Je traiterai de la couleur uniquement du point de vue des sciences physiques sachant qu’il y a une multitude d’approche biologique, neurologique, psychologique, linguistique, culturelle, artistique bien sûr
Pour amorcer la réflexion j’ai préparé 3 questions L’orange est-elle orange dans l’obscurité ?
(sondages de la salle à main levée si possible pour les 3) L’orange est-elle orange lorsqu’on ne la regarde pas L’orange est-elle orange pour tout le monde
Évidemment la construction scientifique n’est pas une affaire de vote ou d’opinion et on va dans un premier temps procéder à quelques observations
Le panneau avec les zones colorées est éclairé avec des lumières différentes. Donc les couleurs changent selon l’éclairage…
Idées suivantes : la vision du chat ; celle des daltoniens
Donc la phrase l’orange est orange est incomplète…
Propriété non ; processus oui
La vision selon les grecs (matérialisme et idéalisme…)
Le point de départ de notre élaboration ne date pas d’hier et remonte à l’an 1000 avec Alhazen, premier à proposer une interprétation plutôt satisfaisante de la vision
La lumière éclaire l’objet, l’orange, qui renvoie, diffuse cette lumière dont une partie est reçue par l’œil
Mais ce modèle pose évidemment plus de nouvelles questions qu’il n’en résout - Qu’est-ce que la lumière …
Donc nous n’aborderons que quelques éléments de réponse
1. Premier élément donc, qu’est-ce que la lumière
C’est l’un des problèmes cruciaux de la physique moderne depuis sa naissance au 17ème siècle
1.1.
Nous ne disposons en fait que de deux images mentales traduisant le mouvement et susceptibles d’être mathématisées : l’onde ou la particuleEt donc on rencontre la problématique dès le début de la science moderne avec Newton, champion de la particule, contre Huygens tenant du modèle ondulatoire
En 1830 Fresnel remporte la mise avec des travaux décisifs sur les propriétés ondulatoires de la lumière
Mais il reste la question du milieu de propagation de cette onde lumineuse comme l’air pour le son. Et on cherche en vain un hypothétique éther aux propriétés tellement contradictoires qu’il faut y renoncer
Renoncer au profit de la notion de champ électromagnétique propriété non matérielle de l’espace (on peut faire l’analogie avec champ de gravitaion)
Mais en 1905 l’idée de particule revient avec l’une des publications d’Einstein sur l’effet photoélectrique
C’est l’idée de photon comme paquet d’énergie qu’il faut associer à l’onde lumineuse pour traiter de ses interactions avec la matière
Un autre problème crucial sera l’invariance de la vitesse de la lumière qui va donner la théorie de la relativité toujours avec Einstein
Et donc à partir de ces efforts de modélisation de la lumière la physique actuelle se retrouve avec deux théories complémentaires, la relativité générale et la mécanique quantique, dont on cherche encore l’unification
Donc revenons à notre propos : la lumière est à la fois une onde électromagnétique et un flux de photons, paquets d’énergie qui se manifeste lorsque la lumière interagit avec la matière
Ne cherchez pas à mettre des images là-dessus (truc qui vibre ou autre…) Nos images mentales sont inadéquates et la seule issue est la mathématisation
La lumière visible pour nous n’est qu’une petite portion d’un ensemble beaucoup plus vaste qui va des ondes hertziennes (radio télé…) aux rayons gamma en passant par les microondes (four téléphone mobiles), les infrarouges qui nous chauffent devant le feu de bois (notre peau produit des infrarouges…), les ultraviolets, les rayons x de la radiographie
La longueur d’onde diminue et l’énergie du photon associé augmente
Dons la lumière visible est modélisable par un spectre continu de lumières de longueurs d’onde et d’énergies de photon différentes
J’utiliserai le terme lumière « colorée » dans la suite mais il est impropre
1.2.
Quelques éléments sur les sources de lumière, avec une grande diversité, des étoiles au plancton bioluminescent en passant par les feux d’artificeLe processus de base de production de la lumière est une histoire d’électron.
Tout le monde a cette image de l’atome, d’hydrogène par exemple avec un électron tournant autour d’un proton
Mais cette représentation est totalement fautive
Avec la mécanique quantique l’électron n’est plus un objet mais une fonction d’onde, comme une sorte de répartition spatiale (on retrouve la même complexité que pour la modélisation de la lumière, l’association onde particule)
Il est cependant plus simple de raisonner en termes d’énergie
La singularité quantique c’est que seuls certains niveaux d’énergie sont accessibles pour l’électron dans l’atome (comme les barreaux d’une échelle…)
Idée déterminante pour le raisonnement qui va suivre pour expliquer la production de lumière
Donc supposons l’électron à un certain niveau d’énergie
Si on lui fournit de l’énergie (lors d’un choc par exemple) il passe au niveau supérieur puis spontanément revient au niveau inférieur en émettant un paquet d’énergie donc un photon correspondant à la différence. Et donc lumière !
Voyons une illustration animée : État initial de l’électron
Apport d’énergie changement d’état de l’électron. Désexcitation, retour à l’état initial et émission du photon
Et donc du fait de la multiplicité des niveaux d’énergie de l’électron dans l’atome une multitude d’émissions lumineuses sont possibles (visible mais aussi ir, uv…)
D’où les spectres de raie (historiquement ce sont les spectres de raie, inexplicables en mécanique classique, qui ont suscité la construction de la mécanique quantique.
Il y a des modes de production plus complexe de la lumière)
(Parenthèse sur l’utilisation de la spectroscopie : astronomie, chimie…)
Quelques mots sur nos sources usuelles de lumière blanche ou on voit que nos artefacts sont loin de la qualité solaire… Comparaison des spectres…
Quelques mots sur nos multiples écrans (tele, mobile, ordinateur) Ils réalisent la synthèse additive à partir de 3 sous-pixels : R, V, B (animation couleurs-ecran.swf)
Comment est effectuée la numérisation ?
Chaque couleur RVB est numérisée par un nombre de 0 à 255 Exemples…
C’est ce qu’on manipule avec le type de palette utilisé en informatique
Pourquoi 0 à 255 ? Chaque couleur est numérisée sur un octet c’est-à-dire 8 bits, chaque bit valant 0 ou 1
Donc pour chaque pixel près de 17 millions de nuances colorées
2. nous voici à l’étape suivante (les colorants et l’interaction lumière matière) que se passe-t-il entre la lumière et la peau d’une orange ?
Une simulation permettra de mieux comprendre (traitement de différents exemples et rappel des observations initiales sur les éclairages du panneau coloré) couleurs et filtres.swf
Et nous revenons pour l’interprétation à des histoires d’électrons (impliqués cette fois-ci dans les molécules qui absorbent la lumière)
L’absorption d’un photon produit une transition électronique suivie de la désexcitation avec plusieurs possibilités ; celle qui nous intéresse est non radiative (chaleur) et qui explique l’absorption du photon.
c’est le cas le plus général mais il y a aussi possibilité de réémission d’un photon
Ainsi le carotène absorbe les lumières visibles de faible longueur d’onde alors le carotène est orange
Donc la carotte, éclairée en lumière blanche, en absorbe une partie et diffuse le reste Et idem pour l’orange
3. et maintenant le fonctionnement de l’œil
L’œil est un système optique qui produit une image inversée de ce que nous regardons sur la rétine
Celle-ci comporte deux types de cellules sensibles à la lumière les bâtonnets et les cônes Ce sont ces derniers qui permettent la vision colorée
Avec trois types de cônes susceptibles d’absorber la lumière dans trois domaines : bleu vert rouge
C’est le trichromatisme (que nous partageons avec les primates, les marsupiaux, certains insectes…)
Le mécanisme s’interprète au niveau moléculaire (rétinal + opsine)
Absorption d’un photon induit la modification de forme de la molécule, ce qui entraîne une succession de processus… (que les biologiste sont capables d’élucider)
Voyons une illustration du fonctionnement des cônes avec une illusion d’optique colorée Explication : après avoir fixée les zones colorées vertes les cônes capteurs de lumière verte sont fatigués donc lorsqu’on regarde le blanc qui renvoie toutes les lumières seuls les cônes capteurs des lumières rouges et bleus sont actifs donc on voit du magenta
A noter que les oiseaux sont tétrachromates voire pentachromates (les pigeons) Peut-être certaines humaines sont-elles tétrachromates ?
4. et avant de conclure les subtilités cérébrales
Les effets de contraste
Les deux gris sont identiques, les deux jaunes aussi
L’échiquier d’Adelson montre aussi l’effet de contraste (A est entouré de blanc et B entouré de noir) doublé d’un effet d’interprétation (on attend une case blanche en B) lié à ce qu’on appelle la constance perceptuelle
C’est sans trucage !!!
En conclusion
Revenons à la couleur de l’orange : ce schéma est évidemment faux L’orange ne possède pas de couleur et les lumières ne sont pas colorées
Le carotène absorbe les lumières de plus courte longueur d’onde et la peau d’orange diffuse les autres
L’œil de l’observateur reçoit ces lumières qui activent les capteurs de la rétine qui génèrent de l’influx nerveux et la conscience de l’observateur perçoit l’orange orange
Avons-nous répondu aux questions initiales ?
Pas de lumière pas de vision donc pas de couleur
L’orange n’a pas de couleur si on ne la regarde pas puisque c’est le cerveau qui « produit » la perception de la couleur
Le nombre de cônes et leur distribution dans la rétine ont beau varier significativement entre les personnes, leur perception des couleurs est probablement équivalente puisque le
système perceptif est le même (les lumières de petite longueur d’onde – qui donneront la perception de bleu - activent les récepteurs correspondants et pas les autres)
Mais on peut supposer des nuances selon les individus plus des effets du vieillissement, des différences entre homme et femme ; on a vu les effets de l’interprétation selon le contexte…
(plus les différences culturelles).