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Étude linguistique du proverbe espagnol et de ses variantes en synchronie

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Academic year: 2021

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Submitted on 11 Mar 2020

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Étude linguistique du proverbe espagnol et de ses

variantes en synchronie

Antonia Lopez

To cite this version:

Antonia Lopez. Étude linguistique du proverbe espagnol et de ses variantes en synchronie. Linguis-tique. Université de Nanterre - Paris X, 2019. Français. �NNT : 2019PA100122�. �tel-02505594�

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À tous les adorateurs et usagers des proverbes…

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REMERCIEMENTS La recherche est avant tout une rencontre avec une personne, et non uniquement avec un sujet. Je tiens ainsi à remercier, en premier lieu, ma directrice de thèse, Mme Alexandra ODDO, pour la confiance qu’elle a placée en moi. Son honnêteté et sa rigueur intellectuelle, ses corrections, conseils et critiques, toujours avisés, ont nourri ce travail qui n’aurait pu voir le jour sans ses encouragements et son soutien constants. J’exprime ici toute ma gratitude envers une chercheuse et une pédagogue hors pair, pour tout dire mon véritable mentor, qui m’a accompagnée, aussi bien professionnellement que personnellement, depuis le début de mes études et m’a convaincue du bien fondé de ce choix de carrière et de cette aventure qu’a pu être la thèse. J’espère que ce travail sera le reflet de tout ce qu’elle a pu m’offrir comme richesses depuis onze années.

Je tiens à remercier également Mr Bernard DARBORD, Mme Sonia GÓMEZ-JORDANA, Mme Silvia PALMA et Mr José VICENTE LOZANO pour avoir accepté de lire ce travail ainsi que de faire partie de ce jury. J’exprime ma reconnaissance envers les membres de ce jury en tant que chercheurs car ils ont accompagné ma réflexion et nourri ma pensée tout au long de l’élaboration de ce travail.

Je remercie tout particulièrement Mr Jean-Claude ANSCOMBRE qui a tout d’abord fourni à la communauté des parémiologues une bibliographie riche, inventive et scientifique, ainsi que d’avoir consacré un temps précieux à m’expliquer des concepts et des théories complexes et partager son érudition sur le proverbe avec moi.

J’adresse mes plus chaleureux remerciements à toute l’équipe pédagogique et l’équipe administrative de l’Université Paris Nanterre. Ces onze années d’études et de doctorat confondues ont été ponctuées de rencontres et d’apprentissages inoubliables, de partages et d’échanges généreux, et sans le soutien indéfectible de ces personnes tout ce travail n’aurait pu être accompli.

Je remercie plus généralement, mais non moins sincèrement, mon cercle d’amis, toujours fidèle. Je ne peux mentionner malheureusement tous ceux et celles qui m’ont soutenue, pour cela il faudrait une seconde thèse… Merci à mes amis et collègues Estelle, Pedro, Tere, Beatriz, Anne-Laure, Alexia, Marion, Marie-Carmen, Nathalie, Pepe et Pascale G., personnes hautes en couleurs et de véritables sources d’inspiration. Je fais mention à part d’une véritable coéquipière, Audrey, pour ses relectures courageuses,

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rapides et rigoureuses, son œil de lynx, ses questions et ses remarques pleines d’inventivité et de savoir linguistique. Merci à toi pour les virgules et les détournements.

Enfin, pour terminer, je remercie ma famille qui a été un véritable pilier toutes ces années : ma sorcière bien-aimée Marina, mon enseignante de français préférée Pascale L., mon grand-père Georges, pour sa sagesse, ma sœur Lucia, pour sa douceur et sa confiance, ma sœur de cœur Camille, pour son aide technique et informatique qui m’a sauvée à plus d’une reprise, mon frère Fernando et mon père Carlos, qui chaque jour me rappellent que sans humour, la vie est beaucoup moins savoureuse.

Last, but not least, je remercie ma mère Catherine pour ses relectures sans fin, sa patience sans limite, sa bonté et générosité, et le calme intérieur qu’elle m’apporte chaque jour. Sans elle, je n’aurais pas découvert la passion pour les langues, les jeux de mots, les proverbes, les expressions et les merveilles qui peuplent nos langues.

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TITRE DE LA THÈSE : ÉTUDE LINGUISTIQUE DU PROVERBE ESPAGNOL ET DE SES VARIANTES EN SYNCHRONIE RÉSUMÉ :

La présente thèse a pour objectif d’analyser la capacité du proverbe espagnol à se reproduire en plusieurs signifiants, i.e. des variantes, tout en maintenant un même signifié. Afin de mieux saisir le fonctionnement du système parémique, et de sa variation formelle, nous proposons une approche croisée entre une étude comparative interlinguale (proverbes castillans et proverbes dialectaux) et une étude contrastive entre trois langues : l’espagnol, le catalan et le galicien. Nous proposons d’envisager le proverbe comme une forme dépendant d’une matrice lexicale, qui inclut un invariant sémantique et un invariant syntaxique. La description de ces points fixes permet de reprendre et poser une alternative à la théorie du proverbe comme un signifiant entièrement figé, et de mesurer les altérations formelles qu’une matrice accepte.

Nous avançons ainsi une approche variationnelle de cette catégorie linguistique, dans le but d’établir une typologie des altérations formelles et structurelles et d’avancer vers les différentes dimensions de la variation qui peuvent interagir sur les parémies : diachronique, diatopique, diastratique et diaphasique. La description syntaxique et sémantique des parémies relevées dans des ouvrages lexicographiques castillans, régionaux, catalan et galicien permet de mettre en avant l’existence d’une matrice commune à différentes langues et d’apprécier ainsi un système parémique relativement homogène dans les langues romanes péninsulaires. L’étude linguistique du proverbe, au prisme d’outils linguistiques comme la généricité implicative, la médiativité, les matrices lexicales, rimiques et rythmiques, permet d’établir les limites et les libertés des proverbes. MOTS-CLÉS : parémiologie, variante, variation, matrice lexicale, synchronie, diatopie THESIS TITLE : LINGUISTIC STUDY OF SPANISH PROVERB AND ITS SYNCHRONIC VARIANTS ABSTRACT : This thesis aims to analyze the ability for a Spanish proverb to reproduce, by many signifiers, i.e. variants, while maintaining a same meaning. In order to establish better appreciation for the paremic system and its formal variation, we will present a crossover approach between an interlingual comparative study (Castilian and dialectal proverbs) and a contrastive analysis between three languages: Spanish, Catalan and Galician. We will consider the proverb as a form which depends on a lexical matrix, including a semantic and a syntactic invariant. By describing these fixed points, we can take up and propose an alternative to the proverb theory as a completely “frozen” signifier, and to evaluate formal alterations which a matrix allows.

Thus, we propose a variational approach for this linguistical category, to establish a typology of formal and structural alterations and move towards the various dimensions in variation which can interact with paremia. There can be diachronic, diatopic, diastratic and diaphasic variations. The syntactic and semantic description for paremias, that have been identified in Castilian, regional, Catalan and Galician lexicographic books, highlights the existence of a common matrix to different languages. It thus allows to assess a relatively homogeneous paremic system in peninsular Latin languages. Through the prism of linguistical tools as implicative genericity, mediativity, or lexical and rhythmic matrices, the linguistic study of proverbs allows to establish their limits and freedoms.

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INTRODUCTION

Contre toute attente, le proverbe ne se présente pas comme une forme statique ni figée, mais bien comme une unité qui se renouvelle et évolue, comme la langue, dans le temps et l’espace. La réalisation d’un proverbe en plusieurs versions est un aspect fréquemment observé, comme en témoignent les auteurs du Diccionario de refranes :

Los refranes poseen infinita capacidad de admitir variantes, conservan extraordinarios arcaísmos léxicos, sin que por eso dejen de renovarse continuamente. Aluden muchas veces a realidades de otros tiempos, desconocidas para la mayoría de los hablantes que los emplean, y a pesar de ello, no pierden su capacidad significativa aunque en ocasiones se llenen de contenidos que no son los originarios (Campos et Barella 1993 : IX).

Cette aptitude à se reproduire en plusieurs signifiants, tout en maintenant un même signifié, est illustrée par de nombreuses compilations d’énoncés sentencieux, comme en attestent les nombreuses variantes du proverbe suivant : Da Dios almendras al que no tiene muelas (Junceda) ; Da Dios bragas a quien no tiene zancas (Doval) ; Da Dios habas a quien no tiene quijadas (Doval) ; Da Dios narices a quien no tiene pañuelo (Doval) ; Da Dios nueces a quien no tiene dientes (Doval) ; Da Dios pañuelo a quien no tiene narices (Doval) ; etc. Ce qui attire notre attention c’est la capacité pour un même proverbe de conserver un invariant sémantique tout en multipliant les variantes, dans un même temps et un même espace.

L’objectif de cette étude est la description de la variante parémique en synchronie et de sa représentation dans les ouvrages lexicographiques. La variation parémique est un sujet de recherche qui a connu un intérêt croissant ces dernières années mais reste un domaine assez peu exploré pour le moment. Cette propension des proverbes à se reproduire en des variantes rend compte à la fois d’une sémantique générique ainsi que des possibilités de variation du signifiant parémique. L’axe diachronique est plus souvent privilégié, ce qui nous a amenée à faire le choix d’une dimension synchronique. Cet axe permet d’observer la structure syntaxique et les relations entre les éléments constitutifs du proverbe, sans établir d’antériorité et postériorité entre les énoncés comparés. Cette perspective a permis d’isoler les différents types d’altérations formelles

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dans les proverbes permettant la production de multiples variantes pour un même signifié.

Les énoncés sentencieux renferment un sens fixé par l’usage dans une communauté linguistique et le maintien de ce signifié permet aux proverbes de se reproduire en plusieurs signifiants similaires. Ce « sens formulaire » - terminologie empruntée à Tamba (2000, 2011) - leur permet d’exprimer des idées ou situations complexes en les exprimant simplement. Kleiber, dans l’un de ses travaux pionniers sur le sémantisme du proverbe, écrit :

[...] nous avons une compétence de ce qu’est sémantiquement (et formellement aussi, mais le problème est un peu différent) un proverbe, même s’il y a des hésitations et […] même si nous ne pouvons pas définir le plus souvent en quoi consiste cette compétence [...]. [...] c’est bien une question de moule ou de schème sémantique proverbial qui est en jeu. C’est cette même structure sémantique qui doit nous guider dans une autre manifestation, souvent signalée, de notre compétence sémantique proverbiale, à savoir l’aptitude à fabriquer des phrases [...]. Cette aptitude à confectionner des proverbes représente à notre avis un des arguments les plus forts en faveur de l’hypothèse d’un sens propre attaché à la catégorie des proverbes. Si l’on peut fabriquer des proverbes, c’est bien que l’on dispose d’un modèle de la structure sémantique des proverbes. [...] Si nous pouvons reconnaître, fabriquer, interpréter ou essayer d’interpréter des proverbes, si nous pouvons décider si telle phrase pourrait ou non devenir un proverbe, c’est parce que nous avons la compétence du sens proverbial, la connaissance (devenue) intuitive d’une structure sémantique générale sur laquelle s’articulent les proverbes particuliers. Et donc on peut – et on doit – essayer de mettre en relief ce sens définitoire unitaire (Kleiber 2000 : 43-45). Les variantes se produisent au sein d’une matrice lexicale qui permet d’apprécier la généricité des parémies et de souligner l’intérêt d’une étude qui se sépare de la notion de figement pour s’orienter davantage vers une analyse focalisée sur la variation, aspect traité et analysé, mais peu développé à grande échelle.

L’étude linguistique des proverbes n’a été entreprise que récemment, sous l’impulsion de divers chercheurs, en raison certainement du développement de certaines théories antérieures à la parémiologie et à leur application à ce champ d’étude. Ces travaux constituent aujourd’hui des prérequis pour toute étude du proverbe et ont permis de le poser comme une unité de la langue, et non plus seulement comme un élément folklorique dont s’étaient emparées les études ethniques, anthropologiques ou encore sociologiques. La parémiologie s’établit dès lors comme une branche spécifique

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de la linguistique dont l’objet est le proverbe, et met à la disposition de toute la communauté de chercheurs des outils pour le définir et l’analyser comme une unité à part entière des langues dans lesquelles il se produit. L’essor actuel que connaît la parémiologie, en l’occurrence hispanique, se matérialise dans des approches diverses du proverbe qui ont donné lieu à différentes pistes et définitions sémantiques.

Ces unités s’inscrivent dans des théories plus vastes que la parémiologie, rendant nécessaire la mobilisation de divers champs pour leur traitement. Les théories de l’argumentation dans la langue, de la stéréotypie, de la généricité et de la polyphonie, posent les bases nécessaires pour une ou des étude(s) linguistique(s) du proverbe. Ces théories réunissent les présupposés, les sous-entendus, les mots qui se cachent derrière les mots. Les travaux pionniers qui jettent les bases pour une interprétation et une analyse du proverbe comme unité linguistique commencent par des classifications conceptuelles, taxinomiques et terminologiques. Anscombre (1995, 2012, etc.) explique la richesse informative du proverbe par la généricité qui le caractérise. Le traitement et la classification des différentes phrases génériques permettent de détacher les énoncés sentencieux du groupe et de les catégoriser comme des phrases autonomes et génériques typifiantes a priori. Le renouvellement de l’analyse du proverbe, mené principalement en France et en Espagne, par Anscombre (1995-1996, 2012, 2017, 2018, etc.) Conenna (1988 et 2000), Gómez-Jordana (2003 et 2012), Kleiber (1989 et 2000), Oddo (2013, 2017, etc.), Palma (2007, etc.), Riegel (1987), Tamba (2000 et 2011), etc. a permis justement de préciser de nombreux aspects qui nous ont aidée à définir plus précisément le système parémique.

Ces outils nous ont permis de faire coïncider dans ce travail de nombreux axes de réflexion : proverbe, généricité, figement, variation et parémiographie. Le proverbe est institué, grâce à la théorisation de ces aspects, comme une unité linguistique formelle et sémantique avec des traits spécifiques : il est une unité close, autonome et générique. Cette étude sur le proverbe est le fruit d’une double perspective, soulignée dès le titre de cette thèse : une approche linguistique d’une unité que l’on veut pleinement intégrée dans le système de la langue et la description de sa variation, au sens large, grâce à l’observation des différentes versions qu’un même proverbe peut connaître en se reproduisant dans des matrices lexicales.

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La présence de variantes de proverbes est attestée très tôt dans les recueils : au XVIème siècle déjà, les manifestations de variantes d’un même proverbe sont extrêmement nombreuses et sont insérées de façon exhaustive dans les collections (Núñez 1555, Correas 1627, etc.). À partir du XXème siècle, les nombreuses publications de compilations qui réunissent des proverbes se multiplient. Elles s’organisent plus fréquemment autour de thématiques et/ou se spécialisent en un dialecte ou une langue. Ces ouvrages parémiographiques concernant les différentes langues et dialectes témoignent de l’intérêt que l’on accorde à la fois à une représentation identitaire véhiculée par le critère linguistique, mais également de l’intérêt des proverbes comme unités de communications indépendantes et propres à une communauté linguistique. Ces sources parémiographiques deviennent ainsi de fantastiques outils pour rechercher et recenser les variantes d’un même proverbe au sein de plusieurs variétés d’une même langue, mais également pour observer des reproductions de proverbes très proches formellement.

Nos recherches sont nées tout d’abord de l’intérêt en vogue pour la variation parémique. Cette dimension permet d’apprécier une forme d’opposition entre divers usages langagiers à travers la notion d’aire géographique. Nous avons rapidement été interpellée par un certain vide conceptuel concernant la variation parémique, peu importe la langue observée. Les études réalisées jusqu’ici sur la variation des proverbes sont éparses. Elles nourrissent chacune un angle de réflexion différent, utile aux analyses postérieures, mais ne bénéficient pas d’un cadre théorique, terminologique et analytique délimité et unanime. Certains ouvrages et articles les mentionnent toutefois, principalement dans le domaine de la phraséologie. On trouve également des thèses qui permettent de montrer que cet intérêt pour la variation est de plus en plus important dans le domaine des proverbes.

Le postulat de base qui a guidé notre réflexion était l’existence d’une variation à axe synchronique et diatopique, à laquelle nous avons tenté de donner une visibilité. Il n’en reste pas moins que la conception de ce travail repose en grande partie sur des études qui traitent la variation parémique en diachronie. L’idée même de ne prendre en compte ces unités que dans une seule dimension s’est d’ailleurs rapidement avérée insuffisante et c’est bien au travers d’un diasystème que nous avons voulu analyser les formes retenues. C’est cette même préoccupation qui a guidé notre choix d’élargir nos

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recherches bibliographiques, pour puiser dans les études en phraséologie, qui proposent des analyses précieuses des altérations formelles entre des formes, au prisme de la variation supranationale, c’est-à-dire entre l’espagnol de la Péninsule et l’espagnol d’Amérique latine.

La matérialisation de cette variation géographique s’observe dans la multiplication des compilations purement lexicographiques d’abord, puis phraséographiques et parémiographiques, émanant d’une communauté linguistique qui a conscience de cette variation, et qui certainement la recherche car elle constitue à ses yeux un facteur identitaire important et souligne un usage propre des proverbes dans des zones spécifiques. Cette volonté identitaire distinctive, transmise au travers de collections parémiographiques localisées, nous a amenée à construire un corpus permettant de dégager des régularités au niveau des types d’altérations qui surviennent dans les proverbes et des particularités que peuvent présenter certains formes relevées dans divers dictionnaires.

Nous avons souhaité donner une visibilité non pas à une variation supranationale, mais péninsulaire, pour dégager un cadre analytique précis, servant de point de départ pour mesurer plus tard une variation à couverture géographique plus ample. Avec ce relevé de données, nous souhaitions proposer une approche originale ; c’est donc ce qui a motivé notre approche d’une variation dialectale et/ou régionale, afin de faire une place aux publications représentatives des communautés autonomes espagnoles. En focalisant notre étude uniquement sur l’Espagne nous avons pu aborder une variation jusque là peu exploitée, voire marginalisée, la variation dialectale, inscrite plus généralement dans la notion de la variation diatopique. Puisque le proverbe s’adapte à des contextes divers, il se conçoit aisément que l’on puisse trouver des productions qui contiennent des indices d’une appartenance que l’on pourrait qualifier de locale, régionale ou encore dialectale.

Notre exploration de compilations a permis de dégager que l’Espagne, avec ses nombreuses communautés, est un terrain fertile dans le domaine des productions langagières comme les proverbes. Cependant, la question de l’espagnol et de ses variétés a mis en relief le manque d’études qui ciblent la prise en compte des variétés internes à une même langue. Cette question doit se défaire de prime abord de la notion de dialecte perçu comme un concept péjoratif pour évoluer vers une l’idée de variétés de l’espagnol

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non moins importantes que le castillan, jusqu’ici associé à la variété de prestige et à la norme. Il s’agit simplement d’une subordination construite autour de la notion de ‘langue’ idéale et homogène qui sert de point de départ pour la plupart des études.

Pour autant, il faut, pour observer ce qui peut relever de certaines zones, partir d’un ouvrage commun pour donner une représentation d’un usage normé et vérifier ce qui peut être considéré comme un écart, ou plutôt comme une création, par rapport à cet usage normatif. L’ouvrage publié par Junceda (1998), ne fait état d’aucune spécialisation d’une zone dans son titre, et recense un grand nombre de proverbes. Cet ouvrage, considéré comme représentatif d’une norme castillane commune et standard, a permis une première comparaison fructueuse avec cinq dictionnaires dialectaux (Estrémadure, Aragon, Navarre, Asturies et Les Canaries). Ces ouvrages dont nous avons dû limiter le nombre pour éviter la superposition de formes entre des ouvrages d’une même communauté, ont permis d’élaborer une liste détaillée de proverbes que nous avons organisée par la suite sous forme de tableaux réunissant toutes les variantes d’un même proverbe. Nous avons souhaité ajouter un second ouvrage, publié par Doval (1997), relevant de ce que l’on considère comme un castillan standard, car ne faisant pas état d’une appartenance spécifique à une communauté. Il a permis de compléter ce premier corpus distinctif établi entre la compilation de Junceda et les ouvrages dialectaux. En outre, Doval a intégré dans la réalisation de son ouvrage des variantes, ce qui nous a davantage convaincue du bien-fondé de trouver une place à cette compilation dans notre travail. Ces premiers résultats ont permis d’apporter une définition de la variante en parémiologie, et d’avancer également des éléments définitoires pour une variante considérée comme castillane, pour ensuite étendre le concept de variantes aux variétés d’une même langue.

En accord avec ce que nous venons d’expliquer, l’élaboration de notre corpus s’est réalisée sur des critères précis. Tout d’abord, une date de publication récente et relativement contemporaine entre les ouvrages (XXème-XXIème siècles). L’axe synchronique, par rapport aux dates relativement proches, est en réalité complexe à établir car on ne peut vérifier de véritables bornes chronologiques concernant le matériel représenté dans chaque ouvrage. Un deuxième critère, pour inscrire notre étude dans un cadre linguistique, nous a poussée à tenter de réunir des compilateurs qui bénéficiaient d’une certaine reconnaissance dans le domaine de la parémiologie de la

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zone représentée par l’ouvrage. Finalement, le critère de l’ergonomie a été privilégié dans la mesure du possible. L’organisation alphabétique présente ainsi une consultation plus aisée pour la comparaison entre divers ouvrages. Néanmoins, la majorité des dictionnaires présentent une organisation thématique, ce qui a pu représenter parfois un obstacle pour leur consultation et pour la comparaison des variétés et le repérage systématique de toutes les formes présentant des différences formelles.

Les ouvrages sélectionnés ne bénéficient pas tous d’un appareil critique très riche, certaines compilations ne donnent aucune information sur la source du proverbe, ni même d’explication quant à son signifié. Cette donnée ne semble pas de nature à fausser les conclusions que pourra apporter cette étude, dont l’objectif n’est pas de vérifier l’époque d’usage réelle, dans une zone précise, des formes retenues, mais plutôt de recenser, avec le plus d’exhaustivité possible, les versions d’un même proverbe. D’autant que la comparaison entre plusieurs ouvrages révèle que de nombreux proverbes se trouvent recensés d’un dictionnaire à un autre, sans qu’il ne soit fait état pour autant d’une source toujours précise. Face à l’absence d’explication sémantique des formes dans la plupart des ouvrages, c’est la forme qui a guidé nos choix. En cela, les dictionnaires de Junceda (1998) et Doval (1997) ont été d’une grande aide, et ont représenté d’excellentes sources pour reconstruire le sens de certains proverbes. Les sources catalane et galicienne, ainsi que le dictionnaire pour Les Canaries, ont également été des outils parémiographiques précieux car tout en proposant des énoncés propres aux communautés qu’ils représentent en Espagne, ils reconnaissent également la cohérence avec les proverbes castillans, confirmant par là l’une de nos hypothèses de recherche : l’existence d’un fonds parémique commun péninsulaire, voire panhispanique. Cette approche vise à produire une étude comparative et une ébauche globale de la variation parémique. Le choix de notre corpus repose sur des ouvrages organisés autour de la notion de diatopie, mais, d’un point de vue méthodologique, il est vite apparu que conduire toute notre analyse par le biais de cette dimension était trop réducteur. Nous avons cependant pu apporter des éléments concernant une analyse diatopique dès que nous avions les informations requises. Ces apports sont parfois minces, faute d’études conséquentes traitant d’une variation propre à l’Espagne. Dans le même ordre d’idées, nous avons également puisé des informations dans des travaux consacrés à la variation

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diatopique d’autres unités que les proverbes. Le domaine phraséologique - et ses diverses unités - est un domaine où cette dimension de la variation gagne en ampleur. L’idée de départ était d’offrir une légitimité à ces recueils dialectaux produits par les différentes communautés linguistiques de la Péninsule et de mesurer les points communs et/ou de divergence par rapport à deux ouvrages qui ne revendiquent pas de lieu précis de provenance. La comparaison de l’ouvrage de Junceda, comme point de départ, avec les ouvrages représentant la variété dialectale, a montré une réalisation des proverbes dans un diasystème fondé sur deux principes : l’existence de créations, ou adaptations, rattachables à des zones et, principalement, la forte cohérence entre les proverbes des ouvrages d’une même langue, grâce à des matrices lexicales communes.

Face à ce fonds parémique espagnol commun, nous avons, par la suite, décidé d’intégrer un ouvrage catalan et un ouvrage galicien afin d’établir si les similitudes des altérations parémiques en espagnol se vérifiaient dans d’autres langues romanes. Nous souhaitions observer, d’un point de vue formel (et sémantique), si les proverbes pouvaient se couler dans des matrices lexicales similaires également dans des langues différentes cohabitant sur un même territoire. Nous avons donc élargi nos recherches aux compilations des langues qui cohabitent avec l’espagnol. Les nombreuses publications consacrées à cette question confirment que le travail sur les langues romanes réalisé en parémiographie n’est pas négligeable. Les collections retenues pour la Catalogne et la Galice se sont avérées très riches en termes quantitatifs et ont permis de réunir au sein de notre corpus un grand nombre de formes semblables. Cette approche contrastive entre trois langues vise finalement à apprécier si le signifiant parémique, bien que très stable, admet un grand nombre d’altérations formelles qui se matérialisent à différents niveaux linguistiques aussi bien en espagnol qu’en catalan et galicien. En effet, le traitement du corpus révèle de fortes régularités aussi bien au niveau du signifiant parémique en général, que des types d’altérations pouvant légèrement modifier le signifiant d’un ouvrage à un autre et l’analyse contrastive (entre les trois langues) ne produit pas de résultats différents de ceux produits lors de l’étude de la variation entre l’espagnol et ses variétés. Elle souligne l’homogénéité qui fait des proverbes non plus des unités isolées, mais un réel système avec son propre fonctionnement.

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La constitution de notre corpus est innovante en ce que, à notre connaissance, aucun n’a permis de réunir un tel matériel de versions de proverbes pour un même pays. Nous soumettons donc un corpus de 819 groupes de proverbes, dialectes et langues confondus, dans le but de proposer visuellement au lecteur les altérations formelles distinctives d’une forme à une autre selon la communauté. L’objectif est de montrer que si les ensembles de variantes sont hétéroclites, pour autant, leur signifié, noyau du fonctionnement proverbial, n’est jamais bouleversé.

Au-delà de la compilation des variantes de proverbes issues de ces ouvrages, ce qui nous intéresse c’est la description que l’on peut en faire. La multiplication des signifiants par des altérations plus ou moins importantes est indéniablement reliée au concept de matrice lexicale (ou proverbiale) qui produit, et reproduit, aussi bien en diachronie, qu’en synchronie et, donc, qu’en diatopie, des énoncés qui se coulent dans ces moules productifs et préétablis en langue. Les altérations formelles qui agissent dans les proverbes sont importantes quantitativement, cependant elles sont aisément repérables car elles relèvent souvent d’observations linguistiques générales, même s’il conviendra, dans certains cas, de s’attarder sur quelques particularités propres à la variation parémique espagnole. Cette première observation nous a permis d’établir une typologie générale pour les altérations formelles, afin ensuite de nous concentrer sur les cas les plus remarquables dans le système parémique.

Les trois grandes catégories dégagées se centrent sur des altérations morphosyntaxiques, structurelles et lexicales. La fréquente combinaison des altérations au sein d’un proverbe nous a amenée rapidement à créer également une catégorie supplémentaire, mettant en avant la multiplication de ces altérations, et pouvant bénéficier d’un comptage et apporter des résultats. À ces premières observations, est venue s’ajouter la prise en compte, quasi constante dans le système parémique, des matrices rimiques et rythmiques. Au demeurant, nous avons pu opérer un classement rigoureux des différents types d’altérations, qui pourra être réutilisé par la suite pour analyser d’autres aspects mis de côté dans ce projet et être complété ou bien précisé en plusieurs sous-catégories.

L’analyse des variantes et versions d’un même proverbe se réalise au travers de concepts fondamentaux qui feront l’objet d’approfondissements dans cette étude : matrice lexicale, famille parémique, parémiotype, équivalent, matrice rimique et

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10 rythmique. Rapidement les études sur les proverbes montrent que s’ils évoluent dans un système relativement contraint, ils ne sont pas figés du point de vue de leur signifiant et permettent un certain nombre d’altérations formelles, et même de jeux sur leur sens.

La comparaison entre les trois langues amène un autre type de réflexion. Plutôt que d’établir une typologie des altérations et une méthodologie de la variation parémique, comme pour l’espagnol et ses variétés, il s’est agi de dégager des tendances romanes qui gagneraient à être précisées dans des travaux ultérieurs. Il est question, fondamentalement, de proposer une méthodologie pour approcher la comparaison parémique entre trois langues (sans parler directement de variation) en approfondissant certains aspects sans entrer dans des considérations traductologiques, qui nous semblaient devoir être détachées de ce que nous proposions. La traduction aurait poussé à distinguer les différents types d’équivalences et à étendre notre champ de réflexion à des parémies qui ne comportent pas du tout le même signifiant. Or c’est bien le signifiant, la syntaxe, l’ordre des éléments constitutifs du proverbe et leur relation au signifié que nous souhaitions mettre en relief.

Nous nous proposons ainsi une double tâche : la systématisation de la variation parémique péninsulaire par une typologie des altérations formelles les plus fréquentes dans notre corpus et l’observation de matrices lexicales communes aux proverbes romans par une analyse syntaxique et sémantique de cette classe concrète d’unités linguistiques. Si la typologie des altérations n’est pas toujours originale, au regard de ce qui a pu être proposé dans les analyses sur la variation en général dans les unités phraséologiques et parémiques, principalement en diachronie, elle offre l’intérêt de mettre en avant des exemples représentatifs de quelques altérations-types repérées dans les trois comparaisons. L’homogénéité de ce système est la preuve que la matrice lexicale est un schème qui dans sa définition même intègre les limites et les libertés du proverbe et sert l’objectif de cette étude : fournir une représentation large de ce que l’on entend par variation dans le système parémique.

Pour cela nous organisons notre recherche en quatre chapitres principaux. Le premier chapitre propose une partie introductive qui consistera d’abord à délimiter la discipline que représente la parémiologie et par là, notre objet d’étude qui s’avère multiple. Nous poserons un cadre général pour dégager les traits communs aux unités

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polylexicales, en considérant la phraséologie dans une perspective large. Le panorama dressé des différentes unités phraséologiques qui coexistent dans une langue a pour objectif de faire ressortir des traits distinctifs qui séparent la catégorie des unités phraséologiques de celle des unités parémiques, même si grand nombre d’études associent ces deux champs sous une phraséologie ample et nous ont permis de saisir certaines régularités du système parémique, soulignant ainsi une forme de continuum entre ces deux domaines. Il ne s’agit en aucun cas, finalement, de nier le lien qui existe entre ces deux disciplines, mais simplement de restreindre notre objet d’étude aux proverbes, une catégorie d’énoncés qui se caractérisent par leur autonomie sémantique et syntaxique. Nous reviendrons sur les terminologies, taxinomies et outils linguistiques qui permettent à la fois de définir et de décrire les formes rangées dans la catégorie générale [proverbe].

Le travail entrepris dans cette première partie ne prétend pas établir un cadre strict, au contraire, nous avons souhaité intégrer un large panel de formes dans notre corpus. Le panorama des différents ‘étiquetages’ recensés jusqu’ici pour la vaste catégorie des énoncés sentencieux est de fait l’outil qui a permis d’établir un choix quant à notre cadre terminologique sans pour autant imposer une métaterminologie qui est toujours une question épineuse, principalement dans les études sur le proverbe. Les différents termes ‘parémie’, ‘proverbe’, ‘énoncé proverbial’ nous semblent tout à fait adaptés comme hyperonymes, et relativement univoques dans les recherches parémiologiques.

Plus en avant dans le chapitre sont abordées les propriétés distinctives de la catégorie [proverbe], qui représentent les éléments-clés de la description des énoncés de notre corpus, et les outils linguistiques nécessaires à nos analyses : binarité de surface, binarité sémantique, généricité implicative, médiativité, sens formulaire, matrice lexicale, matrice rimique et rythmique. Une fois ce cadre théorique posé, nous avancerons vers l’explication de notre méthode et l’élaboration des critères retenus pour la construction de notre corpus. Une dernière partie, dans ce premier chapitre, est consacrée à la présentation de notre corpus d’étude, afin d’en expliciter la méthode de constitution, les étapes suivies pour son élaboration et les raisons expliquant le choix des ouvrages.

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Cette présentation est orientée dans une perspective synchronique et diatopique en raison de la sélection des ouvrages parémiographiques retenus pour établir notre corpus. En cela, notre choix de sources s’inscrit dans une tradition de la recherche, qui fréquemment va puiser dans les compilations lexicographiques. Notre souhait est d’intégrer des ouvrages régionaux peu, ou pas exploités jusqu’ici, ainsi que d’avancer vers une description formelle et sémantique du proverbe, dans plusieurs systèmes cohabitant sur un même espace géographique. Malgré une certaine disponibilité d’autres types de corpus (oraux ou discours littéraire), nous avons préféré les sources lexicographiques, afin d’éviter certains problèmes liés à la retranscription, ou même à l’utilisation parfois erronée en discours de certaines unités. Cependant, nous nous garderons de considérer les ouvrages parémiographiques comme exempts de possibles erreurs et/ou contradictions.

Les dictionnaires et compilations nous ont semblé être un choix approprié avant tout parce que les deux ouvrages castillans sont fréquemment exploités dans les études, et représentent des ouvrages de référence dans le domaine de la parémiologie. À ce propos, les compilations retenues pour les communautés de la Catalogne, de la Galice, des Canaries et celle des Asturies bénéficient également déjà d’une reconnaissance. Le reste des compilations choisies n’a pas été exploité, à notre connaissance, du moins de façon exhaustive, et constitue donc un apport d’une grande richesse.

Les deux chapitres suivants (II et III) consistent en un historique et une tentative de définition des deux concepts qui structurent notre étude : le figement linguistique et la variation linguistique. Ces deux concepts qui, de prime abord, semblent s’opposer sont rapidement devenus interdépendants et devaient chacun bénéficier, selon nous, d’une analyse approfondie pour mesurer leur champ d’action dans le proverbe. Les deux chapitres se construisent sur un même squelette de réflexion : nous sommes partie d’un état des lieux général concernant chacune des deux notions pour ensuite en proposer une application particulière concernant les parémies.

Le chapitre II vise principalement à déchiffrer et à expliquer la question du figement dans la langue. Pour ce faire, nous retracerons l’entrée progressive du phénomène du figement dans les études linguistiques, qui n’est, en réalité, pas un terme récent, car il est utilisé dès les premières études linguistiques de grande envergure pour caractériser des séquences de mots qui ont tendance à se reproduire ensemble. Des

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définitions diverses, superposables et parfois contradictoires nous ont amenée à consulter de nombreux ouvrages, articles et thèses sur le phénomène général du figement linguistique. Le travail de Svensson (2004) a été très utile à ce stade de l’analyse car ils nous a permis d’observer que la plupart des traits rattachés aux séquences que le figement produit (non-compositionnalité, compositionnalité, opacité, transparence, blocages, etc.), sont des indices du phénomène général, mais ne se vérifient pas systématiquement dans toutes les unités.

Ce constat se traduit par un champ d’action variable du figement en fonction des différentes unités qu’il affecte, le phénomène n’existant pour ainsi dire que dans une forme de gradation constante dans son application. Le figement à échelle totale d’une séquence devient finalement l’état le moins remarqué et représenté, peu importe les unités analysées. Le caractère scalaire du figement montre qu’il agit à différents niveaux des unités polylexicales, permettant ainsi d’en établir une typologie plus ou moins précise grâce aux nombreuses recherches dont il bénéficie : figement référentiel, transformationnel, sémantique, lexical, cognitif et pragmatique. Ces types de figements mettent en avant différents types de blocages qui ne sont pas présents automatiquement dans tous les proverbes, ce qui amène fréquemment à revenir sur le caractère figé du proverbe, ou du moins à prôner un figement singulier caractéristique de cette catégorie. Ce travail sur le figement amène à questionner un autre phénomène, très présent dans les études : le défigement ou détournement de proverbe. Cette capacité du proverbe à être transgressé volontairement par un locuteur, en jouant à la fois sur son signifiant et sur son signifié, nous a tout de suite conduite à envisager une théorie qui est une alternative au figement : celle de la matrice lexicale. La prise en compte du fonctionnement de ce phénomène a été pour notre étude un point d’inflexion permettant d’établir un lien entre détournement et variation. Le proverbe intègre, face à l’idée de figement, au moins deux libertés très exploitables : variation et défigement. Il est d’ailleurs très intéressant de constater que les procédés utilisés pour transformer volontairement le signifiant – et le signifié – d’un proverbe, sont souvent les mêmes que ceux utilisés dans la variation parémique, bien que celle-ci maintienne toujours le même signifié entre deux variantes.

La variation parémique agit dans les contraintes d’une matrice lexicale, constituée d’un invariant syntaxique et d’un invariant sémantique qui doivent être maintenus pour

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parler de variantes, ou même de proverbes homologues entre différentes langues. L’existence de cette matrice lexicale est soulignée et confirmée par le détournement, puisque ce phénomène vise à en rompre les points fixes afin de parvenir à une transformation volontaire, et surtout identifiable, d’un proverbe. Ce concept de matrice lexicale est central dans notre travail et permet d’appréhender un certain nombre de paramètres lors de nos analyses.

Cette théorie est une alternative qui est un argument contre la thèse du figement comme loi universelle, et permet également d’appuyer notre choix de corpus puisqu’elle renvoie bien à l’idée d’un signifiant altéré légèrement mais dont le signifié reste identique. Pour approfondir ce concept, nous sommes revenue sur les notions d’invariant syntaxique et d’invariant sémantique pour en affiner la définition. Autant l’invariant sémantique est rapidement évalué comme le noyau sémantique, l’idée parémique qu’exprime la leçon du proverbe, autant l’invariant syntaxique est plus ardu à décrire car il se confond plus aisément avec la simple structure ou phrase qui sert de signifiant au proverbe. Ce signifiant représente la surface de l’énoncé sentencieux qui se fixe et se reproduit en langue. Cette première structure s’appuie sur une structure plus profonde, un invariant syntaxique, qui permet de transmettre et reproduire le proverbe en des variantes similaires, avec certaines altérations, tout en gardant les éléments clés qui permettent précisément d’identifier le proverbe. Ces points de fixité qui sont actifs dans un énoncé sentencieux seront précisément ceux qui ne bougent pas lors de la variation. Les éléments altérés dans un proverbe peuvent parfois nous amener à nous interroger sur les nuances sémantiques qui se créent, cependant l’invariant sémantique est systématiquement maintenu dans les différentes variantes, et les altérations ne modifient en rien la généricité propre, et nécessaire, au proverbe.

En arrivant à la conclusion que figement et variation sont dans une relation constante d’interdépendance, un troisième chapitre sur la variation s’imposait logiquement. Le chapitre III a permis de poser un véritable cadre pour notre projet de description de la variation parémique.

À partir d’études générales sur la variation, nous avons pu mesurer la présence d’éléments variables en langue et revenir sur la notion d’écart et de norme au sein d’un usage reconnu établi. Le traitement de la langue comme un tout idéalisé, parfait et homogène relève d’une construction qui obstrue fréquemment la visibilité des variétés

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15 et de la variation. Il existe de nombreuses approches pour traiter de ce phénomène, et souvent ces études soulignent la tendance à vouloir séparer les différentes dimensions et facteurs qu’englobe la variation linguistique. La langue se renouvelle et change dans le temps principalement par des facteurs internes, mais peut également être modifiée par des facteurs externes plus souvent abordés en sociolinguistique. Nous articulons notre choix de corpus autour de l’idée d’un diasystème, qui permet d’intégrer à la fois les variétés d’une langue, et toutes les dimensions de la variation (diachronique, synchronique, diatopique, diastratique, diaphasique). La dimension diatopique s’est présentée comme un point de départ, mais elle s’est révélée complexe en raison notamment de son imbrication avec d’autres dimensions de la variation : diachronique et synchronique, diaphasique, diastratique et diamésique parfois. La superposition de ces différentes dimensions nous a permis de réaliser qu’il est difficile de traiter la variation par le biais d’une seule dimension.

Les dictionnaires retenus pour notre corpus nous ont amenée à privilégier des observations d’ordre diatopique, sans pour autant négliger les éléments qui pouvaient être liés à d’autres dimensions de la variation. Grâce aux études rencontrées tout au long de ce travail nous avons pu revenir sur le bien-fondé d’une étude dite géoparémiologique. L’intégration de deux langues, en plus de l’espagnol, nous a permis d’affirmer notre défense d’une couverture géographique ample pour le proverbe, qui s’est traduite par la recherche de concepts permettant de réunir et d’analyser ces proverbes homologues mais issus de langues distinctes.

Le cadre terminologique et théorique dans lequel s’insère notre analyse de la variation parémique entre l’espagnol et ses variétés établit une hiérarchie entre les différents termes gravitant dans le domaine de la variation, et réunit les variantes d’un même proverbe sous le concept de famille parémique. Pour l’analyse contrastive entre les proverbes des trois langues, nous avons fait appel aux concepts de géosynonymie, parémiotype et équivalent, qui bénéficient d’un approfondissement dans le dernier chapitre.

Le quatrième et dernier chapitre de ce travail s’articule autour de trois études comparatives : deux analyses interlinguales (la langue espagnole et ses variétés) et une analyse contrastive entre trois langues. En partant de trois études comparatives, au moyen d’outils linguistiques, nous souhaitions vérifier tout d’abord le fonds commun

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des formes ainsi que les types d’altérations formelles à l’œuvre dans les proverbes (peu importe la langue), tout en en montrant les spécificités et les originalités présentes dans les différentes collections. Ces observations ont permis de proposer une typologie générale des altérations majeures réalisables dans une même langue afin de proposer un cadre suivi dans nos analyses et constatations. Nous pensons que c’est par l’observation des propriétés et des altérations communes dans les proverbes que l’on peut caractériser le système de la variation parémique.

Nous avons pu formuler quelques hypothèses à partir de l’étude des cas de variantes glanées dans notre corpus. Elles nous conduisent à envisager l’existence d’un schème qui, à notre sens, ne peut être ignoré dès lors que l’on s’attache à décrire le proverbe. Car dans les trois analyses proposées, on retrouve une cohérence permettant d’analyser des exemples qui mettent en relief des altérations communes et réalisées en des faits linguistiques spécifiques de la langue espagnole et des langues romanes. Par l’analyse d’échantillons de notre corpus, nous avons mis en avant de nombreux cas isolés qui s’inscrivent dans des altérations et des phénomènes stables et récurrents dans la modification formelle non volontaire des parémies, mais nous avons aussi pu apporter des éléments de réponse concernant la présence de traits systématiques de la catégorie proverbe : les matrices lexicales et la généricité. Nous avons confronté en premier lieu les altérations entre les proverbes des deux ouvrages considérés comme castillans, ou du moins relevant d’un espagnol généralisé. Les deux ouvrages font état d’une grande cohérence et c’est justement pour cela que le travail sur les variantes est intéressant, car c’est à partir de quelques cas divergents que l’on peut établir les niveaux linguistiques des séquences les plus touchées par l’altération. Ce premier classement a permis d’avancer vers l’analyse entre les deux ouvrages castillans et les ouvrages dialectaux, en gardant la même typologie d’altérations, et de dégager d’autres points de variation. Parfois ces faits variationnels ont d’ailleurs permis d’observer des indices d’une variation diatopique dans le système parémique.

Après avoir comparé les proverbes espagnols, l’analyse contrastive des trois langues cohabitant quotidiennement sur le même territoire a permis de confirmer nos hypothèses de départ. Il est complexe d’établir comment ont lieu les cas de transfert, et dans quel sens ont lieu les diverses influences pour des langues aussi proches. Nous

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retenons une forme de nomadisme des proverbes qui voyagent sur un même territoire. L’objectif n’est pas de montrer que trois langues, avec leurs spécificités et leur grammaire, peuvent avoir des unités propres qui diffèrent entièrement des unités relevées pour l’espagnol. Au contraire, cette dernière analyse, moins exhaustive que les deux premières, vise à clore notre chapitre en l’ouvrant sur les possibilités que la comparaison entre des langues d’une même famille (des langues romanes) peut offrir. Dans la mesure où l’on a pu recenser dans ces compilations un grand nombre de formes « homologues » à celles des proverbes espagnols –leur signifiant étant quasi identique –, il est loisible d’en conclure que le fonds parémique commun ne s’arrête pas aux frontières d’une région ou d’un pays.

Pour élaborer une étude systématique des altérations formelles intervenant dans les proverbes il fallait donc trouver une place pour ces proverbes dont la matrice lexicale reste commune, bien que nous soyons face à des langues distinctes. Nous avons jugé opportun alors de considérer, au-delà d’un niveau panhispanique du proverbe, un niveau panroman de cette catégorie qui se vérifie pour ces trois langues.

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CHAPITRE I

PARÉMIOLOGIE ET PARÉMIOGRAPHIE

Toute étude en parémiologie1 se doit de commencer par un travail rigoureux au niveau de la terminologie qui encadre cette discipline. La question du proverbe, qui a suscité un véritable engouement pendant ces dernières décennies, a favorisé une production soutenue d’ouvrages spécialisés, de recueils, de dictionnaires de proverbes et d’articles qui, tout en servant sa définition et sa théorisation, les ont aussi rendues plus complexes en raison notamment de leur nombre. L’objectif de ce premier chapitre sera de poser le cadre théorique de cette discipline, que nous utiliserons pour l’analyse des énoncés proverbiaux, afin de le distinguer de celui du champ voisin : la phraséologie. Puis nous établirons, dans un second temps, un état des lieux des multiples définitions proposées jusqu’à ce jour pour le proverbe, afin de préciser l’objet de notre étude. Ce travail de distinction nous permettra d’évaluer la pertinence de l’un des traits principaux associés aux proverbes : le figement. À l’instar de notre objet d’étude, ce phénomène linguistique est devenu central dans certaines études linguistiques et est une notion complexe à définir. Ce travail de recherche a pour but de traiter la capacité variationnelle du proverbe afin d’en proposer la typologie la plus précise possible. La définition du proverbe et le traitement de sa relation au figement sont des étapes indispensables pour comprendre les mécanismes de contraintes et de libertés que présentent les proverbes.

Dès que l’on aborde le champ parémiologique, il faut faire face à un problème de définition de l’objet d’étude ainsi que des multiples catégories qu’il englobe. Afin de délimiter chacune des disciplines, il nous faut avant tout comprendre comment elles ont été définies jusqu’ici, à commencer par les définitions proposées par les dictionnaires. Pour la phraséologie, la Real Academia Española2 propose différentes acceptions :

1 Étude des parémies, terme emprunté à Sevilla Muñoz, sur lequel nous reviendrons ultérieurement au 2 Les différentes définitions proposées sont présentes sur le site de la Real Academia Española : http://dle.rae.es/?id=IPoTKej [consulté le 20 janvier 2014].

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1. « Conjunto de modos de expresión peculiares de una lengua, de un grupo, de una época, actividad o individuo ».

2. « Conjunto de frases hechas, locuciones figuradas, metáforas y comparaciones fijadas, modismos y refranes, existentes en una lengua, en el uso individual o en el de algún grupo ».

3. « Parte de la lingüística que estudia las frases, los refranes, los modismos, los proverbios y otras unidades de sintaxis total o parcialmente fija ».

Les deux dernières définitions prouvent que la séparation entre locutions et proverbes ne va pas de soi, du moins dans les dictionnaires d’usage. La phraséologie est considérée comme la discipline qui étudie l’ensemble des faits de langue figés, les phrasèmes. En ce qui concerne la définition de la parémiologie de ce même dictionnaire, une seule est proposée : « Tratado de refranes3 ». Elle délimite nettement moins ce champ d’étude par rapport à la définition proposée pour la phraséologie. En outre, cette définition est bien éloignée de ce que les linguistes entendent par la dénomination ‘parémiologie’, ce que nous constaterons dans le chapitre consacré à cette discipline.

I.1.

L

A PARÉMIOLOGIE

:

UNE DISCIPLINE À PART

Travailler sur les proverbes, c’est avant tout revenir sur la discipline qui les étudie : la parémiologie. La linguistique est un champ d’étude riche et diversifié qui se compose de nombreuses branches, parmi lesquelles se trouvent la lexicologie et la phraséologie. Cette dernière regroupe de nombreuses unités distinctes et souvent les proverbes – et le reste des parémies4 – sont considérés comme partie intégrante de celle-ci. L’apparition de la phraséologie en France et en Espagne se situe entre les années 70 et 80, et son sujet de recherche porte sur les combinaisons lexicales ou lexies complexes5. La parémiologie est considérée par certains comme une discipline

3 Les différentes définitions proposées sont présentes sur le site de la Real Academia Española : http://dle.rae.es/?id=RvDokc8 [consulté le 20 janvier 2014].

4 Selon Sevilla Muñoz le terme ‘parémie’ est l’archilexème qui englobe les proverbes et les formes connexes (2000a : 100) et se définit comme « l’unité fonctionnelle mémorisée en compétence qui se caractérise par la brièveté, le caractère sentencieux, […] et le fait d’être une unité close » (1992 : 333). 5 Terminologie empruntée à Pottier (2000 : 107) : « La lexie est toute séquence (de 1 à N éléments) mémorisée par les locuteurs à un moment donné de l’histoire de la langue. Son contenu sémantique est la sémie. Cette notion s’applique : aux « mots simples » : vache, casser, devant, que ; Aux « mots composés » ou « complexes » : tire-bouchon, œil-de-bœuf, s’en aller, au-delà. Aux séquences plus ou moins figées : raser les murs, un angle d’attaque, en plein milieu de, tomber de haut (être déçu) ».

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indépendante, bien que la majorité la perçoive comme une sous-discipline de la phraséologie.

Ce rapprochement est possible car elles reposent toutes deux sur un socle commun : la notion de figement6. Par figement linguistique, nous entendons la suspension des règles qui peuvent opérer dans la syntaxe libre. Le figement empêcherait toute transformation dans les unités sur lesquelles il agit. Les séquences considérées comme figées ne répondent ainsi pas aux critères de la syntaxe libre traditionnelle. Le figement a été le trait principal qui a permis non seulement de rassembler mais également de déterminer ces unités linguistiques semblables – mais pas identiques – jusque-là non répertoriées par la linguistique. Ces unités aux structures et sémantismes différents, qui sont dites stables ou encore figées, regroupent « les locutions syntagmatiques expressives (littérales, allusives, métaphoriques, les clichés), les idiotismes (généralement reconnus par le fait qu’ils sont intraduisibles dans une autre langue) et les énoncés stéréotypés (proverbes, dictons, adages, etc.) » (Saïd 2006 : 245-246). Nous analyserons ainsi les propriétés que partagent les unités phraséologiques et parémiques, grâce à des définitions qui reposent sur des critères linguistiques, afin de nous concentrer plus précisément sur les unités phraséologiques et dégager à la fois des similitudes et des différences entre les deux disciplines. Dans cette perspective, nous reviendrons sur les multiples approches qui ont été proposées pour étudier la phraséologie : une première vision, que nous qualifierons d’ample ou large (qui réunirait toutes les unités complexes de la langue) et/ou une vision plus restreinte, qui établirait une frontière entre les deux domaines. Déterminer quels sont les périmètres de la phraséologie et de la parémiologie nous permettra, par la suite, de délimiter et de caractériser notre objet d’étude pour mieux l’analyser. Car si ces deux champs comportent bien des points communs, des différences sont aussi à souligner.

Précisons cependant d’emblée que la question terminologique n’est pas aussi simple à régler : à l’intérieur de chacun de ces champs les unités présentent des

6 Le phénomène du figement sera crucial dans le développement de notre argumentation, ainsi nous lui réservons le deuxième chapitre de ce travail. Effectivement nous verrons que si les proverbes (et autres unités apparentées) ont longtemps été qualifiés d’éléments « figés », ce trait a largement été nuancé, voire contredit, par des recherches plus récentes.

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caractéristiques7 fréquemment communes à d’autres unités, ce qui mène à des divergences d’opinion entre les chercheurs.

I.1.1. PROPRIÉTÉS COMMUNES AUX LEXIES COMPLEXES (FIGÉES)

Les lexies complexes ont été intégrées dans les études linguistiques trop rapidement, sans proposition de délimitation entre chaque type. Le postulat de leur figement a permis de les séparer du reste des unités de la langue, tout en les rangeant dans une zone floue et large : les unités figées. Les nombreuses propriétés communes à ces séquences ont mené à les rassembler mais également à les confondre. Les unités traitées par la phraséologie et la parémiologie ont longtemps été écartées des études linguistiques et reléguées au domaine de l’extralinguistique. Nous pensons que catégoriser tous les énoncés sentencieux dans la vaste classe des séquences figées a relevé plus du confort que d’une connaissance précise de chaque concept, produisant des amalgames. Premièrement au niveau de la confusion définitoire entre les différentes unités, mais également, et logiquement, entre les disciplines dont relève chacune des unités.

Les traits communs entre ces multiples unités sont divers, González Rey (2002 : 52)8 en dresse une liste exhaustive : la polylexicalité ; la fréquence ; le figement ou fixité ; le défigement, désautomatisation ou délexicalisation ; l’institutionnalisation ; l’idiomaticité ; la figuralité ; l’opacité sémantique (double lecture : sens figé et sens littéral) ; l’écart ou déviation ; la productibilité ; la répétition ; la reproduction ; les différents registres ; la réductibilité ; l’arbitrariété, la motivation et la démotivation ; la valeur métaphorique ; les éléments expressifs et les procédés productifs. Nous ne reviendrons pas sur toutes ces caractéristiques, bien que certaines seront développées ultérieurement – mais il convient d’expliciter certains de ces termes. Palma (2007 : 25-26) complète plus précisément ce relevé avec les définitions suivantes pour les caractéristiques les plus fréquentes :

7 Nous utilisons le terme de ‘caractéristique’ comme notion ample afin de réunir ce que les différents chercheurs appellent selon les travaux, ‘propriété’ ou encore ‘trait distinctif’. Dans notre travail nous utiliserons ces termes comme synonymes car nous n’avons pas rencontré de réelle distinction lors de leur utilisation dans nos lectures.

8 Pour une définition plus détaillée de chacune des caractéristiques citées voir González Rey (2002 : 53- 63).

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• L’existence de variantes : la tendance est de croire que les expressions figées relèvent d’un registre familier, ou encore populaire, or ce type de combinaisons existe dans tous les niveaux de langue. Il existe des variantes de registres différents, ainsi que des variantes régionales. • L’institutionnalisation : les séquences figées de la langue font partie de

ces éléments qui se lexicalisent facilement du fait de leur répétition. Une fois qu’ils ont intégré la langue et qu’ils se sont stabilisés, ils font partie du patrimoine commun linguistique.

• Le sens figuré : les différents linguistes ont souvent mis en avant une composante dite métaphorique, principalement pour les proverbes. • L’écart par rapport à la norme : ce trait touche au degré de figement.

Certains proverbes présentent effectivement des constituants qui appartiennent à un état antérieur de la langue, voire des archaïsmes qui n’existent plus et n’apparaissent que dans le proverbe.

• La possibilité de détournement : ce procédé, aussi connu comme phénomène de défigement, consiste en la manipulation de la forme d’origine, connue de tous, pour créer un nouveau sens et un effet de discours particulier.

Chacune de ces propriétés est à interpréter avec prudence, car elles ne se vérifient pas pour toutes les unités. Certaines d’entre elles sont en revanche essentielles pour dégager les traits saillants du proverbe et il convient de les examiner. Dans la grande majorité des études consacrées à ces lexies, il y a unanimité quant à au moins trois propriétés fondamentales : leur caractère polylexical, qui les distingue des mots simples ; leur « figement », qui suppose une stabilité formelle et sémantique mémorisée, et une opacité sémantique (Peramos Soler et Batista Rodríguez 2008 : 45 ; Lamiroy 2003 : 6). Ces trois traits (polylexicalité, figement et opacité) parachèvent la distinction entre les combinaisons syntaxiquement libres et les lexies complexes. I.1.1.1. La polylexicalité

La notion de lexie complexe (Pottier 1987) représente une unité fonctionnelle, mémorisée par les usagers d’une langue. Toutes les unités figées sont ainsi considérées

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comme des lexies complexes ou polylexicales9, constituées au minimum de deux mots graphiques ou représentant au maximum une phrase complète (Corpas Pastor 1996 : 20 ; Romero Ganuza 2007 : 909). Le caractère polylexical, ou encore pluriverbal, renvoie ainsi à la pluralité du signifiant, qui présente une configuration de plusieurs items lexicaux, qui abandonnent leur sens autonome au profit d’un sens global (Gréciano 1982). Ce critère est un des premiers à être remarqué, car il relève de la simple observation graphique d’une séquence.

Effectivement, qu’il s’agisse des proverbes ou des unités phraséologiques, ces séquences sont constituées de plusieurs éléments qui ont peu à peu perdu leur autonomie pour former une seule et même unité stable. Cependant, toutes les unités polylexicales n’appartiennent pas à la phraséologie ou à la parémiologie, et offrent un large spectre de séquences aux traits distincts (noms composés, collocations et unités phrastiques).

Récemment, plusieurs travaux (Petit 2004 ; Mejri 2004) se sont penchés sur cette particularité de la polylexicalité, et ont démontré qu’elle pouvait avoir un lien avec la polysémie, qui elle caractérise les lexies simples. Mejri rappelle que :

[…] la structuration du système linguistique se fait sur la base d’une dissymétrie fondamentale entre la pluralité du signifié (la polysémie) et la pluralité du signifiant (le cas de la polylexicalité) : ainsi la polylexicalité serait aux séquences figées ce que la polysémie est aux unités lexicales simples. La polylexicalité est présentée comme une caractéristique dont découle l’essentiel des contraintes de fonctionnement syntaxique et sémantique des séquences figées (Mejri 2005a : 186).

Alors qu’un mot simple suppose un signifié multiple, dans le cas des lexies complexes, c’est l’idée d’un signifiant multiple qui renvoie à une unité de sens. Effectivement cette caractéristique crée une tension entre le caractère pluriel de la séquence et le fait qu’elle représente une unité. Comme le chercheur le souligne, le terme même d’unité est à prendre en compte car il renvoie bien à l’idée d’un tout sémantique malgré une structure plurielle. Le proverbe est ainsi composé de plusieurs éléments, chacun ayant perdu son autonomie propre, au service d’un sens global. Cette capacité à agir tel un ensemble cohérent confirme l’autonomie du proverbe « à la fois syntaxique et sémantique » (Mejri 1999 : 2).

9 Terme proposé par Gréciano (1982), puis récupéré par les chercheurs postérieurs, selon Gülich et Krafft (1997 : 245).

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