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La réintégration d’un∙e adolescent∙e institutionnalisé∙e dans sa fratrie : Comment une travailleuse ou un travailleur social favorise la réintégration d’un∙e adolescent∙e dans sa fratrie à la suite d’un placement en institution ?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Travail de Bachelor pour l’obtention du diplôme Bachelor of Arts

HES·SO en travail social

Haute Ecole de Travail Social – HES∙SO//Valais – Wallis

Réalisé par : Dubuis Caroline

Promotion : TS ES 15

Sous la direction de : Solioz Emmanuel

Sierre, le 16 septembre 2019

La réintégration d’un∙e adolescent∙e institutionnalisé∙e

dans sa fratrie

Comment une travailleuse ou un travailleur social favorise la

réintégration d’un∙e adolescent∙e dans sa fratrie à la suite d’un

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Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont encouragée et soutenue tout au long de ce travail et grâce à qui cette recherche a été rendue possible :

- À Monsieur Solioz Emmanuel, directeur de mon mémoire de Bachelor pour son accompagnement tout au long de ce travail.

- À l’institution La Fontanelle pour m’avoir accordé la possibilité de réaliser mes entretiens au sein de leur structure. Plus précisément aux éducatrices, référentes et référents locaux interrogé∙e∙s qui m’ont accordé leur temps précieux.

- À mes amies et collègues d’école pour leur soutien et aide quant aux nombreuses questions.

- Et aux personnes qui ont accepté de me relire : Camille Cettou et Sabrina Ianniello.

Indications

Les opinions émises dans ce travail n’engagent que leur auteure ;

Je certifie avoir personnellement écrit le Travail de Bachelor et ne pas avoir eu recours à d’autres sources que celles qui ont été référencées. Tous les emprunts à d’autres auteur∙e∙s, que ce soit par citation ou paraphrase, sont clairement indiqués. Le présent travail n’a pas été utilisé dans une forme identique ou similaire dans le cadre de travaux à rendre durant les études. ;

J’assure avoir respecté les principes éthiques tels que présentés dans le « Code éthique de la recherche ».

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Résumé

La présente étude porte sur la place et l’accompagnement que les travailleuses et travailleurs sociaux offre à la fratrie des adolescent∙e∙s placé∙e∙s dans les milieux institutionnels, spécifiquement dans le but de faciliter la réunification à la suite d’un placement.

Ce travail, articulé en deux axes, contient une première partie théorique présentant différentes notions liées à l’objet de recherche. Dans cette partie, la fratrie est définie grâce à différentes notions comme ; l’ordre des naissances, la construction de la fratrie, les relations fraternelles et les loyautés familiales. Le thème de l’adolescence a aussi une place de mise afin d’y relever les besoins qu’elle contient et les enjeux des conduites à risques. Les rôles de la communication et de l’estime de soi durant cette période sont également détaillés dans ce chapitre. Pour terminer la partie théorique, le système de placement des mineurs a été ainsi étayés ; le cadre légal, les types de mesures, les types de placement en institution et les institutions spécialisées en Valais. Dans la seconde partie, la parole a été donnée aux professionnel∙le∙s de La Fontanelle afin de d’enrichir ce travail par le partage de leurs expériences avec les fratries et ainsi émettre leur point de vue sur les actions favorisantes, selon eux, à la réintégration d’un∙e adolescent∙e placé∙e à la suite du placement. L’analyse de ces données s’est faite sous la forme d’un regard croisé entre les éducatrices et les éducateurs exerçant en foyer, principalement avec l’adolescent∙e placé∙e et les référentes et référents locaux travaillant à domicile avec les familles.

Les principales actions des professionnel∙le∙s identifiées qui favorisent la réintégration d’un∙e adolescent∙e dans sa fratrie ont été :

1) La posture d’ouverture et de disponibilité des professionnel∙le∙s dans leur prise en charge avec les fratries

2) Le soutien à la parentalité

3) L’intégration de la fratrie dans l’accompagnement, si celle-ci est volontaire, et si elle fait partie de la problématique

4) Les retours progressifs à domicile

5) Le maintien d’un suivi à la suite du placement

En guise de conclusion de cette recherche de Travail de Bachelor, un bilan de la recherche a été établi. Il comprend d’une part les limites de la recherche et les découvertes professionnelles et personnelles. D’autre part, il expose les pistes d’intervention susmentionnées ainsi que l’intérêt de cette recherche pour le travail social.

Mots clés

 Fratrie  Adolescent∙e  Institution  Intégration  Parent

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Table des matières

1. Introduction ... 1

1.1 Choix de la thématique et motivations ... 1

1.2 Question de départ ... 3

1.3 Objectifs ... 3

1.3.1 Objectif général ... 3

1.3.2 Objectifs professionnels ... 3

1.3.3 Objectif personnel ... 3

1.4 Lien avec le travail social ... 4

2. Cadre théorique ... 5

2.1 La fratrie ... 5

2.1.1 Définition ... 5

2.1.1 L’ordre des naissances ... 5

2.1.2 La construction de la fratrie ... 6

2.1.3 Les relations fraternelles ... 8

2.1.4 La notion de loyauté dans les familles ... 10

2.2 L’adolescence ... 11

2.2.1 Définition ... 11

2.2.2 Les 7 besoins de l’adolescent∙e ... 12

2.2.3 Les conduites à risque à l’adolescence ... 13

2.2.4 Le rôle de la communication familiale et de l’estime de soi dans la délinquance adolescente ... 14

2.2.5 Le rôle des pairs ... 15

2.3 Les placements des mineurs ... 15

2.3.1 Cadre légal d’un placement de mineur ... 15

2.3.2 Types de mesures ... 16

2.3.3 Les types de placement en institution ... 18

2.3.4 Institutions d’éducation spécialisée en Valais ... 19

3. Problématique ... 21

3.1 Question de recherche ... 22

3.2 Hypothèses ... 22

4. Démarche méthodologique ... 23

4.1 Terrain d’enquête et population ciblée ... 23

4.2 Échantillon d’étude ... 24

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4.4 Recueil des données et déroulement des entretiens ... 25

4.5 Ethique ... 26

4.6 Risque et limites ... 26

5. Analyse des données ... 27

5.1 Analyse et interprétation des résultats ... 27

5.1.1 Place de la fratrie dans l’accompagnement d’un∙e jeune placé∙e ... 27

5.1.2 Vision des TS quant à la notion de fratrie ... 29

5.1.3 Les craintes lors du retour en fratrie ... 30

5.1.4 Actions favorisant la réintégration d’un∙e jeune placé∙e dans sa fratrie 31 5.2 Vérification des hypothèses ... 34

5.3 Evaluation des objectifs ... 36

5.3.1 Objectif professionnel ... 36

5.3.2 Objectif personnel ... 37

5.4 Bilan de l’analyse et retour sur la question de recherche ... 37

6. Partie conclusive ... 39

6.1 Bilan de la recherche ... 39

6.1.1 Limites de la recherche et difficultés rencontrées ... 39

6.1.2 Découvertes professionnelles et personnelles ... 39

6.2 Conclusion ... 40 7. Sources ... 41 7.1 Bibliographie ... 41 7.2 Articles ... 41 7.3 Cyberographie ... 42 8. Annexe ... 43 8.1 Formulaire de consentement ... 43 8.2 Grille d’entretien ... 44

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1. Introduction

Trouver une thématique à approfondir pendant plusieurs mois n’a pas été de tout repos. Sachant que ce travail pourrait devenir un élément fort de mon curriculum vitae, il a donc été judicieux de porter une réflexion sur le choix de la thématique que j’allais investiguer pendant plusieurs semestres.

Cependant, dès ma première formation pratique, j’ai su que la population adolescente allait être au cœur de mon travail de Bachelor. Il ne me restait plus qu’à décider quelle question de recherche je souhaitais développer et approfondir.

À la suite de cette première formation pratique, j’ai eu la chance de pouvoir rester dans l’équipe éducative en devenant une éducatrice en formation. Par conséquent, mon mode de formation a subi la transition de « plein temps » à « en emploi ». Les questionnements ont donc pu se multiplier et surtout trouver une seconde profondeur que je n’avais pas expérimentée auparavant. Je me retrouvais dans des multitudes de questionnements à approfondir, explorer et comprendre. Mais comment prendre une décision au milieu de tous les dilemmes dans lesquels je me trouvais ?

Avais-je le souhait d’approfondir le bien-être des professionnel∙les qui travaillent avec des populations particulièrement résistantes à l’autorité comme les adolescent∙e∙s en rupture ? Préférais-je analyser les enjeux des alliances dans les groupes de jeunes institutionnalisés ? Ou encore les dangers et leviers pour les professionnel∙les dans les situations de relations fusionnelles entre parents — enfants ? Après mûre réflexion, mon choix s’est porté sur l’impact de l’inclusion de la fratrie ou plus précisément sur le rôle qu’a la travailleuse ou le travailleur social concernant la fratrie d’un∙e adolescent∙e institutionnalisé∙e.

1.1 Choix de la thématique et motivations

J’ai saisi l’opportunité de ce poste « en emploi » dans un foyer ouvert, plus exactement au sein du secteur « filles ». À titre d’information, cette institution prend en charge des adolescent∙e∙s entre 14 et 18 ans en rupture sociale.

J’ai d’abord identifié le processus d’institutionnalisation d’une adolescente qui se déroule en présence d’un∙e assistant∙e social∙e, d’un ou des parents, mais très rarement en présence d’un frère ou d’une sœur. Pour toutes les rencontres qui suivent l’institutionnalisation, les présences sont généralement identiques. Mon but ne consiste pas à justifier la présence nécessaire d’un frère ou d’une sœur dans ce processus ou moraliser cette absence, mais bien à comprendre les raisons de l’absence ou trouver le sens de ne pas les convier. J’ai compris que les premiers empêchements étaient les déplacements et les heures de rendez-vous, car nous encadrons fréquemment des jeunes extérieurs au canton du Valais. Les rendez-vous sont donnés en journée, lorsque les autres membres de la fratrie sont généralement à l’école ou dans leurs lieux d’occupation. Ma motivation qui émerge dans l’idée de traiter cette thématique est donc de comprendre quels sont les éléments de contexte qui ne considèrent pas directement le groupe fraternel comme une dimension essentielle dans le suivi d’un∙e jeune.

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Ce foyer reste cependant ouvert aux frères et sœurs qui souhaiteraient venir visiter l’établissement, mais rares sont ceux et celles qui se déplacent pour venir connaître le lieu de vie de leur aînée ou cadette. Quelques fois, les cadet∙te∙s en bas âge et qui ne sont donc pas encore scolarisé∙e∙s, accompagnent leurs parents lors des synthèses ou autres rendez-vous, en raison de difficultés organisationnelles de garde. Toutefois, ces moments sont bien souvent l’occasion, pour les adolescent∙e∙s, de faire découvrir leur lieu de vie quotidienne. J’ai le souhait de découvrir si ces moments de partage apportent un soutien aidant aux jeunes. De plus, en discutant avec les jeunes institutionnalisé∙e∙s, j’ai pu remarquer que leurs frères et sœurs sont parfois, eux aussi, institutionnalisé∙e∙s, et qu’ils-elles ne connaissent pas non plus leurs lieux de vie, à moins d’avoir été institutionnalisé∙e∙s aux mêmes endroits.

Dans un cadre privé, j’ai aussi été sensibilisée à cette question d’inclusion de la fratrie dans le cadre de la prise charge, en raison du décès par suicide du frère de ma meilleure amie. Ce drame m’a fait prendre conscience et m’a motivée à vouloir approfondir ce que les frères et sœurs peuvent ressentir concernant les états d’âme des membres de leur fratrie.

Pour contextualiser son histoire, avant ce drame, son frère était institutionnalisé dans un hôpital psychiatrique où il séjournait, étonnamment sans nouvelle de sa famille, la procédure étant ainsi faite. Mon propos, ici, n’est pas de blâmer l’instauration des procédures, mais seulement de questionner la pertinence du déroulement de celle-ci : son frère était alors majeur, les informations ont été transmises avec parcimonie et la famille s’est sentie peu considérée par le personnel de soins dans la prise en charge de leur fils et frère. J’ai pu dès lors constater l’effroi de ma meilleure amie qui se dévouait corps et âme afin de trouver une institution où son frère pourrait rester plus longtemps. Manifestement, elle s’est vainement retrouvée impuissante : aucune ouverture ne lui a été donnée pour qu’elle puisse exprimer son avis ou obtenir la possibilité d’être entendue par un∙e quelconque professionnel∙le.

Même si cette situation est extrême et délicate, elle a toutefois éveillé en moi le questionnement de la place de la fratrie face à un membre symptôme d’une problématique.

Pour conclure avec les raisons de mon choix et mes motivations pour cette thématique, j’avais le besoin de vous dire à quel point ma fratrie a été essentielle dans la construction de mon identité. Aussi imparfaite qu’elle ait été, j’ai toujours mis un point d’honneur à veiller sur mon frère et ma sœur, d’autant plus que je demeure l’aînée de ma fratrie. J’ai aussi pu vivre l’expérience de la famille recomposée et donc des « mélanges » de fratries qui m’ont fait prendre conscience des nombreux enjeux quotidiens et déterminants pour le bien-être de chaque membre. Je ne peux faire l’hypothèse du vécu de ma fratrie si l’un des membres avait été institutionnalisé, mais sans aucun doute que le bouleversement aurait été énorme. Mes valeurs de loyauté, de protection et de fidélité sont si présentes et instinctives que j’aurais souhaité comprendre, en peinant certainement à gérer mon impuissance.

En conclusion, toutes ces raisons ont éveillé en moi l’envie de mieux connaître ces enjeux des fratries en y ajoutant le contexte professionnel dans lequel j’évolue qui est représenté par l’institutionnalisation.

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1.2 Question de départ

Mes questionnements de départ étaient les suivants :

 Quels sont les impacts de la fratrie sur un∙e jeune institutionnalisé∙e ?  Quels types de prise en charge favorisent l’inclusion de la fratrie ?

 Dans quels types de situations la fratrie peut-elle représenter un frein ou une ressource ?

 Comment un∙e TS peut utiliser la fratrie comme source de motivation au changement ?

Après plusieurs lectures et réflexions, j’ai élaboré une question de départ afin de recentrer mes recherches :

 En quoi l’inclusion de la fratrie, lors d’une prise en charge institutionnelle d’un∙e adolescent∙e, favorise ou défavorise l’avancée du/de la jeune ?

1.3 Objectifs

1.3.1 Objectif général

L’objectif de cette recherche est de comprendre plus en détail comment se construit une fratrie et quelles sont ces fonctions afin de sensibiliser les travailleurs et travailleuses sociales à cette notion. Mon idéal serait de démontrer en quoi l’inclusion des frères et sœurs peut être une ressource ou un frein pour l’individu concerné. De plus, je souhaite mettre en évidence les risques et les bienfaits d’inclure la fratrie dans une prise en charge institutionnalisée.

1.3.2 Objectifs professionnels

Mes objectifs professionnels découlant de cette recherche visent à être en capacité de recueillir les représentations des professionnel∙le∙s relatives à la notion de fratrie dans l’acompagnement d’un∙e adolescent∙e placé∙e. Par mon choix de faire un regard croisé entre les professionnel∙le∙s exerçant en foyer et à domicile, réaliser cette comparaison me semble être un moyen optimal pour atteindre ces objectifs. De plus, l’identification des pistes et perspectives d’intervention concrètes serait un réel atout pour mon futur professionnel auprès de cette population.

1.3.3 Objectif personnel

Je souhaite mieux comprendre de quelle manière se construit une fratrie et avoir connaissances des enjeux qui sont présents afin de me positionner sur l’intégration ou non de la fratrie pour ainsi éviter l’oubli de celle-ci ou encore ne pas les considérer comme des membres participatifs du projet de vie de leur frère ou sœur. De plus, j’espère que ces recherches éclairciront le regard que je porte sur ma propre fratrie pour mieux la comprendre.

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1.4 Lien avec le travail social

Pour différentes raisons de contextes et juridiques expliquées ci-dessous dans le cadre théorique), les prises en charge des adolescents se font uniquement pour un individu. Seuls les parents sont inclus dans le suivi de la prise en charge, s’il n’y a pas d’interdiction particulière. Indépendamment de leur volonté, les travailleuses et travailleurs sociaux se retrouvent à travailler avec des jeunes dont ils n’ont généralement jamais rencontré la fratrie. Si toutefois il devait s’avérer que des professionnel∙le∙s connaissent un ou plusieurs membres de la fratrie, c’est bien souvent en raison de placements qui ont eu lieu dans les mêmes institutions ou lorsque les membres de la fratrie développent eux aussi des comportements problématiques à signaler ou à traiter.

Ces situations à répétition me forcent à repenser la place de la fratrie dans une prise en charge globale, car peu importe les effets positifs ou négatifs, la dimension de la fratrie fait de facto partie intégrante de la construction de l’individu. Les travailleuses et travailleurs sociaux sont bien souvent contraint∙e∙s d’élaborer des stratégies pour accompagner l’individu désigné, sans avoir toujours accès à son contexte familial. De ce fait, l’énergie investie pour un individu peut sembler futile dans son contexte familial ou inversement aurait pu dès lors servir à toute la fratrie. Par ailleurs, la littérature, au sujet de la fratrie, s’est davantage accrue et nous ne pouvons plus penser que l’individu désigné n’est pas impacté par son contexte familial et donc par sa fratrie. Les travailleuses et travailleurs sociaux se retrouvent par conséquent à devoir faire sans la fratrie alors que beaucoup d’éléments donnent à penser qu’il faudrait faire avec. Mon questionnement détermine à comprendre comment les professionnel∙le∙s travaillent avec ces mesures et comment ils perçoivent leur réalité du terrain au sujet des fratries.

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2. Cadre théorique

Pour débuter mes recherches, j’ai fait le choix d’approfondir six grands thèmes tels que la fratrie, l’adolescence, les conduites à risque, le rôle de la communication, le cadre légal d’un placement de mineur et les types de prises en charge pour les mineurs. De là, j’ai pu peaufiner ces thèmes grâce à mes sous-titres.

2.1 La fratrie

2.1.1 Définition

On pourrait trouver évident de définir ce qu’est une fratrie, mais dans notre société moderne où les couples se font et se défont, cette notion se complexifie. Un enfant est issu naturellement d’un homme et d’une femme, la fratrie se constituant à partir du second enfant, autrement dit le cadet. De là, les variantes peuvent être multiples en fonction des naissances, mais aussi des couples précédents ou subséquents.

Romano (2012) définit la fratrie par la constellation horizontale entre enfants d’une même famille. Cependant, elle ajoute qu’il existe une multitude de mots et d’expressions pour définir les types de fratries : fratrie de germain (même père et mère), fratrie des demis, fratrie par adoption, fratrie par recomposition familiale, pour ne citer que ces types.

Néanmoins, peu importe le mot qui définit la fratrie dont fait partie un enfant, celle-ci a toujours une multitude d’utilités pour le développement de l’enfant. Elle constitue un lieu d’entrecroisement de rapports verticaux et horizontaux qui offre à l’enfant son premier contexte de confrontations socialisantes. Odile Bourguignon (1999, cité par Enfance et Psy, p. 14) ajoute que « le groupe fraternel est l’essence de l’apprentissage du rapport au semblable, différent de soi, dans un contexte d’inégalité de statut défini par l’ordre des naissances ».

2.1.1 L’ordre des naissances

Avant de comprendre comment se construisent une fratrie et les enjeux des relations fraternelles, il est essentiel de prendre conscience des impacts et des attentes différentes dont est porteur chaque enfant à leur naissance. Tilmans-Ostyn & Meynckens-Fourez (1999) ainsi que Rufo (2002) sont des auteurs qui ont exploré l’importance de cet ordre des naissances.

Le premier enfant, appelé l’aîné∙e, a une place privilégiée, mais lourde. Il vient satisfaire l’envie d’enfant des parents et prouver leur fertilité, mais les attentes de réussite sont omniprésentes dans son quotidien. Plus l’enfant a de l’importance pour le couple, plus il est préconçu à être un enfant « roi ». Tilmans-Ostyn & Meynckens-Fourez ont fait l’observation que cette place dans la fratrie amène souvent les aîné∙e∙s à occuper des postes à responsabilités dans leurs vies professionnelles.

Le deuxième enfant, aussi appelé le/la cadet∙te, naît bien souvent dans un contexte très différent où la réflexion quant à son existence a été plus préméditée. Rufo mentionne que le premier enfant est souvent le fruit d’un élan amoureux ou l’espoir de raviver une flamme qui pourrait s’éteindre dans le couple. Ce/cette cadet∙te serait donc

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l’espoir de réussir ce que les parents ont manqué avec le premier. Lors de son développement, une grande particularité le différencie de son aîné∙e, car il a ainsi le choix de s’identifier à ses parents ou à son aîné∙e.

Dans le cas où un troisième enfant né, ce choix peut lui coûter son sentiment d’appartenance, car il ne fait partie ni des aînés ni des benjamins, là où les parents peuvent investir plus d’attention. Il peut se retrouver entre un∙e grand∙e détenant le rôle de leader et le dernier enfant de la famille qui obtient passablement d’attention. Rufo est ainsi convaincu que la manière dont l’annonce de la venue du deuxième est faite à un impact considérable sur l’avenir de la fratrie. Il explique qu’auparavant, les aîné∙e∙s avaient le temps de s’y préparer en gardant l’espoir qu’il resterait les seuls aux yeux de leurs parents. Les attentions plus appuyées de leurs pères vis-à-vis de leurs mères les mettaient sur la piste d’un changement à venir ainsi qu’éventuellement la préparation d’une chambre. Aujourd’hui, les aîné∙e∙s se retrouvent rapidement avec une échographie dans leurs mains qui ne laisse plus place au doute. Certains parents vont même jusqu’à emmener leur aîné∙e à leurs examens échographiques. En réalité, tout naturellement et sans en avoir conscience, les parents construisent par leurs espoirs de mieux réussir, le début de la rivalité fraternelle qui apparaîtra, selon les cas, comme un muret ou un rempart de jalousie.

Le/la benjamin∙e représente le dernier enfant d’une fratrie. Cette place est particulière dans le cœur des parents, car cette fois, ils décident qu’ils n’en auront pas d’autres. La dernière grossesse, le dernier accouchement, les dernières couches à changer, les derniers biberons, les dernières levées en pleine nuit, les mènent à être presque un peu nostalgique de tous ces moments et laissent ainsi quelques permissions supplémentaires.

2.1.2 La construction de la fratrie

On pourrait penser qu’il suffit d’avoir un parent en commun pour appartenir à la même fratrie, mais Vinay & Jayle (2011, p. 344) reprennent les écrits de l’approche éthologique pour expliquer combien « le fait de vivre ensemble durant l’enfance laisse une trace indélébile, une empreinte qui construit entre au moins deux enfants concernés un lien fraternel différent de tout autre lien et laisse des traces durables dans le psychisme. » Par leurs écrits, elles mettent l’accent sur l’importance de partager un quotidien commun pour créer ses relations fraternelles. Ce lien se renforce avec les années et peut aller jusqu’à être réparateur lorsque les figures d’attachement disparaissent. (Ainsworth, 1991, cité par Vinay et Jayle, 2011)

Tilmans-Ostyn & Meynckens-Fourez (1999, p.148) appuient cette notion de relation fraternelle renforcée dans les moments difficiles pour la fratrie en citant :

« Le renforcement des liens fraternels se constate également : quand les parents sont malades, accidentés, ou quand la situation financière menace gravement l’équilibre du système familial. […] La différence nous semble résider dans l’importance des vécus d’abandon, de perte, et de « désamour », reflets des vécus, énoncés par les adultes qui provoquent une intensification des relations entre frères et sœurs. »

De plus, elles relèvent que les membres de la fratrie sont davantage amenés à vivre les évènements compliqués simultanément et conjointement lorsqu’ils dépendent du même contexte familial. D’ailleurs, par ces vécus similaires, les relations fraternelles s’intensifient. Ces auteur∙e∙s insistent sur le fait que « faire fratrie » n’est pas un état,

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mais bel et bien quelque chose qui se construit. Pour veiller à cette construction, le regard que les parents posent sur la dimension de la fratrie s’avère déterminant. Ces relations sont triangulaires, car elles se construisent de manière horizontale entre les frères et sœurs, mais dépendent aussi de la relation créée avec le parent. Selon Anna Freud, « les analyses d’enfants et les reconstructions d’analyses d’adultes nous apprennent que la relation de l’enfant avec ses frères et sœurs est subordonnée à la relation qu’il a avec ses parents et en dépend. » (Freud,1976, cité par Éric Widmer, 1999, p.9)

Par conséquent, l’histoire d’une fratrie englobe une série d’éléments interdépendants qui rendent unique l’arrivée d’un nouveau membre au sein d’une famille. Chaque enfant sera attendu et éduqué de façon authentique, car il ne naît pas seulement avec un numéro de rang et un sexe dans une fratrie, mais aussi dans un contexte qui change et évolue en permanence.

De nombreuses recherches relèvent la nécessité de considérer le groupe fraternel dans tous les types de prise en charge. Vinay et Jayle mentionnent des situations qui sont potentiellement traumatisantes comme l’arrivée d’un enfant handicapé, la perte d’un frère ou d’une sœur ou encore un accident pour un enfant de la fratrie, pour ne citer que ces exemples. Dans ces cas de figure, il est évident que la prise en charge est adressée avant tout et surtout à la victime, alors que

« …la souffrance est partagée dans la famille avec les parents ainsi que les frères et sœurs. En fonction de l’espace de verbalisation des affects qui sera autorisé par le couple parental, le lien fraternel en sera influencé. Certains frères et sœurs en (sic) se sentent pas le droit de l’investir ce lien, de se l’approprier, tandis qu’à l’opposé, dans d’autres systèmes familiaux, la fratrie portera le lien fraternel comme un fardeau. La parole dans le groupe fraternel apparaît le plus souvent comme une nécessité fondamentale. » (Vinay & Jayle, 2011, p. 345)

Ces auteures nous expliquent combien les réactions à une épreuve peuvent être différentes, tout en relevant le fait que ces réactions se fondent sur la dynamique familiale et plus particulièrement sur la dynamique instaurée par les parents d’où naissent tous les types de liens. Par cette injonction, on peut comprendre que tout évènement traumatisant peut plonger une famille dans une détresse et donc aussi les situations où un∙e adolescent∙e est institutionnalisé∙e pour des questions comportementales ou autres. La séparation peut avoir des aspects similaires pour la fratrie, tout comme pour les parents.

Ces relations fraternelles imposées par les parents peuvent être des ressources inépuisables, comme représenter de véritables obstacles pour l’avenir de l’individu. Toutefois, il faut pouvoir les nourrir d’expériences afin de jouir de cette intimité comportementale qui ne se développe qu’à ses âges et dans des contextes proprement familiaux. Pour cela, il est essentiel que les parents acceptent le conflit et les complexes de rivalité qui se manifestent, sans systématiquement intervenir pour les éviter ou vouloir toujours les comprendre.

Ce noyau fondateur de toutes les autres relations peut développer une force inépuisable lorsqu'il se sent menacé. Et comme l’écrit Cirillo (1994, cité par Tilmans-Ostyn & Meynckens-Fourez, p. 202) « une famille menacée dans son intégrité par une mesure d’éloignement d’un de ces membres réagit et se rigidifie en une inlassable autodéfense. » De fait, on peut comprendre que lors de l’instauration d’une prise en

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charge individuelle pour un membre d’une fratrie, le reste du système peut percevoir cette mesure comme une menace ou une contrainte et donc se rigidifier. Dans d’autres cas, l’éloignement d’un individu peut conduire un membre de la fratrie à témoigner plus librement.

2.1.3 Les relations fraternelles

Par définition, les relations fraternelles sont initialement vouées à durer plus longtemps que toutes autres relations.

« Le lien fraternel constitue l’un des trois grands liens (lien conjugal, lien parental) qui structurent la famille. Il joue un rôle considérable dans la vie intrapsychique, affective et sociale du sujet. La haine, la compétition, la passion, la jalousie et l’amour se mettent en jeu dans la relation fraternelle. » (Tsoukatou, 2005, p. 56)

Selon Howe et Recchia (2015), les quatre caractéristiques des relations fraternelles sont définies, premièrement, par le fait qu’elles soient chargées sur le plan affectif et donc qu’elles révèlent ainsi de fortes émotions. La seconde caractéristique se traduit par l’intimité qui les lie, due au fait que les enfants se connaissent généralement depuis leur naissance et passent la majeure partie de leur temps ensemble. Ces relations leur offrent l’opportunité de simuler des situations de conflits et de développer une compréhension du point de vue de l’autre. Troisièmement, la relation est définie par l’existence de grandes différences individuelles en ce qui concerne la qualité des liens fraternels. Enfin, la dernière se caractérise par les différences d’âge qui génèrent occasionnellement des disputes liées aux questions de pouvoir, de contrôle, de rivalité et de jalousie, mais peuvent aussi créer un contexte d’échanges favorisant la complémentarité et l’entraide.

Gayet (1993, cité par Widmer, 1999, p.9) reconnaît ses fonctions de la fratrie à une différence près. Il ajoute la notion de complexe de Caïn, aussi appelé complexe familial par Freud, qu’il décrit comme un prolongement du complexe d’Œdipe. Ce complexe cible les relations entre les frères et sœurs, mais dépend aussi de la relation avec les parents, car celle-ci va définir les relations fraternelles étant donné que les germains demeurent en rivalité pour l’amour de leurs parents. De ce constat, il insiste sur les conflits plus que sur les actes de solidarité et d’entraide qui, pour lui, sont des manières détournées de satisfaire le parent et donc d’instaurer de la rivalité avec le frère ou la sœur.

Vinay et Jayle (2011, p. 344) explicitent les différents processus qui s’actionnent dans la vie psychique de la famille en relevant des dimensions verticales et horizontales et de l’imbrication de ces processus.

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2.1.3.1 Les processus de la dimension verticale

Les processus de la dimension verticale agissent dans la relation parents – enfants. La rivalité

Les relations fraternelles sont dirigées par des comportements envieux, jaloux, compétitifs dans le but d’obtenir l’amour exclusif des parents, mais aussi pour des enjeux de pouvoir concernant la propriété et l’espace commun. Cette rivalité, présente tout au long du développement de l’enfant, est exprimée ou refoulée en fonction de la réaction des parents. Généralement, les parents laissent reproduire les mêmes types de relations fraternelles entre leurs enfants que celles qu’ils ont eux-mêmes vécues. Les complexes d’intrusion

La rivalité vécue dans la relation fraternelle est une réponse à l’intrusion d’un puîné qui vient voler, détrôner ou déposséder. Ce complexe peut se transformer en rancune inconsciente contre la mère infidèle. L’aîné peut réagir de manières différentes :

- « Par un changement d’humeur en devenant grincheux ou agressifs.

- Par une phase régressive avec une demande de succion ou un manque de fonctions excrémentielles.

- Par une attitude hostile masquée par une tendresse excessive, bienveillante vis-à-vis du frère ou de la sœur. » (Vinay & Jayle, 2011, p. 344)

Ce type de réactions et comportements sont normaux. Lechartier-Atlan (2008, p. 331-338) illustre combien les relations fraternelles impactent l’individu tant dans les orientations que dans les choix de vie.

Le déplacement œdipien

Selon Freud (1913, cité par Vinay & Jayle, 2011, p. 344), « quant arrivent d’autres frères, le complexe d’Œdipe s’élargit dans le complexe familial. » Ce prolongement peut ainsi déplacer, autant chez les garçons que chez les filles, les sentiments amoureux ressentis pour le parent de sexe opposé sur une sœur ou un frère.

2.1.3.2 Les processus de la dimension horizontale

La dimension horizontale considère uniquement la fratrie et donc les relations qui lient chaque membre de celle-ci. Ces relations viennent développer les processus psychiques de la différenciation moi-autrui ainsi que celle de la dimension imaginaire. La différenciation moi-autrui

La fratrie détient un rôle important et bénéfique pour aider l’enfant à construire son identité, à forger son caractère, à faciliter son intégration sociale où, par le biais des frères et sœurs, l’enfant va apprendre à s’identifier comme un être unique. Pour ce faire, il va passer par différentes phases de démonstration selon son âge, en débutant par la phase de la peur de l’étranger à l’âge de 8-9 mois, puis celle de l’imitation du puîné, tout en cherchant à se différencier par ses apprentissages plus aguerris. La jalousie demeure inévitable, elle peut s’apercevoir de façon passive ou active selon les enfants.

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La dimension imaginaire

Une fois qu’une différenciation a pu être établie, l’enfant cherche inconsciemment des similitudes avec ses pairs et donc à travers les membres de sa fratrie. On parle de la problématique du miroir. L’enfant va se construire une 2e image de lui en fonction de ce que disent ses frères et sœurs. Ce dédoublement imaginaire amène donc de la confusion entre soi et l’autre et la pleine reconnaissance de l’autre.

2.1.4 La notion de loyauté dans les familles

Il serait impossible de décrire ce qu’est une fratrie sans parler bien évidemment de la loyauté, bien qu’il soit aussi difficile de se positionner quant aux effets de cette notion, car les avis sont divergents. Catherine Ducommun-Nagy (2008) prend le parti de définir la loyauté familiale comme une ressource relationnelle. Selon elle, les relations que nous entretenons avec nos proches ont un besoin fondamental de réciprocité sans lequel nous deviendrons avares d’échanges. Elle définit ce procédé « d’éthique relationnelle ».

Dans le cas où la réciprocité s’avère négative, l’individu lésé va ressentir un sentiment d’injustice et peut se retrouver à « faire payer » d’autres personnes innocentes pour cette injustice. On parle alors de légitimité destructive, car l’injustice ne fait que se reporter (Boszormenyi-Nagy & Krasner, 1986, cités par Catherine Ducommun-Nagy, 2008). Pour s’extraire de ces légitimités destructives, la maturité de l’individu va lui permettre de tolérer ces injustices, l’amenant jusqu’à lui permettre d’expérimenter la confiance dans les relations, même lorsque la réciprocité n’opère pas immédiatement. Concernant le système familial, la notion de réciprocité prend une forme particulière qu’on appelle loyauté, car, en plus d’attendre que l’autre se montre autant disponible pour nous qu’on l’a été pour lui, on va se montrer plus disponible qu’on ne pourrait l’être pour quiconque. Comme le mentionne Catherine Ducommun-Nagy (2008, p.119), « la loyauté n’est pas tellement basée sur l’obéissance à des règles ou à des traditions (il s’agirait là de loyalisme), mais sur la redevance. » Par cette définition, la notion de loyauté prend une dimension triangulaire puisqu’elle va démarquer les personnes qui bénéficient de notre loyauté de toutes les autres. De cette démarcation va dès lors naître les conflits de loyauté lorsque nous devons faire un choix face à deux personnes qui réclament notre loyauté en même temps.

Ces conflits de loyauté deviennent épuisants lorsque la confiance dans la famille n’est pas de mise. Dès lors, si l’individu n’obtient pas la certitude, à défaut d’être la priorité cette fois, de le devenir la fois suivante, une réponse sera donnée sur le sentiment d’avoir été considéré.

2.1.4.1 Les loyautés invisibles

« De par sa définition, la loyauté résulte d’un engagement et se manifeste par un choix. Tant que nous n’avons pas de choix à faire, notre loyauté reste toujours invisible. » (Ducommun-Nagy, 2008, p. 120)

Parfois, il arrive de ne pas pouvoir rendre visible notre loyauté. Par exemple, dans le cas où un enfant perdait ses parents, il serait impossible pour lui faire des choix qui leur prouveraient sa loyauté. Cependant, l’enfant peut le faire de manière indirecte en étant déloyale aux personnes qui l’entourent.

Dans un autre cas de figure, un individu peut penser que ses parents ne méritent plus sa loyauté, mais ne parvient pas à être complètement déloyal pour différentes raisons

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comme la dépendance émotionnelle, la culpabilité, la peur des représailles ou encore le besoin fondamental de conserver un lien avec eux. Cette situation peut amener un individu à décider de partir en vacances avec des amis, sans se soucier de ses parents. Pourtant, une fois en vacances, il peut devenir détestable et décider de s’isoler, car le souci pour ses parents prend ainsi trop d’ampleur. On parle alors de loyauté indirecte et invisible, car les parents auront le sentiment qu’il est déloyal alors que l’expression de sa loyauté est restée malgré tout invisible.

2.1.4.2 Clivage de loyauté

« Si la preuve de loyauté à un des parents doit passer par la déloyauté envers l’autre, l’enfant ne se trouve plus dans un conflit de loyauté, mais dans ce que l’on appelle un clivage de loyauté. » (Ducommun-Nagy, 2008, p. 121)

Ce genre de situation place l’enfant dans une situation impossible. Il a été observé que les fratries peuvent ainsi se désunir pour combler cette demande. Un enfant prend le parti de la mère et un autre celui du père. Mais en réalité, cette fratrie s’allie pour maintenir un certain degré de loyauté envers les deux parents.

Les dommages pour ses enfants sont sévères tant d’« ordre individuel : dépression chronique, tendance suicidaire, manque d’estime de soi, etc., et ensuite d’ordre relationnel en raison d’une légitimité destructive qui aura des conséquences pour toutes leurs relations ultérieures » (Ducommun-Nagy, 2008, p. 122).

2.2 L’adolescence

2.2.1 Définition

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (2019), l’adolescence est « la période de croissance et de développement humain qui se situe entre l’enfance et l’âge adulte, entre les âges de 10 et 19 ans ». Il s’agit d’une période de transition caractérisée de multiples changements dans différentes dimensions.

Véronique Bedin (2009, p.37) décrit l’adolescence comme :

« … le temps des métamorphoses. Ce n’est pas un état, mais un passage, une transition entre l’enfance et l’âge adulte. Françoise Dolto a comparé joliment l’adolescent à un homard sans carapace… Durant cette période, le corps de l’enfant mue, se transforme de manière spectaculaire : l’adolescent grandit beaucoup en peu de temps, voit son visage se consteller de petites rougeurs et autres boutons disgracieux, ses poils pousser, sa peau devenir plus grasse… à cela s'ajoutent des signes plus cachés, mais non moins importants. »

Ces différentes dimensions de changements ont été listées par Cloutier (1996, cité par E. Solioz, 2015) qui décrit ces dimensions par un état de début et de fin. La dimension première concerne les changements biologiques comprenant tout ce qui touche aux changements d’aspects physiques et sexuels jusqu’à la capacité de concevoir un enfant.

Ensuite, les changements cognitifs avec les premières apparitions de pensées abstraites allant jusqu’à la maîtrise de la pensée formelle, autrement dit le stade ultime du développement cognitif, selon Piaget. L’adolescent va débuter son raisonnement

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par hypothèses afin d’en déduire des conséquences. Rapidement, il sera en quête de vérifier ses conséquences dans le but d’affiner ses réponses.

La dimension psychique n’est pas épargnée avec le début des tentatives d’affirmation de son identité personnelle et de ses choix ainsi que de la création d’un jardin secret. Ses changements aboutiront une fois que l’adolescent sera capable de se définir en tant que personne indépendante par sa pensée et ses choix.

D’un point de vue juridique, l’adolescence est sujette aussi à des changements sur le plan légal. Les parents seront en mesure d’offrir plus de liberté à leur adolescent en le laissant seul à la maison sans pour autant être accusés de négligence par la loi. Progressivement, différentes responsabilités seront incombées à l’adolescent jusqu’à sa majorité où il devient pleinement, par l’acquisition de ce nouveau statut et des devoirs et droits – le droit de vote par exemple – qui en découlent, un citoyen.

Pour terminer, les changements sous le prisme de la dimension sociale apparaissent par des comportements de participation autonome aux rôles collectifs et par la construction d’un groupe social indépendant de la famille allant jusqu’à la maîtrise de soi dans les enjeux de pouvoir et de responsabilité.

2.2.2 Les 7 besoins de l’adolescent∙e

Afin que les changements s’opèrent dans une certaine harmonie, l’adolescent∙e a des besoins capitaux à combler. Fize (2006, cité par E. Solioz, 2015) les a décrits au nombre de 7 ; les voici :

 Besoin de confiance

o L’adolescent∙e a besoin qu’on lui témoigne de la confiance pour ensuite faire confiance aux autres. Cette notion se rapporte à l’estime de soi et à l’envie d’agir.

 Besoin de sécurité

o Ce sentiment passe par les repères et les références en appréhendant les limites du cadre.

 Besoin de responsabilité

o En assumant des responsabilités à la fois personnelles et sociales dans le but d’augmenter son sentiment d’utilité.

 Besoin d’espoir

o Il est essentiel que l’adolescent∙e vive des expériences positives afin de croire en l’avenir.

 Besoin de dialogue

o L’adolescent∙e apprend le désaccord par le dialogue. Ces échanges d’idées le/la poussent à penser différemment d’autrui et donc à penser par soi-même. Cette notion s’avère aussi préventive à la violence en apprenant à gérer sa frustration.

 Besoin d’autonomie

o En procédant par essai-erreur, l’adolescent∙e va expérimenter automatiquement un certain nombre d’erreurs et de ce fait, il/elle a besoin d’avoir le droit de se tromper sans moralisation. Cette autonomie va lui donner le pouvoir de choisir ses règles de conduite, l’orientation de ses actes et les risques y relatifs.

 Besoin d’affection

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2.2.3 Les conduites à risque à l’adolescence 2.2.3.1 Définition

Dans les dimensions de changement listées par Cloutier ci-dessus, la dimension psychique nous révélait qu’à l’adolescence débutait la phase d’affirmation de soi. Robert Courtois (2011), quant à lui, nomme cette dimension comme celle de rupture et travail de différenciation familiale. L’adolescent∙e expérimente l’affirmation de soi en optant pour des attitudes et des comportements d’opposition et de transgression. Les adolescents font acquisition du libre arbitre, ce qui va évidemment bouleverser tout le système relationnel familial.

En continuité à cette dimension, Robert Courtois (2011) met en évidence que cette affirmation de soi se concrétise aussi avec les pairs et via les différents modes de sociabilisation comme l’engagement dans des conduites séductrices (premières expériences amoureuses) ou l’expérimentation des substances psychoactives qui marquent, encore une fois, le besoin d’éloignement des figures parentales afin de prouver une valeur relative à son identité de genre.

Ces types de conduites sont décrites comme « à risque ». Courtois (2011) a recensé plusieurs définitions dont on peut retenir les deux suivantes :

- « Comportements comprenant des risques objectifs pour le bien-être physique ou mental de l’individu. » (Choquet, Marcelli & Ledoux, 1993, cité par Courtois, p.30)

- « Comportements susceptibles d’entrainer des effets dangereux » pour le jeune et les autres incluant une dimension de transgression et de « déviance sociale » (Coslin, 2003, cité par Courtois, p.30)

Dans ce processus de séparation-individuation, l’adolescent, en fonction de différents facteurs influents tels que la famille, les pairs et la société, va opter pour des comportements de prise de risque afin d’expérimenter entres autres son autonomie vis-à-vis de ses parents, explorer son identité, confirmer sa place parmi ses pairs et son narcissisme. Ces comportements de prise de risque peuvent permettre à l’adolescent de construire son autorégulation émotionnelle (Michel, Heuzey, et al., 2003, cité par Courtois, p.182), de se procurer un sentiment de toute-puissance et de développer le déni de son angoisse et de son absence de maîtrise.

En effet, l’adolescent∙e ne possède pas le recul et la maturité nécessaires pour gérer toutes ses « tensions » et émotions nouvelles, ce qui peut souvent le mener à passer à l’acte. Ces tiraillements entre les changements corporels et la force psychique nouvelle les mènent à exploiter des décharges corporelles. Ces formes d’expression de l’« agir » peuvent être multiples. Les facteurs favorisant l’« agir » sont de deux sortes :

- « Facteurs externes ou environnementaux (changement de pairs, influence sociétale à travers les stéréotypes sociaux et les facteurs culturels et socioéconomiques).

- Facteurs internes (conséquences des modifications corporelles pubertaires avec accroissement brutal de l’énergie et de la force musculaires, modification du schéma corporel et de l’image de soi, intensification pulsionnelle, nouvel équilibre narcissique, nécessaire aménagement des relations objectales, réaménagement identitaire et angoisse) » (Courtois, 2011, p. 181).

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Le passage à l’acte dans des conduites à risque peut viser, comme but, le changement. L’adolescent∙e tente ainsi de rompre avec ses difficultés et maîtriser sa vie. Ce besoin de se réapproprier la réalité externe s’avère essentiel pour certain∙e∙s et ce passage à l’acte va donc éviter à l’adolescent∙e le sentiment de soumission infantile.

Ces conduites à risque vont par conséquent mettre à mal tout le système familial. Courtois (2011) met ainsi l’accent sur la nouvelle génération de parents qui placent au centre de toutes leurs préoccupations le bien-être de leur enfant allant jusqu’à la recherche d’une symétrie dans la relation parent-enfant. Ce type de relation va ainsi diminuer l’autorité parentale structurante pouvant placer les parents dans un contexte insécurisant et laisser les adolescent∙s face à leur libre arbitre inachevé comme seule limite. De ce type de relation découlent ainsi des situations qui, paraissant a priori normales, nécessitent alors l’intervention des travailleurs sociaux.

2.2.4 Le rôle de la communication familiale et de l’estime de soi dans la délinquance adolescente

Les conduites à risque font partie intégrante de l’adolescence. Néanmoins, celles-ci peuvent prendre des proportions importantes et placer, à l’extrême, l’adolescent∙e dans des conduites délinquantes.

Selon Jiménez, Lehalle, Murgui, & Musitu (2007), les problèmes de conduites à risque et des difficultés psychosociales au moment de l’adolescence éminemment liés à la qualité de la relation parents-enfants/adolescent∙e∙s. Les facteurs familiaux, susceptibles d’expliquer ces conduites, sont nombreux, comme par exemple « la présence de difficultés socioéconomiques, une histoire familiale comportant des problèmes de conduite, l’existence de conflits familiaux ou une certaine pauvreté des interactions parents-enfants ». (Jiménez, Lehalle, Murgui, & Musitu, 2007, p. 7)

Néanmoins, des recherches ont montré que lorsque les adolescent∙e∙s considèrent leur système familial comme positif et qualifient la communication ouverte et fluide, les relations familiales caractérisent un facteur protecteur des conduites délinquantes et des ruptures avec les normes sociales. En effet, ces relations constituent des ressources psychosociales et facilitent donc l’adaptation de l’adolescent∙e. De plus, par les valorisations, elles permettent une meilleure estime de soi des adolescent∙e∙s (Estévez, Musitu, & Herrero, 2005b; Lila & Musitu, 1993; Noller & Callan, 1991 cités par Jiménez, Lehalle, Murgui, & Musitu).

Les avis divergent quant à un éventuel lien entre l’estime de soi et les conduites délinquantes. Des auteurs, au point de vue plus traditionnel à l’instar de Bandura, considèrent qu’une estime de soi élevée contribue à la santé mentale des jeunes. Néanmoins, ces analyses sont remises en question par des auteurs tels que Baumeister, Bushman, & Campbell, Brendgen, Vitaro, Turgeon, Poulin, & Wanner (2004, cités par Jiménez, Lehalle, Murgui, & Musitu, 2007) qui ont révélé qu’une estime de soi élevée peut aussi contribuer à ce que l’adolescent∙e nourrisse des attentes du réel trop élevées. Par conséquent, une fois celles-ci non atteintes ou contredites, l’adolescent∙e peut être sujet à des états dépressifs et/ou des conduites agressives. En conclusion de leur recherche, Jiménez, Lehalle, Murgui, & Musitu (2007) reprennent les dires de Pfeiffer pour sa pensée quant à l’estime de soi chez l’adolescent∙e, mentionnant qu’il ne suffit pas qu’elle soit élevée, au contraire, mais plutôt ajustée, c’est-à-dire réaliste et adaptative.

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2.2.5 Le rôle des pairs

Bien que le système familial représente la source la plus influente pour un∙e adolescent∙e, le groupe de pairs n’est de loin pas à négliger.

« Lorsqu’un sujet fréquente des pairs usagers, son usage est plus probable. » (Brook et al., 1990, cité par Assailly, p.62)

Par cette phrase, Broke met en évidence l’influence du groupe de pairs sur l’adolescent∙e. Toutefois, Assailly (2006) précise que les facteurs de confusion liés à l’influence de l’individu dans ses choix ne sont pas à négliger.

Il ressort deux phénomènes qui peuvent coexister : - L’influence.

« Lorsque les comportements d’un individu et ceux de ses pairs se ressemblent, on peut invoquer un apprentissage social : le sujet « modèle » son comportement sur celui d’autrui, particulièrement les autrui significatifs, afin de se conformer aux normes de son groupe » (Assailly, 2006, p. 63). - La sélection.

« La ressemblance peut provenir d’un processus de sélection. Le sujet a tendance à composer son groupe d’amis, avec des individus dont les comportements ressemblent aux siens. Les groupes vont se former autour d’intérêts communs (alcool, cannabis, runs en voiture, pratique d’un sport « extrême », etc.). Une fois cette sélection opérée, les influences peuvent bien sûr se produire, les liens créés vont renforcer les motivations relatives au comportement en question » (Assailly, 2006, p. 63).

2.3 Les placements des mineurs

2.3.1 Cadre légal d’un placement de mineur Art. 276 du Code civil suisse (2014),

« Les père et mère doivent pourvoir à l’entretien de l’enfant et assumer, par conséquent, les frais de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger. »

Par cet article d’obligation d’entretien inhérent aux pères comme aux mères, les parents d’un enfant sont nommés comme les garants de son bien-être. Cela signifie qu’ils doivent veiller à son bon développement et à la satisfaction de ses besoins en tout point comme l’école, la nourriture, les relations, les contacts sociaux, la protection contre les dangers, le mouvement et la santé.

Le flyer de Kescha concernant la protection de l’adulte et de l’enfant (2018) détaille les procédures dans le but que cet article soit respecté ainsi que les types de mesures qui peuvent être appliquées, car il arrive que des parents ne puissent remplir cette mission dans son intégralité. Ces situations entraînent dès lors une atteinte aux droits et à la liberté des enfants concernés. Si ces parents ne peuvent remédier à cette mise en danger, les autorités de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) se manifestent ou le tribunal compétent en matière matrimoniale (séparation, divorce des parents) intervient et examine des mesures.

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Le rôle de ces organes judiciaires est d’ordonner les mesures nécessaires dans de tels cas. Les décisions sont prises lors d’une procédure particulière et peuvent être contrôlées par un tribunal. Une mesure n’est jamais appliquée pour substituer la responsabilité parentale, mais s’avère nécessaire pour la compléter et la soutenir. Avant de mettre une mesure en place, l’APEA doit suivre une procédure (Kescha, 2018) déclinée en 4 points :

1. Ouverture de la procédure à la suite d’un signalement (par une personne connaissant la famille de proche ou de loin, pouvant même d’ailleurs faire partie de cette famille) ou une demande des parents. L’APEA vérifie la pertinence de la déclaration et éclaircit les points manquants.

2. Phase d’enquête qui peut durer plusieurs mois avant que l’APEA puisse examiner toutes les informations utiles à la prise d’une décision de mesure ou y renoncer. Durant cette enquête, les familles et parents ont le droit d’être entendus et de proposer des solutions afin d’éviter une mesure. En attendant un verdict, l’APEA peut ordonner des mesures provisionnelles.

3. Décision rendue par l’APEA grâce à un courrier écrit. Ce courrier informe des justifications de la décision et de la manière dont la/les personnes peuvent faire recours. Si aucun recours n'est fait, la mise en œuvre de la décision est appliquée. Cependant, si un recours a lieu, un tribunal doit vérifier cette décision. En attentant la décision finale du tribunal, APEA peut ordonner la mise en œuvre de leur décision à titre provisoire.

4. Mise en œuvre de la décision faite généralement par un curateur. Cependant, l’APEA doit surveiller et approuver les rapports du curateur afin de s’assurer que les mesures soient appliquées.

5. Nouvelle mesure ou adaptation de la mesure obligeant la réouverture d’une nouvelle procédure. Elle peut être demandée par l’autorité ou par une personne concernée.

2.3.2 Types de mesures

La loi suisse prévoit différentes mesures en cas de mise en danger du bien-être de l’enfant. Ces mesures sont progressives et visent à apporter d’abord un soutien parental sauf dans les cas de maltraitance avérée. Si la collaboration et les réajustements familiaux sont inexistants ou insatisfaisants, les mesures peuvent augmenter et être durcies.

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Chaque mesure a un impact respectivement sur les droits et devoirs incombés aux parents vis-à-vis de leurs enfants. Voici un schéma des domaines parentaux :

Flyer sur la protection de l’adulte et de l’enfant (2018) – www.kescha.ch

1. La première mesure, mais aussi la plus courante est la curatelle. L’APEA peut mandater un∙e curateur/trice dès le début de la procédure afin de représenter les intérêts de l’enfant, indépendamment des avis souvent divergents des parents dans ce type de situations. Dans ce premier temps, elle n’enlève aucun droit aux parents, mais ajoute un soutien à ces derniers afin de mieux remplir leurs tâches éducatives. On parle alors de curatelle éducative.

À la suite de la décision de l’APEA, cette curatelle peut se voir ajouter des prérogatives particulières. Parfois, le curateur ou la curatrice est chargé∙e de représenter l’enfant en fonction des limitations de l’autorité parentale. Il est aussi possible d’ordonner différents types de curatelles en fonction des domaines comme l’entretien, l’école, l’éducation ou les relations personnelles. 2. Une autre mesure qui peut être appliquée touche le droit de déterminer le domicile de l’enfant incluant la garde. L’APEA peut ordonner un retrait du droit des parents de déterminer le domicile de leur enfant. Dans cette situation, l’enfant est placé auprès d’un tiers (ex. un foyer éducatif, une famille d’accueil). 3. Si ces deux mesures précédentes ne permettent pas de garantir le bien-être de

l’enfant, un retrait de l’autorité parentale peut être ajouté. L’autorité parentale comprend tous les droits et les devoirs des parents : la garde (elle peut être partagée en cas de divorce), le droit d’entretenir des relations personnelles, le droit de prendre les décisions importantes comme le choix de l’école ou encore les décisions médicales ou religieuses.

4. Si l’autorité parentale est retirée aux deux parents, un tuteur ou une tutrice est désigné à l’enfant. Néanmoins, le droit d’entretenir des relations

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personnelles et le droit à l’information peuvent être maintenus. Cela signifie que les parents peuvent obtenir un droit de visite, un droit de contact téléphonique, un droit de correspondre par écrit (lettre, SMS, e-mail, chat, etc.) avec leur enfant. Pour le droit à l’information, les parents sont mis au courant des grandes décisions comme des plus petites à titre informatif (ex : les notes scolaires).

2.3.3 Les types de placement en institution

Les placements de mineur∙e∙s en institution peuvent se faire selon l’article 310 du Code civil suisse stipulant que le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence s’applique :

1. Lorsqu'elle ne peut éviter autrement que le développement de l'enfant ne soit compromis, l'autorité de protection de l'enfant retire l'enfant aux père et mère ou aux tiers chez qui il se trouve et le place de façon appropriée.

2. À la demande des père et mère ou de l'enfant, l'autorité de protection de l'enfant prend les mêmes mesures lorsque les rapports entre eux sont si gravement atteints que le maintien de l'enfant dans la communauté familiale est devenu insupportable et que, selon toute prévision, d'autres moyens seraient inefficaces.

3. Lorsqu'un enfant a vécu longtemps chez des parents nourriciers, l'autorité de protection de l'enfant peut interdire aux père et mère de le reprendre s'il existe une menace sérieuse que son développement soit ainsi compromis.

(Code civil Suisse, 2014) Dans ces situations, le placement d’un∙e mineur∙e est communément appelé placement « civil ». L’exception se trouve dans les situations telles que l’alinéa 2, autrement dit lorsque la demande émane des parents : le terme de placement « social » est ainsi employé, car les parents peuvent retirer leur enfant à tout moment du placement.

De plus, si l’adolescent∙e a commis des délits alors une peine lui sera incombée par un∙e Juge du Tribunal des mineurs, le droit pénal des mineurs en connaît quatre sortes (Département fédéral de justice et police DFJP, 2019) :

- La réprimande

- La prestation personnelle - L’amende

- La privation de liberté

« Ces sanctions interviennent si, et seulement si le mineur a agi de manière coupable » (art. 11 al. 1 DPMin).

« La peine étant de durée déterminée, elle prend fin lorsqu’elle a été exécutée. Dans tous les cas, elle se termine au plus tard lorsque le jeune atteint l’âge de 25 ans. » (Prescription absolue, art. 37 al. 2 DPMin)

Dans le cas d’application d’une mesure de privation de liberté, le/la mineur∙e est alors pris∙e en charge par l’Autorité de protection de l’adulte et de l’enfant (APEA). Celle-ci

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va définir son prochain lieu de vie en se référant à l’article 15 du droit pénal des mineurs qui dit :

« Le placement intervient lorsque la prise en charge du mineur requiert un suivi et un contrôle permanent. Cette mesure représente une restriction importante de la liberté du jeune et peut être prononcée uniquement si une expertise médicale ou psychologique en a constaté la nécessité. Le placement peut se faire en milieu ouvert ou fermé si, dans ce cas, le traitement et la protection du mineur ou de la collectivité l’exigent.

Durant l’exécution de la mesure, l’autorité d’exécution doit régler le cas des relations personnelles entre le mineur et ses parents ou des proches. Il est en outre prévu que le jeune ne peut être sanctionné par une mesure d’isolement d’une durée supérieure à sept jours. Si le délinquant a plus de 17 ans, il peut être amené à exécuter sa mesure dans un établissement pour jeunes adultes, au sens de l’article 61 CP. » (Département fédéral de justice et police DFJP, pp 14-15)

Dans ce dernier cas, on parle alors de placement « pénal » pour décrire le type de placement.

Ces trois types de placement peuvent avoir lieu dans une seule et même institution, cependant, la contrainte ne provient pas de la même autorité et n’a pas lieu pour les mêmes raisons.

Concernant la pratique des travailleuses et travailleurs sociaux, les accompagnements des adolescent∙e∙s ne se différencient pas selon leur type de placement. De ce fait, un∙e adolescent∙e placé∙e pénalement ou socialement dans une institution aura le même suivi et sera traité∙e de la même manière.

2.3.4 Institutions d’éducation spécialisée en Valais

Selon le site internet de l’État du Valais (2019), il existe 6 lieux d’accueil pour des enfants et jeunes de 0 à 18 ans ayant des difficultés sociales et éducatives importantes, des troubles du comportement ou ayant commis des délits ou infractions. Ces lieux sont :

- Ilot de Port-Valais au Bouveret - Foyer La Chaloupe à Collombey - La Fontanelle à Mex et à Vérossaz - Fondation Cité Printemps à Sion - Saint-Raphaël à Champlan et à Sion - Mattini à Brig

Au total, les institutions d’éducation spécialisée ont une capacité d’accueil d’environ 200 mineur∙e∙s.

Le Service cantonal de la jeunesse est mandaté par la Confédération pour faire respecter les dispositions relatives aux placements des mineur∙e∙s. Cette responsabilité concerne la délivrance des autorisations de placement et l’exercice de la surveillance. Sa mission est aussi d’encourager, de planifier, de coordonner et de

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soutenir financièrement les activités inhérentes aux institutions d’éducation spécialisée.

Ces 6 lieux regroupent des enfants avec des « difficultés » d’origine toutefois bien différentes. Parfois, il s’agit de parents n’arrivant plus à assumer leur rôle, d’autres fois, il s’agit de mineur∙e∙s optant pour des comportements à risque ou des comportements de délinquance. Les situations sont toutes singulières. Les institutions susmentionnées sont dès lors mandatées en fonction des types de situations et de l’âge des mineur∙e∙s. Cependant, les situations se retrouvent souvent mélangées dans les mêmes lieux de résidence par manque de place ou tout simplement pour des questions organisationnelles, telles que les situations géographiques des institutions. Les travailleurs sociaux, intervenant dans ces institutions, ont ainsi affaire à toutes sortes de profils et de contextes familiaux et doivent dès lors veiller à l’équilibre des dynamiques de groupe.

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3. Problématique

Dans ce chapitre, les différentes thématiques traitées dans mon cadre théorique seront mises en lien dans le but d’extraire les multiples enjeux sous-jacents à la problématique. Ensuite, ma question de recherche sera développée afin de préciser l’orientation choisie pour mon enquête sur le terrain. Pour terminer, je formulerai des hypothèses découlant des concepts théoriques abordés, puis la question de recherche qui sera dès lors vérifiée grâce à mon enquête de terrain.

Pour débuter, comme expliciter dans mon cadre théorique, il peut être retiré aux parents d’un∙e mineur∙e le droit de déterminer le lieu de résidence de leur enfant pour différentes raisons. Forcément, une séparation de la famille et par conséquent des éventuels frères et sœurs découle de ce retrait. La loi valaisanne en faveur de la jeunesse (2000) ajoute que le mandat d’une prise en charge institutionnelle se fait pour un∙e jeune mineur∙e. Les parents sont inclus dans le suivi de la prise en charge s’il n’y a pas d’interdiction particulière, tout comme les autorités scolaires, les professionnels de la santé, les autorités judiciaires et tutélaires ainsi que les associations entourant la personne concernée. Cependant, les frères et sœurs, peu importe leur âge respectif, ne sont légalement pas mentionnés dans l’application d’une telle mesure et donc ne font pas partie intégrante de la prise en charge.

En fonction des différents facteurs liés aux raisons de son placement, à la situation de l’adolescent∙e et aux places disponibles dans les institutions, l’adolescent∙e va être admis∙e dans une institution qui sera alors son nouveau lieu de résidence. L’adolescent∙e concerné∙e se retrouve alors dans une institution plus ou moins éloignée de son domicile, avec des possibilités de visites plus ou moins fréquentes. La plupart de ces mesures n’empêchent pas le contact avec la famille, donc avec la fratrie et a pour but de rétablir un équilibre dans la famille afin de projeter un retour de l’adolescent∙e placé∙e.

De ce constat, les travailleuses et travailleurs sociaux vont accomplir une part de la mission éducative parentale en prenant en charge l’adolescent∙e. L’éloignement de ce membre « problématique » va toutefois laisser place à des questionnements auprès de sa fratrie tels que « ce qui arrive à mon frère ou à ma sœur pourrait-il se produire pour moi aussi ? » (Tilmans-Ostyn & Meynckens-Fourez, 1999, p. 201). De plus, beaucoup d’enjeux de place, de pouvoir, de rôles vont éclore dans la famille suite à ce départ, tout comme lors d’un retour à domicile, suite à un placement.

Toujours selon Tilmans-Ostyn & Meynckens-Fourez (1999), les questionnements inexprimés peuvent demeurer par le manque de contact entre les professionnel∙le∙s et les membres de la fratrie. Inversement, le témoignage d’un frère ou d’une sœur peut aussi nécessairement émerger suite à cet éloignement traumatique, mais là faut-il encore que celui-ci puisse être entendu ou rapporté à un∙e professionnel∙le pour le considérer.

Malgré des contacts réguliers entre l’adolescent∙e concerné∙e et sa fratrie, Vanessa Scailteur (2009, p. 72) met en évidence que « la notion de fratrie se voit souvent gommée par les professionnels qui, soucieux du bien de l’enfant, oublient la relation horizontale qui le lie à ses frères et sœurs. »

Actuellement conscient de cet enjeu, les institutions tendent vers une vision plus systémique des prises en charge. Cette vision progressiste a émergé suite à leur

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