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Utilisation

des formes non

pharmaceutiques d’ Artemisia

Programme mondial de lutte antipaludique

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Utilisation

des formes non

pharmaceutiques d’ Artemisia

Programme mondial de lutte antipaludique

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Utilisation des formes non pharmaceutiques d’Artemisia [The use of non-pharmaceutical forms of Artemisia]

WHO/CDS/GMP/2019.14

© Organisation mondiale de la Santé 2020

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Citation suggérée. Utilisation des formes non pharmaceutiques d’Artemisia [The use of non-pharmaceutical forms of Artemisia] : Organisation mondiale de la Santé ; 2020. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO.

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UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

Table des matières

Position de l’OMS quant à l’utilisation des formes

non pharmaceutiques d’Artemisia v Introduction 1 La découverte de l’artémisinine 1 L’artémisinine et ses dérivés 2

Développement des CTA 4

Résistance 5 Surveillance du traitement recommandé du paludisme

non compliqué 6

Utilisation des formes non pharmaceutique d’Artemisia

contre le paludisme 7

A. annua 7 Autres espèces d’Artemisia utilisées dans des remèdes

à base de plantes médicinales 9 Efficacité des formes non pharmaceutiques d’Artemisia

contre le paludisme 10

Références 16

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UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

POSITION DE L’OMS QUANT À L’UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

L’OMS ne justifie pas la promotion des matières végétales d’Artemisia ou leur utilisation sous une quelconque forme pour la prévention ou le traitement du paludisme.

Cette position est fondée sur les considérations suivantes :

• La composition des remèdes à base d’Artemisia prescrits pour le traitement et la prévention du paludisme varie grandement.

La composition et la qualité des remèdes à base d’Artemisia sont affectées par les variations dans la composition des matières végétales et de la méthode de préparation.

Plusieurs facteurs peuvent affecter la composition d’Artemisia, notamment la génétique, le moment de la récolte, la température, la disponibilité des nutriments et l’endroit de la plante où les feuilles sont prélevées. La composition des matières végétales varie en fonction du traitement, des procédés de séchage et des conditions de conservation. Il n’est pas possible de mettre en œuvre le niveau de contrôle de qualité nécessaire lors des étapes de culture, de récolte et d’après-récolte d’Artemisia dans le contexte d’une culture locale ou à petite échelle.

La méthode de préparation est aussi source de variation. La composition d’une infusion d’Artemisia est grandement influencée par des facteurs tels que la température et l’eau. Même lorsque le produit est conditionné sous forme de comprimé ou de gélule, la composition de ces derniers sera différente de celle du matériau source initial.

• La concentration des remèdes à base d’Artemisia est souvent insuffisante pour tuer la totalité des parasites du paludisme dans le sang d’un patient et prévenir leur recrudescence.

Pour obtenir des taux d’efficacité élevés, il est nécessaire d’administrer des concentrations suffisantes d’artémisinine qui doivent être absorbées en l’espace de sept jours. Les propriétés pharmacologiques de l’artémisinine sont telles que les doses administrées doivent être plus importantes à la fin du traitement qu’au début pour assurer les mêmes concentrations de ce principe actif dans le sang. Une durée de traitement trop courte ou des concentrations trop faibles d’artémisinine dans le sang entraînent soit l’échec de la clearance des parasites du sang soit des taux élevés de recrudescence. Artemisia annua contient des concentrations variables d’artémisinine. Les remèdes à base de plantes médicinales qui utilisent A. annua et contiennent une concentration élevée en artémisinine peuvent améliorer les symptômes, mais entraîneront vraisemblablement des taux de recrudescence élevés.

Les éléments de preuve disponibles n’étayent pas les déclarations selon lesquelles l’activité antipaludique d’autres composants de la plante ou une synergie entre l’artémisinine et d’autres composants augmenteraient sensiblement l’efficacité des formes non pharmaceutiques d’A. annua.

A. afra ne contient pas d’artémisinine ni d’autres composés identifiés comme ayant une activité antipaludique importante in vitro.

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• L’utilisation généralisée de remèdes à base d’A. annua pourrait accélérer le développement et la propagation de la résistance à l’artémisinine.

L’artémisinine et les dérivés d’artémisinine sont des composants essentiels des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) utilisées pour traiter des millions de personnes atteintes de paludisme. L’artésunate, un dérivé de l’artémisinine, est utilisé pour sauver la vie des personnes atteintes de paludisme sévère. Une résistance qui provoquerait la perte d’efficacité de ces médicaments serait désastreuse. En 2007, les États membres de l’OMS ont adopté la résolution WHA60.18 de l’Assemblée mondiale de la Santé appelant au retrait progressif des marchés des monothérapies à base d’artémisinine par voie orale et au déploiement des CTA pour les remplacer. Cette décision a été prise pour protéger les médicaments à base d’artémisinine contre la résistance.

Si la consommation d’A. annua se généralise, une éventuelle faible activité antipaludique d’autres composants d’A. annua ne suffirait pas à protéger l’artémisinine contre la résistance. Cette résistance a plus de probabilités de se développer et se propager lorsqu’une population de parasites est exposée à des niveaux infrathérapeutiques de l’antipaludique. La composition variable des remèdes à base d’A. annua implique que l’utilisation généralisée de ces remèdes pourrait signifier que de nombreuses personnes présentent de tels niveaux infrathérapeutiques d’artémisinine dans leur sang.

• Quelle que soit la forme, l’artémisinine n’est pas très efficace pour la prévention du paludisme.

Sa demi-vie d’élimination est courte, ce qui signifie qu’elle ne persiste que pendant une courte durée dans le sang à des concentrations thérapeutiques.

Par conséquent, l’artémisinine n’est pas préconisée pour une utilisation en chimioprophylaxie du paludisme sous quelque forme que ce soit.

• Des traitements abordables et efficaces contre le paludisme sont disponibles.

L’OMS recommande les CTA pour le traitement du paludisme non compliqué à P. falciparum. La résistance partielle à l’artémisinine et la résistance à quelques médicaments partenaires sont problématiques dans certaines parties de l’Asie du Sud-Est. Il existe cependant encore des traitements très efficaces susceptibles d’éliminer toutes les souches de paludisme. Toutes les personnes atteintes de paludisme doivent avoir accès à ces CTA. Les pays devraient renforcer leurs systèmes de réglementation pour protéger les patients contre les traitements contrefaits et non conformes qui englobent tous les produits sensés traiter le paludisme et ne fournissent pas les informations nécessaires sur leur composition, leur qualité, leur innocuité et leur efficacité.

Les médicaments à base de plantes médicinales ont constitué une source importante pour la découverte d’antipaludiques. Il n’est pas à exclure que des composés antipaludiques futurs soient aussi découverts grâce à des recherches portant sur les traitements à base de plantes médicinales utilisés dans le passé. Cependant, toute recherche médicale portant sur des humains se doit de respecter des principes déontologiques et doit être approuvée par les comités d’éthique locaux. Le bien-être du sujet de recherche doit prévaloir sur tous les autres intérêts. La recherche médicale impliquant des êtres humains doit respecter les principes scientifiques généralement admis et se fonder sur une

connaissance approfondie de la littérature scientifique, d’autres sources d’information pertinentes et une expérimentation adéquate en laboratoire.*

* Déclaration d’Helsinki de l’AMM : principes éthiques applicables à la recherche médicale impliquant des êtres humains. Ferney-Voltaire : Association médicale mondiale ; 2018 (https://www.wma.net/fr/

policies-post/declaration-dhelsinki-de-lamm-principes-ethiques-applicables-a-la-recherche-medicale- impliquant-des-etres-humains/, consulté le 1er août 2019)

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UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

INTRODUCTION

La recherche sur les remèdes à base de plantes médicinales utilisés par le passé a permis de découvrir des traitements antipaludiques qui ont sauvé des millions de vies. L’écorce en poudre d’arbre à quinquina était utilisée pour traiter le paludisme, initialement en Amérique du Sud et par la suite, dans le monde entier. La quinine a d’abord été isolée de l’écorce de l’arbre à quinquina en 1820, et il a rapidement été démontré que la puissance du composé pur était supérieure à celle des tisanes faites à partir de l’écorce. Lorsque le composé pur est devenu disponible, il a été possible d’établir un dosage adéquat : c’est ainsi qu’est né le premier agent chimiothérapeutique moderne contre le paludisme (1, 2).

Actuellement, les traitements antipaludiques les plus couramment utilisés, à savoir les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA), sont produits à partir du composé artémisinine pur extrait de la plante Artemisia annua. Il existe encore des CTA disponibles, capables de traiter l’ensemble des souches de paludisme, malgré une résistance partielle à l’artémisinine en Asie du Sud-Est et une résistance aux médicaments partenaires utilisés dans les CTA. Cependant, dans les pays où le paludisme est endémique, les CTA ne sont pas toujours disponibles, sont très chers ou de qualité non conforme. Ce sont ces difficultés qui sont invoquées en partie pour promouvoir les matières végétales d’Artemisia en tant que médicaments abordables et autonomes contre le paludisme.

Les remèdes traditionnels à base de plantes médicinales présentent certaines limites, en particulier lorsqu’ils sont utilisés pour traiter des maladies potentiellement mortelles comme le paludisme. Les principales limites sont en lien avec la standardisation de la culture des plantes et la préparation des formulations, les dosages, l’assurance qualité et les éléments de preuve quant à l’innocuité et l’efficacité cliniques. Le présent document a pour objet d’examiner les éléments de preuve relatifs à l’efficacité des formes non pharmaceutiques d’Artemisia et de débattre des limites de ces remèdes à base de plantes médicinales.

LA DÉCOUVERTE DE L’ARTÉMISININE

La recherche de nouveaux médicaments antipaludiques a été motivée par la propagation de la résistance aux médicaments antipaludiques les plus couramment utilisés. On a commencé à utiliser la chloroquine en 1934, mais il a fallu attendre les années 1950 pour que son utilisation se généralise. La résistance à la chloroquine est apparue en 1957 en deux endroits différents : en Amérique du Sud et le long de la frontière qui sépare le Cambodge de la Thaïlande. La résistance s’est propagée depuis les zones longeant cette frontière vers l’ensemble de l’Asie du Sud-Est (3).

Pendant la guerre entre le Viet Nam et les États-Unis, le gouvernement vietnamien a demandé de l’aide à la Chine pour la prise en charge du paludisme résistant aux médicaments à base de chloroquine qui touchait ses forces militaires (4).

En 1967, la Chine a lancé le projet 523, dont le but était de trouver de nouveaux médicaments contre le paludisme. Le projet impliquait 60 organismes de recherche et plus de 500 scientifiques (5). Dans le cadre de ce projet, les scientifiques chinois ont examiné d’anciens textes de médecine, analysé plus de 2 000 formulations et testé des extraits de plus de 100 plantes sur les parasites du paludisme chez les rongeurs, à savoir Plasmodium berghei. La plante A. annua était citée dans plusieurs des formulations et les premiers extraits d’A. annua ont démontré une

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activité antipaludique. Cependant, cette activité était très variable et les résultats n’étaient pas satisfaisants. Une formulation datant de 341 ans apr. J.-C. pour traiter la fièvre prescrivait le jus d’A. annua produit avec de l’eau froide et non par la méthode traditionnelle de la décoction. Aucun élément de preuve n’atteste que les Chinois utilisaient A. annua sous forme de tisane. Le professeur Tu Youyou, qui a reçu le prix Nobel de médecine en 2015 pour sa découverte de l’artémisinine, a pris conscience que les températures élevées pourraient entraîner l’instabilité de l’activité antipaludique et a suggéré que c’étaient probablement les feuilles de la plante qui présentaient l’activité la plus forte. S’appuyant sur ce résultat, les chercheurs chinois ont produit un extrait utilisant un procédé à faible température avec de l’éther. Cet extrait a été très efficace contre le paludisme chez les rongeurs et les singes. Les résultats ont motivé des efforts dans l’ensemble du pays impliquant un grand nombre de chercheurs de plusieurs institutions. Le but consistait à extraire de grandes quantités de l’ingrédient pur et de déterminer sa structure chimique et en faire la synthèse.

L’antipaludique actif a été identifié en 1972 et appelé qinghaosu (ou artémisinine en français) (6).

Les essais cliniques, qui ont démarré en 1972, ont confirmé une forte activité antipaludique de l’artémisinine aussi bien contre le paludisme non compliqué que contre le paludisme sévère. Les résultats ont été publiés en 1979 (5, 7). Malgré les progrès récents accomplis dans la production de l’artémisinine semi-synthétique, utilisant une extraction par une levure, A. annua reste la principale source du médicament (8).

L’ARTÉMISININE ET SES DÉRIVÉS

L’artémisinine a été identifiée comme une sesquiterpène lactone portant un groupe peroxyde. Elle est essentiellement insoluble dans l’eau et dans l’huile. Ceci, de pair avec les taux de recrudescence élevés observés, a motivé les scientifiques chinois à mener d’autres recherches pour développer des dérivés de l’artémisinine. Ils ont trouvé que le groupe peroxy dans l’artémisinine jouait un rôle important dans l’activité antipaludique et devait être conservé dans les dérivés pour préserver l’effet antipaludique. Un traitement de l’artémisinine avec du borohydrure de sodium produisait de la dihydroartémisinine qui s’avérait être un antipaludique bien plus puissant que l’artémisinine. La dihydroartémisinine a constitué le fondement pour le développement de dérivés solubles dans l’huile et dans l’eau. Parmi les dérivés développés à partir de la dihydroartémisinine, les chercheurs chinois ont sélectionné deux composés pour des essais à plus grande échelle fondés sur leur stabilité et leur efficacité antipaludique : l’artéméther soluble dans l’huile et l’artésunate soluble dans l’eau (9–11).

Pharmacocinétique et métabolisme

Plusieurs préparations et voies d’administration de l’artémisinine ont été testées. Même si l’artémisinine n’est soluble ni dans l’huile ni dans l’eau, les premiers essais ont inclus l’administration de l’artémisinine en suspension dans de l’huile ou de l’eau, en plus des voies d’administration rectale et orale. Les chercheurs chinois et d’autres ont utilisé une dose de 10 mg/kg d’artémisinine par jour, avec la possibilité d’une dose d’attaque de 20 mg/kg le premier jour (12). À la différence de l’artésunate et de l’artéméther, l’artémisinine n’est pas métabolisée en dihydroartémisinine, mais agit en tant

qu’antipaludique primaire. L’artémisinine est principalement convertie en métabolites inactifs, comme la désoxyartémisinine et la dihydrodésoxyartémisinine (13, 14).

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UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

La demi-vie d’élimination de l’artémisinine est d’environ trois heures (15, 16). Après l’administration du médicament, l’exposition totale au médicament dans le temps dépend à la fois de l’absorption du médicament et de la vitesse d’élimination. Une absorption rapide, mais incomplète a été observée dans le cas de l’artémisinine.

Une première étude a démontré une biodisponibilité relative de 32 % si l’on compare l’administration orale de l’artémisinine à l’administration en intramusculaire

d’artémisinine en suspension dans de l’huile (17). Plusieurs médicaments à base

d’artémisinine sont des inducteurs d’enzymes qui métabolisent des enzymes ayant pour effet d’augmenter la clairance du médicament et conduisant à une diminution de la concentration plasmatique après un dosage répété (18). Des études ont montré que l’artémisinine a un effet auto-inductif d’une ampleur exceptionnelle sur le métabolisme du médicament (19). L’artéméther subit aussi une auto-induction, mais dans une moindre mesure que l’artémisinine (20, 21). L’auto-induction de l’artémisinine entraîne une diminution sept fois plus importante de sa concentration plasmatique sur une période de cinq à sept jours d’administration (19).

La capacité d’induction globale d’un médicament dépend de l’effet combiné du médicament d’origine et de ses métabolites. À la différence de l’artéméther, l’artémisinine est métabolisée pour former au moins un métabolite inducteur, la

désoxyartémisinine. Cela permet d’expliquer pourquoi l’auto-induction persiste pendant plusieurs jours après l’administration d’une dose unique d’artémisinine, malgré la courte demi-vie d’élimination de cette substance (14, 18, 19, 21–23). De ce fait, en cas d’administration répétée d’artémisinine, la dose doit être augmentée pour obtenir les mêmes concentrations plasmatiques. Dans le cas contraire, l’administration répétée de la dose peut entraîner des concentrations infrathérapeutiques du médicament.

Efficacité

La puissance de l’artémisinine et de ses dérivés a été évaluée dans plusieurs expériences in vitro avec différentes souches de P. falciparum. Pour déterminer la concentration de médicament nécessaire pour inhiber 50 % de l’activité du parasite, on a trouvé que la CI50 de l’artémisinine était de deux à cinq fois moins puissante que celle de ses dérivés, à savoir dihydroartémisinine, artésunate et artéméther (24, 25).

En conséquence, il est nécessaire d’administrer des doses plus élevées d’artémisinine pour obtenir la même activité antipaludique.

L’efficacité du médicament in vivo est évaluée par rapport à la proportion de patients chez qui l’infection réapparaît au cours d’une période définie et, dans une moindre mesure, la vitesse à laquelle les symptômes disparaissent et la parasitémie diminue. L’artémisinine et ses dérivés agissent sur un éventail plus large de phases asexuées des parasites que d’autres antipaludiques. De ce fait, l’artémisinine et ses dérivés peuvent rapidement diminuer la parasitémie et obtenir une réponse clinique rapide. Cependant, déjà les études chinoises les plus anciennes ont montré que si l’artémisinine est administrée par voie orale pendant trois jours seulement, une grande proportion des patients présenteront une récidive de la parasitémie en l’espace de 28 jours. Pour éviter cette récidive, il est nécessaire d’administrer l’artémisinine ou l’un de ses dérivés sous forme de monothérapie pendant une période de sept jours (7, 26).

Cependant, dans la pratique, la réponse clinique rapide signifie que les patients se sentent bien après quelques jours de traitement, ce qui diminue l’adhésion à la durée totale de sept jours.

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DÉVELOPPEMENT DES CTA

Les avantages et les inconvénients de l’artémisinine et de ses dérivés ont été clairs dès les premiers essais cliniques. Les médicaments sont bien tolérés et agissent

rapidement. Ils réduisent rapidement le nombre de parasites dans le sang. Cependant, les concentrations plasmatiques efficaces du médicament ne sont maintenues que pendant une courte période après l’administration du médicament, et des traitements par voie orale de courte durée entraînent des taux élevés de recrudescence. En se fondant sur ces résultats, l’idée visant à combiner un dérivé de l’artémisinine avec un médicament partenaire dont la demi-vie est plus longue a rapidement vu le jour. Les CTA profitent de l’action rapide des dérivés de l’artémisinine, tandis que le médicament partenaire aide à prévenir la recrudescence, même après une courte durée de

traitement de trois jours (27).

Les dérivés suivants de l’artémisinine sont utilisés dans les CTA actuellement préconisés par l’OMS pour le traitement du paludisme non compliqué à P. falciparum (voir l’encadré 1 pour les recommandations) :

• artéméther (dans la combinaison artéméther-luméfantrine),

• l’artésunate (dans les combinaisons artésunate-amodiaquine, artésunate- méfloquine, artésunate-sulfadoxine-pyriméthamine, et artésunate- pyronaridine*), et

• dihydroartémisinine (dans la combinaison dihydroartémisinine-pipéraquine) (20).

Les médicaments à base d’artémisinine sont difficiles à fabriquer et à coformuler avec d’autres composés. Ils sont très sensibles à la dégradation à des températures et des humidités élevées. L’industrie pharmaceutique a contribué à l’amélioration de la qualité des médicaments antipaludiques en faisant en sorte que les préparations, la fabrication et la conservation respectent les bonnes pratiques de fabrication (BPF) et les bonnes pratiques de laboratoire (BPL). Le programme de préqualification de l’OMS (OMS/

PQP) évalue la qualité de produits pharmaceutiques spécifiques après un examen des dossiers de produit soumis par le fabricant et une inspection du site de fabrication.

ENCADRÉ 1.

RECOMMANDATIONS DE L’OMS POUR LE TRAITEMENT DU PALUDISME Recommandations de l’OMS

L’OMS recommande les CTA pour le traitement en première et deuxième intention du paludisme non compliqué à P. falciparum, ainsi que pour le traitement du paludisme à P. vivax résistant à la chloroquine. Actuellement, cinq CTA différentes sont préconisées par l’OMS (20). Dans les régions où d’autres CTA n’ont pas l’effet escompté, l’utilisation de la combinaison artésunate- amodiaquine, nouvelle CTA ayant reçu un avis scientifique favorable de la part de l’Agence européenne des médicaments, est à envisager. Dans le cas du paludisme sévère, l’OMS recommande l’artésunate injectable ou l’artéméther injectable lorsque l’artésunate n’est pas disponible. Le traitement par artésunate ou artéméther injectable doit être suivi d’un traitement sur trois jours pleins par une CTA après l’administration parentérale du traitement pendant au moins 24 heures et lorsque l’administration par voie orale est bien tolérée.

* Actuellement recommandée pour une utilisation exclusive dans des régions où l’on observe une multirésistance aux médicaments et où il existe peu de traitements alternatifs

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UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

RÉSISTANCE

Un échec du traitement survient quand celui-ci ne parvient pas à éliminer les parasites du sang du patient ou à prévenir leur recrudescence. La résistance au médicament est une cause possible de l’échec du traitement, mais d’autres facteurs peuvent aussi contribuer à cet échec, notamment un dosage inadéquat, un mauvais respect du traitement par le patient, une mauvaise qualité du médicament et des interactions médicamenteuses (pour les définitions, voir l’encadré 2).

La résistance au médicament est le résultat de changements génétiques qui se

produisent de manière aléatoire. Si un trait génétique confère au parasite un avantage en termes de survie lorsqu’il est exposé à un médicament, ce trait génétique peut être sélectionné sous la pression du médicament. Pour certains médicaments, un seul événement génétique peut suffire ; dans d’autres cas, plusieurs événements indépendants sont nécessaires (28). La sélection d’un trait génétique qui procure un avantage en termes de survie est plus probable lorsque la population de parasites est exposée à des niveaux infrathérapeutiques d’un médicament antipaludique (29).

La perte d’autres médicaments et la dépendance vis-à-vis des dérivés de l’artémisinine pour le traitement de millions de personnes atteintes de paludisme à P. falciparum chaque année a soulevé des inquiétudes considérables concernant l’émergence possible d’une résistance à l’artémisinine et à ses dérivés. Le développement de CTA associant un dérivé de l’artémisinine à un médicament partenaire permet de s’assurer que les parasites ne sont pas exposés à des doses thérapeutiques ou infrathérapeutiques de la seule artémisinine. Cependant, l’utilisation généralisée de différentes formes de monothérapies à base d’artémisinine par voie orale (MAo) continue de représenter une menace pour l’artémisinine et ses dérivés. Les risques des MAo sont accrus du fait que de nombreux patients interrompent prématurément leur traitement. En conséquence, en 2007, les États membres de l’OMS ont adopté la résolution WHA60.18 de l’Assemblée mondiale de la Santé appelant au retrait progressif des MAo des marchés et au déploiement des CTA pour les remplacer (30).

On n’a pas encore décelé dans le monde de résistance complète à l’artémisinine et à ses dérivés. Dans la sous-région du Bassin du Mékong, on a observé un décalage de la clearance parasitaire après le traitement, ce qui fait qu’un nombre plus important de patients présentent encore des parasites dans le sang le troisième jour après le début d’un traitement par MAo ou CTA. Ce retard dans la disparition des parasites est appelé résistance partielle à l’artémisinine. Cependant, si la monothérapie est administrée aux bonnes doses pendant sept jours ou si le médicament partenaire de la CTA est efficace, les parasites disparaîtront et le patient guérira. On a trouvé que les changements dans le délai de disparation étaient associés à plusieurs mutations génétiques dans la région du gène PfKelch13 (K13) codant le domaine en hélice (31).

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ENCADRÉ 2.

DÉFINITION DE LA RÉSISTANCE

Échec du traitement : incapacité à éliminer les parasites du sang d’un patient ou de prévenir une recrudescence après l’administration d’un médicament antipaludique. De nombreux facteurs contribuent à l’échec du traitement, notamment un dosage inadéquat, un mauvais respect du traitement de la part du patient, une mauvaise qualité du médicament, des interactions médicamenteuses et la résistance.

Résistance au médicament antipaludique : capacité d’une souche de parasites à survivre et/ou à se multiplier malgré l’administration et l’absorption d’un médicament administré à des doses supérieures ou égales à celle habituellement recommandée, mais dans les limites de la tolérance du sujet.

Multirésistance aux médicaments (MR) : résistance à plus de deux composés antipaludiques de différentes classes chimiques. Ce terme fait généralement référence à la résistance de P. falciparum à la chloroquine, à la combinaison sulfadoxine-pyriméthamine et à un troisième composé antipaludique.

Résistance partielle à l’artémisinine : retard de la disparition des parasites après un traitement par une monothérapie à l’artésunate ou avec une CTA.

SURVEILLANCE DU TRAITEMENT RECOMMANDÉ DU PALUDISME NON COMPLIQUÉ

Les recommandations pour le traitement en première et deuxième intention de patients atteints de paludisme doivent être fondées sur des informations à jour sur l’efficacité des médicaments. Des tests d’efficacité thérapeutique (TET) réalisés à intervalles réguliers sur les mêmes sites permettent de déceler précocement des changements dans la sensibilité des parasites et de revoir rapidement les politiques de traitement du paludisme. Les TET sont réalisés conformément à un protocole standard dans lequel l’administration du médicament est suivie, les résultats des examens microscopiques des étalements de sang sont validés et l’origine et la qualité des médicaments sont vérifiées. Les résultats thérapeutiques sont évalués le dernier jour de l’étude (jour 28 ou 42) (32). Les TET peuvent être complétés par une surveillance des modifications génétiques liées à la résistance.

Certains pays préconisent une seule CTA pour un traitement en première intention, alors que d’autres en préconisent plusieurs. Les combinaisons artéméther-luméfantrine ou artésunate-amodiaquine sont les traitements en première intention utilisés dans la plupart des pays africains pour le traitement du paludisme non compliqué à

P. falciparum. Certains pays admettent aussi en première intention un traitement par la combinaison dihydroartémisinine-pipéraquine.

Les TET ont démontré que l’efficacité des CTA testées était généralement très élevée.

De 2010 à 2017, les TET utilisant les combinaisons artéméther-luméfantrine, artésunate- amodiaquine, et dihydroartémisinine-pipéraquine ont obtenu des taux d’efficacité moyens de 98,1 %, 98,5 % et 99,3 %, respectivement. On a identifié quelques cas particuliers d’études démontrant des taux d’échec supérieurs. Cependant, lorsque ces études ont été répétées, elles n’ont pas donné lieu à des taux d’échec similaires (33).

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UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

UTILISATION NON PHARMACEUTIQUE D’ARTEMISIA CONTRE LE PALUDISME

Artemisia est un genre vaste et divers de plantes qui rassemble près de 400 espèces.

Les quantités les plus élevées d’artémisinine ont été trouvées dans A. annua, mais A. apiacea et A. lancea en présentent aussi de moindres quantités. Certains chercheurs pensent que ce n’est pas l’espèce A. annua mais l’espèce A. apiacea qui a été utilisée en Chine il y a 2 000 ans (34). A. afra est une espèce d’Artemisia qui ne contient pas d’artémisinine, mais qui a été proposée pour traiter le paludisme.

La présentation ci-dessous s’intéresse principalement à A. annua puis à A. afra, car ce sont les espèces d’Artemisia pour lesquelles le volume d’informations disponibles est le plus important. Ce sont aussi les espèces qui sont le plus préconisées pour un traitement possible du paludisme.

A. ANNUA

A. annua tire son nom du fait qu’il s’agit du seul membre du genre à présenter un cycle annuel. Cette plante est originaire de l’Asie, mais elle pousse désormais dans de nombreux pays, notamment en Afrique, en Europe et en Afrique du Sud. Même si A. annua est issue de climats tempérés, elle a été cultivée dans des régions tropicales et subtropicales (35).

Culture et transformation d’A. annua

La quantité d’artémisinine trouvée est variable. Des concentrations allant de 0,02 % à 1,07 % ont été signalées dans les feuilles séchées d’échantillons sauvages. Des hybrides ont été cultivés avec une concentration en artémisinine de 1,38 % dans les feuilles séchées. Des expériences ont permis d’atteindre des concentrations jusqu’à 2 %. Outre la génétique, de nombreux facteurs influent sur la concentration en artémisinine, notamment le moment de la récolte, la température, la disponibilité en nutriments et l’endroit de la plante d’où les feuilles sont prélevées (36).

Le traitement, les procédés de séchage et les conditions de conservation influent aussi sur la concentration en artémisinine. Une teneur en humidité trop élevée des feuilles peut entraîner la présence de moisissures, de levures et de bactéries. Pendant la conservation, l’humidité relative et la température de l’air peuvent avoir un effet important sur la stabilité de l’artémisinine. Même à 20 °C, une humidité relative de l’air de 85 % entraînera une dégradation de l’artémisinine après six mois de conservation.

Indépendamment de l’humidité, une conservation à plus de 40 °C entraînera une perte de la concentration en artémisinine (37).

A. annua contient, en plus de l’artémisinine, de nombreux composés de différentes classes chimiques, notamment des terpènes, des flavonoïdes et des acides

phénoliques (38, 39). On dispose de peu d’informations sur les effets de la culture, de la récolte, du séchage, de la conservation et des procédés de préparation sur les quantités des autres composés chimiques présents dans A. annua (38). Cependant, l’on sait que la concentration des autres composés est fonction de l’endroit où la plante est cultivée et de la souche utilisée.

L’OMS a élaboré des directives sur les bonnes pratiques agricoles et les bonnes pratiques de récolte (BPAR) relatives aux plantes médicinales (40), y compris des directives spécifiques pour A. annua L. (41). Même si l’idée de cultures locales ou à

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petite échelle d’Artemisia comme source pour un traitement contre le paludisme est intéressante, les pratiques et les procédures permettant d’assurer que les éléments utilisés présentent la concentration attendue sont difficiles à établir et à maintenir.

Ces pratiques sont généralement impossibles à mettre en œuvre dans le contexte d’une culture à petite échelle. Si l’on compare les cultures à grande et à petite échelle, on observe une perte moyenne de 0,3 % de la concentration en artémisinine. De ce fait, la concentration et la qualité des matières végétales d’Artemisia préconisées pour une utilisation en tant que remèdes à base de plantes médicinales pour le traitement et la prévention du paludisme varient sensiblement.

Méthodes de préparation des remèdes à base d’A. annua

Différentes méthodes de préparation ont été proposées pour les matières végétales d’A. annua. Elles incluent la préparation de jus à partir de l’ensemble de la plante à l’état frais ou la préparation d’une tisane à partir des feuilles séchées. Récemment, des chercheurs ont suggéré de remplacer la tisane par l’ingestion de feuilles sèches en poudre pour une utilisation thérapeutique. Les feuilles en poudre sont soit

intégrées dans des gélules de cellulose ou de gélatine soit compressées pour former des comprimés (38, 42–45).

Dans le texte ancien de la Materia Medica chinoise, la méthode prescrite consistait à faire macérer dans de l’eau la plante (feuilles et tige) à l’état frais, puis à l’essorer pour en ingérer le jus. Dans des références chinoises ultérieures, une autre méthode consistait à faire macérer la plante dans de l’urine à la place de l’eau ou à broyer la plante à l’état frais pour produire un jus (34, 46).

Ceux qui préconisent la tisane à base d’artémisinine suggèrent généralement d’ajouter 1 L d’eau bouillante à 5 g de feuilles séchées, et de laisser le mélange refroidir pendant 15 minutes avant de le filtrer. La recommandation la plus fréquente est de boire 1 L de cette tisane en l’espace de 24 heures, pendant sept jours de suite (https://maison-artemisia.org) (47). Certaines personnes vont jusqu’à suggérer une administration de la tisane par voie rectale sous forme de lavement chez des patients inconscients (https://anamed.org/en/). D’autres méthodes de préparation testées pour obtenir la tisane prévoient d’ajouter 9 g au lieu de 5 g de feuilles séchées par litre d’eau, de laisser les feuilles macérer pendant plus ou moins 15 minutes avant de les filtrer, d’agiter la tisane de manière répétée pendant qu’elle refroidit, ou d’extraire l’eau des feuilles après la filtration. Une autre méthode consiste à, au lieu d’ajouter de l’eau bouillante aux feuilles séchées, d’ajouter les feuilles dans l’eau, de chauffer le mélange jusqu’au point d’ébullition et de faire bouillir pendant un certain temps avant de filtrer (47–51).

Teneur des remèdes à base d’A. annua

La méthode de préparation influe sur la quantité d’artémisinine et d’autres composés chimiques qui seront administrés et absorbés. Peu de recherches ont porté sur les méthodes traditionnelles consistant à faire tremper dans de l’eau l’ensemble de la plante à l’état frais, puis de l’essorer et la broyer. Une étude utilisant une plante hybride d’A. annua a trouvé que le jus résultant du broyage contenait jusqu’à 20 fois plus d’artémisinine par litre que la tisane réalisée à partir de feuilles séchées du même hybride (46). Aucune information n’est disponible quant à la vitesse à laquelle le contenu se dégrade dans le jus.

Différentes études ont examiné les efficacités d’extraction de l’artémisinine lors de la préparation de la tisane à base d’artémisinine. Van der Kooy et Verpoorte (49) ont trouvé une efficacité d’extraction de 26,1 % lorsque de l’eau bouillante était ajoutée à

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UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

9 g de feuilles séchées et les feuilles macéraient dans l’eau pendant 10 minutes. Cette approche a permis d’obtenir des concentrations d’artémisinine de 23,9 ± 5,1 mg/L.

Lorsque Räth et al. (52) ont utilisé une méthode similaire, la macération de 9 g de feuilles séchées pendant 10 minutes, mais en agitant brièvement le mélange et en essorant les feuilles après la filtration, l’efficacité d’extraction a atteint 76 %. Leur méthode a permis d’obtenir des concentrations d’artémisinine de 94,5 mg/L. Van der Kooy et Verpoorte (49) ont pu augmenter l’efficacité de l’extraction en faisant bouillir le mélange pendant deux à cinq minutes ; le fait de bouillir le mélange pendant 10 minutes a réduit l’efficacité de l’extraction. Dans l’ensemble, les études effectuées dans des conditions contrôlées utilisant 5 ou 9 g d’hybride d’A. annua ont trouvé que la concentration en artémisinine de la tisane variait de 8,36 mg à 117,2 mg par litre de tisane, en fonction de la méthode et de la matière végétale utilisées. Seulement dans l’une des études examinées, la concentration en artémisinine a dépassé 100 mg d’artémisinine par litre, ce qui équivaut à la dose quotidienne d’artémisinine qui serait administrée à un enfant pesant 10 kg (51, 53, 54).

La faible concentration en artémisinine des extractions de jus, des tisanes et des infusions de matières végétales ont mené Elfawal et al. (44) à souligner que :

« L’OMS a mis en garde contre l’utilisation de sources non pharmaceutiques

d’artémisinine, car le fait d’administrer des doses infrathérapeutiques est susceptible d’aggraver le problème de résistance. Cette mise en garde est pertinente étant donné la faible teneur en artémisinine des extractions de jus, des tisanes et des infusions de matières végétales utilisées dans la plupart des traitements non pharmaceutiques à base de plantes. » Les auteurs ont ensuite défendu la consommation de feuilles séchées.

Quelques auteurs ont proposé que la faible solubilité de l’artémisinine dans l’eau peut être surmontée par la présence de composants de la plante présentant des propriétés amphiphiles (48). D’autres auteurs ont conclu que d’autres composants de la plante peuvent diminuer la solubilité de l’artémisinine (52). Des études de stabilité montrent que lorsque l’artémisinine est présente dans la tisane, elle ne se dégrade pas à température ambiante pendant 24 heures (49). Aucune information n’est disponible quant à l’effet du type d’eau (eau de pluie, eau de rivière ou eau du robinet) sur l’extraction et la stabilité de l’artémisinine (53).

Seule une partie de l’ensemble des composés présents dans les matières végétales d’A. annua a été identifiée dans les extractions à l’eau froide et les tisanes. Van der Kooy et Sullivan (53) ont signalé que plus 600 métabolites secondaires différents avaient été identifiés dans A. annua, mais seulement 37 composés dans les extractions à l’eau froide et les tisanes. Il s’agit principalement de terpènes, de phénols, d’acétylènes, de coumarines et de flavonoïdes (53). On a montré que même la préparation de gélules et de comprimés à partir de feuilles séchées altère la composition. Par conséquent, il ne peut pas être présumé que les composés présents dans des comprimés ou des gélules sont les mêmes que ceux présents dans les feuilles séchées qui ont servi à leur préparation (42).

AUTRES ESPÈCES D’ARTEMISIA UTILISÉES DANS DES REMÈDES À BASE DE PLANTES MÉDICINALES

L’espèce A. afra pousse dans l’ensemble des parties méridionales et orientales de l’Afrique et est utilisée en médecine traditionnelle pour traiter plusieurs maladies allant de l’asthme aux rhumatismes en passant par le paludisme. Il s’agit d’un buisson ligneux pérenne pouvant atteindre 2 m de haut. Il est utilisé sous différentes formes,

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notamment en tant qu’infusion dans laquelle des feuilles fraîches sont ajoutées à une tasse d’eau bouillante et laissées macérer pendant 10 minutes avant filtration.

Une grande variété de composés chimiques a été identifiée chez A. afra tant dans une même région géographique que d’une région géographique à l’autre. Une grande variabilité a également été trouvée entre les populations cultivées et les populations sauvages. A. afra ne contient pas d’artémisinine, mais des terpènes qui incluent des sesquiterpènes lactones et plusieurs autres composés dont des flavonoïdes. Des inquiétudes ont été émises quant à la possible cardio- et neurotoxicité de certains composés (55).

EFFICACITÉ DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA CONTRE LE PALUDISME

Pour guérir le paludisme, il est nécessaire d’administrer au patient une dose efficace du médicament antipaludique. L’effet variable de la méthode de préparation sur la composition du remède final signifie que même lorsqu’il est possible de fournir des matières végétales d’Artemisia de qualité constante et acceptable, la dose fournie d’artémisinine et d’autres composés varie sensiblement. Les CTA recommandées par l’OMS pour le traitement du paludisme non compliqué à P. falciparum ne contiennent pas d’artémisinine, mais les dérivés artésunate, artéméther et dihydroartémisinine qui sont plus puissants. Étant donné que l’artémisinine a un effet auto-inductif, en cas d’administration répétée, il faut augmenter la dose d’artémisinine pour obtenir les mêmes concentrations plasmatiques chez les patients. Ainsi, l’administration de formes non pharmaceutiques d’A. annua pourrait éventuellement entraîner des doses infrathérapeutiques d’artémisinine en raison à la fois d’une variabilité de la concentration en artémisinine des remèdes et de la pharmacocinétique de l’artémisinine.

Ceux qui encouragent l’utilisation d’A. annua ont proposé que d’autres composés chimiques présents dans la plante amélioraient l’efficacité par rapport à

l’administration du composé artémisinine pur. Il est suggéré que les activités antipaludiques d’autres composés de la plante font que la plante agit comme une polythérapie, ou que certains composés peuvent améliorer l’efficacité ou la biodisponibilité de l’artémisinine.

Comparant l’efficacité in vitro de l’artémisinine et de l’extrait d’A. annua, certains chercheurs ont conclu que l’activité in vitro ne peut résulter uniquement de la

concentration en artémisinine (56, 57). Cependant, plusieurs autres études ont trouvé que l’efficacité in vitro de la tisane est bien corrélée à la teneur en artémisinine des différents extraits testés (54, 58). Wright et al. (46) ont testé l’activité antipaludique du jus d’A. annua in vitro et chez la souris et ont trouvé que l’efficacité du jus correspondait à la concentration en artémisinine des jus testés.

Il est démontré que plusieurs des autres composés présents dans A. annua ont une faible activité antipaludique contre P. falciparum, mais que les concentrations nécessaires sont plus élevées que dans le cas de l’artémisinine (51). Pour qu’un composé soit considéré comme ayant une forte activité antipaludique, il doit présenter une CI50 de l’ordre de plusieurs nanogrammes par ml. Mouton et al. (54) ont trouvé que la CI50 de l’artémisinine était de 5,48 ± 1,54 ng/ml. D’autres composés présents dans la tisane d’artémisinine, comme les terpènes, les acides phénoliques et les flavonoïdes, présentent une CI50 mesurée en microgrammes par ml, ce qui signifie que la concentration

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UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

nécessaire doit être de 1 000 à 10 000 fois supérieure à celle de l’artémisinine – concentration qui est incompatible avec une efficacité thérapeutique (51, 59).

On a attribué l’efficacité des formes non pharmaceutiques d’artémisinine à une synergie entre l’artémisinine et d’autres composants plutôt qu’à l’effet antipaludique de ces autres composants. Testant l’effet synergique des différents composants, Liu et al. (60) ont trouvé que le fait d‘ajouter cinq différents flavonoïdes à des concentrations trop faibles pour que les flavonoïdes à eux seuls puissent avoir un effet (5 µM/L) a réduit la CI50 de l’artémisinine de 9 % à 55 %. Testant les différents composés à des concentrations supérieures, Suberu et al. (51) ont trouvé que certains composés étaient antagonistes (y compris la casticine), d’autres pouvaient avoir une activité additive et d’autres une action synergique. Weathers et Towler (61) ont confirmé la présence de flavonoïdes comme la casticine et l’artémétine dans la tisane d’A. annua, mais ont stipulé que l’efficacité d’extraction de ces flavonoïdes était trop faible. Ils ont donc écarté l’effet synergique. La faible efficacité d’extraction des flavonoïdes et leur rapide dégradation dans la tisane ont mené certains chercheurs à proposer l’administration de l’ensemble des éléments de la plante au lieu d’un extrait (61).

Une récente étude in vitro de Czechowski et al. (62) s’est concentrée sur l’effet potentiel des flavonoïdes. L’étude a comparé les extraits de trois souches d’A. annua : l’une de type sauvage, une autre avec une mutation inhibant la biosynthèse de flavonoïdes, mais pas de l’artémisinine, et finalement une dernière avec des mutations nuisant grandement à la production de l’artémisinine, mais pas à la biosynthèse des flavonoïdes. La comparaison de l’efficacité des extraits d’A. annua avec ou sans flavonoïdes n’a montré aucune différence significative, indiquant que les flavonoïdes ne contribuaient pas à l’activité antipaludique. Pour étudier une éventuelle activité antiplasmodique de composés non liés à l’artémisinine présents dans A. annua, les chercheurs ont testé des extraits d’A. annua dépourvus d’artémisinine. Les extraits de plante utilisés qui présentaient la concentration la plus élevée en flavonoïdes ont démontré une activité antiplasmodique nulle ou très faible. Les auteurs en ont conclu que la bioactivité in vitro des flavonoïdes contre P. falciparum était négligeable par rapport à celle de l’artémisinine.

S’intéressant à la biodisponibilité, une étude sur la souris de Weathers et al. (43) a trouvé que l’artémisinine présentait une biodisponibilité plus élevée lors de l’utilisation de feuilles séchées des différentes parties de la plante. Cependant, lors de l’étude sur la biodisponibilité de l’artémisinine dans la tisane chez des hommes sains, Räth et al.

(52) ont abouti à des résultats différents. Dans cette étude, les auteurs ont trouvé que la biodisponibilité de l’artémisinine dans la tisane était similaire à celle rencontrée lors de l’administration d’artémisinine pure dans des comprimés.

Dans l’ensemble, les preuves n’étayent pas la déclaration selon laquelle d’autres composés d’A. annua présentant une activité antipaludique sont présents dans les remèdes à des concentrations telles que ces remèdes pourraient être considérés autrement que comme des monothérapies. Si les recherches avaient montré qu’il existait dans les plantes des composés susceptibles de stabiliser, d’augmenter la biodisponibilité ou d’améliorer l’efficacité de l’artémisinine, cela justifierait de mener d’autres recherches, mais ne changerait pas le fait que les extraits fonctionnent tout au mieux comme des monothérapies à base d’artémisinine ayant un effet minime.

Testant l’efficacité in vitro de la tisane obtenue à partir de deux échantillons différents d’A. afra, l’un provenant d’Ouganda et l’autre d’Afrique du Sud, Mouton et al. (54) n’ont pas été en capacité de déceler d’activité antipaludique. Des études indiquent que d’éventuels composés antiplasmodiques d’A. afra seraient plus solubles dans des solvants lipophiles que dans des solvants hydrophiles. La CI50 signalée en utilisant non

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pas l’eau, mais un extrait lipophile de dichlorométhane ou méthanolique se trouvait dans une plage allant de 4,0 ± 1 µg/ml à 15,3 ±1 µg/ml (55). Un examen récent de du Toit et van der Kooy (63) a également conclu que les tisanes semblaient ne pas avoir d’activité in vitro.

Essais cliniques utilisant des formes non pharmaceutiques d’Artemisia

L’efficacité in vivo d’extraits d’Artemisia a été principalement évaluée à l’aide de modèles animaux de paludisme du rongeur. Même si ces modèles sont utiles à des fins de recherche, y compris pour l’évaluation préclinique de médicaments, les résultats ne peuvent pas être extrapolés au paludisme à P. falciparum chez l’homme. En général, les quelques études cliniques finalisées ont souvent été de qualité relativement médiocre, porté sur un nombre restreint de patients, inclus une période de suivi trop courte ou été peu contrôlées pour éviter d’éventuels biais. Dans certaines études, aucun élément n’indiquait clairement comment le diagnostic avait été porté sur les patients, ou la manière dont les critères de l’OMS étaient utilisés pour déterminer si les patients étaient atteints de paludisme asymptomatique, non compliqué ou sévère. Lorsque des tests de dépistage rapide (TDR) du paludisme ont été utilisés, le patient peut être diagnostiqué positif des semaines après la disparition des parasites du sang.

Les études n’ont signalé aucun effet indésirable. Cependant, si des formes non pharmaceutiques d’A. annua peuvent entraîner l’administration et l’absorption de niveaux élevés d’artémisinine, cela peut engendrer des problèmes, par exemple, lorsqu’elles sont administrées à des femmes enceintes au cours du premier trimestre de la grossesse.

Une petite étude randomisée de Mueller et al. (64) dans l’est de la République démocratique du Congo en 2001 a recruté 132 patients infectés par P. falciparum. En utilisant le dosage thérapeutique le plus couramment proposé (5 g de feuilles séchées d’A. annua dans 1 L d’eau par jour pendant sept jours), 21 patients sur 32 (65,6 %) ont présenté une récidive de la parasitémie au jour 35. Dans le groupe prenant une tisane faite à partir de 9 g de feuilles séchées par litre, 21 patients sur 30 (70 %) ont présenté une récidive de la parasitémie au jour 35. Dans le groupe témoin recevant de la quinine, sept patients sur 34 (21 %) ont présenté une récidive de la parasitémie au jour 35. Aucun génotypage n’a été effectué pour faire la distinction entre une réinfection et une recrudescence. Les auteurs ont conclu que le taux de récidive bien plus faible dans le groupe parallèle recevant de la quinine indiquait que les récidives observées dans le groupe d’A. annua étaient dues à une recrudescence et non à une réinfection.

Étant donné ce taux élevé de recrudescence et l’éventuel risque de développement de résistance, les auteurs ont conclu qu’il n’était pas possible de recommander une monothérapie à base de tisane d’A. annua pour le traitement du paludisme.

En 2002–2003, Blanke et al. (65) ont réalisé une petite étude chez des adultes semi- immuns en République unie de Tanzanie. Sept patients ont été affectés à un groupe traité par une tisane d’A. annua obtenue avec 5 g de feuilles séchées par litre, six patients ont été traités par une tisane d’A. annua obtenue avec 9 g de feuilles séchées par litre et 10 patients ont été traités par une combinaison sulfadoxine-pyriméthamine.

Le jour 7, trois des 13 patients traités par la tisane d’A. annua ont été exclus : deux du fait qu’ils avaient pris une combinaison sulfadoxine-pyriméthamine et le troisième, car le patient avait montré des signes de paludisme sévère le premier jour et avait reçu un traitement de secours (quinine). Parmi les 10 patients restants traités par la tisane d’A. annua, sept ne démontraient plus de parasitémie le jour 7. Dans le groupe traité par la combinaison sulfadoxine-pyriméthamine, un patient avait été exclu en raison d’une hyperparasitémie le jour 0. Parmi les neuf patients restants, sept ne démontraient plus de parasitémie le jour 7. Le jour 28, neuf des 10 patients traités par la tisane d’A. annua

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UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

présentaient une parasitémie. Dans le groupe traité par la combinaison sulfadoxine- pyriméthamine, l’un avait été perdu de vue avant le jour 28. Parmi les huit patients restants, cinq présentaient une parasitémie. La résistance à la combinaison sulfadoxine- pyriméthamine s’était déjà répandue au moment de l’étude, ce qui faisait que le taux d’échec n’était pas surprenant. En raison du taux élevé de recrudescence dans les trois groupes, l’étude a été arrêtée et les auteurs ont conclu qu’il n’était pas possible de recommander la tisane d’A. annua pour le traitement du paludisme non compliqué à P. falciparum.

Une étude visant à évaluer l’efficacité et l’innocuité du traitement par des plantes A. annua cultivées localement portant sur des patients atteints de paludisme non compliqué a été réalisée au Bénin (66). La concentration d’artémisinine dans la plante était de 0,30 % en poids sec. La tisane était obtenue en utilisant 12 g/L de feuilles séchées, infusées pendant 15 minutes, puis administrées en quatre doses de 250 ml sur une période de 24 heures (ou 125 ml chez les enfants âgés de 10 à 13 ans) pendant sept jours consécutifs, l’équivalent de 36 mg (ou 18 mg chez les enfants) d’artémisinine divisés en quatre doses. L’étude consistait en une seule cohorte ouverte de 108 patients (parmi les 130 patients recrutés) qui ont terminé le traitement et la visite de suivi jusqu’au jour 28.

Les auteurs ont indiqué une réponse parasitologique et clinique adéquate de 100 % au jour 28.

Une étude évaluant l’innocuité et l’efficacité d’A. annua et d’A. afra a été réalisée en République démocratique du Congo (67). L’étude portait sur trois groupes de patients adultes atteints de paludisme non compliqué à P. falciparum qui ont été traités par des gélules contenant des feuilles en poudre d’A. annua provenant du Luxembourg (AAL) (20 patients), d’A. annua du Burundi (AAB) (37 patients), ou d’A. afra (AAF) (25 patients).

Chaque patient a reçu 15 gélules : trois qui étaient administrées le premier jour et deux chacun des six jours suivants, ce qui faisait un total de 15 g d’AAL, 7,5 g d’AAB ou 7,5 g d’AAF. La fièvre a disparu en l’espace de 48 heures et 85 % des patients n’avaient plus de parasites après sept jours de traitement par l’AAl, 76 % chez les patients traités par l’AAB et 40 % chez ceux traités par l’AAF. Aucune information n’a été donnée sur le fait que les patients avaient fait ou pas l’objet d’un suivi après le septième jour ni sur l’administration éventuelle d’un traitement de secours aux patients qui présentaient toujours une

parasitémie après la fin du traitement.

Daddy et al. (68) ont fait un rapport sur le traitement de 18 patients en 2016 en République démocratique du Congo par des comprimés comprenant des feuilles séchées en poudre d’A. annua. Même si les patients avaient été auparavant traités pendant trois jours par la combinaison artéméther-luméfantrine, ils présentaient tous encore des parasites dans le sang et de la fièvre avec des symptômes, ce qui a permis aux auteurs de déclarer qu’ils étaient atteints de paludisme. Les patients ont reçu de l’artésunate par voie intraveineuse, mais le traitement a échoué pour l’ensemble des 18 patients. Les patients ont alors été traités par 0,5 g de feuilles séchées deux fois par jour pendant cinq jours, avec une réduction de dose chez les patients de moins de 30 kg. Les adultes ont reçu une dose totale de 55 mg d’artémisinine. Les patients sont sortis de l’établissement hospitalier lorsque les parasites ne pouvaient plus être décelés au microscope et les symptômes cliniques avaient disparu. Aucun suivi n’a été effectué. Les auteurs ont conclu qu’étant donné que les feuilles séchées d’A. annua avaient été administrées 24 heures après la dernière administration d’artésunate par voie intraveineuse, les feuilles à elles seules avaient eu raison de ce qu’ils ont appelé un paludisme résistant à l’artésunate.

Onimus et al. (45) ont signalé l’utilisation de gélules de feuilles en poudre d’A. annua chez 25 patients présentant une parasitémie asymptomatique qui étaient opérés pour des problèmes orthopédiques. Onze patients ont reçu cinq gélules sur une période de 36 heures, et 14 patients ont reçu sept gélules sur une période de 60 heures. Chaque

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gélule contenait de 200 à 250 mg de feuilles séchées et la concentration en artémisinine était de 0,1 %. Ainsi, les patients ont reçu une dose totale d’artémisinine allant de 1 à 1,75 mg. Le traitement par A. annua n’avait pas pour objet d’éliminer les parasites du sang, mais d’empêcher les crises de paludisme au cours des jours suivant l’intervention.

Seul un patient n’a plus présenté de parasites après le traitement. La parasitémie signalée avant le traitement était en moyenne de 432 parasites/ml et de 165 parasites/

ml après le traitement. La parasitémie signalée était si faible qu’il n’aurait pas été possible de la déceler, ce qui fait qu’une erreur s’est peut-être glissée dans le rapport.

L’article ne mentionne pas d’autres traitements administrés aux patients en relation avec les interventions chirurgicales ni ne précise si des traitements curatifs ont été proposés aux patients, comme il l’aurait fallu.

Une vaste étude a été réalisée en 2015 dans le district de Kalima, en République démocratique du Congo, par Munyangi et al. (69). L’étude avait pour objet de montrer que les tisanes d’A. annua et/ou d’A. afra étaient plus efficaces ou du moins équivalentes à la combinaison artésunate-amodiaquine pour le traitement du

paludisme. Il s’agissait d’une étude multicentrique, randomisée, en double aveugle avec une période de suivi de 28 jours. Elle a porté sur des enfants (> 5 ans) et des adultes chez qui le paludisme non compliqué à P. falciparum avait été confirmé. L’étude a été approuvée par les autorités locales. Parmi les 2 000 patients sélectionnés, 957 ont été recrutés dans cinq lieux différents : 472 étaient recrutés dans le groupe recevant la combinaison artésunate-amodiaquine, et 471 dans les groupes recevant Artemisia (248 dans le groupe A. annua et 223 dans le groupe A. afra). Les patients du groupe de la combinaison artésunate-amodiaquine ont reçu cette combinaison pendant trois jours, puis des comprimés de placebo pendant quatre jours ; ils ont aussi pris des tisanes contenant 0,2 g de matières végétales par litre pendant sept jours. Dans les bras d’Artemisia, les patients ont reçu 0,33 L de tisane toutes les huit heures pendant sept jours. La tisane était obtenue en ajoutant 1 L d’eau bouillante à 5 g de feuilles et branches séchées d’A. annua ou d’A. afra, infusées pendant 10 minutes. Les patients des bras d’Artemisia ont reçu des comprimés de placebo pendant sept jours. Les comprimés de la combinaison artésunate-amodiaquine ont été obtenus auprès du fabricant. Le placebo de la combinaison artésunate-amodiaquine était un comprimé en forme de cachet contenant du saccharose/glucose acheté en pharmacie. Le jour 28, les auteurs ont signalé une récidive de la parasitémie chez neuf patients sur 248 (3,6 %) traités par A. annua, chez 25 patients sur 223 (11,2 %) traités par A. afra, et chez 310 patients sur 472 (65,7 %) traités par la combinaison artésunate-amodiaquine. Ils ont signalé que certains des patients traités par la combinaison artésunate-amodiaquine présentaient des parasites 14 jours après le début du traitement. Les échecs de traitement signalés avec la combinaison artésunate-amodiaquine sont survenus principalement au cours des 14 premiers jours.

Les résultats de Munyangi et al. (69) pour la combinaison artésunate-amodiaquine sont en conflit avec d’autres données disponibles. Même dans les régions d’Asie du Sud-Est où la résistance au médicament est élevée, les patients ne présentent pas de parasites 14 jours après l’administration d’une CTA. Lorsque les échecs de traitement se produisent avec les CTA, ils surviennent presque toujours à la fin de la période de suivi. Entre 2011 et 2013, 13 TET ont été réalisés en République démocratique du Congo. Les études s’intéressaient à l’efficacité des combinaisons artésunate-amodiaquine, artéméther- luméfantrine, et dihydroartémisinine-pipéraquine (94,8–100 %) (70). Sept études ont testé la combinaison artésunate-amodiaquine en recrutant 695 patients au total.

Les études ont été effectuées par Médecins Sans Frontières (71), l’Unité de recherche Mahidol Oxford (72) et le programme national de lutte contre le paludisme. Ces études ont montré une efficacité de 95,3 à 100 %. En 2017, l’Université de Kinshasa a réalisé des TET sur trois différentes CTA (artésunate-amodiaquine, artésunate et luméfantrine, et dihydroartémisinine-pipéraquine) dans cinq sites en République démocratique du Congo. Ces études ont aussi trouvé que l’efficacité des trois CTA était élevée (95 à 100 %). Dans les bras de traitement de la combinaison artésunate-amodiaquine, au total

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UTILISATION DES FORMES NON PHARMACEUTIQUES D’ARTEMISIA

451 patients atteints de paludisme ont été recrutés et l’efficacité a été ≥ 95,0 % (K. Mesia 2019, communication personnelle).

De plus, l’étude de Munyangi et al. (69) a signalé que l’efficacité de la combinaison artésunate-amodiaquine était plus élevée chez les enfants (50 %) que chez les adultes (30 %). Dans les régions endémiques, l’efficacité est normalement supérieure chez les adultes qui sont probablement semi-immuns. Chez les patients traités par A. annua, il a été surprenant de trouver que seulement 3,6 % des patients présentaient des parasites le jour 28 après le traitement, compte tenu de la courte demi-vie du médicament.

Même si le traitement était efficace, on pouvait s’attendre à des réinfections. Le taux de guérison d’A. afra signalé était de 88,8 %, ce qui est anormalement élevé, mais encore en dessous du seuil recommandé par l’OMS de 95 % pour un nouveau traitement contre le paludisme (20). Étant donné qu’A. afra ne contient pas de composés connus pour avoir une activité antipaludique, certains auteurs (63) laissent à penser que la seule manière d’expliquer sa surprenante efficacité est le fait qu’A. afra pourrait contenir un promédicament non encore identifié qui reste actif après la métabolisation.

Il est difficile d’expliquer les résultats de Munyangi et al. (69) , mais le plan et la réalisation de leur étude a présenté un certain nombre de lacunes et d’éventuels biais.

Par exemple, les informations sur les procédures de randomisation et d’attribution du traitement étaient insuffisantes ; le comprimé de placebo de la combinaison artésunate- amodiaquine obtenu en pharmacie et administré aux patients prenant la tisane pouvait ne pas avoir été identique aux comprimés contenant le principe actif, compromettant ainsi le double aveugle ; les concentrations d’amodiaquine dans le sang n’ont pas été évaluées ; la collecte et l’analyse des données n’ont pas eu lieu en aveugle ; aucune étude de génotypage n’a été réalisée, apparemment en raison de la dégradation des échantillons de sang ; et aucune définition claire des résultats et des classifications n’avait été fournie.

Les remèdes à base d’Artemisia ont aussi été promus pour la prévention du paludisme.

Cependant, la courte demi-vie de l’artémisinine signifie que ce médicament ne convient pas pour la prévention. Les gélules et les préparations liquides à base d’A. annua sont vendues sur Internet, clamant leur innocuité et leur efficacité pour la prophylaxie et le traitement du paludisme. Lagarce et al. (73) ont signalé deux cas de paludisme sévère à P. falciparum nécessitant des soins intensifs après une prophylaxie avec des formes non pharmaceutiques d’A. annua chez des touristes français.

Ogwang et al. (74) ont réalisé un essai randomisé sur 132 travailleurs floriculteurs.

Les participants ont été randomisés en un groupe recevant une tisane d’A. annua (67 participants) une fois par semaine et un groupe recevant une tisane de Thea sinensis (65 participants) une fois par semaine. Au total, 84 travailleurs (41 dans le groupe d’A. annua et 43 dans le groupe témoin) ont été suivis pendant neuf mois. Les auteurs ont trouvé qu’à la fin de l’étude, 12 personnes du groupe A. annua et 26 personnes du groupe témoin ont présenté plusieurs crises de paludisme. Les auteurs ont émis l’hypothèse que cela pouvait s’expliquer par la présence de composés autres que l’artémisinine, par exemple des flavonoïdes. Les deux groupes semblent avoir été bien randomisés en termes d’âge et de sexe, mais il y avait une différence significative dans l’utilisation de moustiquaires, vu que 35,8 % des personnes du groupe recevant A. annua, mais seulement 18,5 % des personnes du groupe témoin utilisaient une moustiquaire au début de l’étude.

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