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Chapitre10. Monnaie et politique monétaire 15

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Chapitre10. Monnaie et politique monétaire

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1. Qu’est ce que la monnaie ?

Tout d'abord qu'est-ce que la monnaie ? La monnaie est le seul objet économique qui puisse être échangé instantanément contre n'importe quel autre. La monnaie est avant tout un moyen de paiement. Cette première fonction lui en confère une seconde : celle d'unité de compte. Le prix d'un objet, sa valeur d'échange pourrait en théorie être exprimé par une interminable liste des quantités de tous les autres objets contre lesquels il peut être échangé. Il s'exprime tout simplement en unité monétaire. Pour qu'elle puisse assurer ces deux fonctions, la monnaie doit en assurer une troisième, c'est d'être une réserve de valeur moins mauvaise que toutes les autres disponibles.

Le pouvoir d'achat d'une monnaie, pour qu'elle soit utilisée comme moyen de paiement doit donc être relativement stable dans le temps. Pour accepter de la monnaie en échange d'un bien dont on se sépare, il faut que, pendant le temps où l’on conserve cette monnaie, par exemple pour prendre le temps de rechercher et de trouver un objet qu'on désire acquérir, elle n'ait pas perdu une bonne partie de sa valeur. Sinon on préférerait le troc, malgré son immense inconvénient qui est de ne pas séparer l'achat de la vente, ce que permet la monnaie si elle est réserve de valeur.

Une monnaie n'a généralement ces trois fonctions constitutives : moyen de paiement, unité de compte, réserve de valeur, que dans un espace géographique donné.

Dans les économies modernes, la monnaie au sens strict a deux formes : les billets de banque et les dépôts bancaires à vue. Les systèmes bancaires y sont des systèmes hiérarchisés à deux niveaux : la banque centrale et les banques de second rang, dites commerciales. On peut

15 Ce chapitre est une version, réduite, d’un chapitre du livre : « Le commerce des Promesses. Petit Traité sur la Finance Moderne » P.N. Giraud, Seuil, 2001.

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donc distinguer trois formes monétaires : les billets, les dépôts à vue dans la banque centrale, les dépôts à vue dans les banques commerciales. C’est la banque centrale qui émet les billets. Les deux premières formes de la monnaie constituent donc la « monnaie centrale », émise par la banque centrale. La dernière forme, les dépôts bancaires à vue, sont de la monnaie « privée », émise, on va le voir par les banques commerciales.

Si vous avez 1000 € sur votre compte courant au Crédit Lyonnais, c'est un « dépôt » : quelqu'un, vous-même, votre employeur, les a en effet déposé sur votre compte. C’est un dépôt à vue, car vous pouvez l'utiliser à tout instant en tirant des chèques ou en donnant des ordres de virement pour régler n'importe quel achat : c'est de la monnaie.

Par contre si vous avez 1000 € dans un compte à terme rémunéré, vous ne pourrez les retirer avant le terme prévu qu'au prix d'une légère pénalité. Vous avez prêté 1000 € à la banque, vous lui avez donc acheté une créance, vous pouvez lui revendre, mais à un prix inférieur. Ce n'est pas de la monnaie au sens strict, même si c'est un actif financier très liquide et donc facile à transformer en monnaie. Facile signifiant à coût faible.

2.La création monétaire

2.1. Les crédits font les dépôts

Voyons maintenant comment se crée la monnaie. Ce sont les banques commerciales qui ont l'initiative de la création monétaire et qui en créent l'essentiel.

C'est l'activité de crédit des banques qui crée de la monnaie. Une banque crée de la monnaie en faisant des prêts.

Selon une célèbre formule : « ce sont les crédits qui font les dépôts » et non l'inverse, contrairement à ce que laisse penser une conception des banques comme simples

« intermédiaires » qui re prêtent ce qu'on leur a prêté, en particulier la monnaie déposée chez elles dans les comptes à vue. Les banques ont l'initiative du crédit et ne se contentent pas de re prêter passivement leurs ressources.

En accordant un crédit de 10 000 € à l'un de ses clients : Monsieur X, une banque A lui achète une créance de 10 000 € , contre garantie, qui s'inscrit à son actif. Simultanément, elle crée un dépôt à vue de 10 000 € à la disposition de M. X, qui s'inscrit à son passif. Elle a créé, ex nihilo, de la monnaie, en fait de « sa » monnaie et grâce à elle a acheté une créance portant intérêt.

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M. X signe un chèque de 10 000 € à Y, un concessionnaire Renault pour acheter une voiture. Si le concessionnaire Y a son compte dans la même banque A, il y dépose le chèque et la banque débite le compte de M. X de 10 000 € et crédite celui du concessionnaire de 10 000 €. La monnaie que la banque A a créée, après avoir circulé entre deux agents économiques, est revenue en dépôt chez elle. Elle reste à son passif : il n'y a pas eu « fuite » de cette monnaie hors de sa sphère.

Si le concessionnaire porte son chèque dans une autre banque B, celle-ci le conserve jusqu'au soir. Chaque soir, toutes les banques se retrouvent dans le cadre d'un organisme de compensation. Le compte de tous les chèques détenus par une banque sur toutes les autres est fait, et on effectue la compensation : les chèques de B détenus par A sont échangés contre les chèques de A détenus par B, franc pour franc. Reste généralement un solde.

Supposons que ce solde soit qu'après compensation, B détienne un chèque de 10 000 € émis par un client de A. A pourrait proposer à B de la payer dans sa propre monnaie : A ouvrirait un compte à vue à B où B déposerait ce chèque. Ainsi, comme dans le cas précédent, la banque A virerait 10 000 € du compte de l'émetteur du chèque au compte de la banque B, et son passif n'aurait pas varié. Mais cela ne présente aucun intérêt pour B, car ce dépôt à vue n'est pas rémunéré.

D épôts

Compte de X

: +10 000 Créances:

Créance sur X

: +10 000

Dont Comptes rémunérés

D ette Titres

Fonds Propres Im m obilisations

Passif A A ctif A

D épôts

Compte de X

: +10 000 Créances:

Créance sur X

: +10 000

Dont Comptes rémunérés

D ette Titres

Fonds Propres Im m obilisations

Passif A A ctif A

Dépôts

Compte de X

: 0 Créances:

Créance sur X

: +10 000

Dont Comptes rémunérés:

Compte de Y:

+10 000 Dette

Titres

Fonds Propres Immobilisations

Passif A Actif A

Dépôts

Compte de X

: 0 Créances:

Créance sur X

: +10 000

Dont Comptes rémunérés:

Compte de Y:

+10 000 Dette

Titres

Fonds Propres Immobilisations

Passif A

Actif A

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B propose donc à A de lui échanger le chèque contre un titre portant intérêt, un bon du Trésor par exemple. Cette vente de titre est un emprunt : A emprunte à B la monnaie qu'elle a créé et qui est sortie de sa sphère. En l'empruntant après l'avoir prêtée, elle la détruit, elle débite en effet de 10 000 € le compte de son client à l'origine du chèque. Son passif est réduit de 10 000 € et son actif aussi : des 10 000 € du titre avec lequel elle a "racheté" le chèque.

Mais remarquons que dans ce cas le crédit fait par A, s'il ne "fait" plus de dépôt chez A, en "fait" un chez B : les dépôts chez B ont augmenté de 10 000 € à son passif et son actif a augmenté de 10 000 € (le titre qu'elle a acquis). Au niveau de la sphère de l'ensemble des banques, "les crédits font les dépôts" reste vrai. Le crédit initial a créé de la monnaie qui ne sera détruite que quand il sera remboursé.

Le marché où les banques se prêtent entre elles en s'achetant des titres est le marché interbancaire.

2.2. Le coût de la création monétaire pour les banques

Quittons le niveau des opérations élémentaires de crédit pour prendre une vue plus générale du bilan des banques, de l'origine de leur profit et de leur comportement. L'opération simple de crédit que nous venons de présenter peut laisser croire que le métier de banquier est assez agréable. Il consiste en effet à créer sa propre monnaie « ad libitum » et sans coût pour la prêter avec intérêt. Laissons « ad libitum » de côté pour l'instant et examinons le problème du coût des ressources bancaires. Si ces ressources sont exclusivement des dépôts à vue créés par elles en faisant crédit, elles sont effectivement gratuites. Ainsi, si une banque crée un dépôt de 1000 en

D épôts C réances:

+ 10 000

D ont C om ptes rém unérés:

D ette + 10 000*

T itres:

-10 000**

Fonds Propres Im m obilisations

Passif A A ctif A

D épôts C réances:

+ 10 000

D ont C om ptes rém unérés:

D ette + 10 000*

T itres:

-10 000**

Fonds Propres Im m obilisations

Passif A A ctif A

Y a une autre banque B : il y dépose le chèque de X sur un com pte rém unéré ( en rouge) A près com pensation la banque B détient le chèque sur X : elle n’en veut pas parce qu’il ne porte pas intérêt.

E lle dem ande donc à la banque A de lui racheter en m onnaie de B , que A doit d’abord em prunter à B ( en bleu)*

O u avec ce chèque elle « achète » un titre portant intérêt à la banque de X (en vert)**

Y a une autre banque B : il y dépose le chèque de X sur un com pte rém unéré ( en rouge) A près com pensation la banque B détient le chèque sur X : elle n’en veut pas parce qu’il ne porte pas intérêt.

E lle dem ande donc à la banque A de lui racheter en m onnaie de B , que A doit d’abord em prunter à B ( en bleu)*

O u avec ce chèque elle « achète » un titre portant intérêt à la banque de X (en vert)**

D épôts C réances:

+ 10 000*

D ont C om ptes rém unérés:

Y : + 10 000 D ette T itres:

+ 10 000**

Fonds Propres Im m obilisations

Passif B A ctif B

D épôts C réances:

+ 10 000*

D ont C om ptes rém unérés:

Y : + 10 000 D ette T itres:

+ 10 000**

Fonds Propres Im m obilisations

Passif B A ctif B

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faisant un prêt de 1000 à un an à 10% elle fait un bénéfice de 100 dans l'année. Mais nous avons déjà vu que si une partie de ce dépôt fuit, elle doit se re financer auprès d'autres banques ou de la banque centrale. Si 100 a fui et qu'elle se re finance à 5%, elle paiera 5 d'intérêt.

Cela augmente le coût de ses ressources, mais c'est encore peu de choses. Plus important est le fait que l'expansion du crédit ne se traduira pas nécessairement par une demande équivalente de monnaie au niveau agrégé. Ainsi le concessionnaire qui a reçu10 000 € de Monsieur X et est comme lui client de la banque A, n'a pas nécessairement besoin de 10 000 € de monnaie. Il demandera donc à la banque A de placer cet argent sur un compte de dépôt à terme rémunéré à 3%. La banque lui paiera donc 30 d'intérêt en un an, et ce sera le coût effectif de la ressource, initialement gratuite, qu'elle a créée.

Enfin, pour des raisons que nous verrons ci-dessous, les autorités réglementant les banques leur imposent des obligations dites « prudentielles » en matière de structure de leur bilan.

En particulier le « ratio Cooke » exige que les banques aient un capital proportionnel à leurs actifs (dont les crédits), pondérés par leur risque. Augmenter son volume de crédit exige donc d'augmenter son capital. Celui-ci doit être rémunéré, ceci a donc un coût.

Bref, le coût des ressources des banques n'est pas nul. Il doit bien évidemment être inférieur aux intérêts reçus des crédits, pour couvrir les frais de fonctionnement bancaire, en particulier la fonction de règlement (celle-ci est généralement gratuite quand les dépôts à vue ne sont pas rémunérés, donc en vérité les dépôts à vue sont rémunérés par la gratuité de cette fonction), ainsi que les pertes des crédits non performants.

La marge brute bancaire est la différence entre le coût des ressources (capital compris) et le rendement des emplois. On voit donc qu'il y a nécessairement un lien entre le coût des ressources bancaires et le taux d'intérêt des crédits bancaires. Si le premier augmente, les banques répercutent cette augmentation sur le second, pour conserver leurs marges. C'est par ce lien que cherchent à agir les banques centrales. Pourquoi ? Pour réguler l'activité de crédit des banques. Mais pourquoi celle-ci devrait-elle être régulée ? Parce que spontanément, les banques n'ont aucune raison de ne pas faire trop ou pas assez de crédits. Que veut dire trop ou pas assez ? Il faut pour le comprendre faire un peu de macroéconomie et examiner l'effet du crédit sur l'activité économique.

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3.Crédit, croissance et inflation

3 .1 Création monétaire et croissance

Lorsqu'une économie est en sous-emploi de ses moyens de production : chômage et sous - utilisation des capacités physiques de production, c'est que la demande est insuffisante pour engendrer une production qui sature les capacités existantes.

Une augmentation de l'activité de crédit des banques, qu'il s'agisse de crédits à la consommation octroyés à des particuliers ou de crédits consentis à des entreprises pour réaliser des projets d'augmentation de leur production, crée une demande supplémentaire. Si l'économie est en sous- emploi, cette demande peut être immédiatement satisfaite par une augmentation de la production, égale à la demande supplémentaire. L'augmentation de la production engendre une augmentation équivalente des revenus, en effet les entreprises qui ont augmenté leur production ont ipso facto distribué sous forme de salaires et de profits la valeur de la production supplémentaire.

En créant ex nihilo de la monnaie par une augmentation de leurs crédits, les banques créent des droits supplémentaires sur la production. Mais, lorsque l'économie est en sous- emploi, ceci a pour effet d'augmenter d’autant la production et les revenus. Ces droits sont donc immédiatement validés, c'est-à-dire peuvent être satisfaits sans que d'autres droits déjà créés sur la production aient à être réduits.

C’est ce qu’illustre le graphique suivant :

Banque

C rédit X

Investissem ent I

Production

Q =I(1+i)

A chats Salaires

R evenus R evenus

I Profit : iI

R evenus

R evenus= I(1+i) = D em ande = Q = Production

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Note : le crédit X finance un investissement productif I=X ; Cet investissement , dont le taux de rentabilité interne est i engendre une production supplémentaire de Q=(1+i)*I. I a été dépensé en salaires et achats, qui eux même ont étés produits et donc ont payé des salaires. L’intérêt sur le prêt, supposé égal pour simplifier au taux de rentabilité de l’investissement, revient à la banque et donc à ses actionnaires pour qui il est un revenu.

Le fait qu’une augmentation de la production , donc de l’offre sur le marché des biens, de Q engendre une demande exactement égale à Q est connu sous le nom de « loi de Say »(Jean Baptiste Say est un des grands économistes classiques- début du 19 ème siècle- français).

Ce qu’il est ici essentiel de remarquer, c’est que la création monétaire est une condition nécessaire de l’expansion de la production Q sous l’effet de l’investissement I.

En effet si cet investissement avait été financé par une augmentation de l’épargne des ménages de I, c’est autant que les ménages n’auraient pas dépensé en consommant, et ce qu’ils auraient consommé n’aurait pas été produit. L’investissement I ne ferait alors que substituer une production Q à une autre et il n’y aurait pas d’augmentation nette de la production.

3.2 Création monétaire et inflation

Il n'en serait pas de même si l'économie, très proche de la saturation de ses capacités de production, ne répondait pas par une augmentation de la production à une augmentation de la demande engendrée par la création monétaire.

Dans ce cas, les entreprises à qui s'adresse la demande supplémentaire, ne pouvant augmenter leur production, augmentent leur prix. Par propagation, l'ensemble des prix est modifié, à des degrés divers. Le niveau général des prix augmente, donc la monnaie se déprécie, tandis que les prix relatifs se modifient. C'est l'inflation.

Dans ce cas, les droits supplémentaires sur la production créés par la monnaie "injectée" dans l'économie par les banques, ne peuvent être satisfaits, s'ils le sont, qu'au détriment d'autres droits puisque la production n'a pas augmenté assez pour valider la création monétaire. C'est l'inflation qui opère cette redistribution des droits, en modifiant les prix relatifs.

Qui gagne et qui perd dans l'inflation est une question empirique. Cela dépend de la manière dont les droits des uns et des autres sur la production sont protégés contre l'évolution des prix. Il est certain par exemple que, si les dépôts à vue ne sont pas rémunérés, tous les détenteurs de monnaie sont perdants. Si les salaires sont indexés sur le niveau général des prix à la consommation, mais avec retard, les salariés sont perdants dans une accélération de l'inflation, mais pas dans un régime d'inflation stabilisée. Tous ceux qui ont emprunté à taux fixe sont

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gagnants, puisqu'ils rembourseront dans une monnaie dévaluée.

Encadré : Qu'est-ce que l'inflation ? Il y a inflation quand l'indice général des prix augmente.

L'indice général des prix se définit ainsi.

Soit dans un territoire donné, n marchandises produites indicées 1 à n. Durant une période donnée t, les marchandises sont produites en quantités qi,t ; i = 1,...n et ont des prix pi,t ; i = 1,...n

L'indice des prix "en base t" pour une période ultérieure t' est :

IP base t, t' =

qi,t.pi,t'

qi,t.pi,t

∑ x100 Il vaut évidemment 100 pour t’=t

Il y a inflation quand cet indice augmente.

Cela signifie non que tous les prix ont augmenté, mais qu'en moyenne, les prix pondérés par les quantités produites l'année de base ont augmenté, c'est-à-dire que, en pondérant avec ces quantités, le nombre de prix qui a augmenté est supérieur à celui qui a diminué. C'est évidemment le cas si tous les prix ont augmenté.

De la même manière, on peut définir un indice de la production en volume Q.

IQ base t, t' =

qi,t'.pi,t

qi,t.pi,t

∑ =100

L'indice de la production en volume a augmenté quand la moyenne, pondérée par les prix en t, des quantités produites a augmenté.

La production en volume de t', base t est : Q base t, t' = Σ qi, t'. pi,t. Elle s'exprime évidemment en monnaie.

En réalité les choses ne sont pas aussi tranchées. Même en situation de sous-emploi, la demande issue de la création monétaire, en se diffusant dans l'économie, rencontre inévitablement des capacités de production qui sont, localement ou dans un secteur donné, plus "tendues".

La création monétaire se partage donc toujours en "effet volume" : augmentation de la production et "effet prix" : inflation. Plus on approche d'une situation de plein emploi des capacités (y compris. de faible chômage), plus l'effet prix a tendance à l'emporter.

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Deux résultats essentiels sont à retenir :

La croissance de la masse monétaire est une condition préalable nécessaire à la croissance de la production.

Une création monétaire excessive par rapport au potentiel de croissance de l’économie engendre de l’inflation.

Une question importante est de savoir si les banques elles-mêmes sont pénalisées par l'inflation.

Si elles l'étaient, le processus pourrait être autorégulé. Or elles ne le sont pratiquement pas.

L'inflation tend à augmenter le coût de certaines de leurs ressources (mais pas des dépôts) car les taux d'intérêt nominaux augmentent. Mais elles peuvent compenser par une augmentation de leur taux d'intérêt créditeurs, de manière à conserver leurs marques brutes en valeur réelle. Seule une hyper-inflation entraînant une fuite devant la monnaie bancaire et de graves désordres économiques pourrait les affecter.

La qualité de la monnaie est sans conteste un bien public. Or la monnaie est créée par des institutions privées, en concurrence et orientées par la recherche de profit. Ces institutions, les banques, sont elles-mêmes relativement immunes à une dégradation de la qualité de la monnaie, du moins à court terme et dans certaines limites.

On se trouve donc dans une situation où l'Etat doit intervenir pour garantir la qualité de la monnaie. Mais quel est le niveau d'inflation acceptable ? Est-il de 2%, ce qui est le dogme actuel dans les pays riches, ou peut-il être plus élevé, et surtout plus variable, comme on semblait s'en accommoder très bien avant les années 80 ? Car l'inflation a des vertus. Elle permet d'opérer des transferts de droits sur la production progressifs et faiblement conflictuels car diffus, non annoncés, non négociés, simplement constatables a posteriori.

Admettons que les Etats aient un objectif : maintenir l'inflation en dessous d'un certain chiffre.

Comment peuvent-ils s'y prendre ?

Schématiquement on distingue des moyens directs et indirects, parmi lesquels on peut encore distinguer les moyens mécaniques et ceux que je qualifierais de chamaniques. Ces moyens constituent la politique monétaire

4. La politique monétaire

4.1. Comment la banque centrale agit sur les taux d’intérêt

Le moyen direct est l'encadrement du crédit. L'Etat fixe à chaque banque le taux de progression maximum des crédits qu'elle peut consentir. Ce moyen a de nombreux inconvénients. Il n'est pas

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nécessaire de s'y attarder car, au moins dans les pays riches, il est désormais abandonné16. Le moyen indirect mécanique est d'agir sur le coût des ressources bancaires en modifiant les taux d'intérêt à très court terme. Nous avons évoqué l'existence d'un marché interbancaire, réservé aux banques, où elles se prêtent à très court terme (quelques jours), quand elles ont des besoins temporaires de financement liés aux fuites de leur propre système.

Ce marché est en fait englobé dans un marché plus vaste qui est le « marché monétaire ». C'est également un marché de fonds prêtables à très court terme. Y interviennent non seulement les banques, mais les investisseurs institutionnels (donc les particuliers via les OPCVM monétaires) et de grandes entreprises, quand elles ont besoin de financement ou de placement très courts.

Les taux sur le marché interbancaire et sur le marché monétaire sont donc nécessairement très proches.

C'est sur le marché monétaire qu'interviennent les banques centrales. Si elles veulent faire baisser le taux, elles prêtent (donc elles achètent des titres aux banques, aux entreprises, aux institutionnels qu'elles payent en créant de la monnaie). Si elles veulent faire monter les taux, elles empruntent (donc elles vendent des titres, détruisant ainsi de la monnaie). En réalité, comme une économie en croissance a besoin de toujours plus de monnaie, la banque centrale emprunte rarement : il lui suffit , pour faire monter les taux, de prêter moins que dans la période précédente. Cette politique est dite "d'open market".

L'activité de création de monnaie de la banque centrale s'exerce en faisant des crédits par l'intermédiaire du marché monétaire.

Le taux du marché monétaire est donc le seul taux d'intérêt que la banque centrale puisse

« décider » en fixant son « taux d’intervention » sur ce marché. Tous les autres taux d'intérêt dans l'économie sont hors du pouvoir direct de la banque centrale. Ils sont déterminés par "les marchés".

Par exemple les taux à trois mois peuvent déjà être considérés comme des taux de marché sur lesquels les banques centrales n'interviennent pas directement. Cependant, ils sont normalement influencés par le taux du marché monétaire en raison des opérations d’arbitrage.

4.2. La « transmission » de la politique monétaire

Tout va donc dépendre des effets induits, par exemple d'une augmentation du taux du marché

16 Il a cependant été très utilisé et même dominant en France jusque dans les années 80.

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monétaire par une banque centrale. Ceci va-t-il entraîner un "resserrement du crédit" dans l'économie, c'est-à-dire un ralentissement de l'activité de création monétaire des banques, ce qui est l'objectif recherché (inversement pour une baisse du taux monétaire) ? Normalement oui.

Une hausse de taux sur le marché monétaire entraînant une hausse des taux à quelques mois va en effet augmenter le coût des ressources bancaires. Non seulement le coût du financement sur le marché monétaire, mais par voie de contagion, le coût des dépôts à terme rémunérés, par exemple. Les banques doivent donc dans ce cas, pour maintenir leur marge bancaire, augmenter leur taux créditeurs. Si la demande de crédit bancaire est sensible au coût de ce crédit, elle doit normalement baisser.

Mais le lien entre crédit bancaire et variation de la monnaie effectivement détenue par les acteurs économiques, l'usage qu'ils en font, les conséquences sur l'inflation, tout cela n'a rien de mécanique. Si bien que le terme d'action indirecte mécanique que nous avons utilisé est en fait exagéré. Rien de commun avec un moteur bien réglé qui réagit à la moindre pression sur la manette des gaz. La question de la "transmission" de la politique monétaire de modification des taux courts, c'est-à-dire ses effets sur l'inflation et le niveau d'activité, fait l'objet de vastes débats et d'une immense littérature théorique et empirique. Ce qu'on peut en retenir, c'est que la transmission ne se fait pas par une série de bielles bien huilées, mais plutôt par des élastiques de longueur et de rigidité non seulement différentes mais variables dans le temps. Ces mécanismes sont résumés ci dessous :

Encadré : La Transmission de la politique monétaire

L’augmentation du taux d’intervention de la Banque centrale provoque : –Hausse des taux sur le marché monétaire

–Accroissement du coût des ressources des banques

–Augmentation du taux créditeur des banques et des taux de marché par arbitrages –Baisse de la demande de crédit bancaire pour la consommation et/ou l’ investissement –Baisse de la demande de biens et services

–Ralentissement de l’inflation et de la croissance

La réduction du taux d’intervention de la Banque centrale provoque:

–Baisse des taux sur le marché » monétaire –Réduction du coût des ressources des banques

–Réduction du taux créditeur des banques et des taux de marché par arbitrages

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–Augmentation de la demande de crédit bancaire pour la consommation et/ou l’ investissement –Augmentation de la demande de biens et services

–Relance de la croissance ( avec éventuellement un peu plus d’inflation)

4.3. Les moyens « chamaniques » : agir sur les anticipations

Restent heureusement les moyens chamaniques. On ne peut qu'être frappé, même si l'on ne porte qu'un intérêt lointain à ces questions, de l'importance que semblent avoir actuellement les déclarations (et non les actes concrets, mais évidemment une déclaration est aussi un acte) des présidents des banques centrales et en premier lieu de celui de la banque centrale américaine, le FED (Alan Greenspan au moment où ce texte fût écrit). On peut même avoir l'impression qu'Alan Greenspan gouverne en quelque sorte, sinon le monde, du moins l'essentiel de l'économie mondiale par la simple puissance de sa parole.

La raison tient en une formule : anticipation auto réalisatrice. En modifiant des anticipations, Alan Greenspan agit peut-être bien plus efficacement qu'en modifiant les taux courts aux Etats- Unis.

Prenons un exemple. Greenspan dit : « les capacités de production sont proches du plein emploi, le taux de chômage est très bas, une poussée inflationniste ne peut être exclue si l’activité économique continue à croître au rythme soutenu qui est actuellement le sien ». Implicitement, mais tout le monde le sait puisque c'est dans ses statuts, il faut entendre aussi : « le FED agira en conséquence pour que cette poussée inflationniste soit étouffée dans l’œuf ». Mais Greenspan ne dit pas ce qu'il fera exactement : évidemment augmenter le taux monétaire, mais quand et de combien, il n’en dit rien .

Si on le croit, un certain nombre de prêteurs vont se montrer plus réticents à acheter des titres à taux fixe. En effet, ils pensent que, même si le FED agissait à temps et avec détermination, un début de poussée inflationniste pourrait néanmoins avoir lieu (rappelons-nous que le FED dispose d'un levier qui n’est relié à la création monétaire et a fortiori à l’inflation que par des élastiques), ce qui réduirait le rendement des titres à taux fixe. En conséquence, cette réduction de la demande de titres va faire baisser le prix de ces titres et donc monter les taux d'intérêt à moyen et long terme (sur ce mécanisme, voir chapitre 3) sur lesquels le FED n'a aucun pouvoir direct, et ralentir la croissance. Ainsi une simple déclaration : « l’inflation menace » peut, en modifiant les anticipations, faire monter les taux, ralentir la croissance et écarter la menace.

S'il le juge utile, le FED peut appuyer cette déclaration d'une augmentation symbolique du taux monétaire, de 0,25 % par exemple. En soi, cette augmentation a des effets mécaniques sans

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doute négligeables. Qui peut dire en effet les conséquences d'une augmentation de 0,25 % du taux d’intervention de la banque centrale sur le volume du crédit bancaire et l’ensemble des taux ? Par contre cela peut renforcer la crédibilité de la déclaration et sa puissance de modification des anticipations.

Pour modifier les anticipations, il faut en effet être « crédible ». Autre concept qui acquiert une place centrale dans l'analyse de la politique monétaire contemporaine. Mais la crédibilité n'est jamais que le nom de la capacité à modifier les anticipations. C'est donc aussi une anticipation.

Elle est certes fondée sur un jugement concernant les déclarations et les actions passées, mais elle reste une anticipation puisqu'elle porte sur le futur. On voit bien le jeu de miroir à l'infini que ceci entraîne.

En matière de politique monétaire, ce que pensent les acteurs dépend de ce qu'ils pensent que les autres pensent. Ce qu'ils font dépend de ce qu'ils pensent que les autres vont faire. On conçoit le défi que cela pose aux théoriciens et la complexité des modèles qui prétendent rendre compte de ce type d'interaction.

Ce qu'on peut en retenir, c'est que la politique monétaire est aujourd'hui, aux dires des meilleurs experts, plus un art qu'une science. Qu’elle est beaucoup plus pragmatique que lors de la période d'hégémonie de la théorie monétariste (les années 80) où l'on croyait à des mécanismes rigides de transmission. Que l'activité déclarative y est essentielle, et que des dons de l'artiste qui est aux commandes dépend décidément énormément de choses.

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Chapitre 10 : Monnaie et politique monétaire

Concepts à retenir : - Monnaie

- Dépôts

- Marchés interbancaires et monétaires - refinancement des banques

- Politique d’open market - Inflation

- Anticipations auto réalisatrices

Questions :

- Expliquer : « les crédits font les dépôts »

- Qu’est-ce qui limite l’activité de création monétaire des banques ? - Qu’est ce que la loi de Say ?

- Pourquoi une création monétaire excessive engendre-t-elle de l’inflation ? - Quels sont les effets distributifs de l’inflation ?

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