détecter suffisamment tôt une reprise de transmission autochtone. Il offrira enfin matière à réflexion dans le cadre de territoires sans paludisme toujours plus grands, là où les porteurs de parasites sont, chaque année, toujours plus nombreux à se rendre en raison de l'augmentation inéluctable des échanges internationaux.
Élimination du paludisme | Résumé xvii
xviii
INTRODUCTION
Série d’études de cas sur l’élimination du paludisme
Pour aider les pays à se déterminer sur la poursuite éventuelle de l’objectif d’élimination du paludisme, il leur est essentiel de bien comprendre les expériences passées et présentes en matière d’élimination et de prévention de la réapparition de la maladie dans d’autres pays, en particulier ceux aux profils écoépidémiologiques similaires. Avec les programmes nationaux de lutte contre le paludisme, partenaires et autres parties prenantes, le programme mondial de lutte antipaludique (GMP) de l’Organisation mondiale de la Santé et le Global Health Group basé à l’Université de Californie (San Francisco) réalisent une série d’études de cas sur l’élimination du paludisme et la prévention de sa réapparition. L’objectif de cette série est de documenter la base d’informations nécessaires pour soutenir l’intensification de l’élimination du paludisme comme une étape importante à l’atteinte des objectifs internationaux en matière de lutte contre cette maladie.
Les dix études de cas en cours de préparation fourniront des analyses et des enseignements tirés à partir d’un large éventail d’approches et de contextes géographiques.
La Tunisie a été choisie pour la réussite de son programme d’élimination et car les détails des efforts spécifiques ne sont toujours pas dans le domaine public, à savoir ceux mis en œuvre au niveau national pour que la Tunisie conserve son statut de pays exempt de paludisme depuis 35 ans.
Pour préparer cette étude de cas, une revue documentaire a été effectuée, suivie d’une visite en Tunisie pour travailler et s’entretenir avec les représentants du Ministère de la Santé Publique, du programme national de lutte contre le paludisme
et d’autres parties prenantes engagées contre le paludisme.
Sur place, une collaboration étroite avec le personnel du programme national de lutte contre le paludisme s’est avérée particulièrement utile pour la définition des cartes, le développement des graphiques, et le travail de consolidation et d’analyse des données. Cette étude de cas a été rédigée conjointement avec le Programme mondial de lutte antipaludique créé par l’OMS, basé au siège à Genève, et le Bureau régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale établi au Caire. Elle décrit les efforts déployés au XXe siècle en Tunisie pour contrôler, puis éliminer progressivement le paludisme.
Elle examine ensuite les stratégies adoptées pour éviter qu’il ne réapparaisse, puis aborde les problématiques de consolidation, à plus long terme, des acquis.
Les méthodes de collecte et d’analyse des données pour cette étude sont décrites en Annexe 1.
Le paludisme dans la région Méditerranée orientale de l’OMS
L’endémicité actuelle du paludisme est très variable dans cette région. En 2012, une transmission élevée était observée dans des régions de sept pays (Afghanistan, Djibouti, Pakistan, Somalie, Soudan, Soudan du Sud et Yémen), alors qu’elle était limitée dans les deux pays (République islamique d’Iran et Arabie saoudite) en phase d’élimination. Dans ces pays, le poids de la maladie a diminué ces dernières années, sauf entre 2010 et 2012 lorsque le nombre de cas locaux a légèrement augmenté dans le contexte d’une importation croissante du paludisme en Arabie saoudite.
Quatre pays de la région (Égypte, Iraq, Oman et République arabe syrienne) sont classés par l’OMS comme étant en phase de prévention de la réintroduction. Aucun cas de paludisme contracté
1
localement n’a été recensé en Égypte depuis 1998 (épidémie localisée de paludisme à P. vivax en 2014), en Iraq depuis 2010 et en République arabe syrienne depuis 2005, même si le système de reporting est défaillant dans ce pays depuis 2010. La transmission locale du paludisme a été interrompue à Oman de 2004 à 2006 mais, depuis 2007, le pays fait régulièrement face à des épidémies de paludisme à P. falciparum et P. vivax.
Deux pays, les Émirats arabes unis en 2007 et le Maroc en 2010, ont récemment été certifiés exempts de paludisme. D’autres pays ont été ajoutés à la liste supplémentaire de l’OMS : le Koweït en 1963 et Bahreïn, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Qatar et la Tunisie en 2012 (éditions 2012 et 2013 du Rapport sur le paludisme dans le monde publié par l’OMS).
Le paludisme en Tunisie
Le paludisme est connu depuis l’Antiquité sur les côtes de l’Afrique du Nord. Les historiens pensent que c’est à partir de là qu’il a peu à peu colonisé le sud de l’Europe.
La maladie se serait étendue en Sicile et en Sardaigne 700 ans avant Jésus-Christ à partir de l’actuelle Tunisie.
Elle aurait ensuite touché l’Italie centrale à l’époque de l’Empire romain (Sallares, 2004) et sévi pendant plus de 20 siècles tout autour du bassin méditerranéen avant d’être éliminée des côtes européennes dans les années 60.
En 1979, la Tunisie est devenue le deuxième pays du Maghreb à éliminer le paludisme après la Libye (dernier cas local recensé en 1973) et ce, malgré des épidémies dévastatrices et régulières, et une transmission élevée dans la partie nord pendant très longtemps.
Lors d’une réunion organisée à Tunis en 1997, le récit des expériences libyennes et tunisiennes a encouragé les autres pays endémiques d’Afrique du Nord (Algérie, Égypte et Maroc) à mettre en œuvre des campagnes d’élimination du paludisme (EMRO, 1997). La Tunisie a mis en place des dispositifs qui ont permis de préserver cet acquis pendant plus de 30 ans et a, par ailleurs, inspiré la rédaction de documents techniques sur l’élimination des foyers résiduels et la prévention de la réintroduction (EMRO, 2007).
2 Élimination du paludisme | Introduction
PROFIL DU PAYS
Géographie
La Tunisie est située entre l’Algérie à l’ouest et la Libye au sud-est. Elle présente deux fronts de mer sur la Méditerranée, au nord et à l’est, et se prolonge vers les régions sahariennes désertiques au sud. Elle s’étend sur 163 620 km2, entre 8° et 18° de longitude est, et 28° et 32° de latitude nord. La Tunisie possède un relief contrasté avec une partie septentrionale et occidentale montagneuse dans l’extension du massif montagneux de l’Atlas (voir Figure 1). À l’est, s’étend la plaine de la région du Sahel. La partie méridionale du pays, principalement désertique, est divisée entre une succession d’étendues d’eau salée appelées Chotts, des plateaux rocheux et les dunes du Grand Erg Oriental.
Climat et végétation
Le climat de la Tunisie se divise en sept zones
bioclimatiques qui s’étendent d’un climat méditerranéen humide dans le nord-ouest, puis aride ou semi-
aride, et de plus en plus désertique vers le Sahara (voir Figure 2). Les températures sont variables selon la latitude, l’altitude et la proximité de la mer Méditerranée. La pluviométrie annuelle passe de plus d’un mètre dans le nord-ouest du pays à environ 380 mm au centre, et entre 20 et 50 mm dans le sud.
La Medjerda, au nord du pays, est le seul cours d’eau alimenté de façon continue. La partie centrale du pays est constituée de steppes, et le désert couvre un tiers du territoire jusqu’au sud (Institut National de la Météorologie, 1999).
Organisation politique et divisions administratives
La Tunisie accède à l’indépendance de la France en 1956 et devient une république en 1959. Elle sera dominée par un parti unique pendant de nombreuses années, avant que le parlement ne soit dissous en 2011. Le pouvoir est alors entre les mains d’une assemblée constituante, puis le premier président est élu au suffrage universel en 2014.
Le pays est subdivisé en 24 gouvernorats qui portent le nom de leur chef-lieu (voir Figure 3). À leur tête se trouvent des gouverneurs nommés par le président de la République. Les gouvernorats sont subdivisés en 264 délégations et 2 073 secteurs.
Population
L’amélioration du niveau de vie s’est traduite par une transition démographique dans les années 90. Le taux de fécondité a diminué entre les années 60 et 2008, passant de près de 6 à 1,8 enfants par femme. En 2011, la population totale a été estimée à un peu moins de 10,7 millions (voir Annexe 2). Elle est urbanisée à plus de 67 % et relativement jeune, les moins de 15 ans et les plus de 60 ans représentant respectivement 24 % et 10 % de la population. Les principaux centres urbains qui se situent sur la bande littorale orientale sont la capitale Tunis, et les villes de Sfax et de Sousse (Institut National de la Statistique [INS], 1999).
Élimination du paludisme | Profil du pays 3
Figure 1. Carte du relief de Tunisie
Source : Office De La Topographie Et Du Cadastre (1999) Carte du relief, disponible à l’adresse :
http://mappi.net/img/tunisie/carte_Tunisie_relief_altitude_profondeur.jpg, page consultée le 24 avril 2015
4 Élimination du paludisme | Profil du pays
Figure 2. Carte des températures moyennes annuelles, des précipitations moyennes annuelles et des sept zones bioclimatiques en Tunisie, 1967
Humide Subhumide
Semi-aride, nuance maritime Semi-aride, nuance continentale Aride, nuance maritime Aride, nuance continentale Saharienne
Bizerte Tabarka
El Kef
Kairouan
Sousse
Kasserine
Tozeur
Douz
Medenine Gabès
Sfax
20 18
20 16
16
18 Températures moyennes annuelles (en °C)
TUNIS
Gafsa
Précipitations annuelles Zones bioclimatiques
1 1500 - 1000 mm 2 1000 - 600 mm 3 600 - 400 mm 4 400 - 300 mm 5 300 - 200 mm 6 200 - 150 mm 7 150 - 100 mm 8 100 - 50 mm 9 50 - 20 mm
Bizerte Tabarka
El Kef Kairouan
Sousse
Kasserine
Tozeur
Douz
Medenine Gabès Sfax TUNIS
Gafsa
Bizerte Tabarka
El Kef Kairouan
Sousse
Kasserine
Tozeur
Douz
Medenine Gabès Sfax TUNIS
Gafsa
0 150 km
Source : Institut National de la Météorologie (1967) Atlas climatique de Tunisie
Élimination du paludisme | Profil du pays 5
Figure 3. Carte administrative des gouvernorats en 2011
N
Tataouine
LIBYE ALGÉRIE
Kébili
Médenine
Remada
El Borma
Gabès Bou ZidSidi
Kasserine
Sfax
Mahdia Kairouan
Sousse Monastir Nabeul Zaghouan
Siliana Le Kef
Thala Jendouba
Béjà
Bizerte
TUNIS L’Ariana
Ben Arous
Gafsa
Tozeur Nefta
El Hamma Matmata
Frontière internationale Frontière du gouvernorat Capitale de la Tunisie Capitale du gouvernorat Autres villes
Source : Programme national de lutte contre le paludisme, Tunisie
Économie
Depuis 20 ans, la Tunisie connaît un développement économique remarquable. Son taux annuel de croissance, de 5 % sur la période 1997-2007, la place
dans le groupe de tête des pays de la région. C’est un pays à revenu intermédiaire avec un produit intérieur brut (PIB) de US$ 7 810 par habitant en 2009. Il est passé d’une économie agricole (vin, blé et huile d’olive) et minière (phosphates) à une production plus diversifiée
6 Élimination du paludisme | Profil du pays
et industrialisée. En dépit du développement des autres secteurs de l’économie nationale, l’agriculture conserve une importance sociale et économique et assure 12,3 % du PIB, les secteurs du textile et de l’agroalimentaire représentant 50 % de la production industrielle.
Le développement du tourisme remonte aux années 1960, et ce secteur représente aujourd’hui 6,5 % du PIB.
Malgré une croissance dynamique, les régions côtières sont les plus développées et des disparités importantes sont observées en défaveur des régions du sud et de l’ouest, et entre milieux urbain et rural. De même, si le taux de chômage était estimé à 13 % dans l’ensemble de la population en 2010, il était de 30,7 % chez les jeunes de 15 à 24 ans et atteignait 44 % chez les jeunes diplômés de l’université (INS, 2012).
Système et politiques de santé
Le système de santé est encore largement dominé par le secteur public. En 2008, les dépenses annuelles de santé s‘élevaient à US$ 500 par habitant. Le gouvernement en prenait en charge 54 % et y consacrait 10 % de son budget. La densité des médecins est de 11,9 pour 100 000 habitants (OMS, 2011). Le secteur public gère 85 % des hospitalisations et emploie 60 % du corps médical. En 2010, il y avait 2 088 centres de santé de base (CSB) et 123 hôpitaux de circonscription pour assurer les soins primaires, soit en moyenne un CSB pour 4 750 habitants.
Le niveau intermédiaire est composé de 34 hôpitaux régionaux implantés dans les chefs-lieux des gouvernorats et dans les grandes villes. Le troisième niveau de soins est couvert par 23 centres hospitalo- universitaires (CHU). La Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) gère six polycliniques. Les structures privées se sont beaucoup développées au cours de la dernière décennie, avec aujourd’hui 116 cliniques d’une capacité de plus de 2 700 lits. Le système d’assurance maladie obligatoire de base, géré par la CNAM, et financé par les cotisations des salariés et des employeurs a été réformé en 2007. Il couvre maintenant 92 % des salariés (DSSB, 2011).
Au niveau du Ministère de la Santé Publique (MSP), la politique de santé est mise en œuvre par la Direction générale de la santé publique qui comprend la DSSB, la Direction de l’hygiène du milieu et de la protection de l’environnement (DHMPE), la Direction de la médecine scolaire et universitaire, et la Direction de la recherche médicale.
Profil de santé
L’accès à l’eau potable et les conditions d’hygiène se sont largement améliorés au cours des dernières décennies, allégeant le poids des maladies transmissibles.
L’espérance de vie à la naissance est désormais de plus de 75 ans. La vaccination a permis de faire disparaître la rougeole, le tétanos néo-natal et la poliomyélite.
La prévalence du VIH/sida reste stable en dessous de 0,1 %. La tuberculose semble bien prise en charge avec un taux de réussite des traitements de 86 %. Certains indicateurs de santé et de développement sont présentés en Annexe 3.
Dans le même temps, la mortalité infantile a nettement diminué et des progrès remarquables ont été réalisés en matière de lutte contre la pauvreté et sur la voie d’un enseignement primaire universel. La mortalité infantile est passée de 39 décès pour 1 000 naissances vivantes en 1990 à 14 pour 1 000 en 2010, et celle des enfants de moins de 5 ans de 49 à 16 décès pour 1 000 naissances vivantes au cours de la même période. La mortalité maternelle a baissé elle aussi : en 2010, elle s’élevait à 60 décès pour 100 000 naissances, contre 130 pour 100 000 en 1990 (Division des statistiques des Nations Unies, 2011).
La Tunisie est en passe d’atteindre la plupart des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) d’ici 2015. Cependant, des disparités régionales persistent : en milieu urbain ou périurbain défavorisé, ainsi que dans les régions du sud et de l'ouest, la mortalité maternelle et périnatale est plus élevée, et les diarrhées et maladies respiratoires aiguës chez les moins de 5 ans sont plus fréquentes. Les maladies non transmissibles sont en augmentation et les maladies
Élimination du paludisme | Profil du pays 7
cardiovasculaires sont la première cause de décès chez les adultes, suivies par les cancers et traumatismes accidentels. Les facteurs de risques comme l’obésité, le diabète et le tabagisme sont relativement fréquents (INS, 2012).
8 Élimination du paludisme | Profil du pays
ÉPIDÉMIOLOGIE ET ACTIVITÉS PROGRAMMATIQUES AU FIL DES ANS
Cette section décrit chronologiquement la situation épidémiologique observée depuis le début du XXe siècle et les principales interventions mises en œuvre,
du contrôle du paludisme à son élimination en 1979.
Parasites et vecteurs
Au début du XXe siècle, les parasites P. falciparum et P. vivax étaient largement répandus sur le territoire tunisien avec quelques signalements de P. malariae dans la partie nord du pays. Les moustiques Anopheles (An.) labranchiae et An. Sergenti, présents respectivement dans le nord et dans le sud, sont considérés comme les deux vecteurs majeurs du paludisme en Tunisie. D’autres espèces comme An. hispaniola au nord et An. multicolour au sud sont aussi suspectées de transmettre la maladie dans le pays (voir Annexe 4).
Contrôle du paludisme dès 1903
À cette époque, le paludisme était largement répandu et la cause de problèmes sanitaires majeurs en Tunisie.
Les premières activités antipaludiques comprenaient la lutte antilarvaire initiée dès 1903 le long de la ligne de chemin de fer reliant Tunis à Bône en Algérie. En 1907 est créé le service antipaludique à l’Institut Pasteur de Tunis (IPT)3.
Les premières enquêtes sur les enfants de 2 à 10 ans ont lieu entre 1906 et 1909 dans 5 localités du nord-ouest humide. Elles révèlent des indices spléniques compris entre 86 % et 100 %, attestant d’une transmission holoendémique. Des campagnes d’information
3 Créé en 1893, l’IPT est un établissement de santé public et de recherche scientifique placé sous la tutelle du Ministère de la Santé Publique. Son rôle est d’effectuer des enquêtes, missions, analyses ou recherches scientifiques intéressant la santé publique humaine et animale. Des informations complémentaires sont disponibles à l’adresse : www.pasteur.tn (page consultée le 13 avril 2015).
sont effectuées et la quinine est mise à disposition gratuitement en cas de fièvre, jusque dans les endroits reculés. Plusieurs épidémies sont ensuite enregistrées entre 1911 et 1928, et la déclaration des cas devient obligatoire en 1922. Le paludisme est alors présent dans toutes les régions avec des prévalences comprises, ici et là, entre 20 % et 80 % (Farinaud, 1958).
Première campagne de contrôle du paludisme, 1934-1954
L’épidémie qui débute au cours de l’été 1932 va marquer les esprits et provoquer la mise en place par un service antipaludique aux moyens accrus d’une riposte véritablement renforcée. Elle survient après des pluies torrentielles au cours de l’hiver précédent, débute dans la région de Kairouan avant de s’étendre jusqu’à Sousse, puis dans tout le nord-ouest. Elle dure jusqu’en 1935 et atteint son pic en 1934 avec près de 16 000 cas.
Les taux d’incidence sont multipliés par quatre dans certaines régions (Chadli, 1986) et la mortalité mensuelle dépasse 5 décès pour 1 000 habitants dans les secteurs les plus affectés, là où les indices spléniques varient entre 70 % et 90 % (Farinaud, 1958). Au niveau national, l’IPA est supérieure à 7 ‰ (voir Figure 4). En réponse, le pays est divisé en trois secteurs opérationnels, et des agents de santé itinérants sont formés et déployés dans chaque secteur sanitaire pour détecter et traiter les cas, et entreprendre la lutte antilarvaire. Des lazarets sont mis en place pour traiter les cas dans les zones reculées.
Des laboratoires mobiles permettent de mesurer les prévalences et les zones d’intense transmission sont alors cartographiées (voir Figure 5). La quinine est aussi administrée à titre préventif toutes les deux semaines au travers d’un vaste réseau de distribution étendu à chaque commune. Les autres mesures reposent sur la lutte antilarvaire, l’assainissement, le drainage et
Élimination du paludisme | Épidémiologie et activités programmatiques au fil des ans 9
l’utilisation de poissons larvivores dans les principales zones inondables. À titre expérimental, des opérations
de pulvérisation sont effectuées dans certaines zones publiques. À la suite de ces mesures, l’IPA a été réduite à environ 2 ‰ en 1938.
Figure 4. Évolution i) du nombre de cas de paludisme en fonction des espèces et ii) de l’incidence annuelle de 1934 à 1973 (avant le programme d’éradication)
0 3 000 6 000 9 000 12 000 15 000 18 000
1934 1935 1936 1937 1938 1939 1940 1941 1942 1943 1944 1945 1946 1947 1948 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973
P. falciparum P. vivax ou malariae Données non disponibles
0 2 4 6 8
1934 1935 1936 1937 1938 1939 1940 1941 1942 1943 1944 1945 1946 1947 1948 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973
IPA (‰)
Chimioprophylaxie par quinine
Lutte anti-larvaire 2e Guerre mondiale Chimioprophylaxie par amodiaquine
+ traitement par chloroquine Phase d’attaque PID par DDT GMEP
PLAN I PLAN II
Pulvérisation aérienne
Source : J.O. Guintran d’après les données de Farinaud, 1958 ; Richter, 1964 et Wernsdorfer, 1973
10 Élimination du paludisme | Épidémiologie et activités programmatiques au fil des ans
Figure 5. Cartographie de la prévalence du paludisme, 1932-1933
Infirmerie - Dispensaire Lazaret antipaludique
Centre d'essais prophylactiques Régions impaludées 20 - 60 % Régions impaludées 60 - 100 %
Source : Chadli, 1986
Élimination du paludisme | Épidémiologie et activités programmatiques au fil des ans 11
Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, la désorganisation des services entraîne une nette augmentation de l’incidence du paludisme, avec plus de 16 000 cas recensés en 1948 (IPA d’environ 5 ‰). La lutte antilarvaire est alors reprise et la chimioprophylaxie est étendue à tous les foyers par le biais des amino-4- quinoléïnes (prémaline et amodiaquine), la chloroquine étant destinée au traitement curatif. Le nombre d’infections à P. vivax et P. falciparum diminue alors considérablement à partir de 1950, et se stabilise à un niveau bien plus faible que pendant la période 1936-1938, la dernière ayant suivi une épidémie (voir Figure 4).
Néanmoins, une autre épidémie de petite ampleur est enregistrée en 1954.
Efforts déployés lors du Programme mondial d’éradication du
paludisme (1955-1965)
Après le lancement du GMEP en 1955 et l’indépendance de la Tunisie en 1956, l’assistance technique de l’OMS a été très importante. Différents experts se sont succédés entre 1956 et 1966 pour évaluer la situation et développer un projet d’éradication en Tunisie, lequel n’a malheureusement jamais été mis en œuvre faute de financements.
Il ressort d’une analyse épidémiologique des données officielles qu’avec une IPA bien inférieure à 1 ‰, le poids du paludisme n’est pas considérable en Tunisie.
Une enquête réalisée en 1958 sur 16 000 enfants dans 32 localités réparties sur tout le pays montre la plupart du temps des indices spléniques inférieurs à 10 % (Farinaud, 1958). Le risque est plus élevé dans le nord du pays et la chimioprophylaxie y est appliquée. Il subsiste néanmoins des foyers méso- ou hyper-endémiques dans le nord-ouest et le centre. Sur la côte est et dans le sud, la transmission est inexistante ou très faible, malgré la persistance de quelques foyers de petites tailles. Certains foyers très actifs sont par ailleurs découverts dans certaines petites oasis des zones désertiques du sud.
Même si le service antipaludique n’est plus autonome en 1956, les activités antipaludiques pouvaient être adaptées
au niveau d’endémicité des différents foyers et zones géographiques. Des campagnes de chimioprophylaxie utilisant l’amodiaquine se concentrent alors sur 11 secteurs à risque dans le nord du pays. Le dépistage des cas dans ces secteurs à risque tire profit du système mis en place au niveau national en 1957, à savoir des tournées effectuées chaque mois par les 279 agents de santé itinérants. Les activités de lutte antivectorielle se concentrent sur la lutte antilarvaire avec des insecticides (dieldrine) répandus par pulvérisation sur les plans d’eau deux fois par an et l’introduction de poissons larvivores dans les petites retenues. En 1956, le coût annuel de la lutte antilarvaire et des interventions de chimioprophylaxie est estimé à environ US$ 100 0004 (OMS, 1956). La mise en œuvre de ces actions a permis, les années suivantes, de stabiliser l’endémicité du paludisme à un niveau modeste avec, néanmoins, quelques épidémies de faible ampleur ici et là.
Le plan national d’éradication, élaboré avec l’OMS, devait débuter en 1959. Un Service National d’Éradication du Paludisme (SNEP) devait être mis en place et devait être encadré par cinq personnes au niveau national, avec quatre centres régionaux (Tunis, Béjà, Sousse et Gabès) pourvus chacun d’un laboratoire pour couvrir l’ensemble du pays.
L’OMS devait dépêcher quatre internationaux pour l’assistance technique et des campagnes annuelles de pulvérisation étaient prévues, chacune d’une durée de trois mois, pour couvrir au total 2,5 millions d’habitants.
Ces campagnes devaient impliquer 75 chefs d’équipes, 675 opérateurs, et 150 manœuvres encadrés par
24 moniteurs et 9 inspecteurs. Les dépenses de personnel correspondantes étaient estimées à environ US$ 12 000 par an. Le budget pour la première année incluait l’achat de 85 véhicules, 1 360 pulvérisateurs et 265 tonnes de DDT (Farinaud, 1958). Ce plan n’a pas pu être financé par le pays qui venait alors d’accéder à l’indépendance et où le paludisme n’apparaissait plus comme une menace prioritaire.
Il semble que l’épidémie commencée en 1964, avec un pic à près de 5 000 cas (en majorité des infections
4 Compte tenu de l’inflation, ce montant équivaut à environ US$ 870 000 en 2015.
12 Élimination du paludisme | Épidémiologie et activités programmatiques au fil des ans