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L'IMPLICATION DE LA DIRECTION DANS L'INTÉGRATION D'UNE NORME : ANALYSE COMPARATIVE DE DEUX CAS D'ENTREPRISES DE TAILLE INTERMÉDIAIRE

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L’IMPLICATION DE LA DIRECTION DANS L’INTÉGRATION D’UNE NORME : ANALYSE COMPARATIVE DE DEUX CAS

D’ENTREPRISES DE TAILLE INTERMÉDIAIRE

Personne à contacter : Mélissa SANCHEZ Type : Papier.

Mélissa SANCHEZ,

ISEOR, Magellan, IAE Lyon, Université Jean Moulin Doctorante en Sciences de Gestion.

15 chemin du petit bois, 69 134 Ecully Cedex

Tel : +33 (0)4 78 33 09 66 / Fax : +33 (0)4 78 33 16 61 E-mail : sanchez@iseor.com

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L’IMPLICATION DE LA DIRECTION DANS L’INTÉGRATION D’UNE NORME : ANALYSE COMPARATIVE DE DEUX CAS

D’ENTREPRISES DE TAILLE INTERMÉDIAIRE Mélissa SANCHEZ

ISEOR, Magellan

IAE Lyon, Université Jean Moulin (France)

Résumé :

Avec les crises économiques, les gouvernances des entreprises se sont massivement engagées à mettre en œuvre des normes de Système de Management Intégré ou SMI (ISO 9001, ISO14001, OHSAS 18001) pour rassurer leurs parties- prenantes. Ces normes de SMI sont préconisées par la norme de la Responsabilité Sociale des Entreprises, l’ISO26000. Il existe néanmoins des discordances entre la certification de ces normes et leur mise en œuvre effective, comme en témoignent des exemples récents (Charal, Volkswagen et plus récemment Lactalis). Cette communication porte sur les problématiques d’intégration et de mise en œuvre d’une norme de SMI. Le sujet est d’actualité puisque les discussions autour des normes sont mal considérées au sein des équipes de direction qui préfèrent déléguer la responsabilité de l’intégration de la norme à son animateur. À travers une étude de cas comparés, nous cherchons à confirmer l’hypothèse que l’implication d’un dirigeant dans la démultiplication d’une norme influence l’efficacité de son intégration au sein de l’organisation. Pour cela nous identifions et quantifions les coûts économiques des régulations des dysfonctionnements liés à la non-intégration opérationnelle d’une norme dans les deux cas étudés.

Mots clé : Normes, Système de Management Intégré, Environnement, Qualité, Tétranormalisation, Stratégie, Responsabilité sociale des entreprises, recherche- intervention

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I. L’INTÉGRATION D’UNE NORME, UN ENJEU STRATÉGIQUE POUR LE DIRIGEANT D’UNE ENTREPRISE

Selon la définition de l'International Standard Organisation (ISO), une norme internationale « fournit des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques relatives à des activités ou à leurs résultats, dans le but de réaliser le degré optimal d’ordre dans un contexte donné » (Directive ISO / CEI, 5ème édition, 2004). Suite aux nombreux scandales économiques au début des années 2000 (Enron, crise des Subprimes etc.), les normes ISO sont devenues les garde-fous des entreprises et un gage de qualité et de responsabilité pour leurs parties-prenantes. C’est dans ce contexte que la norme sur la Responsabilité Sociale des Entreprises, l'ISO 26000, est publiée en 2010. Si cette norme ne peut pas être certifiée, elle met néanmoins en avant trois normes de système de management qui peuvent l’être : l’ISO 9001 (management de la qualité), l’ISO 14001 (management de l’environnement) et l’OHSAS 18001 (management de la sécurité). Les systèmes de management que portent ces normes Qualité Sécurité Environnement fournissent un moyen de contrôle interne et d’appréhension des risques (Chemangui, 2009 ; Piot et Kermiche, 2009 ; Gervais, 2009). Toutefois, mettre en œuvre une norme de système de management et la faire certifier sont deux choses différentes : dans le premier cas, il s’agit de « faire », tandis que dans le deuxième il s’agit de « faire savoir » (Rolland, 2009). Une entreprise peut adhérer formellement au système de management de la norme mais se montrer réfractaire voire opportuniste quant au travail d’opérationnalisation des procédures normatives (Bénézech, 1997 ; Andrews, 2001 ; Corbett et Russo, 2001). Par conséquent, la norme se présente comme une couverture, un alibi, une sorte de garantie de bonne conscience. Cette instrumentalisation de la norme comme un « levier marketing » (Pasquero, 2005 ; Vogel, 2005 ; Porter et Kramer, 2002) peut toutefois mettre l’entreprise dans une posture dangereuse. En effet, l’écart entre l’image externe et la mise en œuvre réelle d’une norme en interne expose l’entreprise à la diminution de la valeur de son actif « réputationnel ». Les conséquences qui en découlent peuvent être la perte de marchés sensibles ou de clients, le retrait d’une certification et d’autres sanctions informelles comme la perte d'une image positive, les difficultés de recrutement, l'ostracisme, les boycotts ou les sit-in (Gerrefi et al., 2001 ; Grolleau et al., 2004). Cependant, l’intégration des normes dans une organisation est plus problématique qu’elle n’y paraît : leur intégration est coûteuse (temps humain, énergie, investissements financiers etc.) ; elles sont complexes et peuvent se chevaucher ; elles sont parfois contradictoires entre elles ; elles peuvent devenir des produits en soi à présenter aux auditeurs externes (Savall et Zardet, 2005 ; Mansouri, Peretti, 2007 ; Zardet et Bonnet, 2010 ; Krut et Gleckman, 1998).

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Dans Dynamiques normatives (2005), Savall et Zardet expliquent qu’il existe deux types de stratégies d’intégration d’une norme : les stratégies offensives et les stratégies défensives. Dans une stratégie offensive, l’entreprise considère la norme comme un produit innovant, vecteur d’avantage compétitif et parfois de barrière à l’entrée d’un marché. Cette stratégie est pilotée de manière proactive par le qui veut mettre en place la norme. Dans une stratégie défensive, le dirigeant d’une entreprise s’engage dans la démarche de certification sous la contrainte ou par mimétisme (Martinet et Payaud, 2008), ce qui entraîne une adhésion modeste ou de façade au système de management que la norme porte (Boiral, 2003, 2007) et une mise en œuvre timorée.

Des études ont démontré que la performance globale de la mise en œuvre d’une norme est différente selon le type de motivation de la direction pour intégrer cette norme (Terziovski et al. 2003 ; Martínez-Costa et al. 2008 ; Jones et al., 1997). Il est en effet accepté de manière générale que les dirigeants peuvent avoir une influence significative sur les managers dans leur entourage de par les objectifs fixés, la motivation pour atteindre ces objectifs et leurs gestes quotidiens pour fédérer autour de ces objectifs (Bowers et Seashore, 1966 ; Kotter, 1996). En considérant l’intégration d’une norme comme un élément de la stratégie, nous supposons que la direction a un rôle à jouer dans sa mise en œuvre et sa démultiplication. La norme qualité ISO 9001, « mère » de la famille des normes (Qualité Sécurité Environnement) reste cependant floue à ce sujet. Pour résumer, elle confère à la direction le rôle d’établir et de communiquer la politique qualité, de définir les rôles et responsabilités et de réaliser des revues de direction (cf.

norme NF EN ISO 9001:2015).

Cette étude porte sur deux cas d’entreprise : l’entreprise S., entreprise de maintenance industrielle qui emploie une stratégie défensive pour mettre en œuvre sa norme environnementale, et l’entreprise L., magasin de grande distribution qui adopte une stratégie offensive dans la mise en œuvre de la norme qualité de son enseigne. Nous allons diagnostiquer et comparer les performances dans la mise en œuvre d’une norme de système de management. Nous allons notamment étudier les dysfonctionnements liés à une difficulté d’intégration de la norme et ses impacts économiques sur l’organisation en termes de coûts et performances cachés (Savall et Zardet, 1987). Enfin, nous tenterons d’apporter un éclaircissement sur le rôle concret de la direction dans l’intégration et la mise en œuvre d’une norme de système de management, dont la certification vise à promouvoir les pratiques de type RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises).

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II. PRÉSENTATION DES CAS ET MÉTHODOLOGIES MOBILISÉES

a) Présentation des entreprises et des entretiens des dirigeants i. L’entreprise S.

L’Entreprise S. est un centre de maintenance industriel de 240 personnes appartenant à un groupe français. Nous y avons réalisé une recherche longitudinale de septembre 2014 à octobre 2016. Les données collectées ont la forme de récits de vie ou « storytelling » (Boje, 2008) par une prise de notes exhaustives, des lieux, dates, personnes, fonctions, échanges de paroles et de gestes ainsi que par les réactions à ces échanges notamment à l’aide d’un journal de bord tenu quotidiennement. Cette entreprise met en place la norme environnementale ISO 14001 conformément à une directive de la direction du groupe. Cette norme est pilotée depuis le pôle Qualité Sécurité Environnement par un responsable Sécurité-Environnement et une assistante en alternance. La figure 1 présente les verbatim issus de l’entretien semi-directif réalisé avec le dirigeant pour identifier sa stratégie relative au déploiement de la norme. La première colonne reprend l’expression du dirigeant (verbatim) et la seconde correspond à une formulation générique de cette dernière (idée-clé) (Cf. III-a).

Figure 1. Entretien de dysfonctionnements avec le gérant de l’entreprise S. sur la norme environnementale (ISO 14001)

Entreprise S. – verbatim dirigeant Idées-clés

« Je ne reçois pas d’objectifs environnementaux : la Direction Matériel me donne des objectifs métier (5S, standards opérationnels …), la direction régionale me donne plutôt des objectifs sécurité et la division X me commande une qualité de service. »

Absence d'objectifs

« Si je devais hiérarchiser les priorités, ce serait premièrement la sécurité, notamment à cause du dernier incident traumatisant pour l’entreprise, ensuite la qualité et enfin l’environnement. »

Hiérarchisation des enjeux QSE

« L'environnement, ce n’est pas un sujet qui me préoccupe particulièrement, puisqu’on est déjà pas mal au niveau de notre établissement vu nos installations modernes et performantes énergétiquement. »

Manque d'ambition pour la démarche

« Après il faut se demander est-ce qu’on veut une qualité de service ou se concentrer sur l’environnement. Si on maîtrise déjà la qualité, alors on pourra rentrer dans le sujet de l’environnement »

Priorisation des résultats à court terme

« Alors pour nous, l’environnement, c’est surtout une contrainte réglementaire. »

Perception d’une contrainte règlementaire

Nous sommes dans le cas d’une stratégie défensive d’intégration de la norme.

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ii. L’entreprise L.

L’Entreprise L. est un magasin de grande distribution franchisé de 220 personnes.

Nous avons étudié cette entreprise de février 2017 à février 2018 dans le cadre d’une recherche-intervention (David, 2000 ; Plane, 2000) menée par l’ISEOR.

Elle se caractérise par une interaction avec les acteurs du terrain et par une transformation de l’objet de recherche pour mieux le définir. Cette méthodologie présuppose qu’observateur et observé tirent leur réalité de leur interaction (Kohn

& Negre, 1991 ; Savall & Zardet, 2004) dans une dynamique intersubjective. Il est important de souligner que l’enseigne du magasin a conçu sa propre norme qualité en partenariat avec l’AFAQ à partir des standards de service de la grande distribution. L’enseigne a ensuite proposée cette norme sujette à certification à ses franchises pour créer un référentiel unique. Autrement dit, la mise en place de la norme et sa certification n’étaient pas imposées. La mise en œuvre de cette norme a été une volonté manifeste du dirigeant de l’Entreprise L. et de son équipe de direction, comme en témoigne l’entretien en figure 2. Nous sommes donc dans le cas d’un stratégie offensive d’intégration de la norme.

Figure 2. Entretien de dysfonctionnements avec le gérant de l’entreprise L. sur une norme qualité interne (type ISO 9001)

Entreprise L. – verbatim dirigeant Idées-clés

« L’animatrice qualité est plutôt une qualiticienne-inspectrice qu’une qualiticienne-pédagogue. Vous n’arriverez jamais à faire avancer avec des « il n’y a qu’à, faut qu’on ». »

Certains comportements de l’animateur de la norme nuisent à la communication

« L’ensemble des responsables en réunion ont pour objectif de faire des chiffres et la démarche qualité est perçue comme une démarche contraignante et contre-productive. »

Perception d’une contrainte règlementaire

« Il y a une juxtaposition de bonnes règles pertinentes et de règles peu pertinentes. Nos administrations s’honoreraient à faire le tri sur des règles : certaines devraient être incontournables, avec des règles, des contrôles priorisés et des sanctions ; d’autres devraient se limiter à des préconisations avec des moindres sanctions. »

Juxtaposition de normes pertinentes et de normes peu pertinentes

« Dans un monde idéal, j’aimerai avoir un scanner géant qui repère tous les écarts. Malgré tous nos efforts, 10 à 15% de notre activité est hors règles, a minima. »

Difficulté d’être conforme à 100%

« La grande distribution est soumise à des contraintes d’une intensité hors du commun. On est à la croisée de plusieurs normes. »

Complexité de gérer la multiplicité de normes

Dans cet entretien, le dirigeant de l’entreprise L. expliquait qu’il était issu d’une formation de juriste et nous apporte un regard critique sur la gestion complexe de plusieurs normes dans une même structure.

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b) Présentation des méthodologies mobilisées

Nous avons mené une série d’entretiens semi-directifs auprès de cadres, managers et opérationnels (cf. figure 3) pour relever les dysfonctionnements qu’ils percevaient à leur niveau dans la mise en œuvre de la norme selon six thèmes (conditions de travail, organisation du travail, communication-coordination- concertation, gestion du temps, formation intégrée et mise en œuvre stratégique ; Savall et Zardet, 1987). Les verbatim ont ensuite été analysés au niveau lexical pour en retenir les mots clés signifiants (Roche, 2013) au regard de notre objet de recherche. Nous avons procédé à un classement sémantique dans une arborescence en thèmes et idées clés où nous avons imputé les verbatim grâce à un logiciel expert « Segese » (Zardet & Harbi, 2007), qui a rendu possible la création d’une première typologie (cf. figure 4). Enfin, à travers une nouvelle série d’entretiens, nous avons évalué les coûts et performances cachées liés aux dysfonctionnements évoqués par les interviewés (Savall et Zardet, 1987).

Figure 3. Caractéristiques de l’échantillon des diagnostics réalisés

Direction Encadrement Personnel

Entreprise S.

1 Directeur 1 Responsable Lean Management*

1 Responsable QSE

1 Correspondant Sécurité -Environnement 1 Responsable unité mécanique

1 Responsable unité électrique 1 Responsable unité confort*

1 Responsable unité maintenance de niveau 2*

1 Responsable unité propreté*

2 Ouvriers

1 Maître d’œuvre -Délégué syndical (CGT)

Entreprise L.

2 Dirigeants 1 Directeur administratif et financier

1 Directeur de magasin

1 Référent produit de grande consommation*

1 Référent frais libre-service*

1 Responsable adjoint frais libre-service 1 Référent drive

1 Responsable réception

1 Responsable ressources humaines 1 Responsable comptabilité 1 Responsable qualité 1 Responsable communication 1 Responsable maintenance 1 Responsable sécurité

1 Responsable droguerie parfumerie hygiène 1 Responsable liquide*

1 Responsable épicerie*

1 Responsable caisses*

1 Responsable adjoint caisses*

1 Responsable accueil*

33 Employés Libre- Service (Produits Grande Consommation ; Frais Libre-Service)

28 Hôtes et hôtesses de caisses

4 Hôtes et hôtesses d’accueil

* Personnes vues également en entretien pour l’évaluation des coûts et performances cachés.

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III. ANALYSE COMPARATIVE DES RÉSULTATS DEUX CAS

L’Entreprise S. se situe dans une stratégie défensive tandis que l’Entreprise L.

emploie une stratégie offensive. Nous allons à présenter comparer et analyser les résultats sur l’efficacité de la mise en œuvre de leur norme respective afin d’illustrer l’impact de la motivation du dirigeant sur la qualité du déploiement.

a) Diagnostic des dysfonctionnements relatifs à la mise en œuvre de la norme

Pour analyser les entretiens de dysfonctionnement, nous avons extrait les phrases témoignant d’un dysfonctionnement en lien avec la mise en œuvre de la norme et les avons qualifiés avec des idées clés (formulation générique). À travers a figure 4, nous analysons les convergences et spécificités d’idées clés entre les deux cas.

Figure 4. Grille des convergences et spécificités des contraintes relatives à la mise en œuvre de la norme

Idées clés CONVERGENCES SPECIFICITES

Entreprise S. Entreprise L.

1 Manque de formalisation de l'organisation x

2 Manque de coopération et d'entraide x

3 Mauvaise répartition des rôles

4 Certaines tâches sont réalisées en-dehors des rôles

assignés x

5 Mauvaise répartition des rôles x

6 Certains comportements de l’animateur de la norme

nuisent à la communication x

7 Manque de consultation des opérationnels x

8 Les délais demandés sont peu réalisables x

9 Les priorités ne sont pas définies x

10 Tâches mal assumées : commandes par les clients

internes x

11 Défauts de programmation de réunion x

12 Manque de planification x

13 Gestion du temps fragmentée par des tâches à faible

valeur ajoutée x

14 Manque de formation x

15 Manque de sensibilisation x

16 Manque d'appui pour la mise en œuvre opérationnelle x

17 Manque de pilotage des équipes opérationnelles x

18 Politique de contrôle/suivi x

19 Engagement à la démarche par intérêt x

20 Manque de respect des procédures x

21 Perception d’une contrainte règlementaire x

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Dans le cas de l’Entreprise S., nous trouvons les symptômes que nous pourrions assimiler comme étant spécifiques à une stratégie passive de normalisation : manque de formalisation de l’organisation, manque de sensibilisation, manque de pilotage des équipes opérationnelles et engagement de la démarche par intérêt. Au sein de l’Entreprises L., nous remarquons que les dysfonctionnements relatifs à la mise en œuvre de la norme semblent tournés vers l’organisation des rôles et responsabilités (certaines tâches sont réalisées en-dehors des rôles assignés, mauvaise répartition des rôles) et la gestion du temps (les délais demandés sont peu réalisables, les priorités ne sont pas définies, tâches mal assumées, défauts de programmation des réunions). En comparaison avec l’Entreprise S., l’Entreprise L. semble avoir un degré de maturité plus important quant à la mise en œuvre d’une norme et nous supposons que ce résultat est en corrélation avec la stratégie proactive du dirigeant dans cette démarche.

Toutefois, malgré la différence de stratégies, il semble qu’il y ait un cloisonnement entre services opérationnels et services fonctionnels dans les deux cas, voire même une perte de cohésion interne : manque d'appui pour la mise en œuvre opérationnelle (par l’animateur de la norme), politique de contrôle/suivi (de l’animateur de la norme), manque de respect des procédures (par les opérationnels), perception comme une contrainte règlementaire (par les opérationnels). De fait, nous supposons que la proactivité du dirigeant par rapport à une démarche de normalisation n’est pas automatiquement et uniquement un gage d’efficacité de la mise en œuvre.

b) Diagnostic des coûts et performances cachés relatifs à la mise en œuvre de la norme

Dans cette section, nous allons étudier les impacts économiques et financiers des dysfonctionnements évoqués par les personnes interviewées. Les coûts et performances cachés reflètent l’impact économique des dysfonctionnements au sein d’une organisation. Ils ne sont pas visibles dans les systèmes d’informations comptables classiques mais impactent la performance de l’organisation. En moyenne, une entreprise subit entre 20 et 60 000 euros de coûts cachés par an et par personne. Le montant de coûts-performances cachés représente donc un véritable gisement de performance interne (Savall, 1979 ; Savall et Zardet, 1987).

Nous traduirons la valeur économique d’une heure travaillée par l’indicateur développé par le même centre de recherche : la Contribution Horaire à la Valeur Ajoutée sur Coûts Variables (CHVACV), indicateur de performance globale développée dans la méthode de calcul des coûts cachés (Savall et Zardet, 1987).

Il permet de traduire une heure travaillée en valeur ajoutée générée pour l’entreprise, toutes catégories professionnelles confondues. Inversement, une heure consacrée à la régulation d’un dysfonctionnement représente la valeur

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ajoutée non perçue ou manquée pour l’entreprise. La CHVACV de l’entreprise L.

s’élève à 44 € et celle de l’entreprise S. à 30 €.

Concernant la méthode d’évaluation des coûts et performances cachés, il est nécessaire de partir d’une phrase évoquant un dysfonctionnement et d’estimer la régulation de ce dysfonctionnement avec la personne concernée par ce dernier. La régulation du dysfonctionnement s’évalue en fonction de la fréquence, du nombre de personnes concernées, de la durée et/ou du coût de la régulation. Par exemple, à partir du verbatim « Personne ne respecte le tri des déchets. Du coup, je passe mon temps à réparer les erreurs des autres », la régulation recueillie en entretien coûts cachés est : « Je passe une heure tous les jours à refaire le tri des déchets ».

Le montant de coûts cachés se calcule ainsi : 1 personne x 305 jours travaillés x 1 heure x 30 € (CHVACV) = 9 150 €.

Les coûts et performances cachés sont ensuite catégorisées dans différents composants. Certains peuvent être des « surcharges », c’est-à-dire des coûts historiques, d’autres des « non-produits », c’est-à-dire des coûts d’opportunité.

Les surcharges sont subdivisées en trois composants de coûts cachés : sursalaires (heures supplémentaires rémunérées, glissement de fonction), surtemps (ralentissement de la productivité), surconsommations (gaspillages, achats non nécessaires ou anormaux). Trois autres correspondent à des non-produits : non- production (temps passé à ne rien faire, opportunité commerciale ou financière manquée dans une année), non création de potentiel (opportunité commerciale ou financière manquée au-delà d’une année) et risques (Savall et Zardet, 1987).

Les figures suivantes sont des grilles extraites de l’évaluation des coûts cachés dans les deux cas.

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Figure 5. Extrait des coûts et performances cachés évalués dans l’Entreprise S. – Norme Environnementale ISO 14001

DYSFONCTIONNEMENTS ÉLÉMENTAIRES

CAUSES INVOQUÉES DES DYSFONCTIONNEMENTS

FRÉQ.

INDIC.

EFFETS AU PLAN ÉCONOMIQUE DÉTAIL CALCUL SURSALAIRES SURTEMPS SURCONSOM-

MATIONS

NON PRODUCTIONS

NON CRÉATION

DE POTENTIEL

RISQUES TOTAL

Encrassement des fosses des ateliers (Graisse, huile, sable)

Absence de réceptacles pour récupérer les produits chimiques et graisses lors des opérations techniques

2 fois

par an Deux personnes passent en moyenne deux heures à organiser l'intervention, en concertation avec une personne du service planification.

3 pers x 2 fois x 2 h x 30€ 360 € 360 €

Un prestataire externe est sollicité pour nettoyer le produit polluant, ce qui coûte en moyenne 10 000€.

10 000€ x 2 fois 20 000€ 20 000€

L’entreprise est obligée

d'accompagner tout prestataire externe lors d'une intervention

Un collaborateur est mobilisé pour rester avec le prestataire. Il attend sans rien faire pendant toute l'intervention, soit

4 heures.

1 pers x 2 fois x

4 h x 30€ 240 € . 240 €

360 € 20 000€ 240 € 20 600 €

© ISEOR 2017

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Figure 6. Extrait des coûts et performances cachés évalués dans l’Entreprise L.- Norme Qualité de l’enseigne

DYSFONCTIONNEMENT S ÉLÉMENTAIRES

CAUSES INVOQUÉES DES DYSFONCTIONNEMENT

S

FRÉQ.

INDIC.

EFFETS AU PLAN ÉCONOMIQUE

DÉTAIL CALCUL SURSALAIRES SURTEMPS SURCONSOM-

MATIONS NON

PRODUCTIONS

NON CRÉATION

DE POTENTIEL

RISQUES TOTAL

Écart de prix - Étiquette erronée - Promotion non enregistrée

2 fois par jour par hôtes se

Le client réclame une régulation de l'écart de prix en caisse. Chacune des 28 hôtesses de caisse appelle la caisse centrale, ce qui prend 3 minutes par appel.

28 pers x 2 pers x

2 fois x

306 j x (3/60) h x 44 €

75 398 € 75 398 €

La caisse centrale appelle le

rayon concerné pour vérifier l'écart. Puis, le rayon appelle l'hôtesse de caisse pour infirmer ou confirmer l'écart de prix. Cette opération prend 3 minutes.

28 pers x 2 pers x 2 fois x

306 j x (3/60) h x 44 €

75 398 € 75 398 €

150 790 € 150 790 €

© ISEOR 2017

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Figure 7. Tableau de synthèse des coûts et performances cachés évalués dans les deux cas

Surtemps Surconsom- -mations Non-

production Risques Total

Entreprise S. 34 940 € 214 771 € 99 402 € 150 000 € 499 113 € Entreprise L. 726 300 € 626 300 € 518 600 € N.E.* 1 871 200 €

* N.E. : Non évalué

Tout d’abord, nous pouvons noter que les entretiens pour l’évaluation des coûts et performances cachés ont été plus nombreux au sein de l’Entreprise L. par rapport à l’Entreprise S. (7 entretiens contre 4 entretiens). Le volume de sources étant plus important, il est normal que le montant des coûts cachés évalués soit plus élevé dans le cas de l’entreprise L. Il nous est donc impossible d’établir une comparaison fiable. Notre hypothèse de départ selon laquelle la stratégie passive ou offensive du dirigeant influait sur l’efficacité de la mise en œuvre d’une norme ne peut pas être vérifiée. Toutefois, alors que nous pensions analyser des résultats contrastés entre les deux cas, nous remarquons des coûts et performances cachés significatifs dans les deux cas.

En fait, la gestion d’une norme au sein d’une organisation est complexe. Selon la théorie de la Tétranormalisation (Savall et Zardet, 2005), chaque pôle de normes (sociales, commerciales, qualité-sécurité-environnement et financières) peut entrer en contradiction avec un autre, chaque pôle voulant défendre sa

« paroisse ». Par exemple, les fonctions opérationnelles pourraient être muées par des impératifs commerciaux à court terme en contradiction avec des mesures préventives en matière de qualité, comme en témoigne un manager dans l’entreprise L. : « Notre animatrice qualité ne comprend pas notre position. C’est compliqué de respecter la loi en parallèle de notre métier ». Il peut en découler une coopération transversale difficile entre les services fonctionnels et les services opérationnels, ce qui est un symptôme du « virus TFW » (Savall, 1974, 1975, 1979 ; Lussato, 1972). Le « virus TFW » (Taylor, 1911 ; Fayol, 1916 ; Weber, 1922) est un schéma ancré dans les entreprises qui prône : l’hyperspécialisation des tâches et des fonctions, la dichotomie entre conception, décision et réalisation des activités, ainsi que la dépersonnalisation des postes de travail, des organigrammes, des processus, des règles et des méthodes (Savall et Zardet, 1992).

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Nous retrouvons dans ce concept des potentielles explications aux résultats de notre recherche :

- L’hyperspécialisation des tâches peut expliquer la raison pour laquelle la répartition des tâches entre fonctionnels et opérationnels est jugée mauvaise. En effet, selon cette logique, « seul l’animateur qualité doit faire de la qualité ». De plus, l’animateur de la norme considéré comme le seul garant de sa bonne mise en œuvre est souvent l’auteur d’une politique de contrôle/suivi oppressante pour les opérationnels. Or, si le contrôle d’un résultat est systématiquement effectué par un autre que l'opérateur, il s’agit d’une source d'inefficacité, de perte de temps voire un risque de tensions (Lamotte, 1987).

- La dichotomie entre décision et réalisation des activités se reflète par le fait que l’expert de la norme prend les décisions et privilégie l’aspect technique de la norme plutôt que les aspects sociaux, d’où un manque de consultation des opérationnels. À ce titre, Michel Péron (2010) parle de spectre de l’hydre technocratique. Nos résultats dans l’entreprise S.

montrent par exemple que l’élaboration des procédures et des actions correctives est centralisée au niveau de l’animateur de la norme. Or, sans l’apport du point de vue terrain des opérateurs, cette procédure peut se révéler absurde et coûteuse (Bonnet et al., 2016).

- Enfin, la dépersonnalisation des processus peut par exemple se refléter dans les efforts investis pour la communication administrative autour de la norme (compte-rendu, formulaires, tableaux de suivi, grilles de contrôle etc.) plutôt que sur sa réelle mise en œuvre (recherche de solutions sur les problèmes de fond, accompagnement des opérationnels dans la formation aux processus et procédures, responsabilisation des secteurs etc.), détournant ainsi les acteurs d’une part précieuse de leur temps et de leurs ressources pour des activités à faible valeur ajoutée (Bessire, Cappelletti, Pigé et al. 2010).

Le « virus TFW » semble ainsi expliquer le cloisonnement entre services opérationnels et services fonctionnels que nous avons relevé grâces aux entretiens.

Aussi, lorsque nous analysons les causes invoquées de coûts et performances cachés, nous constatons qu’elles relèvent de manque de communication, de pilotage, d’un non-respect de procédure. Autrement dit, les coûts et performances cachés et la majeur partie des idées-clés convergentes relèveraient de défauts dans le management de la norme et non directement de la stratégie du dirigeant.

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IV. PRÉSENTATION DES TECHNIQUES D’ANIMATION DANS LE CAS DE L’ENTREPRISE S. ET PROPOSITION DE DISPOSITIF DE DÉCENTRALISATION SYNCHRONISÉE

Dans cette partie, nous allons analyser l’expérimentation d’une méthode d’accompagnement par l’animateur Environnement au sein de l’Entreprise S. pour améliorer la démultiplication de la norme environnementale.

a) Les techniques d’animation pour stimuler l’ascenseur bottom up

Idéalement, la responsabilisation aux enjeux de la norme s’institutionnaliserait par un apprentissage collectif stimulé par le conseil d’administration et le comité de direction de l’entreprise (Aoki, 1980 ; Del Vecchio, 2010). Il est en effet accepté de manière générale que les dirigeants peuvent avoir une influence significative sur les managers dans leur entourage de par les objectifs fixés, la motivation qu’ils démontrent pour atteindre ces objectifs et leurs gestes quotidiens pour fédérer autour de ce cap stratégique (Bowers et Seashore, 1966 ; Kotter, 1996). Cette

« conviction contagieuse » se transmettrait de la tête de l’entreprise vers la base (top down) par la démultiplication stratégique (Barthe dans Bessire et al.

2010). Dans le cas de l’entreprise S., le dirigeant et ses encadrants n’étaient pas impliqués dans la démarche environnementale et l’animateur comptait principalement sur la participation des managers et collaborateurs opérationnels.

Une fois diagnostiqués, les coûts cachés ont permis d’orienter les actions d’amélioration pilotées de manière participative.

Après le diagnostic et une remise en question sur sa qualité d’animation, l’animateur de la norme restait disponible pour un appui méthodologique (confirmer ou infirmer la pertinence de l’initiative par rapport à la réglementation par exemple) mais il déléguait le pilotage des actions aux responsables hiérarchiques pour ancrer leur rôle légitime dans la mise en œuvre des actions.

Notons que l’entreprise L. recensait également des dysfonctionnements relatifs à l’animation de la norme et le dirigeant en était conscient : « L’animatrice qualité est plutôt une qualiticienne-inspectrice qu’une qualiticienne-pédagogue. Vous n’arriverez jamais à faire avancer avec des « il n’y a qu’à, faut qu’on » ». Avec cet accompagnement de proximité, un lien de confiance s’est créé entre l’animateur et les opérationnels. Ces derniers se sont montrés progressivement plus ouverts à donner de leur temps ainsi que de leur énergie pour s’impliquer dans la démarche environnementale. Avec les groupes de projet, nous avons pu observer que la planification stratégique organisée pour remonter les idées du terrain était un outil de motivation très puissant (Torset, 2003). Nous avons en effet recensé des innovations chez les équipes opérationnelles qui ont imaginé des solutions adaptées à leurs besoins dans le cadre de la norme. Plus encore, les

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équipes opérationnelles ont commencé à « éduquer » leur responsable hiérarchique dans le même sens. Par exemple, ils faisaient remonter leurs réclamations à leur responsable hiérarchique, comme le témoigne le responsable QSE : « Il y a un peu d’engagement de la part des dirigeants. Ce qui les pousse à bouger, c’est les plaintes successives des agents et des managers ». Quelques mois après l’initiation des groupes de projet, une évolution des mentalités et une intégration des préoccupations environnementales dans les décisions stratégiques ont ainsi été relevées via l’émergence de projets environnementaux de la Direction et une meilleure écoute générale de l’animateur de la norme. Cette conviction serait donc possiblement contagieuse de la base de l’entreprise vers la tête (bottom up).

b) Proposition de dispositif pour favoriser le double-ascenseur stratégique bottom up et top down.

Si le management participatif de l’animateur de la norme favorise l’implication des acteurs, il s’agit néanmoins d’un exercice chronophage si aucun avis délibératif n’est prononcé de la part des responsables hiérarchiques, légitimes dans leur pouvoir de décision. L’animateur de la norme ne pourrait donc pas démultiplier et animer la norme seul à long terme par une approche uniquement bottom up. Il apparaît donc nécessaire que les dirigeants soient eux aussi partie- prenante de la démarche, si ce n’est porteurs (Mitchell, Agle et Wood, 1997).

Cappelletti (2008) souligne la nécessité de démultiplier la fonction de contrôle interne sous forme de décentralisation synchronisée. À la différence de la délégation (Picq et Retour, 1998 ; Bonnet et Zardet, 1999) qui est implicitement utilisée dans le cadre de décisions et d’actions opérationnelles, la décentralisation concerne les décisions stratégiques. Ce concept de décentralisation synchronisée pourrait conférer au dirigeant le rôle de démultiplier les objectifs relatifs à la norme de manière descendante (top down) et à l’animateur de remonter les initiatives du terrain par rapport à ces objectifs (bottom up). Avec la décentralisation synchronisée, le pilote de la stratégie, c’est-à-dire le dirigeant, déploie les objectifs de manière descendante tandis que les managers font remonter les plans d’actions, voire autoévaluent leurs propres performances. La décentralisation synchronisée consiste ainsi à rapprocher le processus de prise de décisions de l’endroit où la décision s’applique. Cette méthode permet d’éviter des incohérences absurdes (et coûteuses) entre le niveau stratégique et opérationnel, symptôme d’un cloisonnement entre conception et réalisation (cf.

« Virus TFW »). C’est aussi un moyen pour responsabiliser les managers et les collaborateurs sur un thème qui concerne leur périmètre d’action et éviter l’hyperspécialisation des tâches de l’animateur de la norme, souvent seul porteur de ses enjeux. Les opérationnels adaptent ainsi leurs pratiques au cadre de la

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norme tout en l’ajustant de manière substantielle à leurs spécificités. Par exemple, une équipe opérationnelle de l’entreprise S. avait pour objectif d’améliorer la gestion des déversements fréquents et conséquents d’un produit dangereux spécifique. Ils ont fait le choix d’adapter un manche d’aspirateur à un compresseur pour éviter d’utiliser des absorbants jetables qui ont tendance à ne pas être jetés après utilisation. Dans leur innovation, le produit récolté est ensuite stocké dans une cuve sur rétention pour être recycler. Cette innovation technique à la fois permis d’être en conformité avec la réglementation environnementale, de réduire les surconsommations de matières, de limiter les accidents du travail mais en plus de réduire le temps de gestion d’un déversement de 70%.

Pour formaliser cet ascenseur à la fois bottom up et top down, nous pensons qu’un outil socio-économique pourrait être utile au dirigeant d’une entreprise qui met en œuvre une norme : le Plan d’Actions Prioritaires (Savall et Zardet, 1987). Cet outil permettrait de démultiplier la stratégie environnementale de la Direction jusqu’aux services opérationnels, tout en incitant à une actualisation périodique (au minimum semestrielle) par les pilotes et coopérants. D’un côté, les axes stratégiques à long termes, déclinés en objectifs stratégiques à moyen termes, sont définis par la Direction (top down). D’un autre côté, les actions à court termes qui viennent alimenter les objectifs stratégiques sont proposées par les équipes opérationnelles (bottom up). Une fois ces propositions remontées par l’animateur de la norme et validées par l’encadrement puis par la direction, elles sont mises en œuvre par ces mêmes équipes qui ont proposé les actions. Les actions réalisées restent ainsi en adéquation avec les enjeux d’actualité de l’entreprise tout en offrant la possibilité des acteurs de participer à la stratégie d’intégration de la norme et de proposer des actions qui correspondent à leur réalité. La Responsabilité Sociale des Entreprises véhiculée par la norme dépasse ainsi la simple idée d’intention et s’ancre dans un processus de construction partagée avec des efforts conjoints au sein de l’entreprise (Scherrer et al., 2007). Le PAP pourrait être suivi et piloté trimestriellement ou mensuellement pour stimuler la mise en oeuvre des actions. Il serait mis à jour et co-construit à nouveau à chaque fin de période pour la suivante. Les actions n’ayant pu être réalisées dans le cadre du plan d’action en cours pourraient être reportés sur le suivant.

Dans l’animation de ce dispositif, nous recommandons que le dirigeant en soit le pilote pour garantir la légitimité de la démarche, c’est-à-dire : déclencher les revues trimestrielles ou mensuelles et semestrielles, communiquer sur les performances et, éventuellement, récompenser des efforts particuliers. En parallèle, l’animateur serait un levier pour stimuler les réunions des groupes de travail, conseiller les opérationnels pour respecter les attentes de la norme et faire remonter les propositions. Néanmoins, le rôle du dirigeant serait également d’être vigilant à la qualité d’animation de cet animateur puisqu’il est lui-même source de dysfonctionnements.

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CONCLUSION

À travers notre étude, nous avons diagnostiqué et comparé les dysfonctionnements dans la mise en œuvre d’une norme de système de management dans deux cas d’entreprises. Avec le cas de l’entreprise L., nous avons vu que le management stratégique de la norme était en premier lieu une volonté de la direction, contrairement au cas de l’entreprise S. Si la motivation du dirigeant à intégrer sa norme était opposée entre les deux cas, nous avons identifié des dysfonctionnements convergents et des coûts et performances cachés. Au regard des dysfonctionnements et des coûts et performances cachés constatés dans les deux cas, l’implication du dirigeant semble nécessaire mais non suffisante pour démultiplier efficacement la mise en œuvre de la norme, comme présupposé au départ. En effet, nous avons remarqué que la qualité d’animation de la norme par l’animateur pouvait causer des dysfonctionnements, quel que soit la stratégie du dirigeant. Dans la phase projet, l’animateur a remis en question ses pratiques et les as améliorées. Le cas de l’entreprise S. nous a montré que la volonté de s’impliquer dans la mise en œuvre de la norme pouvait être impulsée par l’animateur de celle-ci. Les collaborateurs et l’encadrement seraient eux-mêmes, ensuite, un levier pour légitimer la démarche aux yeux du comité de direction.

Nous supposons cependant que cette implication bottom up pourrait s’essouffler à long terme si elle n’est pas encouragée et stimulée par le dirigeant. Nous faisons ainsi l’hypothèse que l’intégration durable d’une norme dans les pratiques est en réalité le fruit d’une double-action top down et bottom up : il s’agit d’impliquer la direction dans la définition des objectifs de mise en œuvre de la norme et de faire participer les équipes opérationnelles dans le dimensionnement et la mise en œuvre stratégiques d’actions. Nous pensons que le dirigeant et l’animateur de la norme ont chacun un rôle prépondérant et complémentaire pour alimenter cet

« ascenseur stratégique ». L’animateur aurait pour mission de faire remonter les propositions du terrain par une écoute active et un accompagnement méthodologique, quand le dirigeant aurait pour responsabilité de passer en revue périodiquement les actions en cours avec son équipe de direction, qui le ferait à son tour avec ses encadrants.

En perspective de cette étude, nous préconisons d’outiller cette décentralisation synchronisée avec un PAP ou un outil similaire qui lie chaque niveau hiérarchique autour d’axes et objectifs stratégiques communs. Le PAP n’est pas destiné exclusivement aux actions relatives à la norme et peut être nourrit par d’autres domaines (opérationnels, techniques, comptables, RH etc.) pour réunir les différents domaines de normalisation de l’entreprise autour d’un même fil rouge.

L’entreprise L. expérimente cet outil pour animer et démultiplier la mise en œuvre de sa stratégie (dont ses objectifs qualité). Nous poursuivons nos recherches sur ce dispositif et espérons pouvoir bientôt en analyser les résultats.

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