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L'agriculture montagnarde phunoï du nord du Laos : vers la fin de l'autosubsistance

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(1)

phunoïdu nord

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1

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du Laos :

vers la fin de

l'autosubsistance

. * / V't'r ^ 4 * * V} **; ^ ^

Les systèmes de défriche-brûlis des terres

hautes de la péninsule indochinoise se

transforment sous la pression de facteurs

sociaux et politiques : accroissement démographique,

intégration des systèmes de production dans l'économie

de marché, interventions politiques nationales ou

locales. Celles-ci visent à préserver l'environnement

forestier des bassins versants supérieurs, parfois aux

dépens de ceux qui l'occupent. Au nord du Laos, les

essarteurs phunoï, qui ont développé une agriculture

d'autosubsistance dans des conditions naturelles

difficiles, n'échappent pas à cette évolution. Le projet

de développement rural mis en oeuvre par le Comité

de coopération avec le Laos (CCL), avec le soutien

financier de la Caisse française de développement

(CFD), doit répondre aux exigences politiques laotiennes

de stabiliser la culture sur abattis-brûlis tout

en permettant un développement économique

et social harmonieux de la région.

J.-R. LAFFORT

s / c Com ité de coopération avec le Laos (CCL), BP 4 7 9 1 , Vientiane, République dém ocratique populaire Lao Clichés de l'auteur

Remerciements — Cette étude a pu être

réalisée grâce au concours financier du ministère français des affaires étrangères et au suivi de l'agence de la Caisse française de développem ent à Vientiane. L'auteur remercie également le ministère de l'agriculture et des forêts de la République dém ocratique populaire lao et le Comité de coopération avec le Laos qui ont facilité cette réalisation, ainsi que les membres des missions du projet Doras et du C irad qui ont apporté informations et conseils.

(2)

Laos

L'aménagement de rizières en terrasses est rare dans cette région montagneuse.

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Figure 1. Carte physique du Laos.

L

, analyse diagnostic du systè­

me agraire p h u n o ï est fo n ­ dée sur l'a p p r o c h e systé- m i q u e des r é a lit é s a g r ic o l e s et l'analyse historiq ue des d é v e lo pp e ­ ments. Dans cette région isolée et g ratifiée d'a id es marginales, il faut souligner le fa ible nom bre d'études et le manque de données clim atolo- g iq u e s , s o c io lo g iq u e s , etc., a n té ­ rieures à 1994, ce qui limite l'analyse dans le temps.

Le territoire phunoï

Phongsaly est la province la plus sep­ t e n t r i o n a l e des 17 p r o v in c e s que compte la République démocratique populaire lao (RDPL). Elle est bordée à l'est par la R é p u b liq u e socia liste du V ie t n a m et par la R é p u b liq u e

Agriculture et développement ■ n° 1 6 - Décembre 1 997 C H IN E ’HONG SALI pUANG-OUDOMSAI LOUANG PRABANG HOUAPHAN T H A ÏL A N D E g BORIKHANE LAOS V ie n tian e KHAMMOUAN SAVANNAKHET sarâvane SEKON* c h am pa s; V IE T N A M Golfe au Tonkin Limite d e province Route prin cipa le A u tre route C a p ita le d 'Etat

0 100 km

(3)

■ S

s

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m m à m . A:

Figure 2. Le nord du Laos.

populaire de Chine à l'ouest (figure 1 ). Excentrée par rapport aux principales voies de comm unications, cette pro­ vince est reliée au reste du pays par une ro u te o u v e rte à la c i r c u l a t i o n depuis 1997, mais qui ne dessert pas l'ensemble des districts (figure 2). Il est en outre possible d'e m p ru nter la N a m O u , v o ie n a v i g a b l e j u s q u ' à Hatsa, mais l'accès est aléatoire en fo nc tio n des co n d itio n s clim atiques (sécheresse ou i n o n d a t io n s ) . C et enclavement relatif et les problèmes de t r a n s p o r t liés au r e lie f escarpé l i m i t e n t les d é p l a c e m e n t s et les échanges marchands à l'intérieur de la pro vin ce et aussi vers l'extérieur, malgré l'existence d 'u ne route gou ­ dro nn ée entre Phongsaly, c h ef-lie u de province, et Mengla, v ille fronta­ lière chinoise.

Des conditions

naturelles difficiles

Un relief escarpé

L'ethnie phunoï a colonisé essentiel­ le m e n t les a le n to u rs de la v i ll e de P h o n g s a ly . Elle o c c u p e une z o n e montagneuse d 'e n v iro n 1 600 k ilo ­

m ètre s ca rrés. L 'a lt it u d e v a rie de 1 200 à 1 600 mètres. Le relief est très m ontagneux avec de fortes in c lin a i­ sons de terrain (pentes de 20 à 40 %) et des vallées torrentielles très encais­ sées. Ce m od elé est caractéristique d 'u n substrat g éo lo g iq u e schisteux. Les sols sont ferraiIitiques, de texture sablo-argileuse, légèrem ent acides, p ro fo n d s , en d eh o rs des zones de fo rte s pentes où a ffle u r e la ro c h e mère. L u a n g N a L u a n g P r a b a n g H o u a y s a y ( B o k T H A Ï L A N D E 50 km ___ I g"»*« m L im ite d 'E t a t C o u r s d 'e a u m a je u r • C h e f- ieu de p r o v i nce --- L im ite de d i s t r i c t • C h e f- ieu de d i s t r i c t Route B I R M A N I E C H I N E V I E T N A M

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Laos

Le projet de développement du district de Phongsaly

Le g o u v e r n e m e n t lao a f a i t du d é v e lo p p e m e n t ru ra l une p r i o r i t é n a tio n a le . En 1 9 9 4 , une é tu d e de faisabilité a été menée par le Comité de c o o p é r a t io n avec le Laos, sur financement de la Caisse française de développement à la demande du Comité du p la n et de la c o o p é r a t io n de la République démocratique populaire lao. Elle a v a it p o u r o b je c t if s de tr o u v e r des voies de transition vers des systèmes de p r o d u c t io n p e r m e t ta n t un d é v e lo p p e m e n t é c o n o m i q u e et démographique harmonieux du district de Phongsaly, to u t en préservant les ressources n a tu r e lle s . C ette é tu d e comportait trois volets :

- l'analyse diagnostic de l'a g ricu ltu re phunoï, dont les résultats sont résumés dans cet article ;

- le d ia g n o s t ic des in f r a s t r u c tu r e s hydrauliques et de communication ; - l'étude des marchés agricoles locaux, régionaux, nationaux et internationaux. A l'is s u e de ces tr o is phases, une proposition de projet commune entre les autorités provinciales de Phongsaly, le Comité du plan et de la coopération, les ministères techniques concernés et le Comité de coopération avec le Laos fut fo rm u lé e . Elle a été acceptée par la Caisse française de développement. Le projet est actuellement dans sa première année de réalisation. Les actions prévues par le projet sont décrites ci-après.

Agriculture

Le Comité de coopération avec le Laos met en œuvre actuellement un projet de développement rural dont la stratégie est de stabiliser la culture sur abattis-brûlis en satisfaisant l'a c c ro is s e m e n t de la demande alimentaire régionale par des achats de riz, financés par la vente de productions végétales ou animales. La sécurité des approvisionnements en riz et la s é c u rité des d é b o u c h é s c o m m e r c ia u x p o u r les p r o d u c t io n s agricoles sont les conditions essentielles de la réussite du projet. Dans la mesure du p o s s ib le , le p r o j e t c h e r c h e r a à é te n d re les s urfaces a m é nagées en rizière. Des interventions en recherche- d é v e lo p p e m e n t sur les systèmes de culture sur abattis-brûlis seront menées avec circonspection en raison de leur complexité. Ces interventions pourront être étendues aux parcelles en friche afin de proposer leur e n ric h is s e m e n t par l'in tro d u c tio n de productions à haute valeur comm erciale (cardamome, bois

d'œuvre, miel, gomme laque) exploitées soit de manière c o n tin u e pend a n t le recrû fo restier, soit lors du nouveau défrichement.

Le système de crédit décentralisé, géré par les c o m m u n a u té s v illa ge o is e s et fondé sur la caution solidaire, mis en place par le projet sera un outil essentiel et durable pour permettre aux paysans de passer les caps d i f f i c i l e s sans décapitaliser. Ces crédits devront être à remboursement très différé afin de casser toute velléité de spéculation chez des commerçants en situation d'entente.

Elevage

Compte tenu de l'abondance des friches forestières pâturables et des débouchés existants et potentiels, les responsables du p r o je t s o u h a it e n t p r o m o u v o i r l'élevage de gros ruminants (buffles et bovins) de porcs et de volailles, sous réserve de le v e r les c o n tr a in t e s techniques et sanitaires les affectant. L'appui au développement de l'élevage comprendra plusieurs volets :

- des campagnes de vaccination animale et des soins aux affections courantes menées par des volontaires vaccinateurs villageois recrutés dans chaque village et formés par le projet ;

- la mise en p la c e d 'u n e c h a în e d'approvisionnement en vaccin fiable ; - la multiplication des points d'eau.

Le s u iv i s a n ita ir e des c h e p te ls s'effectuera notamment par la création d 'u n p e t it la b o r a t o i r e am é n a g é spécialement à Phongsaly et la mise en p la c e d 'u n e c e r t i f i c a t i o n s a n ita ir e indispensable pour la commercialisation des animaux.

La constitution d'une banque animale pour le prêt de gros bovins sur une base contractuelle aux paysans demandeurs devrait lever les contraintes de capital qui pèsent sur les exploitations pour le d ém arrage des élevages de bovidés. E n fin , des a c tio n s de re c h e rc h e - d é v e lo p p e m e n t sur la c o n d u it e des cheptels perm e ttro n t d 'o p tim is e r leur insertion dans le système de production agricole.

Prospection commerciale, formation et recherche-développement

Si l'extension des marchés le permet, le p r o j e t e n v is a g e ra de ré a lis e r des in t e r v e n t io n s p ro g re s s iv e s dans les productions de cardamome, de thé, de

miel et d'autres produits transformés. La prospection commerciale (identification des d é b o u ch é s et des opérateurs) et l'amélioration des conditions d'échanges (bâtiments et aménagement d'un marché c o u v e r t ) s e ro n t les d e u x a c tio n s entreprises en premier. Le projet sera chargé d'effectuer dans un second temps un suivi des crédits c o m m e r c ia u x et artisanaux réalisés sur fonds extérieurs, une f o r m a t i o n et une assistance technique à la transformation artisanale des produits agricoles et une action de r e c h e r c h e - d é v e lo p p e m e n t p o u r l'introduction de nouveaux systèmes de c u lt u r e (c a r d a m o m e c u lt iv é e ) et l ' a m é l i o r a t i o n de la q u a li t é des productions agricoles, notamment le thé.

Préalable à la réussite

Toutefois, le préalable reconnu essentiel à t o u t e a c tio n du p r o j e t est i n d é n i a b le m e n t l ' a m é l i o r a t i o n et l 'e x t e n s i o n du réseau de v o ie s de com m unication existant et l'utilisation o p t i m a l e des ressources en eau (e x te n s io n des riz iè r e s ). O u t r e le d é v e lo p p e m e n t des in fra s tru c tu r e s h y d r a u liq u e s ( a d d u c t io n d 'e a u villageoise, petite irrigation), le projet se c h a rg e ra de re f a ç o n n e r la ro u te goudronnée Phongsaly-frontière chinoise (63 kilomètres), les pistes carrossables qui la bordent (30 kilomètres) et d'ouvrir un réseau de pistes c a v a liè re s et piétonnières (1 70 kilomètres).

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Un climat tempéré

C om m e toute la péninsule in d o c h i­ noise, le pays phu no ï est soumis au régime des moussons qui im prim e au c lim at sa physionomie, avec une sai­ son sèche d 'h iv e r et une saison p lu ­ vieuse d'été. La température y reste te m p é ré e t o u t au lon g de l'a n n é e , a v e c des v a le u r s m o y e n n e s p lu s importantes en saison sèche (2 1 , 8 °C)

qu'en saison des pluies (16,8 °C). Les températures minimales y sont toute­ fois basses en hiver (janvier-février) avec des valeurs souvent inférieures à 10 °C. Les gelées sont rares en rai­ son du brouillard épais qui persiste à cette époque de l'année.

De faibles disponibilités

en eau

M algré d'abondantes précipitations, d 'e n v iro n 1 500 m illim è tre s par an

répartis sur 5 mois, les disponibilités en eau sont faibles en saison sèche. Le substrat géologique imperméable et les fortes pentes sont responsables de l'im portant ruissellement des eaux de pluie. Les réserves actuelles tie n ­ n e n t au p o u v o i r de r é t e n t i o n de l'écosystème encore largement fores­ tier, qui tempère les effets du climat.

Le mode

d'exploitation

du milieu hérité

du passé

Une colonisation agricole

relativement récente

Après plusieurs m ig ra tio n s succes­ sives, les Phunoï auraient commencé la c o l o n i s a t i o n de le u r t e r r i t o i r e actuel au X V IIIe siècle. Les Phunoï p r a t i q u a i e n t un systè m e s ta b ilis é d 'a g r i c u l t u r e sur b r û lis à lo n gu es friches forestières, appelé ray dans la r é g io n . L ' a c t i v i t é p r o d u c t i v e de c h a q u e f a m i l l e d e v a it assurer son autosubsistance, fondée sur une agri­ culture d'abattis-brû I is associée à la cueillette de produits de la forêt, à la p ê c h e et à la chasse. Les fa m ille s exploitaient généralement un champ de riz p lu v ia l en c u ltu re p rin c ip a le associé à du maïs et des arachides, à des c u c u r b ita c é e s et des légum es variés, à des tubercules et des racines diverses ainsi qu'à une plante textile, le c o to n n ie r. C haque fa m ille p ra ti­ q ua it en plus des élevages extensifs de v o la ille s et de porcs. Certaines possédaient également de gros rum i­ nants, buffles ou bovins, mais aussi des chevaux ou des chèvres. Les culti­ vateurs p h u n o ï o n t g rig n o té peu à peu le co uve rt forestier c lim a c iq u e , la fo rê t s e m p ervire nte d 'a lt it u d e , à l ' e x c e p t i o n des f o n d s de v a llé e s encaissées et du s o m m e t situé au- dessus de la ville de Phongsaly. Une mosaïque de form ations secondaires a rb o ré e s et de c h a m p s d 'a b a t t i s - brûlis a succédé à la forêt primaire.

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Une organisation

communautaire

villageoise zonée

Le v illa g e et ses jardins

Chaque villa ge p h u n o ï est organisé sous forme de trois anneaux concen­ triques (figure 3). Les habitations se situent au centre, avec les jardinets f a m i l i a u x in d i v id u e l s . De s urface réduite et clôturés, ces jardin s sont destinés à la production de légumes, de tubercules divers et de fruits pour la c o n s o m m a t i o n d o m e s t i q u e . L'espace villageois clôturé est égale­ m e n t u tilis é p o u r des p r o d u c t io n s animales c o m m e les v o la ille s qui y divaguent à la recherche de résidus consommables.

La c o u ro n n e forestière

Les villages sont généralement situés à p ro x im ité des sommets et se tro u ­ v e nt surplo m bés et ceinturés d 'u n e Le repiquage des plants de riz. couronne agro-forestière. Sa fonction

Figure 3. Organisation foncière communautaire villageoise.

Agriculture et développement n° 16 - Décembre 19 9 7

première est d'assurer l'a pprovision­ n e m e n t du v i l l a g e en eau — par rétention. Associant des arbres ves­ tiges de la forêt primaire et des pla n­ ta tio n s , ce ré s e rv o ir d 'e a u f o u r n i t é g a l e m e n t u n e p a r t i e du b o is d 'œ u v r e et de feu du v illa g e , ainsi que des fruits. Les porcs y vaquent en t o ta le lib e r t é à la r e c h e r c h e d 'u n com plém ent de nourriture.

Les terres cultivées

En dernier lieu, s'étend l'anneau de forêt cultivée. Il regroupe les champs soumis à l'a ba ttis-brûlis, les friches d'âges différents, mais aussi quelques rizières en terrasses, aménagées dans des petits bas-fonds ou bien à flanc de m o n ta g n e si l'e x is t e n c e d 'u n e source en permet l'irrigation.

Une gestion foncière

élaborée et sûre

Un a ssolem ent v illa g e o is réglé Le parcellaire villageois est groupé. L'ensemble des familles d'u n village d éfriche chaque année un nouveau pan de m o n t a g n e , s u b d iv i s é en autant de parcelles que de familles. C et a s s o le m e n t rég lé p e r m e t t o u t d'a bord de lim iter les effets des pré­ dateurs (insectes, rats et oiseaux) plus importants sur une parcelle isolée. Le rapprochement des parcelles favorise ensuite le travail d'entraide entre les familles de taille identique. Enfin, la surveillance du pan exploité in c o m ­ be à l'e n s e m b l e des f a m i l l e s q u i érigent une clôture en bordure pour l u t t e r c o n t r e la d é p r é d a t i o n des cultures par les buffles ou le grand gibier.

La ré p a rtitio n é g a lita ir e d e la fertilité

Les parcelles de c h aq ue sole v i l l a ­ g eoise s o nt q u a li t a t i v e m e n t d i f f é ­ rentes car la p la c e d 'u n e p a rc e lle dans le pan défriché en détermine sa fertilité et les risques de déprédation. Cependant, l'appropriatio n familiale des parcelles s'e ffectue de fa çon à r é p a r tir de m a n iè r e é q u it a b le sur p lu s i e u r s a n n é e s les b o n n e s et mauvaises terres.

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L 'a p p ro p ria tio n d é fin itiv e d e la terre

L'appropriation fa m iliale de la terre naît de son premier défrichement. Ce d ro it d 'u s u fr u it est d é fin it if et héri- table. La société phunoï est essentiel­ lem ent p atrilin éa ire avec p a trilo c at temporaire de plus ou moins longue durée. L'héritage s'effectue après le mariage de tous les enfants. Il consis­ te à partager les terres, le cheptel et

les richesses accumulées, prioritaire­ m e n t e n t r e les f i l s d ' u n c o u p l e . L 'e n f a n t c h a r g é d ' h é b e r g e r ses parents verra sa part d'héritage aug­ m enter et bénéficiera de la maison familiale. Une fam ille ne comportant a u c u n d e s c e n d a n t m a s c u li n attribuera ses terres à la fille désignée pour héberger ses parents tandis que ses sœurs partiront vivre sur les terres de leurs maris respectifs. Enfin, si la fa m ille n'a pas d 'h é ritie r, les terres reviendront au village et seront par­ tagées entre les familles qui en pos­ sèdent le moins.

Des rotations d e lo n g u e du ré e Dans le système agraire phunoï, les durées de rotation s'échelonnent sur des périodes allant de 8 à 20 ans. Les

parcelles sont cultivées le plus sou­ vent penda nt deux années, au lieu d'une dans le passé, puis laissées en friche jusqu'à la prochaine mise en culture. Ces durées de friche, encore longues, favorisent le maintien de la biodiversité par la reconstitution de f o r m a t io n s s e c o n d a ire s ric h e s en biomasse, source de fertilité pour le p ro c h a in c y c le c u lt u r a l d 'a b a ttis - brûlis. Elles te n d e n t aussi à lim ite r l ' i m p a c t sur l ' e n v i r o n n e m e n t de deux années de culture consécutives aussi bien p o u r la d is p o n ib ilit é en eau que par rapport à l'érosion.

Des rizières d a n s la forêt

Les rizières irriguées sur pentes, amé­ nagées en terrasses par un remblai de te r r e s o u t e n u p a r des m u r e ts de pierres sèches, sont cultivées tous les ans. Leur a m é n a g e m e n t p r o v ie n t d'une décision familiale et non v illa ­ geoise. A ussi, e lle s é c h a p p e n t en

partie à la rotation et sont tour à tour situées dans la sole villageoise c u lti­ vée, dans des friches arbustives puis d a n s des f r i c h e s a rb o r é e s . C e tte c a r a c t é r i s t i q u e est t y p i q u e du système fo nc ie r p hu n o ï : c'est ainsi que l'o n peut observer des rizières irriguées au milieu des forêts.

C o n c lu s io n

C o m m e to u t système agraire fores­ tier, le système phunoï est sensible à l'augmentation de la pression d ém o­ graphique. En réponse à la réduction des s u rfa c e s c u l t i v é e s à c h a q u e génération et au d é fic it alim en taire de certaines familles, les Phunoï ont développé plusieurs mécanismes de régulation successifs.

Mécanismes de régulation

de la pression foncière

Ces différents mécanismes o nt trait aux prêts de terre, à la scission du v il­ lage, à l'a llo n g e m e n t de la mise en culture des parcelles et à l'accéléra­ tion de la rotation.

Les prêts d e terre

Dans un p re m ie r tem ps, les v i l l a ­ geois procèdent à des prêts de terre gratuits, internes au pan v illa g e o is d éfriché, entre fa m ille s d éficitaires en riz et familles excédentaires.

La scission du v illa g e

Historiquement, si le manque de sur­ face cultivable concernait la plupart des familles, une fraction de la p opu­ lation partait coloniser de nouvelles terres vierges et y établissait un nou­ veau village.

L'a llo ngem ent d e la mise en culture des parce lle s

Face à un finage saturé et une d iv i ­ sion villageoise impossible en raison d 'u n e c o lo nis a tion totale des terres e n v iro n n a n te s , les paysans d é f i c i ­ taires choisissent d 'a u g m e n te r leur s u rfa c e c u lt iv é e en a ll o n g e a n t la d urée de mise en c u lt u r e de leurs parcelles à deux ans, très rarement

trois, sauf si le degré d'enherbement le permet. De ce p oint de vue, tous les p a y s a n s ne s o n t pas d a n s le même cas ; certains ont déjà franchi le cap des deux années tandis que d'autres o nt suffisamment de récoltes en ne c u l t i v a n t q u ' u n an le u rs parcelles.

L'a ccélération d e la rotation En dernier recours, face à la réduc­ tion des surfaces après chaque géné­ ration, les fa m ille s q ui o n t a llo ng é précédem m ent la durée de mise en culture décident maintenant d'a ccé­ lérer progressivement la rotation. Ces familles déficitaires a ntic ipe nt alors sur la d é f r i c h e du pan v i l l a g e o i s réservé p o u r l'a n n é e su iv a n te . Ce mécanisme ne peut se faire sans des prêts de terre, gratuits, entre foyers excédentaires et déficitaires afin de regrouper et d 'a c c o le r les parcelles d éfrichées p ré m a tu ré m e n t au reste de la s o le v i l l a g e o i s e c u l t i v é e . L'année suivante, le bailleur cultive la terre de l'e m p ru n teu r qui d o it de nouveau s'enquérir d'u n supplément de surface cultivable suffisant auprès d 'a u tr e s f a m i l l e s . Ce m é c a n is m e d e v i e n t très c o m p le x e après p l u ­ sieurs années, mais continue de fonc­ tionner.

Les conséquences de la

gestion foncière phunoï

La rigidité du système foncier phunoï tendait à lim iter l'accélération de la rotation, réponse caractéristique à la croissance d é m og ra ph iqu e en agri­ culture d'abattis-brûlis. Elle favorisait le m a i n t i e n de la f e r t i l i t é et des niveaux de p ro d u c tio n aux dépens d ' u n e f r a c t i o n de la p o p u l a t i o n , e s s e n tie lle m e n t les je u n e s fo yers, e x pu ls é e vers des zones vierges à coloniser. Ce phénomène est moins vrai a u jou rd 'h ui car il est désormais im p o s s ib le de c ré e r de n o u v e a u x v illa g e s sur des terres vie rg e s . Le s y s tè m e f o n c i e r te n d à e n t r e r en crise, c o m m e on le verra plus loin dans les perspectives d'évolution.

(8)

Laos

La croissance

récente des

échanges

Jusqu'au d é b u t du XXe siècle, tous les villages vivaient en relative autar­ cie. Les échanges c o m m e r c ia u x se réduisaient à la pratique du troc par les co lp orte urs de l'e th n ie ho pour l'a c q u is it io n de sel, de fer, d ' a l l u ­ m e tt e s et de m a r m i t e s en f o n t e c o n t r e des p r o d u i t s d 'é l e v a g e (volailles, miel) et de cueillette (gom­ me laque, c a rd a m o m e et c h a m p i ­ gnons).

Puis les fo n c t io n n a ir e s et les m i l i ­ taires fra n ç a is présents de 1 9 1 6 à

1954 constituèrent pour les villages proches du chef-lieu de provin ce le prem ier d éb ou ché non négligeable p o u r la p r o d u c t i o n de r iz , de

La hotte dorsale, l'équipement indispensable pour le transport des marchandises.

légumes et de viandes. Grâce à ces ventes, les paysans disposaient des piastres requises pour s'acquitter de l'im p ô t colonial.

Une dynamique nouvelle des

échanges à partir de 1960

A partir de 1960, l'arrivée de n o m ­ breux fonctionnaires lao dans la ville de Phongsaly entraîna une augmen­ tation notoire de la demande en pro­ duits agricoles divers et en bois de feu. Les paysannes les plus proches écoulèrent une part plus importante de légumes, de fruits, de bois et de produits de la forêt. La demande en riz des fonctionnaires était couverte p ar le v e r s e m e n t d 'u n s a la ire en nature par les autorités provinciales. Les échanges com m erciaux avec les villages les plus éloignés du bourg se d é v e lo p p è r e n t é g a le m e n t, n o ta m ­ m ent p our la vente d 'a lc o o l de riz, fa b riq u é par les fa m ille s d isposant d'excédents de paddy, qui trouvaient a in si l 'o p p o r t u n i t é d 'é c o u l e r une partie de leur p ro d u c tio n d i f f i c i l e ­ ment transportable sous forme brute. En contrepartie, l'o uverture de b o u ­ tiques gérées par les services p ro vin ­ c ia u x p e rm e tta it aux v illa g e o is de s 'a p p ro v is io n n e r en matériels agri­ coles chinois manufacturés, plus effi­ caces et moins lourds.

1986 : la libéralisation

du commerce

En 1986, le g o u v e r n e m e n t ce ntral entreprit un important programme de réformes, in t itu lé n ou v e a u x m éca ­ nismes économiques, dont l'élément clé est la libéralisation des activités c o m m erc iales , à l'e x c e p tio n to u te ­ fo is des e x p o r t a t i o n s de c a fé, de coton et de bois. Ces mesures favori­ sèrent l'é m e rg e nc e d 'u n e n ou v e lle c a té g o r ie d 'a g e n ts é c o n o m iq u e s , constituée le plus souvent des retrai­ tés de la fo nc tio n p u b liq u e ou bien de riziculteurs ho, colporteurs de sai­ son sèche, disposant déjà d'u n capi­ tal pou van t être investi rapid em e nt d a n s l ' o u v e r t u r e de p e t it s c o m ­ m erces. Les f a m i l l e s p h u n o ï, aux

Décembre 19 9 7

capitaux plus réduits et moins dispo­ nibles car accumulés dans l'élevage, se lim itè re n t à une c o m m e rc ia lis a ­ tio n plus soutenue de légumes, de bois de chauffe ou de produits fores­ tiers. D'autres familles regroupèrent leurs capitaux sous la même patente afin de d é v e lo p p e r des activités de boucherie. En 1988, un commerçant f o r t u n é é t a b l i t la s e u le s o c ié té d 'im port-export de Phongsaly encore présente a u j o u r d 'h u i . L 'e x is te n c e d'u ne telle société donne l'o p p o rtu ­ n it é a u x e x p l o i t a t i o n s a g r ic o l e s locales de s 'intégrer un peu plus à l'a c tiv it é é c o n o m iq u e n a tio n a le et internationale, même si les difficultés de transport rencontrées par les pay­ sans lim ite n t fortem ent les volumes de produits agricoles c o m m e r c ia li­ sés.

L'importance du pôle

urbain provincial

La migration d'actifs, temporaire ou d é fin itiv e , représente ici le premier transfert de m a in -d 'œ u v re agricole vers un autre secteur d 'a c tiv ité non agricole. Par les débouchés q u 'e lle o f f r e , la v i l l e de P h o n g s a ly est d e v e n u e p ro g re s s iv e m e n t un pôle d'attraction important dans la région. Les fa m illes phunoï, même les plus éloignées, tro u v e n t de plus en plus d'intérêt à com m ercialiser les excé­ dents de production, lorsqu'ils exis­ tent. Les produits de la vente servent à améliorer le confort et à soulager la m a in - d 'œ u v r e f a m i l i a l e , en p a r t i ­ c u l i e r grâ ce à l'a c h a t de m é d ic a ­ ments et de marchandises chinoises usinées, nombreuses et variées : réci­ p ie n ts en p la s t iq u e , tô le s p o u r la confection des toits, décortiqueuses.

Les sytèmes de

production actuels

Performances des

systèmes de culture

La c u ltu re sur abattis-brûlis est e n ­ core, de très loin, la principale activité a g ric o le des paysans p h u n o ï ; e lle

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assure plus de 75 % des ressources alim entaires végétales des familles. C haque fa m ille e x p lo ite d eu x p ar­ celles : la p re m iè re défriché e dans l'a n n é e (ra y 1) et la se con de d éjà

défrichée l'année précédente {ray 2). Le ray 1 est constitué d'u n ensemble de c u ltu re s — maïs, t u b e rc u le s et ra c in e s ( m a n io c , ta ro , b a lis ie r et p a ta te d o u c e ) , c u c u r b it a c é e s ( c o n c o m b r e , c i t r o u i l l e , m e l o n ) , p im e n t , t o u r n e s o l et a r a c h i d e — associées au riz glutineux dominant. Cette association culturale est s im p li­ fié e dans le ra y 2 afin de réserver

la f e r t i l i t é à la c u lt u r e c é r é a liè r e prioritaire.

Toutefois, 5 % des fa m illes p h u n o ï ont pu accéder à la culture irriguée sur pente. Ces aménagements sont relativement récents chez les Phunoï et o n t c o m m e n c é à l 'i n i t i a t i v e des autorités locales lors de la guerre fra­ tricid e de libération du pays menée par les forces révolutionnaires contre le pouvoir royal de 1958 à 1975. Les

rizières sont irriguées par gravité à partir de captages de sources et de d é v ia tio n s de to rrents. Les rizières sur pentes ne sont c u ltiv é e s q u 'e n saison des pluies à cause du manque d'eau durant la saison sèche qui lim i­ te l'extension de ce système de culture.

Les jardins, cultivés à proxim ité de la m ais on , fo u rn is s e n t en saison des pluies un c o m p lé m e n t en légumes, r a c in e s et t u b e r c u l e s , é p ic e s et condiments.

U ne m a in -d 'œ u v re fa m ilia le relativem ent saturée

La culture de ray, limitée à 0,7 hectare p ar a c t i f à ca use de l ' a c t i v i t é de sarclage, accapare une grande partie de la m a i n - d ' œ u v r e f a m i l i a l e (figure 4). Plus court, le cycle cultural de rizière aménagée en terrasse est aussi m oins fa s tid ie u x p uis qu e les o p é r a t i o n s d 'a b a t t i s - b r û I is et de sa rc la g e s s o n t q u a s i in e x is ta n te s

(figure 5). En outre, la traction animale est utilisée pour effectuer une bonne part du travail (labours et hersages). Le c a la ge de la m ise en b o u e des casiers et le repiquage, très fluctuant en fo n c t io n des c o n d it io n s c l i m a ­ tiques, représentent le goulet d'étran­ glement de ce système de culture et lim itent la surface cultivée à 0,5 hec­ tare par actif. Les paysans p h u n o ï, essarteurs pour l'essentiel, disposent donc de peu de temps pour se diver­ s i f i e r dans d 'a u t r e s p r o d u c t i o n s , v é g é ta le s ou a n i m a l e s , p o u v a n t générer une augmentation du revenu familial.

Résultats é c o n o m iq u e s

De tous les systèmes de cu lture, la rizière irriguée est nature lle m en t la plus productive aussi bien en ce qui concerne les rendements que la pro­ d u c t i v i t é du t r a v a i l ( t a b le a u 1).

Toutefois, les rizières sont relative ­ ment peu nombreuses dans la socié­ té p h u n o ï ; e lle s ne c o n c e r n e n t qu'une infime partie de la population en raison de la rareté des parcelles propices à l'irrigation et aux aména­ gements.

L 'é c a r t de r e n d e m e n t en p a d d y observé entre les ray 1 et 2 est relati­

v e m e n t f a ib le . La p r o d u c t i o n des cultures associées ( 2 0 0 kilogrammes

par hectare de maïs, 1 2 0 de manioc,

5 0 de ta r o , de c o n c o m b r e s , de c i t r o u il l e s et 30 de p atate d o u c e ) d o u b l e p r e s q u e la p r o d u c t i v i t é m o y e nn e du trava il investi dans le

ray 1 : cela ju s t ifie la stratégie des

paysans, qui p rivilé gie nt la parcelle de première année. Ces valeurs sont moyennes et flu c tu e n t d 'u n e année sur l'autre en fonction des aléas c l i ­ m a tiq u e s (sécheresse, orages v i o ­ lents) et du niveau de d é p ré d a tio n (insectes, rats et oise au x) : grosso

m odo, un cycle de dix ans comporte

trois bonnes années, trois moyennes et quatre mauvaises.

Une auto su b sista n ce pas toujours assurée

L ' i n c i d e n c e des v a r i a t i o n s de p r o d u c t i o n su r la d i s p o n i b i l i t é % d'utilisation de la force de travail d'un actif

100 90 80 70 0 0 50 40 30 20 10 0 ■ Ray 2 ■ Ray 1

Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. Déc.

Mois Figure 4. Répartition de la force de travail d'un actif par ray (0,3 5 hectare)

et pour une surface totale de 0 ,7 hectare (2 ray). % d'utilisation de la force de travail d'un actif 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. Déc.

Mois

Figure 5. Répartition de la force de travail d'un actif pour 0 ,5 hectare de rizière irriguée sur pente.

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Laos

Tableau 1. Comparaison des performances des systèmes de culture phunoï. Systèmes de culture

ray 1 ray 2 riz irrigué de pente

Dose semence (kg/ha) 50 55 80

Rendement riz (kg/ha)

- moyenne 700 600 2 700

- minim um - maximum 400-1 200 300-1 000 1 800-4 000

Quantité récoltée/quantité semée

- moyenne 14 11 34

- minimum - maximum 8-12 5-18 22-50

Surface maxima/actif (ha) 0,7 0,7 0,5

Travail/actif (j/an) 190 110 100 Riz/actif/an (kg) - moyenne 490 420 1 350 - minim um - maximum 280-840 210-700 900-2 000 Riz/actif/jour de travail (kg) - moyenne 2,6 3,8 13,5 - minim um - maximum 1,5-4,4 1,9-6,4 9-20

Valeur ajoutée nette/actif* ($)

- moyenne 32 27 86

- minim um - maximum 15-52 9-42 53-126

Valeur ajoutée nette riz/actif ($)

- moyenne 50 27 86

- minim um - maximum 27-81 9-42 53-126

* : cette ligne de valeur ajoutée ne prend en compte que la culture du riz.

Tissage des filés de coton pour la confection d'habits.

alimentaire fa m iliale est importante. Cette d ernière est fo n c tio n du rap­ p o r t a c t i f s / i n a c t i f s d a n s c h a q u e famille. Un couple avec trois enfants en bas âge et a b r i t a n t un a n c ie n (4 inactifs) produira en moyenne près d 'u n e to n n e de paddy, p ro d u c tio n déjà inférieure aux besoins globaux (1,1 tonne). Ce déficit alimentaire est g é n é r a l e m e n t c o m b l é p a r les cultures associées, mais il se creuse lors des mauvaises années, plus par­ ticulièrem ent à l'époque de soudure. L 'a u t o s u f f i s a n c e a l i m e n t a i r e des f a m ille s d é fic ita ire s s 'a p p u ie alors sur la c u e i l l e t t e de lé g u m e s sau­ vages, de tubercules et de fruits dans les formations secondaires et sur des prêts de riz.

Performances des

systèmes d'élevage

Les élevages phu no ï sont diversifiés avec une p ré d o m in a n c e des porcs, b o v i n s et b u f f le s . G é n é r a l e m e n t extensive, la c o n d u ite des élevages est a d a p té e à la s a t u r a t io n de la m a i n - d 'œ u v r e f a m i l i a l e lié e aux cultures de ray. L'élevage représente la clé du processus de capitalisation, q u i se c o n s tr u it selon une c h a în e d 'a c c u m u l a t i o n p ro g r e s s iv e . Les excédents agricoles ou les produits de cueille tte sont vendus ou échan­ gés contre les premières volailles qui s e r o n t à le u r t o u r é c o u lé e s p o u r l'a c q u is itio n de porcelets. L 'a c q u i­ sition d 'u n e bufflesse représente la dernière étape réalisée bien souvent après la v e n te de l'e n s e m b le des autres animaux de l'exploitation.

Résultats é c o n o m iq u e s

Les problèmes sanitaires affectant les a nim aux de la basse-cour (volailles et porcs) ren de nt ces élevages très aléatoires. L 'a p p a ritio n du c h oléra aviaire, de la maladie de Newcastle et de la peste p o r c in e est récente d ans les é le v a g e s p h u n o ï (1 9 5 4 - 1962). A chaque épidémie, propagée par les échanges de bêtes, la quasi- t o t a li t é des a n im a u x d 'u n v illa g e conta m in é disparaît. Les problèmes sanitaires sont moindres dans les éle­ v a ge s de b o v i d é s . Les m a l a d i e s

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présentes (a n th ra x , p as te urellos e ) restent très circonscrites et secondaires. En revanche, la mortalité accidentel­ le est élevée à cause de blessures fré­ quentes, pas toujo urs c o rrectem ent soignées du fait de la divagation des bêtes. Les pertes dues à la prédation des canidés sauvages sont également im p o r ta n t e s , n o ta m m e n t p o u r les je u n e s et les a n im a u x a ffa ib lis ou égarés. Par ailleurs, la castration des buffle s de plus de six ans lim ite la reproduction.

Au regard de tous ces problèmes, les performances des gros élevages res­ tent très limitées (tableau 2). L'accu­ m ulatio n est irrégulière et très lente (7 à 40 dollars par an). Toutefois, le t r a v a i l in v e s ti d an s ces systèm es d'élevage est quasim ent nul, car ils viennent en com plém ent du système

de culture principal, le ray, qui acca­ pare l'essentiel de la force de travail f a m i l i a l e . L 'i n t r o d u c t i o n de t e c h ­ niques d'élevage requérant davanta­ ge de travail aurait des répercussions négatives sur le r a y e t, p o te n t ie lle ­ ment, sur l'é quilibre alimentaire des familles.

Revenus paysans et

différenciation sociale

D ans les systèmes de p r o d u c t i o n p h u n o ï, le revenu a g ric o le ann ue l par a c tif varie de 48 à 220 dollars. C ette d if f é r e n c e s 'é t a b l i t d 'a b o r d selon un rapport qui co n d itio n n e le processus d 'a c c u m u la t io n fa m ilia l. Un ménage a plutôt tendance à capi­ taliser au début et à la fin de son exis­ tence, lorsque le n om bre d 'in a c tifs

à charge, enfants en bas âge et per­ s o n n e s âgées, est r é d u i t . En revanche, cette tend an ce s'inverse lorsque le nom bre d 'inactifs s'élève et que la p r o d u c t i o n de p a d d y se r é v è le i n s u f f i s a n t e . U n r a p p o r t a c tifs /in a c tifs de 0,5 représente le seuil en dessous duquel une fa m ille p h u n o ï d é c a p ita lis e fo rt e m e n t. La présence d'élevages sains et relati­ vem ent épargnés par les prédateurs a in s i q u e l'a c c è s a ux r iz iè re s sur pentes c o n trib u e n t dans un d e u x iè ­ me temps à expliquer les différences de r e v e n u s o b s e r v é e s c h e z les Phunoï.

L'accès au fo n c ie r n'est pas encore un facteur de différenciation au sein de cette société puisque la surface m o y e n n e c u lt iv é e par a c t if est de 0,65 hectare, soit presque le m a x i­ m um technique de 0,7 hectare im p o ­ sé p a r l ' a c t i v i t é de s a r c la g e . Toutefois, il le d ev ie n d ra in é lu c ta ­ blem ent ; la différenciation sociale, e n c o re f a i b l e a u j o u r d 'h u i , ris q ue alors de s'a c c e n tu e r dans l'a v e n ir, rendant encore plus précaire la vie de c e rta ins e x p lo ita n ts et de leurs descendants.

L'apparition de

zones agricoles

concentriques

intégrées au

marché à des

degrés différents

La naissance d'u ne nouvelle catégo­ rie d'agents économiques a induit un d é v e lo p p e m e n t des relations c o m ­ merciales des villages avec la ville de Phongsaly. Cette intégration é con o ­ m ique n'est cependant pas uniforme, elle varie en fo n c tio n de l'é lo ig n e - ment des villages. Schématiquement, on p e u t d is t in g u e r tr o is c e in tu re s périphériques à la ville, déterminées par la nature et la fréquence des pro­ duits échangés avec cette d ernière (figure 6). T outefois, dans c hacune

d 'e lle s , la c u lt u r e de c h a m p s sur Tableau 2. Comparaison des performances économiques des systèmes d'élevage

phunoï.

Système d'élevage Limite technique Produit brut/actif ($)

observée/actif

maximum moyenne minimum

Bubalin 1 buflesse 41 20 8

Bovin 0,65 vache 22 17 7

Porc naisseur 0,5 truie reproductrice 14 10 5

Porc naisseur engraisseur 0,5 truie reproductrice 47 26 14

Porc engraisseur 0,5 porc 28 23 19

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Laos

Trace d'érosion en ravine.

a b a t t i s - b r û l i s et la c u e i l l e t t e de légumes, de racines et de tubercules sauvages, d e m e u r e n t les a c tiv it é s p r i n c i p a l e s p o u r a s s u re r l ' a u t o - subsistance alimentaire.

La zone 1, la plus

|née et autarcique

éloigi

La zone 1 comprend l'ensemble des villages éloignés de plus de 5 heures de marche de Phongsaly. Le relief et l'éloignem ent accentuent ici les d iffi­ cultés de transport et lim itent consi­ dérablem ent les échanges c o m m e r­ ciaux avec la ville : 2 ou 3 par fa mille et p a r a n. En c o n s é q u e n c e , les

systèmes de p ro d u c tio n rencontrés dans c e tte z o n e c o r r e s p o n d e n t à ceux développés ancestralement. Les produits de la cueillette (carda­ m o m e et c h a m p ig n o n s ) v e n d u s à Phongsaly représentent la principale ressource m o n é ta ire des e x p l o i t a ­ tions, com p lé té e par la vente ou le troc de miel, d'a lcool, de volailles ou de porcelets. L'isolement relatif des villages limite l'apparition des mala­ dies a ffe c ta n t l'e n s e m b le des é le ­ vages. L 'a s s o c ia t io n a g r ic u l t u r e - élevage est inexistante, excepté lors du p â t u r a g e des f r i c h e s et des chaumes par les buffles. Les te c h n i­ ciens ou les vulgarisateurs agricoles se déplacent rarement dans ces v i l ­ lages et l'accès aux soins de santé, concentrés à Phongsaly, est re la t i­ vement difficile.

La zone 2, intermédiaire

La zone 2 concerne les villages situés entre de 2 et 5 heures de marche de P h o n g s a ly . M o i n s d i f f i c i l e s , les déplacements vers la ville sont égale­ ment plus fréquents, 5 à 10 fois par an. Cet accroissement des échanges est responsable de l'augmentation du nombre d'épidémies sur les cheptels de la basse-cour. La vaccination est très peu pratiquée pour plusieurs rai­ sons : d'u ne part, la confusion entre les actes de vaccin atio n et le recen­ s e m e n t p o u r l ' a c q u i t t e m e n t de l'im p ô t par tête d'a nim a l et, d'autre part, des programmes de vaccination trop rapprochés, lim itant la capacité des paysans à dégager la trésorerie nécessaire au paiement des vaccins. L'activité agricole est ici très peu d if­ férente de c e lle d écrite p ré c é d e m ­ m e n t . T o u t e f o i s , les c u lt u r e s de c o t o n n i e r et d ' i n d i g o t i e r o n t déjà d is p a r u , c o n c u r r e n c é e s p a r les vêtem ents m anufacturés c h in o is et t h a ï . Les lé g u m e s e x c é d e n t a i r e s (concombres, citrouilles et piments) ou les fruits (bananes) complè te nt la gamme des produits commercialisés dans la zone 1. L'élevage est toujours aussi peu associé aux c u ltures . La v u lg a ris a tio n a g ric o le est peu p ré ­ sente et l'accès aux soins de santé reste difficile.

La zone 3, péri-urbaine

Dans cette zone qui englobe les v il­ lages situés à moins de 2 heures de

marche de Phongsaly, les échanges sont fréquents, parfois quotidiens. La p ro x im ité relative de la v ille profite aux villageois de cette zone qui dis­ posent d 'u n e vulg arisation agricole plus soutenue, d 'u n a p p ro visio nn e ­ m e n t en v a c c in p lu s aisé et d 'u n accès aux soins de santé plus facile. L 'in f lu e n c e m arqu ée de la v i ll e se ré p e rc u te p ro g re s s iv e m e n t sur les systèmes de p r o d u c t io n p h u n o ï et laisse a pp araître des e x p lo ita tio n s fa m iliales de plus en plus orientées vers la demande des marchés.

Agriculture et développement n° 16 - Décembre 1997

L'accroissem ent d e la cueillette, du m a r a îc h a g e et d e

l'a s s o c ia tio n a g ric u ltu re -é le v a g e L'élargissement du pôle urbain favo­ rise un a ccro isse m en t des p r o d u c ­ tio n s végétales et de la c u e ille tte . Cette dernière devient plus systéma­ tique, n otam m ent pour les légumes sauvages et les pousses de bambous.

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La proportion des légumes coplantés dans le champ sur abattis-brûlis aug­ mente relativem ent en fo n c tio n des po s s ib ilité s de v ente à la v i ll e . En parallèle, les paysans o nt accru les cultures de jardins en haut desquels sont bâties des porcheries pour per­ mettre la fe rtilis a tio n des parcelles par gravité. Une partie de l'engrais­ s e m e n t des p o r c s est d ' a i l l e u r s réalisée à partir des produits issus de ces jardins.

Vers un é le v a g e p o rcin p ro té g é A c h e t é s c a s tré s et in d e m n e s de maladie dans les villages de la zone

1, les porcs sont engraissés dans les

porcheries. Cette technique d'é le va­ ge v u lg a ris é e d e p u is 1 9 9 0 par les te c hn ic ie ns agricoles se déve lo pp e lentement. Elle permet dans un pre­ mier temps d'endiguer les mortalités dues au choléra et à la peste porcine sans avoir recours à la vaccination, to ut en améliorant, dans un second temps, la croissance des a n im a u x . C eu x-ci sont vendus aux bouchers de Phongsaly à l'âge de trois ans.

Transformation du paddy en alcool.

Les autres c h a n g e m e n ts am o rc é s

La régression de l'élevage de volailles

Il faut noter to u t d 'a b o rd la régres­ sion de l'é le v a g e de v o la i ll e s q u i d e v i e n t peu r e n t a b l e d a n s c e tte r é g io n à c a u s e d ' é p i d é m i e s a n n ue lle s de c h o lé ra a v ia ire et de m a l a d i e de N e w c a s t l e . Les p r o ­ g ra m m e s de v a c c in a t io n p e r m e t- tront-ils d'encourager les paysans à r e c o m m e n c e r ce ty p e d 'é le v a g e à l'avenir ?

L'abandon des prêts de riz

La proxim ité du centre urbain incite les fa m ille s e x céd en taires en riz à c o m m e r c ia lis e r une p artie de leur p ro d u c tio n p lu tô t que de le fo u rn ir g r a t u i t e m e n t a u x f a m i l l e s d é f i c i ­ taires, comm e le voulaient les règles ancestrales de solidarité. L'abandon de ces prêts en nature gratuits oblige les familles déficitaires à résoudre le p r o b l è m e de la s o u d u r e p a r u ne cueillette en forêt plus importante ou par des emprunts de riz auprès des c o m m e rç a n ts à des ta ux usuraires (50 % par mois d'emprunt). Ce m ou ­ vement reste encore très lim ité mais m o n tr e d 'o re s et d é jà l 'i n f l u e n c e d é s tr u c t u r a n te du se c teu r é c o n o ­ m iq u e sur les règles de s o lid a r it é communautaire.

La spécialisation en élevage de gros bétail

Les paysans sans d e s c e n d a n c e et tro p âgés p ou r c u lt iv e r leurs terres cherchent à se spécialiser dans l'éle­ vage de buffles, ou de bovins, dans le b u t de se c o n s t i t u e r un c a p i t a l sur p ie d q u i p o u r r a i t le u r assurer un r e v e n u a n n u e l s u f f i s a n t p o u r satisfaire leurs besoins.

L'emploi de décortiqueuses

N o u s a v o n s o b s e r v é l ' a c h a t de d é c o r t i q u e u s e s en c o m m u n à p lu s ie u rs f a m ille s a fin de ré d u ir e la p é n ib i li t é du tra v a il f a m ilia l et, o c c a s i o n n e l le m e n t , de re n d re un service aux autres familles du village.

Les impacts de l'axe

routier Phongsaly

frontière chinoise

Aménagé en 1962 et goudronné en 1 9 7 4 , ce t axe r o u t ie r c o n t r i b u e à désenclaver la ville de Phongsaly et les villages p h u n o ï q ui la b ordent. M ê m e éloignés du centre v ille , les paysans installés en b o rd u re de la route ont une plus grande o p p ortun i­ té de co m m e rc ia lis e r les excédents de leur production. Le prix de vente des produits est naturellement moins élevé puisqu'il n'est pas majoré des coûts de transport. Les systèmes de production de ces villages se rappro­ c h e n t de ce ux rencontrés dans les zones 2 et 3.

Les perspectives

d'évolution

Vers une crise du système

foncier

A u j o u r d 'h u i , les finages v illa g e o is sont c o n tig u s et les p ossibilités de créer de n ou vea ux villages sur des terres vie rg e s n 'e x is t e n t plus. Les a uto rité s p r o v in c ia le s o n t en effet in te rd it la c o lo n is a tio n des massifs fo re s tie rs de l'e s t de la p r o v in c e , c o n f o r m é m e n t à la p o l i t i q u e g o u v e rn e m e n ta le de p ro te c tio n de l'e n v iro n n e m e n t et de réduction de la c u lt u r e sur a b a t tis - b r û lis . Face à l'a u g m e n t a t io n d é m o g r a p h iq u e (1,9 % par an), les paysans n'o nt plus d 'a u tre s s o lu tio n s que d 'a c c é lé r e r progressivement la rotation sur leurs parcelles ; cela induit des processus d'érosion et une crise progressive de la r e p r o d u c t i o n de la f e r t i l i t é du m ilieu dans le système traditionnel. La lon gu eu r des rotations actuelles perm ettra d 'a b s o rb e r la croissance d é m o g r a p h i q u e des p r o c h a in e s a n n é e s , m a is j u s q u ' à q u a n d ? Un exode s'opère a u jo u rd 'h u i vers les zones urbaines les plus proches et la c a p i t a l e n a t i o n a l e , m a is l 'a u g m e n t a t i o n c o n t i n u e l l e de la pression démographique à l'intérieur du s y s tè m e a g r a i r e p h u n o ï ne

(14)

Laos

risque-t-elle pas d 'inciter bientôt ces p a y s a n s à c o l o n i s e r les e s p a c e s encore vierges mis en défens par les autorités ?

Des tentatives

d'intensification et de

diversification

D e v a n t la r é d u c t io n des surfaces c u lt iv é e s , les p r e m iè r e s f a m i l l e s co ncernées te n te n t d 'in t e n s if ie r la c u lt u r e de riz en a m é n a g e a n t des rizières sur pente, plus productives que le ray. Les rizières p résentent aussi l'a van ta ge d 'ê tre m oins c o û ­ teuses en main-d'œuvre. Cependant,

la faible disponibilité en eau limite la productivité des casiers aménagés et l'e xtension de ce m ode de culture. La rizière de pente complète alors la production du ray sans s'y substituer. D 'a u t r e s f a m i l l e s e s s a ie n t de se d i v e r s i f i e r d a n s la p r o d u c t i o n d 'a l c o o l , la v a n n e r ie , la v e n te de bois de ch a u ffe , l'é le v a g e de gros ru m in a n ts ou la c u ltu r e de ja rd in s permanents selon les débouchés et la proxim ité du centre urbain.

Les pressions

administratives pour un

développement encadré

L'élim ination d e la culture sur brûlis

La réduction des systèmes d'abattis- brûlis, voire leur disparition, est une priorité nationale ; les autorités pro­ vin c ia le s de Phongsaly o nt in te rd it dans ce but la colonisation des zones forestières vierges localisées à l'est de la province.

Elles o n t é g a le m e n t e n tre p ris une o p é ra tio n de d é p la c e m e n t de v i l ­ lages au b o r d de l 'a x e r o u t i e r P h o n g s a l y - f r o n t i è r e c h i n o i s e ; l'o bje ctif est d'accélérer leur intégra­ tio n à l'é c o n o m ie m archande et de f a c i li t e r la d iv e r s ific a t io n des sys­ tè m e s de p r o d u c t i o n c o n c e r n é s . Cette délocalisation aura une double conséquence. D 'u n e part, les p ay­ sans vont abandonner les terres trop éloignées, réduisant de fa it les sur­

faces consacrées à la défriche-brûlis. D 'autre part, la rotation sur les par­ c e ll e s v i l l a g e o i s e s r e s ta n t e s va s'accélérer, occasionnant une baisse plus rapide de la fertilité des sols et des rendements.

Ce processus a déjà été observé et étudié au nord de la Thaïlande où il a c o m m e n c é il y a e n v i r o n d e u x décennies : les pratiques paysannes des m o n t a g n a r d s a k h a s d a n s la région de M ae Chan ( p r o v in c e de Chiang Rai) é v o lu e n t ra d ic a le m e n t fa c e à l'a c c r o i s s e m e n t d é m o g r a ­ phique, à l'intégration aux marchés et à l'instauration de politiques agri­ coles restrictives. L'a nalyse de ces évolutions montre des liens explica­ tifs é tro its e n tre la r é d u c t i o n des durées de friche , la d iffé re n c ia tio n des e x ploitations agricoles akhas et la d é g ra d a tio n des sols. Les essar- teurs phu no ï sont pour l'instant aux prémices des changements observés chez leurs voisins, mais il est d'ores et déjà nécessaire de s'interroger sur les voies de transition possibles afin d 'é viter les problèmes socio-écono- miques et environnem entaux obser­ vés ailleurs.

La s p é c ia lis a tio n v illa g e o is e U n e a u t r e s o l u t i o n à l ' a r r ê t du système de d é fr ic h e -b rû lis est une spécialisation spécifique par village. L'élevage de bovidés, la c ulture du théier, de la canne à sucre et la pro­ d u c tio n d 'a g ru m e s sont les q uatre spécialisations retenues par les auto­ rités selon les avantages comparatifs p ro v in c iau x . Cette p la n ific a tion , ne tenant pas compte de l'hétérogénéité des e x p lo ita tio n s et des v a ria tio n s locales du m ilieu, est inadaptée. En effet, l'im p la n ta t io n de vergers sur des terres en ro ta tio n et un fin ag e s a tu ré c o n d u i r a , c o m m e p o u r le déplacement de village, à une réduc­ tio n des surfaces cultivées et à une baisse de fertilité des sols.

L 'i n c i t a t i o n au d é v e lo p p e m e n t de l'é le v a g e de vaches ou de buffle s paraît déjà plus j u d i c ie u x dans les conditions actuelles, mais risque de n 'ê tre que p a r tie lle m e n t suivie. La m ortalité et la prédation en sont les freins essentiels. Seuls les exploitants

disposant de ressources suffisantes em prunteront, car ils p ou rron t faire face aux rem boursements des inté­ rêts et du capital, même avec un éle­ vage non rentable, ce qui accentuera les disparités. En outre, ces spéciali­ s a tion s s e c to r ie lle s s e ro n t i n o p é ­ rantes tant que le réseau de voies de c o m m u n ic a tio n ne permettra pas le désenclavement des villages phunoï.

Conclusion : une

diversification salutaire

Le système agraire phunoï a peu évo­ lué au fil du temps. Il prend place à l 'i n t é r i e u r d 'u n e ré g io n isolée où l 'é c o n o m i e d 'a u to s u b s is ta n c e est prépondérante, régie en grande par­ tie par un système de troc. Les sys­ tèmes de p r o d u c tio n sont orientés vers une polycultu re vivrière, grande co n s o m m a tric e de force de travail, dans laquelle l'élevage n'est que fai­ blement complémentaire. Dans cette a g ric u ltu re fa m ilia le , où les c o n d i­ tio n s t o p o g r a p h iq u e s et d é m o g ra ­ phiques ne permettent pas d'envisa­ g er la d i s p a r i t i o n des s y s tè m e s d 'a b a ttis -b rû lis , les cultures de ray resteront encore longtemps la base alimentaire. Mais le dévelo ppem ent é c o n o m iq u e des e x p l o i t a t i o n s ne peut pas passer par l'e x te n s io n du

r a y , h i s t o r i q u e m e n t l i m i t é par la

main-d'œ uvre familiale disponible et „

l'absence de terres nouvelles à défri­ cher et, désormais, condamné par les auto rité s. L 'é m e rg e n c e récente de m a r c h é s p o u r r a i t p e r m e t t r e une diversification salutaire des systèmes de production phunoï, ce qui garan­ t ir a it une sta bilisatio n des surfaces défrichées.

L 'a n a ly s e de ce s y s tè m e a g r a ir e prouve que la préservation de l'éco- système forestier phu no ï ne passera pas par l ' i n t e r d i c t i o n f o r m e ll e de l'a g r ic u ltu r e d 'a b a ttis -b r û lis , mais par le d é v e lo p p e m e n t de p r o d u c ­ tions marchandes complémentaires. Il a p p a rtie n t d o n c a u jo u rd 'h u i aux autorités de revoir leurs orientations p o u r p lu s d ' a d a p t a t i o n de le u rs mesures aux intérêts paysans.

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Pour en savoir plus

C H A P E S. , 1 9 9 6 . B i o d i v e r s i t y c o n s e r v a t i o n , p r o t e c t e d a r e a s a n d t h e d e v e l o p m e n t im p e r at iv e in Lao PD R : forc ing t h e l i n k s . I U C N T h e w o r l d c o n s e r v a t i o n U n io n , Bangkok, T h a ï la n d e , 1 9 9 6 .

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Résumé... Abstract... Resumen

J.-R. LAFFORT — L'agriculture montagnarde phunoï du nord du Laos : la fin de l'autosubsistance. Essarteurs de longue tradition, les paysans phunoï cultivent en défriche-brûlis les flancs escarpés des montagnes du nord du Laos dans le but d'assurer leur autosubsistance alim entaire. L'auteur a effectué un diagnostic du système agraire phunoï et a analysé ses transformations par rapport à sa propre histoire, aux évolutions de la société laotienne et à l'intégration progressive dans l'économie de marché. Les autorités du Laos veulent supprimer ce mode d'exploitation afin de préserver l'environnement forestier des bassins versants supérieurs, mais les solutions proposées ne permettent pas aux populations concernées de vivre dans des conditions décentes. Un projet de développement rural mis en œuvre par le CCL avec le soutien financier de la CFD, doit répondre aux exigences politiques laotiennes de stabiliser la culture sur abattis-brûlis tout en permettant un développement économique et social harmonieux de la région. Ce projet porte sur le désenclavement des villages phunoï, le d év e lo pp em e nt de l'é le v a g e et sur la diversification des productions végétales.

Mots-clés : système agraire, système de culture, élevage, agriculture de montagne, défriche forestière, foncier, marché, revenu agricole, diversification, Laos.

J.-R. LAFFORT — Phunoi mountain agriculture in northern Laos: the end of subsistence farming. Long-time shifting cultivators, the Phunoi farmers practice slash and burn agriculture on steep mountain slopes in Northern Laos to ensure food selfsufficiency. The author conducted a diagnosis of the Phunoi agrarian system and analyzed its changes in relation with its history, the evolution of the Lao society and its progressive integration into a market economy. The Lao authorities want to stop shifting cultivation to protect the forestry environment in upper catchment areas, but the proposed alternatives do not always provide reasonable standards of living for the targetted populations. A rural developm ent project implemented by the CCL (Comité de coopération avec le Laos) and funded by the CFD (Caisse française de développement) responds to the Lao policy to stabilize shifting cultivation while prom oting a harm onious economic and social development in the region. The project aims at improving access to Phunoi villages, developing livestock and diversifying crop production. Key words: agrarian system, cropping system, livestock production, mountain agriculture, shifting cultivation, land tenure, marketing, farm income, crop diversification, Laos.

J.-R. LAFFORT — La agricultura montañesa phunoï del norte del Laos: el fin de la autosubsistencia Desbrozadores de larga tradición, los campesinos phunoï cultivan sobre desbroce-cham icera las pendientes empinadas de las montañas del norte del Laos con miras a asegurar su autosuficiencia alimenticia. El autor realizó un diagnóstico del sistema agrario phunoï y analizó sus transformaciones en comparación con su historia propia, con las evoluciones de la sociedad laosiana y la integración progresiva en la economía de mercado. Las autoridades del Laos quieren suprimir este modo de explotación a fin de preservar el entorno forestal de las cuencas vertientes superiores, pero las soluciones propuestas no permiten a las poblaciones involucradas vivir en condiciones decentes. Un proyecto de desarrollo ru ral ela b o ra d o por el CCL (C om ité français de coopération avec le Laos) con el apoyo financiero de la CFD, debe responder a las exigencias políticas laosianas de estabilizar el cultivo sobre tala-chamicera a la par de permitir un desarrollo económico y social armonioso de la región. Este proyecto tiene por objeto poner fin a un enclave de los pueblos phunoï, desarrollar la cría y diversificar las producciones vegetales.

Palabras-claves: sistema agrario, sistema de cultivo, cría, agricultura montañesa, desbroce forestal, bienes raíces, mercado, ingreso agrícola, diversificación, Laos.

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