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La psychologie médicale du praticien

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LE PSYCHOLOGUE SECTION DIRIGÉE PAR PAUL FRAISSE

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C O L L E C T I O N S U P

La psychologie médicale

du praticien

D M A U R I C E P O R O T

Professeur de Clinique psychiatrique et de Psychologie médicale à la Faculté de Médecine de C l e r m o n t - F e r r a n d

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE

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DU MÊME AUTEUR

La psychologie des tuberculeux, 212 p., Neuchâtel-Paris, Delachaux & Niestlé, édit., 1950 (ouvrage couronné par l'Académie de Médecine).

L'enfant et les relations familiales, 1 vol., 277 p., 7 édit., Paris, Presses Univer- sitaires de France, coll. « Sup-Paideia », 1973.

Les adolescents parmi nous, en collaboration avec Jean SEUX, 1 vol., 221 p., Paris, Flammarion, édit., coll. « Le Vif du sujet », 1964.

L'homme et les groupes sociaux, en collaboration avec CHOMBART DE LAUWE, M. COLIN, J. FOLLIET, J. HOURS, H. JOUBREL, Cl. KOHLER, J. LABBENS et R. P. MARTELET, 239 p., Paris, Spès édit., coll. « Convergences », 1960.

Manuel alphabétique de psychiatrie, clinique et thérapeutique du P Antoine POROT, en collaboration avec Bernard AUBIN, Henri AUBIN, BARDENAT, COUDERT, DUFOUR, LACAS-MONDZAIN, LUCCIONI, MADEC-BAYARD, PASCALIS, PELICIER, Maurice POROT, Didier POROT, RAMEE, SAFAR, SCOTTO et SUTTER, XII-560 p., Paris, Presses Universitaires de France, 5 édit. mise à jour, 1975.

Les toxicomanies, en collaboration avec Antoine POROT, 128 p., 5 édit., Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1976.

Dépôt légal. — 1 édition : 2 trimestre 1976

© 1976, Presses Universitaires de France Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation

réservés pour tous pays

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Avant-propos

Ecrire un ouvrage de psychologie médicale pouvait paraître original il y a dix ans. Plusieurs manuels et précis ont paru depuis cette date et l'on peut se demander si la nécessité se fait encore sentir d'un nouvel ouvrage sur ce sujet. Il nous a semblé possible de répondre par l'affirmative à la condition de préciser nos intentions.

Ce livre n'est ni un précis, ni un manuel, encore moins un traité. Son titre devrait plutôt être Psychologie quotidienne du praticien ou Psychologie médicale pratique. Certains lecteurs trouveront peut-être sa rédaction trop simple et son contenu empirique, sommaire, banal, voire terre à terre. Ils auront raison. Mais vingt ans d'enseignement aux étudiants en médecine s' appuyant sur quarante ans d'expérience médicale pratique et soixante de vie quotidienne ont démontré à l'auteur qu'il est des portes ouvertes qui ont une fâcheuse tendance à se refermer. Les lieux communs eux-mêmes souffrent d'une regret- table désaffection de la part de ceux qui veulent à tout prix du nouveau, n'en fût-il point au monde.

Ce livre ne pouvait être que partial et partiel.

Partial dans la mesure où il est impossible aujourd'hui de tenir compte de toutes les querelles d'école, voire d'auteurs. Il fallait donc choisir, en essayant tout de même de rester à égale distance d'un conservatisme psychologique suranné et d'un enthousiasme excessif pour des théories intéressantes et fruc- tueuses, mais dont l'adoption de parti pris risque de conduire à une optique systématique, excessive et par là même stérilisante.

De même, dans un tel travail, la tentation est permanente pour un psychiatre de se laisser emporter par deux risques opposés, bien dénoncés par S. Freud : « le Scylla de la sous-estimation

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de l'inconscient reprimé et le Charybde de la tendance à juger les phénomènes normaux avec le critère que nous appliquons aux phénomènes pathologiques ». Nous avons essayé de naviguer au mieux entre ces deux écueils, sans pour autant renoncer, au contraire, à prendre parfois des positions personnelles.

Partiel parce qu'il faudrait plusieurs volumes pour aborder tous les aspects de cette approche de l'homme qu'est une psy- chologie médicale encore à ses débuts. D'autres s'y sont déjà essayés avec succès, partiellement ou globalement. Nous avons cité, en tête de la bibliographie, les ouvrages qui nous paraissent mériter d'être lus. Quant à nous, nous avons renoncé à donner à chaque chapitre une dimension proportionnelle à son impor- tance. C'est pourquoi certains pourront paraître bien courts, compte tenu de l'importance et de l'étendue du sujet traité, par rapport à d'autres, plus étoffés. Cette rédaction nous a paru la solution la moins mauvaise au problème de la dimension de cet ouvrage. Enseigner, c'est répéter, mais c'est aussi choisir.

Nous avons choisi de choisir en essayant, chaque fois que cela a été possible, de renvoyer, par une indication bibliographique, à des développements plus amples.

Les abeilles de l'Hymette faisaient leur miel de toutes fleurs. Nous avons exposé ici ce qui a peut-être déjà été dit par d'autres, sans pouvoir chaque fois apporter des références précises. Il est des ruisseaux dont les sources sont difficiles à répertorier avec précision et nous nous excusons par avance auprès de ceux que nous aurions involontairement pillés. « Tout est dit et l'on vient trop tard depuis sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent. On ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes », écrivait Jean de La Bruyère il y a déjà trois siècles...

Il n'y a guère que quinze ans que la psychologie médicale a réussi à faire son entrée, timidement, dans les Facultés de Médecine françaises. Le nombre d'heures qui lui est accordé est très inférieur à celui qui lui est consacré dans les Facultés étrangères. Sa place même dans le cours des études a longtemps oscillé entre le premier et le second cycle selon qu'on la consi- dérait comme une science fondamentale ou comme une discipline

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clinique. En fait, elle est les deux. Dès le départ, il convient, à notre avis, de bien distinguer la psychologie de la vie médicale de la psychologie dans la vie médicale, celle-ci rassemblant des notions psychologiques que tout médecin doit connaître pour pratiquer son art, et celle-là essayant d'éclairer les problèmes psychologiques qui naissent de l'exercice de la profession médicale.

Ce seront là les deux grandes parties de cet ouvrage.

S'il apporte aux médecins installés et aux étudiants qui le seront demain non pas des clefs ou des recettes, mais la possibilité d'une approche plus complète et d'une compréhension meilleure de l'homme souffrant qui vient se confier à eux, le but de ce travail aura été atteint.

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INTRODUCTION

L é g i t i m i t é et l i m i t e s d e l a p s y c h o l o g i e m é d i c a l e

La légitimité de l'enseignement de la psychologie médi- cale a été discutée et l'est encore : un certain nombre d'étu- diants l'ont apprise lors du baccalauréat ; d'autre part les médecins semblent s'en être aisément passés jusqu'à ce jour ; de plus, ils éprouvent une certaine réserve à l'égard de la « psychologie » en général qu'ils assimilent volontiers à un bavardage, agréable peut-être, mais parfaitement inutile, sous-tendu par des querelles d'école périmées voire asso- ciées à des partis pris plus politiques que scientifiques.

En réalité, c'est précisément parce que les médecins ont senti, dans leur pratique, qu'il leur manquait quelque chose, que l'homme était amputé de l'une de ses dimensions, qu'il a paru utile de combler cette lacune. Finalement le rôle de la psychologie médicale consiste souvent à mettre en forme ce que, en fait, bien des praticiens avaient tant bien que mal appris empiriquement, sinon au cours de leurs études, du moins au cours de leur pratique quotidienne.

La médecine est à la fois une science et un art. Si elle n'était que science, un ordinateur bien construit suffirait sans doute à régler les problèmes diagnostiques et à suggérer une thérapeutique. « L'acte médical, s'il est assurément dans la plupart des cas un acte scientifique, s'il est aussi à des degrés divers un acte social, est toujours un fait psycho- logique » (L. Portes).

En fait, la plupart des praticiens, lors de leur premier

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contact avec la clientèle, ont éprouvé un malaise et une angoisse, sentiments pénibles dus à une triple origine. Ils constatent tout d'abord que les maladies observées en clien- tèle sont assez différentes du tableau qu'on leur en a fait à la Faculté ou de celles qu'ils ont vues à l'Hôpital ; la méde- cine apprise est donc une médecine incomplète, voire impar- faite, quelle que soit la qualité des maîtres et des livres qui les ont instruits. D'autre part, le médecin sent confusément que des liens particuliers, dont il a une conscience peu claire, se nouent entre lui et ses patients. Enfin, il remarque que le malade et son entourage se font de lui l'image d'un être tout-puissant, détenteur d'une somme de connaissances supérieures à celles qu'il a acquises en réalité à l'Hôpital et à la Faculté.

De ce fait, le jeune praticien saisit une dimension nou- velle de la médecine, ressent les liens particuliers qu'il noue avec ses malades et découvre enfin son propre personnage.

Il réalise, en bref, la notion de l' « homme total », beaucoup plus extensive que celle du seul corps malade qu'avec Ambroise Paré il soigne toujours, soulage souvent et guérit parfois.

L'homme est un tout. Or, pendant longtemps, seul son corps a paru digne d'un enseignement se voulant scienti- fique. L'aspect psychique était soit ignoré, soit abandonné à d'autres instances. Quant à sa dimension sociale, il a fallu attendre les années récentes pour qu'elle soit prise en considération.

Pour certains esprits, n'est scientifique que ce qui est objectif, donc mesurable. Claude Bernard, affirmant que la médecine est une science et non un art, prétendait que tout ce qui ne tombait pas sous le coup d'une expérience ou d'une règle scientifique ne relevait pas de la médecine. Tout du malade doit être accessible aux sens du médecin, soit directement soit par le relais d'appareils de mesure.

Cette attitude qui, en fait, mutile l'homme et mutile la médecine avait des excuses. Pendant longtemps, l'ignorance des problèmes psychologiques était masquée derrière des

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postulats gratuits, des affirmations dogmatiques, des certi- tudes discutables, des exigences pseudo-philosophiques dans lesquelles la vérité, la morale, les conceptions philoso- phiques ou spirituelles ne trouvaient même pas leur part, car elles étaient déformées dans des implications illégitimes.

C'est donc par un désir de bonne foi et d'objectivité qu'était rejetée une approche psychologique du malade.

Mais la réalité ne se contente pas de bonnes intentions et l'être humain ne peut se laisser amoindrir aux frontières qu'on prétend lui imposer. L'esprit clinique du médecin, ses intuitions, son habileté, sa sagesse ne suffisent pas à tout et le bon sens ne saurait complètement suppléer la technique et l'apprentissage. Si cela était, on pourrait tout aussi bien renoncer à l'enseignement de la médecine somatique et nombre d'empiriques sont là pour prouver qu'on peut l'exercer assez bien sans aucune formation de base. Qui n'a d'ailleurs rencontré un médecin d'une compétence tech- nique médiocre ayant de réels succès auprès de ses malades grâce à son esprit clinique et à son bon sens ?

La pratique quotidienne est une dure école : connaître les insertions du grand dentelé, la technique de la désarti- culation de la hanche, la formule développée de l'aldosté- rone, localiser le siège d'une hémiplégie alterne sont certes des connaissances nécessaires au praticien mais qui le laissent douloureusement et tristement désarmé aussi bien sur le plan diagnostique que thérapeutique devant des affections aussi courantes et aussi banales que des troubles digestifs sans substratum anatomique, une énurésie, une frigidité sexuelle, une hypertension artérielle variable et sans cause apparente. Baptiser ces malades « nerveux » (dans un sens péjoratif) ou « neurovégétatif » voire « psycho- fonctionnel » (ce qui donne une apparence pseudo-scienti- fique à l'ignorance) ne supprime pas la difficulté.

En fait, on sait que cette catégorie de malades représente selon les estimations un tiers voire la moitié de la clientèle de l'omnipraticien.

On ne lui a rien enseigné en ce qui les concerne.

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Plus grave encore, cette attitude pseudo-scientifique est devenue anti-scientifique à partir du moment où des travaux sérieux et objectifs ont été menés sur le dévelop- pement de la personnalité, la psychologie de l'enfant, la psychologie des profondeurs, la psychopathologie, la psy- chométrie, la psychologie sociale, la psychophysiologie, la psychopharmacologie. Ces disciplines ont permis de mieux connaître certaines affections, mais plus encore d'éclairer les réactions du malade devant sa maladie, devant le traite- ment et devant son médecin, celles du médecin face au malade, et enfin les réactions réciproques de ces deux parte- naires au cours du colloque singulier.

Ces lacunes médicales étaient dangereuses aussi. Le malade ne demande pas à être soigné à moitié. Si le praticien ne lui donne pas ce qu'il demande, il ira — et il va — chercher ailleurs ce que le médecin ne lui apporte pas : les illusion- nistes et les charlatans, sorciers, mages, empiriques, rebou- teux, astrologues et voyantes, agissent pas leur emprise psychologique ; la presse du cœur et du bas-ventre, les journaux dits de vulgarisation médicale, les coiffeurs pour dames, les concierges n'ont pas d'autre puissance thérapeu- tique que celle que leur abandonnent, dans ce domaine, les médecins qui sous-estiment les problèmes psychologiques.

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P R E M I È R E P A R T I E

De la conception à la mort La psychologie dans la vie médicale

Comme nous l'avons déjà dit la psychologie médicale a deux facettes. La psychologie de la vie médicale qui étudie les problèmes naissant de l'exercice de la médecine fera l'objet de la deuxième partie de ce travail. Dans cette pre- mière partie il sera surtout question de la psychologie dans la vie médicale, c'est-à-dire de notions psychologiques très générales que tout médecin devrait connaître pour mieux comprendre ses patients dans sa pratique de tous les jours.

Fallait-il adopter le plan des manuels classiques de psy- chologie, en reprendre, dans une perspective médicale, les différents chapitres ? Fallait-il adopter les thèses d'une seule école psychologique, ancienne ou moderne, et essayer d'analyser à ses lumières la pratique quotidienne du médecin ?

Nous avons préféré la méthode, sans doute plus dis- cutable mais certainement plus pratique parce que plus proche de la réalité, qui consiste à étudier les problèmes psy- chologiques de l'être humain de sa naissance à sa mort. Nous avons ainsi été amenés à développer certaines notions, secon- daires sur le plan théorique, mais indispensables dans la pratique, et par contre à négliger, et même à passer sous silence certaines données pourtant importantes (mémoire, cons- cience, perception, apprentissage, intelligence, etc.), qui ne nous ont pas paru essentielles pour l'exercice quotidien de la médecine.

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CHAPITRE PREMIER

Vrais et faux problèmes de l'hérédité

L'hérédité est un mythe et une réalité.

Un mythe a pour rôle habituel de calmer une angoisse, née elle-même de problèmes vitaux pour l'homme, en lui fournissant des explications rassurantes en partie objectives, et en partie fabuleuses.

Il comporte un aspect positif répondant à quelque chose de profondément vrai, de nécessaire, ayant des bases réelles, indiscutables, sur lesquelles on a pu le fonder. Mais il comporte aussi un aspect négatif, dans la mesure où il ne répond pas toujours à une réalité concrète, évidente, objective.

Cet aspect négatif est différent pour le savant et pour le public, pour qui l'hérédité s'écrit trop souvent avec un H majuscule. Il ne s'agit pourtant pas comme beaucoup le croient d'une entité mystérieuse assimilable à la Fatalité, que l'on redoute et devant laquelle on ne peut que s'incliner passivement, contre laquelle on ne peut lutter. S'il existe des drames, il n'existe pas de tragédies de l'hérédité.

Si l'hérédité préoccupe à ce point l'opinion, c'est parce qu'elle concerne la part physique immortelle de l'homme : il est ce qui survit de ses parents, puisque constitué à l'ori- gine par la fusion de deux cellules germinales parentales.

De même il se sent éternel dans la mesure où l'une de ses cellules a contribué à créer un être nouveau, son enfant, cette cellule n'ayant jamais cessé d'exister à travers d'innom- brables multiplications. « L'homme est, dès avant sa nais-

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sance et au-delà de sa mort, pris dans la chaîne symbolique, laquelle a fondé le lignage avant que s'y brode l'histoire », constate J. Lacan [31]

Pour beaucoup, l'hérédité constitue un patrimoine tou- jours déficitaire qu'on ne peut ni refuser ni modifier. « Les pères ont mangé du verjus et les enfants ont les dents agacées », dit la Bible. On parle même couramment dans le langage vulgaire d' « hérédo quelque chose » ou d' « hérédo » tout court (il s'agissait autrefois d'un euphémisme pour parler d'hérédo-syphilis).

Montaigne pose assez bien le problème et pourtant, il en ignorait une grande partie puisque seule était alors connue l'existence de l'hérédité en lignée paternelle.

« Quel monstre est-ce, que cette goutte de semence de quoi nous sommes produits porte en soi les impressions, non de la forme corporelle seulement, mais des pensements et des inclinations de nos pères ? Cette goutte d'eau, où loge-t-elle ces ressemblances, d'un progrès si téméraire et si déréglé que l'arrière-petit-fils répondra à son trisaïeul, le neveu de l'oncle ?... Qui m'éclaircira de ce problème, je le croirai d'autres miracles qu'il voudra, pourvu que, comme ils font, il ne me donne en paiement une doctrine beaucoup plus difficile et fantastique que n'est la chose même. »

Une erreur courante consiste à confondre l'hérédité congénitale et l'hérédité génétique, à confondre un ensemble de caractères innés, hérité de la lignée, et l'accident congé- nital, c'est-à-dire survenu depuis la conception. Seule l'hérédité génétique, antérieure à la conception, est un patri- moine, un titre transmis, la seconde n'étant qu'un acquêt.

Or, la plupart des tares dites héréditaires sont en fait des tares congénitales.

On ne parle plus guère de cette « hérédo-syphilis » abusivement évoquée autrefois devant chaque accident, I. Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie, infra, p. 251 et suiv.

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chaque malformation, chaque trouble du comportement dont on ne trouvait pas la cause ; il y a eu, il y a peut-être encore des syphilis congénitales, mais en existe-t-il vraiment d'héréditaires ?

La descendance de l'alcoolique ne peut aussi qu'être tarée si l'on en croit l'opinion publique. Le rôle de l'alcool ne saurait être minimisé. Les « enfants du samedi soir » conçus pendant une période d'ivresse paternelle sont-ils vraiment le fruit d'une cellule germinative tarée et proba- blement incapable d'assurer la fécondation d'un ovule ? Ne faut-il pas plutôt, outre l'alcoolisme possible de la femme gestante, mettre en cause les conditions économiques et éducatives dans lesquelles vivent les parents alcooliques et leurs enfants ? A. Repond, s'appuyant sur la constatation d'une proportion égale d'alcooliques chez les neveux et les nièces de buveurs et chez leurs propres enfants, pose la question de savoir si l'on ne boit pas immodérément parce que l'on est anormal, bien plus souvent peut-être que l'on est anormal parce que l'on boit trop. La tare héréditaire, elle, qui a poussé les parents à boire, incitera leurs enfants à le faire dans un environnement dont la valeur pédagogique n'est en général pas de première qualité.

Si, enfin, on tient compte de facteurs secondaires tels que les traumatismes subis par l'enfant à la naissance ou les atteintes cérébrales des premiers mois, passés inaperçues, on verra que la part de l'hérédité est finalement assez réduite, du moins dans son impact pathologique. Umglaub, sur 140 enfants atteints de troubles morphologiques du système nerveux central, n'en trouve que 9, soit 7 % chez lesquels existait un facteur génétique authentique.

Il existe tout de même une hérédité authentique. Chro- mosomes, gènes, A.M.P. et D.N.A., lois de Mendel, domi- nance et récessivité, pénétrance et expressivité, mutation et translocation sont aujourd'hui des notions assez connues pour qu'il soit inutile d'y revenir ici.

Rappelons cependant que, en règle générale, et notam- ment sur le plan psychologique ou psychopathologique, le

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caractère dit normal est généralement dominant alors que le caractère pathologique est récessif. Une tare héréditairement récessive restera donc cachée, latente, à moins qu'un croise- ment avec un individu porteur du même caractère ou de la même tare soit à même de la révéler. Or, où risque-t-on de trouver le plus sûrement une tare analogue sinon dans sa famille puisque l'héritage des deux sujets est le même ? Dans le public, la notion est fortement implantée que le mariage entre personnes du même sang a un rôle néfaste sur le plan psychopathologique. En fait, la consanguinité n'a aucun rôle par elle-même ; elle ne crée point, elle addi- tionne les caractères héréditaires. La chose est si vraie, que l'on peut améliorer certaines races de chiens ou de chevaux, par addition de leurs caractères favorables, en pratiquant des croisements entre individus de même filiation. Les pha- raons épousèrent leurs sœurs pendant plusieurs générations, sans que la lignée se soit apparemment détériorée.

Les tares existant dans une famille risqueront donc de s'additionner dans la descendance lors de mariages consan- guins. Un généticien anglais a pu écrire que l'introduction des autobus dans les campagnes, dans la mesure où ils diminuèrent le nombre des mariages consanguins dans un même village, fut une mesure beaucoup plus efficace sur le plan de la génétique que ne l'aurait été la stérilisation des individus anormaux.

C'est dire la complexité extrême des problèmes de l'héré- dité, et le danger des généralisations, des simplifications abusives, des applications sans nuance des lois de l'hérédité à l'espèce humaine, sans les scrupules du savant dans son laboratoire.

Ce problème se complique de notions, périodiquement débattues, concernant la possibilité de la transmission par voie héréditaire, de caractères acquis par l'individu. On se rappelle les débats passionnés autour des théories de Mit- chourine et Lyssenko en 1948. Classiquement, il n'existe aucune interaction possible entre les cellules du corps et les cellules germinales et cette hérédité des caractères acquis

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n'existe pas. Pourtant, en 1957, Benoît et ses collaborateurs, en injectant l'acide désoxyribonucléique de cellules soma- tiques de canards « pekins » à des canards « kaki » ont pu créer ainsi une nouvelle race de canards « blanche-neige » possédant des caractères des deux races précédentes. Mais cette expérience remarquable n'a jamais pu être réalisée à nouveau.

D'autre part, certains caractères ont tendance à s'éteindre progressivement au cours des générations. Des études faites par Mme Minkowska portant sur plusieurs centaines de personnes appartenant à sept générations, ascendants et descendants d'un malade mental, ont permis de conclure qu'il existe une extinction progressive de la tare psychopa- thologique au fur et à mesure que les générations se succèdent. Par contre, cette tare réapparaît en cas d'une addition de gènes du fait d'un mariage consanguin, même entre parents éloignés.

Si l'hérédité jouait dans tous les cas et de façon fatale, le monde entier serait composé d'êtres tarés. Un simple calcul permet de chiffrer à un million environ les ancêtres directs d'un individu quelconque, en se contentant de remonter à vingt générations en arrière, soit six à sept siècles. On estime à 2 au minimum, le nombre de malades mentaux. Chacun d'entre nous aurait donc environ deux mille malades mentaux parmi ses ancêtres... Mais la nature, qui fait bien les choses, favorise l'extinction spon- tanée des tares héréditaires.

L'hérédité n'est donc ni une fatalité ni une certitude.

En fait, elle sert trop souvent d'excuse à l'inaction sous prétexte qu'elle est inéluctable. Elle sert aussi d'excuse pour perpétuer des routines ou des erreurs éducatives qu'on n'a guère envie de corriger, par facilité ou par paresse, et l'on explique par elle bien des comportements qui ne sont qu'une réaction à une situation mal ou non acceptée.

Plus encore, l'hérédité devient souvent une arme, pour accabler autrui, que ce soit l'enfant ou, plus souvent encore le conjoint, car, bien entendu, c'est toujours la famille du

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conjoint qui est responsable des tares héréditaires, ou sup- posées telles, que l'on attribue à un enfant.

A côté de ces faux problèmes de l'hérédité, il en existe de vrais, ceux qui concernent l'eugénique.

Pour certains tenants, de plus en plus rares, des théories constitutionnalistes l'hérédité est fatale. En réalité l'hérédité incline, mais elle n'oblige pas. Le pire n'est pas toujours sûr, et, en matière d'hérédité, si tout est possible, rien n'est certain sauf dans de rares cas. Des enfants nés apparemment normaux, élevés dans des familles anormales, se pervertis- sent. Pourquoi, comme le fait remarquer Cl. Kohler, n'en serait-il pas de même dans l'autre sens, et pourquoi des enfants porteurs d'une hérédité fâcheuse (qui reste parfois à démontrer) ne se transformeraient-ils pas en enfants normaux à l'occasion d'une éducation favorable ?

Il n'est pas douteux qu'existe une hérédité de structure psychologique. On a souvent cité le cas de la famille Bach dans laquelle on a dénombré, en 6 générations, 45 musi- ciens, dont 17 remarquables. Les Bernoulli produisirent, en 6 générations également, un très grand nombre de mathé- maticiens dont 8 furent exceptionnels. Mais à ces chiffres on peut opposer le cas de Rembrandt qui essaya en vain de faire un peintre de son fils, celui de Pétrarque qui eut des déboires analogues avec le sien, rebelle à toute littérature ; et celui du fils de W. Scott qui ne voulut jamais lire une ligne écrite par son père.

Certains ont affirmé l'existence d'une hérédité des carac- tères antisociaux. 17 % des prostituées auraient des parents aliénés ou déséquilibrés. Heuyer trouve des antécédents familiaux psychopathologiques chez 14 % des mineurs délinquants. On cite le cas de la famille Jukes dans laquelle on a dénombré, sur deux siècles (de 1720 à 1915) et sur 2 094 personnes, 600 débiles mentaux, 300 prostituées, 190 délinquants dont 7 criminels, 310 mendiants, 440 véné- riens et 300 enfants morts jeunes, soit, au total, 2 140 tares, soit au moins une par personne. On ne peut que s'étonner de voir mêler la prostitution et la mortalité précoce, la délin-

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quance et les maladies vénériennes. Ces chiffres ne sont rapportés ici que pour montrer le caractère discutable de certains amalgames douteux.

La plupart des chiffres et des statistiques, qui prennent l'hérédité en considération, ne font pas une part suffisante à l'éducation et à la contamination psychologique des enfants élevés dans des milieux hautement orientés, soit dans une activité spécialisée, la musique ou les mathéma- tiques, soit dans un sens antisocial.

Peut-on contrôler l'hérédité ? Autrefois l'eugénique se faisait de façon spontanée, par sélection naturelle, une importante morti-natalité frappant de préférence les sujets tarés parce que moins résistants. On a voulu faire mieux.

Déjà le Talmud interdisait le mariage entre des lépreux et des épileptiques. Les Spartiates, on le sait, éliminaient les nouveau-nés débiles. Platon recommandait que les enfants les meilleurs soient élevés par l'Etat ; il ne précisait pas le sort réservé aux autres et conseillait le tirage au sort des époux. Campanella au XVII siècle allait plus loin, préconi- sant la création d'un « ministère d'Amour ».

L'eugénique comporte un aspect négatif et un aspect positif.

L'aspect négatif se résume essentiellement en la stérili- sation des individus tarés de façon à éviter qu'ils se repro- duisent. Outre son caractère discutable sur le plan éthique, cette façon de faire ne représente qu'une sécurité illusoire dans la mesure où les collatéraux de l'individu taré, même sains en apparence, peuvent être porteurs des mêmes tares génétiques et par conséquent susceptibles de les transmettre à leur descendance. Même en supposant que l'on puisse arriver à faire disparaître une tare par la stérilisation d'innom- brables individus, cela n'empêcherait pas sa réapparition à la faveur d'une mutation. Il s'agit là, en outre, d'une atteinte à la liberté et à la dignité de l'homme dont les conséquences sont trop prévisibles ; un passé encore récent en a montré les dangers. A un degré extrême, la conclusion logique d'une telle eugénique négative postule l'extermination pure et

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L'ambition principale de cette psychologie médicale du praticien est moins d'offrir une anthologie de recherches ou de résultats que de proposer, à travers vingt années d'ensei- gnement et quarante années d'expérience, une réflexion sur les grandes orientations de cette discipline.

La structure de l'ouvrage permet d'éviter les écueils que constituent un conservatisme psychologique suranné et une passion extrême pour les théories modernistes. Elle autorise aussi une meilleure approche des diverses catégories de pro- blèmes que doit affronter, à chaque instant, le praticien.

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Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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