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Éditorial

2 l’actualité chimique - mai 2009 - n° 330

L !évaluation des chercheurs et des laboratoires :

le piège

L

a façon dont on évalue les chercheurs et les laboratoires de recherche incarne la vraie nature du milieu, reflète sa culture profonde et la façonne en même temps. Obligeant à la mise à plat, au-delà des discours, des missions et des méthodes, elle constitue un piège pour qui vou- drait jouer des ambiguïtés. Naguère fierté du CNRS, modèle de « l!évaluation par les pairs » à laquelle les chercheurs, avec de bons arguments, sont viscéralement attachés, le « Comité National » du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) se voit, depuis la réforme de 2007, coiffé par l!AERES, l!Agence nationale d!évaluation de la recherche et de l!enseignement supérieur. Que s!est-il passé ? A-t-il démérité ? A-t-on trouvé de meilleures méthodes pour éva- luer chercheurs et laboratoires ?

Pour illustrer la complexité de l!évaluation, posons simplement ces deux questions :

- Quel est le but de l!évaluation ? Veut-on évaluer le système de recherche français pour en obtenir les meilleurs résultats scientifiques ? Veut-on évaluer chaque individu pour le récompenser au mérite ? - Selon quels critères évaluer ? Les mots sont empreints d!ambiguïté. Que veut dire « meilleurs résultats » ? Analyse des articles publiés ? Selon leur rayonnement ? Leur originalité ? Leur utilité par rapport au secteur appliqué ? Social ? Et que veut dire « mérite » ? Se juge-t-il « au résultat » ou

« à l!effort », point délicat, si l!on songe qu!un cher- cheur estde factoaidé par l!équipe dans laquelle il travaille ? Or, cette ambiguïté, il n!est pas pos- sible de simplement l!évacuer. Ce serait par exemple, attaché à la qualité d!abord, s!affirmer comme « élitiste » ou, attaché à l!équité d!abord, comme « démagogue »… qualificatifs polémiques.

En fait, l!évaluation doit tenir un juste équilibre entre ces attitudes extrêmes. C!est pourquoi le

« débat sur les critères » auquel se livrent les éva- luateurs, pour important qu!il soit pour indiquer des orientations, reste toujours décevant : il ne donne pas de recette pour l!arbitrage des dossiers.

Le fonctionnement du Comité National a donné l!exemple de réponses pragmatiques satisfai- santes à ces questions, grâce à son excellente connaissance du milieu ; aussi, il faut le souligner, au fait que les évaluateurs soient, en forte propor- tion, des élus. Mais ce capital de connaissance, il était tentant de vouloir l!utiliser au-delà de l!évaluation pour apporter des éléments de poli- tique scientifique, et il faut bien dire que le Comité National a rencontré là les limites qui lui ont tant nuit aux yeux des tutelles. Les commissions, qui

sont en charge d!une ou de quelques sous- communautés disciplinaires, s!en font automati- quement les « avocates ». Si elles déploient leurs efforts pour leur assurer le meilleur développe- ment et font preuve d!une juste sévérité interne vis-à-vis de « leurs » personnels ou de « leurs » laboratoires, elles évitent trop souvent les recom- mandations stratégiques qui pourraient entraîner des décisions difficiles (fermetures de labora- toires, concentration de moyens sur des priori- tés…). Il en résulte un manque de réactivité – par rapport à l!interdisciplinarité, aux sous-disciplines émergeantes, aux attentes nouvelles de la société concernant par exemple le positionnement par rap- port aux acteurs socio-économiques – qui a fait qu!il a pâti d!une très regrettable réputation de conserva- tisme au cours des décennies précédentes.

Le Pacte pour la Recherche de 2007 a institué l!AERES, dotée des plus grandes responsabilités en matière d!évaluation. Ses équipes ont effectué déjà un travail conséquent – l!évaluation de plu- sieurs organismes de recherche et du quart des établissements universitaires –, travail suffisant pour que le milieu fasse connaissance avec cette nouvelle agence et… l!évalue. Pour l!heure, le moins qu!on puisse dire est que « l!entrée » de l!AERES est « ratée », au moins telle que perçue par le milieu des chercheurs. Le détestable recours aux « critères objectifs » (en fait des indi- cateurs de bibliométrie) se généraliserait, dont on sait qu!il est mortel pour la réflexion scientifique approfondie, la caricature des « visites de terrain » dans les laboratoires et des rapports qui les accompagnent, le furieux défaut de transparence sur les motivations des conclusions des évalua- tions… tout ceci nourrit une contestation qui s!étend parfois aux experts de l!agence eux- mêmes (sont-ils vraiment experts ? Travaillent-ils par intérêt, alors que les membres du Comité National sont bénévoles ?). Ces reproches, ces soupçons doivent être éradiqués : on ne peut concevoir que l!organisme expert soit contesté par le milieu de la recherche, pas plus, mutatis mutan- dis, qu!une démocratie pourrait ne pas respecter sa justice. La qualité du travail des évaluateurs doit être connue et reconnue, affirmée et compri- se ; il faut que l!AERES explique ses méthodes, ses activités, les contraintes qu!elle se fixe, qu!elle n!élude pas les débats sur les critères, néces- saires pour qu!elle soit acceptée. Prise au piège des complexités de l!évaluation, l!AERES doit devenir exemplaire en matière de transparence : elle ne peut plus transiger sur cet objectif.

Paul Rigny Rédacteur en chef

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