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Collyres antiglaucomateux : allergie ou toxicité ?

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Academic year: 2022

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Figure 1. Dermatite allergique de contact de l’œil gauche chez un patient âgé de 55 ans. Un traitement par association fi xe timolol + dorzolamide avait été instauré 15 jours auparavant.

a. Eczéma typique de la paupière avec volumineux œdème infl am- matoire, papules et vésicules plus facilement visibles au canthus interne.

b. Régression des lésions 7 jours après l’arrêt du collyre et après application de crème à l’hydrocortisone. Les tests allergologiques mettront en évidence une allergie au dorzolamide.

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Images en Ophtalmologie Vol. XII - n° 3-4 mai-août 2018 82

Focus

Collyres antiglaucomateux : allergie ou toxicité ?

Antiglaucoma eye drops: allergy or toxicity?

A. Rousseau

(Service d’ophtalmologie, hôpital Bicêtre, Paris)

L

es traitements antiglaucomateux sont

pourvoyeurs d’altérations de la surface oculaire dont les conséquences sont d’autant plus sérieuses qu’elles retentissent sur l’observance du traitement médical, voire sur le pronostic des traitements chirurgicaux d’une maladie cécitante.

Les mécanismes de ces altérations ne sont pas toujours faciles à appréhender, d’autant qu’ils peuvent être intriqués et survenir sur des surfaces oculaires déjà pathologiques. Toutefois, certains indices peuvent aider le clinicien à mieux comprendre ces situations et, par conséquent, à mettre en place les mesures les plus adaptées.

Tableaux d’allergie aux antiglaucomateux à connaître

Les 2 principaux tableaux d’allergie aux antiglaucomateux sont les dermatites de contact et les conjonctivites follicu- laires, 2 pathologies liées à une hypersensibilité retardée.

Dermatites de contact

La dermatite de contact se manifeste par un œdème inflammatoire, avec des papules érythémateuses se trans- formant en vésicules. Le prurit est particulièrement évo- cateur. Des fissures, une lichénification, une pigmentation, voire un ectropion peuvent apparaître dans les formes plus chroniques. La finesse de la peau péri orbitaire la rend particulièrement sensible à la pénétration des allergènes (haptènes) et au développement d’allergies. Concernant les antiglaucomateux, le risque de sensibilisation est d’autant plus élevé qu’ils sont instillés quotidiennement

pendant de longues périodes. Les tableaux sont de sévé- rité variable, tantôt “ explosifs” (figure 1) , tantôt respon- sables d’une inflammation modérée et chronique.

Les dermatites de contact provoquées par les collyres bêtabloquants sont très bien décrites et peuvent sur- venir avec l’ensemble des représentants de cette classe.

Les allergies croisées aux différents bêtabloquants sont aléatoires et imprévisibles. Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique sont également de grands pourvoyeurs de dermatite de contact.

Mots-clés. Glaucome • Allergie • Toxicité • Conser- vateurs.

Keywords. Glaucoma • Allergy • Toxicity • Preser- vatives.

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Figure 2. Conjonctivite folliculaire chez un patient traité par brimo- nidine depuis 6 mois.

Images en Ophtalmologie Vol. XII - n° 3-4 mai-août 2018 83 En revanche, les dermatites allergiques liées aux ana-

logues des prostaglandines et aux prostamides sont très rares, de même que les cas liés aux agonistes alpha- adrénergiques utilisés en France : l’apraclonidine et la brimonidine. Les allergies de contact dues aux conser- vateurs sont également rares.

La prise en charge des dermatites de contact commence par l’identification de l’allergène responsable. Chez les patients traités par une monothérapie pourvoyeuse d’allergie de contact et sans autre topique oculaire, le diagnostic peut être relativement aisé. En revanche, en cas de traitements multiples, le bilan allergologique est nécessaire (d’autant plus que le glaucome est alors le plus souvent sévère). Dans ces cas, les tests épicutanés (patch tests) sont utilisés pour identifier l’allergène en cause. L’allergologue utilisera une batterie de tests à laquelle seront ajoutés les collyres antiglaucomateux suspectés.

Le traitement repose, bien sûr, sur l’éviction du collyre responsable. On associera une crème hydratante simple (nombre limité de composants) et, dans les cas sévères, un dermocorticoïde faible (hydrocortisone) sur une durée courte (< 1 semaine). Les antihistaminiques per os peuvent être utiles pour diminuer le prurit.

Conjonctivites folliculaires

Les conjonctivites folliculaires sont surtout rapportées avec les alpha-agonistes adrénergiques, en particulier la brimonidine. Les follicules et l’inflammation de surface sont parfois tels que la réaction allergique peut passer pour une conjonctivite virale (figure 2) . Une rougeur et un

œdème des paupières peuvent être associés, de même qu’une augmentation paradoxale de la pression oculaire.

Cette réaction survient chez 5 à 9 % des patients sous brimonidine, le plus souvent dans les 9 mois suivant le début du traitement, mais elle commence parfois plus tardivement.

Toxicité des antiglaucomateux : pas toujours facile à appréhender…

La toxicité des antiglaucomateux sur la surface oculaire n’est désormais plus à prouver. Les travaux de l’équipe du Pr Baudouin l’ont largement établie. Si les mécanismes sous-jacents (allergiques, toxiques ou inflammatoires) et les rôles respectifs des composés actifs et des conser- vateurs dans l’induction de ces modifications restent débattus, les conséquences physiopathologiques et les implications pour la prise en charge du glaucome sont désormais mieux décrites.

Cliniquement, la toxicité des antiglaucomateux se mani- feste le plus souvent par une sécheresse oculaire sous- tendue par une inflammation chronique plus ou moins perceptible. D’une manière générale, ces tableaux sont d’autant plus sévères que le nombre et la durée des trai- tements sont importants et que l’équilibre de la surface oculaire était préalablement altéré (âge, pathologie de surface sous-jacente).

L’instabilité du film lacrymal est un autre élément clé de la physiopathologie. En effet, les traitements induisent une perte des cellules à mucus ainsi qu’une dysfonction meibomienne, dont la sévérité est proportionnelle au nombre et à la durée des traitements. Une étude récente en microscopie confocale in vivo a montré qu’à nombre de principes actifs équivalent, la diminution des acini meibomiens et des cellules à mucus était moindre chez les patients traités par une combinaison fixe sans conser- vateurs comparativement aux combinaisons conservées (ayant elles-mêmes un meilleur profil de tolérance que les traitements dissociés).

Cliniquement, l’instabilité du film lacrymal est objectivée par un raccourcissement de son temps de rupture. Les lésions de kératoconjonctivite ponctuée superficielle sont le plus souvent localisées en inférieur (figures 3a et 3b, p. 84) . De fines papilles conjonctivales peuvent être asso- ciées. Dans les cas les plus sévères, des lésions d’insuf- fisance limbique (figure 4, p. 84) , de fibrose conjonctivale, voire de pseudo-pemphigoïde peuvent se développer.

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Figure 3. Altération de la surface oculaire chez un patient traité pour un glaucome pseudo-exfoliatif par prostaglandines, brimonidine et bêtabloquant depuis plusieurs années.

a. Hyperhémie conjonctivale et follicules font suspecter une allergie à la brimonidine.

b. Toutefois, la kératite ponctuée superficielle inférieure témoigne d’une toxicité probablement associée à l’allergie.

Figure 4. Kératite ponctuée superficielle diffuse avec lésions confluentes en inférieur chez une patiente souffrant de séche- resse oculaire, et traitée par 4 collyres hypotonisants conservés pour un glaucome sévère depuis plusieurs années. Sur ce cliché, pris avec un filtre jaune, et réalisé après instillation de fluo- rescéine, on devine des néovaisseaux inférieurs témoignant d’une insuffisance limbique. Dans ce cas, les traitements topiques ont été interrompus et substitués par de l’acétazolamide per os associé à des collyres lubrifiants. Après restauration de la surface oculaire, une chirurgie filtrante a été réalisée.

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Focus

Les véritables enjeux de cette toxicité sont, d’une part, les conséquences sur la tolérance, donc l’observance du traitement et, d’autre part, les modifications de la conjonctive qui peuvent avoir des conséquences sur la réussite des chirurgies filtrantes. En effet, les tissus inflammatoires peuvent cicatriser de manière exces- sive, entraînant une fibrose compromettant la filtration.

Au contraire, les conjonctives affinées peuvent cicatriser de manière insuffisante et être à l’origine de fuites ou de bulles fragiles.

La prise en charge de ces patients consiste à diminuer, autant que possible, le nombre d’instillations et la charge de conservateurs en utilisant des associations fixes, a fortiori non conservées, quand cela est possible. Un arrêt provisoire des traitements peut être utile chez les patients dont la surface oculaire est très endommagée. En cas de glaucome sévère, il est alors nécessaire de compenser l’arrêt des collyres antiglaucomateux par une prescription d’acétazolamide per os (après s’être assuré de l’absence de contre-indication). La réintroduction ultérieure des collyres sera progressive, et des stratégies hypotonisantes alter- natives, telles que la trabéculoplastie sélective au laser, seront envisagées. Les collyres lubrifiants sont toujours utiles. De même, si une chirurgie filtrante est envisagée, une préparation de la surface quelques semaines avant la chirurgie, associant arrêt des traitements topiques (substi tués, là encore si nécessaire, par de l’acétazolamide per os) et cure courte de collyres anti-inflammatoires, permet d’améliorer l’état de la conjonctive sur le site opé- ratoire, donc le pronostic fonctionnel de la chirurgie. II A. Rousseau déclare avoir des liens d’intérêts avec Théa, Novartis, Allergan.

Pour en savoir plus…

Grey KR, Warshaw EM. Allergic contact derma- titis to ophthalmic medications: relevant allergens and alternative testing methods. Dermatitis 2016;27(6):333-47.

Watts P, Hawksworth N. Delayed hyper sensitivity to brimonidine tartrate 0.2% associated with high intraocular pressure. Eye (Lond) 2002;16(2):132-5.

Baudouin C, Labbé A, Liang H, Pauly A, Brignole-Baudouin F. Preservatives in eyedrops:

the good, the bad and the ugly. Prog Retin Eye Res 2010;29(4):312-34.

Cho WH, Lai IC, Fang PC et al. Meibomian gland performance in glaucomatous patients with long- term instillation of iop-lowering medications.

J Glaucoma 2018;27(2):176-83.

Agnifili L, Mastropasqua R, Fasanella V et al.

Meibomian gland features and conjunctival goblet cell density in glaucomatous patients controlled

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Breusegem C, Spielberg L, Van Ginder- deuren R et al. Preoperative non steroidal anti- inflammatory drug or steroid and outcomes after trabeculectomy: a randomized controlled trial.

Ophthalmology 2010;117(7):1324-30.

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