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Un ensemble clos du premier âge du Fer à Jarnac,
Charente
Christophe Maitay, Valérie Audé
To cite this version:
Christophe Maitay, Valérie Audé. Un ensemble clos du premier âge du Fer à Jarnac, Charente. Bulletin de l’Association des Archéologues du Poitou et des Charentes, Association des Archéologues du Poitou et des Charentes, 2018, 46, pp.45-48. �hal-02132754�
Un ensemble clos du premier âge du Fer à Jarnac, Charente
Bulletin de l’Association des Archéologues du Poitou et des Charentes • n° 46, 2018 • p. 45-48. 45
Un ensemble clos
du premier âge du Fer à Jarnac, Charente
Christophe MAITAY*
avec la collaboration de Valérie AUDÉ*
Le projet de construction d’un centre d’incendie et de secours ainsi que d’une école du feu sur la com- mune de Jarnac, en Charente, a conduit le service régional de l’Archéologie de Poitou-Charentes à émettre un arrêté de prescription de diagnostic archéologique. L’emprise des travaux est située à l’intersection de l’avenue de l’Europe et de la rue de la Touche, au lieu-dit les Grands-Champs. L’opération s’est déroulée du 27 avril au 7 mai 2015, sous la direction de Valérie Audé (Audé, Maitay, 2015). Parmi les différentes occupations mises en évidence, dont un établissement rural antique ayant fait l’objet d’une prescription de fouille, une fosse a livré un important volume de mobilier céramique attribué à l’étape moyenne du premier âge du Fer.
Cette opération s’inscrit dans un contexte archéologique relativement riche et documenté, notamment en vestiges antiques et médiévaux. Plusieurs occupations domestiques du début de l’âge du Bronze sont néanmoins connues sur la commune, par exemple au Pamprot (Moutarde, 2008a), à Souillac (Moutarde, 2008b) et aux Champs Battazards (Ranché et al., 2007).
UNE FOSSE DÉPOTOIR ISOLÉE
Le mobilier protohistorique exhumé lors de cette évaluation provient exclusivement du comblement d’une fosse isolée localisée en bordure septentrionale d’emprise, à l’extrémité nord de la tranchée 1 (fig. 1, n° 1). Cette structure manifestement tronquée possède une ouverture subcirculaire et un fond plat. Ses parois, très irrégulières, sont plus ou moins évasées. Protégée par 0,25 m de terre végétale, elle mesure 1,4 m de longueur, 1,3 m de largeur et 0,5 m de profondeur conservée.
Le comblement est constitué de limons argileux bruns renfermant des tessons de poterie, des cailloux, quelques esquilles d’os brûlés, des nodules de terre cuite, des charbons de bois et des blocs de roche dont certains présentent des traces de rubéfaction. 85 % du nombre total de restes provient de l’Us 4 (89 % du poids total de restes).
Cette structure, dont la fonction initiale ne peut être restituée (peut-être un silo arasé et partiellement effondré ?), a fonctionné dans un second temps comme fosse dépotoir.
La fenêtre de décapage de 25 m2 réalisée autour de cette fosse n’a pas permis de mettre au jour d’autres structures en creux, mais un arasement assez important dû aux travaux agricoles a très bien pu entrainer la des- truction de structures de plus petite taille et plus faiblement ancrées dans le sol.
LE MOBILIER CÉRAMIQUE
Le corpus rassemble un lot homogène de 537 tessons de céramique non tournée, représentant un poids total de 4 855 g. Cinquante-trois fragments de bords, dix-huit de fonds et cinquante-deux de décors ont été invento- riés. Le nombre minimum d’individus (NMI strict) est estimé à 14. Le poids moyen par tesson est de 9 g, ce qui correspond à un taux de fragmentation relativement faible. Si aucun vase entier n’a été déposé dans la fosse, le nombre important de remontages permet de restituer plusieurs profils archéologiquement complets. L’intégralité des éléments de forme et de décor informatifs ont été dessinés (fig. 1, n° 2 à 10).
* Inrap Grand Sud-Ouest, Centre archéologique de Poitiers, 122 rue de la Bugellerie, 86000 Poitiers (christophe.maitay@inrap.fr).
cœur de couleur noire, surface externe gris noir ; cuisson réductrice.
• Vase 2 : partie supérieure d’un vase à fond cupulaire et panse ovoïde s’achevant par un très court bord subvertical à lèvre arrondie (fig. 1, n° 3). Diamètre de l’ouverture : env. 180 mm ; diamètre max. (panse) : env.
205 mm. Pâte de texture semi-fine à inclusions calcaires (nodules de calcite et fragments de coquilles fossiles) et siliceuses homométriques ; façonnage manuel ; cœur et surfaces de couleur noire ; cuisson réductrice ; paroi lissée.
• Vase 3 : fragment de vase à panse ovoïde s’achevant par un court bord subvertical à lèvre arrondie (fig. 1, n° 6). Pâte de texture semi-fine à inclusions calcaires (nodules de calcite et fragments de coquilles fos- siles) et siliceuses homométriques ; façonnage manuel ; cœur et surfaces de couleur grise ; cuisson réductrice ; paroi lissée.
• Vase 4 : fragment de vase à panse ovoïde s’achevant par un court bord subvertical à lèvre arrondie (fig. 1, n° 7). Pâte de texture semi-fine à inclusions calcaires (nodules de calcite et fragments de coquilles fossiles) et sili- ceuses homométriques ; façonnage manuel ; cœur et surfaces de couleur gris noir ; cuisson réductrice ; paroi lissée.
• Vase 5 : grand vase de stockage à fond plat, paroi subrectiligne évasée, carène adoucie et haut placée, haut col concave subvertical et lèvre digitée (fig. 1, n° 10). Diamètre de l’ouverture : env. 340 mm ; diamètre max. (carène) : env. 350 mm ; diamètre de la base : env. 120 mm ; hauteur restituée : env. 320 mm. La carène est rehaussée d’une frise horizontale d’impressions digitales. Pâte de texture semi-grossière à inclusions calcaires (nodules de calcite et fragments de coquilles fossiles) et siliceuses hétérométriques ; façonnage manuel ; cœur et surfaces de couleur orangé ; cuisson oxydante.
• Vase 6 : partie supérieure d’un vase bitronconique, à paroi subrectiligne, carène haut placée, col rentrant et lèvre arrondie (fig. 1, n° 5). Diamètre de l’ouverture : env. 300 mm ; diamètre max. (carène) : env. 315 mm.
Pâte de texture semi-fine à inclusions calcaires (nodules de calcite et fragments de coquilles fossiles) et siliceuses homométriques ; façonnage manuel ; cœur et surfaces de couleur gris clair ; cuisson réductrice ; paroi lissée.
• Vase 7 : grand vase de stockage à fond plat, probable panse piriforme, épaulement haut placé, col subver- tical évasé et lèvre digitée (fig. 1, n° 2). Diamètre de l’ouverture : diamètre max. (carène) : env. 300 mm ; hauteur restituée : env. 180 mm. Pâte de texture semi-grossière à inclusions calcaires (nodules de calcite et fragments de coquilles fossiles) et siliceuses hétérométriques ; façonnage manuel ; cœur gris, surfaces de couleur chamois à gris noir ; cuisson réductrice ; paroi raclée.
• Vase 8 : partie supérieure d’un vase à paroi concave, carène adoucie haut placée, col rentrant et lèvre arrondie (fig. 1, n° 4). Diamètre de l’ouverture : 250 mm ; diamètre max. (carène) : 260 mm. Pâte de texture semi-grossière à inclusions calcaires (nodules de calcite et fragments de coquilles fossiles) et siliceuses hétéro- métriques ; façonnage manuel ; cœur et surfaces de couleur noire ; cuisson réductrice ; surfaces lissées.
• Vase 9 : fragment de vase bas et ouvert à paroi subrectiligne évasée et lèvre arrondie (fig. 1, n° 8). Pâte de texture semi-grossière à inclusions calcaires et siliceuses hétérométriques ; façonnage manuel (enfoncements digitaux sur la paroi) ; cœur et surfaces de couleur orangé ; cuisson oxydante.
• Vase 10 : fragments (remontage) de panse ornée d’une ligne horizontale d’impressions digitées (non dessinés). Pâte de texture semi-grossière à inclusions calcaires et siliceuses hétérométriques ; cuisson oxydante.
• Vase 11 : fragment de la partie supérieure d’un vase à panse globulaire et lèvre arrondie repliée vers l’extérieur (non dessiné). Pâte de texture semi-fine à inclusions calcaires et siliceuses homométriques ; façonnage manuel ; cœur et surfaces de couleur gris noir ; cuisson réductrice.
ATTRIBUTION CHRONOLOGIQUE
Le mobilier céramique provenant de la fosse 1.1 des Grands Champs révèle une occupation homogène se rapportant au premier âge du Fer régional (Marchadier, 2005 ; Maitay, Marchadier, 2007 ; Maitay et al., 2009). Les tessons nous sont parvenus dans un bon état de conservation (surfaces peu altérées, tranches encore « fraîches », remontages) révélant certainement ainsi un enfouissement intervenu rapidement après leur abandon.
Les formes reconnues (jatte tronconique à bord rentrant : fig. 1, n° 5 ; jatte à panse hémisphérique et bord rentrant : fig. 1, n° 4 ; vase à fond cupulaire, panse ovoïde et court bord subvertical : fig. 1, n° 3, mais peut-être aussi fig. 1, n° 6 et 7 ; vase à col subcylindrique et rebord éversé : fig. 1, n° 9 ; vase à épaulement haut placé et col évasé ou subvertical : fig. 1, n° 2 ; grand vase tronconique à épaulement et col concave subvertical : fig. 1, n° 10), de même que les quelques décors (lèvres digitées : fig. 1, n° 2 ; registres horizontaux d’impressions digitées :
Un ensemble clos du premier âge du Fer à Jarnac, Charente
Bulletin de l’Association des Archéologues du Poitou et des Charentes • n° 46, 2018 • p. 45-48. 47 Fig. 1 : 1 : Relevé en plan et coupe de la fosse 1.1 (DAO M. Coutureau et C. Maitay, Inrap) ;
2 à 10 : Mobilier céramique provenant de la fosse 1.1 (dessin et DAO C. Maitay, Inrap).
décor d’enduction monochrome peinte ou de motifs figuratifs incisés, etc.), tels qu’ils sont par exemple connus dans la grotte du Quéroy à Chazelles (Gomez de Soto et al., 1991) ou dans celle des Perrats à Agris (Gomez de Soto, Boulestin, 1996), en Charente, renforce cette impression. On ne relève par ailleurs aucun trait morpholo- gique ou stylistique caractéristique du Hallstatt D3-La Tène A ancienne (vases à pied creux, carènes anguleuses, céramiques à décor graphité, décors de cannelures horizontales, etc.), ce qui permet d’exclure la phase finale du premier âge du Fer (Marchadier, 2005 ; Maitay et al., 2009, p. 317-321).
Certaines formes mises en évidence à Jarnac se retrouvent en outre sur des sites d’habitat protohistoriques fouillés en Angoumois. L’habitat des Petits Clairons à Barbezieux, en Charente, a notamment livré plusieurs exem- plaires de vases à panse globulaire et court bord subvertical, de jattes à bord rentrant très proches des modèles de Jarnac, de vases de stockage à épaulement haut placé ou de vases à col subcylindrique et rebord éversé (Baigl et al., 1999). Les décors d’impressions digitées sur la carène et la lèvre y sont également bien représentés. La série, parfaitement homogène, est attribuée à l’étape moyenne du premier âge du Fer, soit environ entre 650 et 550 av. J.-C.
CONCLUSION
Une datation du corpus céramique de Jarnac au cours de la phase moyenne du premier âge du Fer Hallstatt D1), voire au début de la phase finale (Hallstatt D2), peut donc être proposée. Bien qu’apparemment isolée, la fosse 1.1 fonctionnait vraisemblablement avec un habitat rural se développant à proximité de ce dépo- toir. Les tranchées de diagnostic et la fenêtre décapée autour de la structure n’ont malheureusement pas permis de mettre cet habitat en évidence et une localisation à l’ouest de l’emprise est à envisager.
Les structures d’habitat du premier âge du Fer étant encore très rares dans le Poitou et les Charentes, et plus généralement dans tout le centre-ouest de la France (Maitay, Nillesse, 2014 ; Maitay, 2014), on ne peut que se réjouir de la découverte de cette fosse qui nous fournit un ensemble clos et homogène susceptible de renseigner avantageusement la chronologie du premier âge du Fer régional.
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