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ET
FACULTÉS DE DROIT
DU MÊME AUTEUR
La Monnaie française depuis la Guerre (1914-1936). Un vol.
in-8° écu de 112 pages. Librairie du Recueil Sirey, 1936.
La Crise du Capitalisme. Un vol. in-8° écu de 201 pages, deuxième édition (avec une préface nouvelle et deux
appendices). Librairie du Recueil Sirey, 1936.
Le Corporatisme. Un vol. in-8° écu de 67 pages. Librairie du Recueil Sirey, 1935.
Nouveaux Aspects du Corporatisme. Un vol. in-8° écu de 51 pages. Librairie du Recueil Sirey, 1935.
Doctrines sociales et Science économique. Un vol. in-8° de 204 pages. Librairie du Recueil Sirey, 1929.
Les Doctrines économiques en France depuis 1870. Un vol.
in-16 de 220 pages. Collection Armand Colin, 3e édition, 1934, avec un appendice surLes Doctrines devant la Crise actuelle.
Georges Sorel (1847-1922). Un vol. in-12 de 67 pages. Collec¬
tion « Etudes sur le devenir social», tome XXII. Paris, Rivière, 1927.
L'Utilité marginale. Un vol. in-8° (autograpbié) de 285 pages.
Editions Domat-Montchrestien, 1932.
Les Théories de l'Equilibre économique. L. Wdiras et V. Pa- reto. Un vol. in-8° de 407 pages (autograpbié). Editions .Domat-Montcbrestien, 1934.
Les Nouveaux Courants de la Théorie économique aux Etats- Unis. Fascicule I. Un vol. in-8'° de 303 pages (autogra¬
pbié). Editions Domat-Montchrestien, 1935.
Fascicule II. Un vol. in-8° de 197 pages (autographie).
Editions Domat-Montchrestien, 1936.
Jean B..., Glanes (Le Monde et la Science. La Vie et la Mort.
Politique et Histoire). Présentation et préface de Gaétan Pirou. Un vol. in-16 de 143 pages. Editions Domat- Montchrestien, 1936.
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GAETAN PIROU
PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS
ÉCONOMIE POLITIQUE
ET
FACULTÉ S DE DROIT
LIBRAIRIE DU RECUEIL SIREY, PARIS
Des deux études groupées dans cette plaquette,
la première reproduit un article écrit pour le vo¬
lume spécial de la Revue d'Economie politique publié en janvier 1937 et consacré à L'Enseigne¬
ment économique en France et à l'étranger. La
seconde est le texte d'une conférence faite le
12 janvier 1937 au Centre polytechnicien d'Etudes économiques. On constatera aisément entre l'une
et l'autre une certaine différence de ton. Ce n'est
pas que nous ayons voulu, comme le personnage de Courteline, prononcer successivement, dans la
même affaire, le réquisitoire et la plaidoirie. Nous
adressant aux lecteurs de la Revue d'Economie
politique nous avons insisté principalement sur les lacunes de notre organisation actuelle afin d'in¬
citer les pouvoirs publics à les combler. Parlant à
d'anciens polytechniciens, nous avons cru devoir défendre nos méthodes d'enseignement et de re¬
cherches contre des critiques mal fondées ou excessives. Mais il n'y a aucune contradiction entre
ces deux exposés. Ils décrivent une même réalité
vue sous deux éclairages différents. Les écono¬
mistes des Facultés de droit ont tiré le moins mau-
FACULTÉS DE DROIT vais parti possible de conditions de travail à beau¬
coup d'égards défectueuses. Nous croyons qu'ils
ont contribué d'une manière efficace au progrès
de la science économique. Nous pensons qu'ils pourraient faire davantage encore si l'on mettait
à leur disposition des instruments meilleurs.
Bilan et
Suggestions
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française de l'enseignement économique est, sans
aucun doute, son insertion dans les Facultés de
droit. Assurément, l'économie politique a sa place également dans d'autres établissements publics ou
privés d'enseignement supérieur. Mais, c'est à
la
Faculté de droit qu'elle a reçu le développement
le plus large et qu'elle s'adresse au plus vaste public. Cette solution n'a pas été
adoptée
sansde
grandes hésitations et de longs débats. Tour àtour, suivant les époques, elle s'est heurtée aux résistances les plus diverses : hostilité des juristes qui voyaient en elle une manière
d'intruse x; dé¬
fiance des économistes libéraux, qui craignaient
que l'ambiance juridique n'infléchisse
les disci¬
plines économiques vers un
pragmatisme régle¬
mentaire qui sous-estimerait la puissance et
la
vérité des lois économiques naturelles; protesta-
1 Parlant del'accueil réservé à l'économie politique par les représentants des disciplines juridiques, M. Henri Truchy,
donton connaît lamodération, s'est exprimé en ces termes :
(t On eût dit, en certaines occasions (mes collègues de la
Faculté de droit me pardonneront l'irrévérence de la compa¬
raison), Cendrillonen face d'une marâtre sans aménité et de
belles-sœurs jalousesde sajeunesse. » (Notice sur la vie et les
travaux de M. Auguste Souchon, Comptes rendus de l'Acadé¬
mie des Sciences morales et politiques, 1935).
ÉCONOMIE POLITIQUE ET FACULTÉS DE DROIT
tion, enfin, des philosophes, des historiens, des mathématiciens, qui jugeaient plus rationnel son
rattachementauxFacultés de lettres ou de sciences.
Il serait d'un haut intérêt que l'histoire de ces
controverses nous fût retracée avec quelque détail.
Nous avons le ferme espoir que M. le doyen Allix, qui possède enla matièreune abondante documen¬
tation, aura le loisir de l'écrire un jour prochain
pourles lecteurs de la R.E.P. Nous nousbornerons ici à en rappeler, en quelques mots très brefs, les principales étapes. Nous nous appliquerons ensuite
à établir, aussi impartialement que possible, le
bilan des avantages et des inconvénients que pré¬
sente, pour la science économique, cette sorte de mariage avec les études proprement juridiques.
L'union existe depuis un temps assez long pour qu'il doive être aujourd'hui possible d'en appré¬
cier les résultats.
I
Dans le schéma sommaire auquel nous enten¬
dons nous borner, six dates doivent êtrerappelées, qui jalonnent le chemin parcouru par l'enseigne¬
ment économique au sein des Facultés de droit et permettent de saisir les grandes étapes de son
développement.
1° 1819 : Création nominale du premier cours
d'économie politique
Une ordonnance du 24 mars 1819 divise la Faculté de droit de Paris en deux sections, « vu, dit l'ordonnance, l'accroissement du nombre des
étudiants », et pour « donner à l'enseignement
du droit les développements dont il est suscep¬
tible ». Dans la deuxième section, il est prévu un
professeur d'économie politique. Cette innovation s'explique évidemment par la vogue de notre dis¬
cipline à cette date. C'est en la même année 1819
que fut créée, pour J.-B. Say, la chaire du Con¬
servatoire des Arts et Métiers. En fait, pour des
raisons que nous ignorons, la chaire économique
de la Faculté de droit ne fut pas effectivement occupée. Aucune allusion à son institution ne se
retrouve dans les procès-verbaux de la Faculté.
Trois ans plus tard, une ordonnance du 6 sep¬
tembre 1822, tout en maintenant la division de la
Faculté en deux sections, supprimait par prété-
rition un certain nombre de chaires, dont celle
d'économie politique, ainsi que celles de droit
naturel et d'histoirephilosophique du droit, tandis qu'au contraire était crééeunechaire de pandectes.
L'exposé des motifs explique clairement les motifs
de ces modifications : « Considérant, y lit-on, qu'il importe de donner plus de développement
politique et facultés de droit à l'étude du droit romain, qui a servi de base aux codes français, et voulant disposer les cours de la
Faculté de droit de Paris de manière que les étu¬
diants n'y reçoivent que des connaissances posi¬
tives et usuelles. »
2° 1864 : Création effective
de la première chaire d'économie politique
Le décret du 17 septembre 1864, qui procède
à cette création, est accompagné d'un très impor¬
tant rapport de Victor Duruy, dont le texte fut reproduit par le Journal des Economistes (nu¬
méro d'octobre 1864). Duruyy déclare que l'éco¬
nomie politique ce est à présent une science complète ». Largement enseignée à l'étranger,
elle ne l'est chez nous qu'au Collège de France et
aux Ponts et Chaussées. (La chaire du Conserva¬
toire avait été, en effet, supprimée en 1854.) Duruy estime qu'en stricte logique, la chaire nou¬
velle devrait, selonl'exemple allemand, être placée
(f à la Sorbonne,
entrecelle de philosophie
etcelle
d'histoire. D'un point de vue pratique, il juge
que mieux vaut en doter la Faculté de droit qui compte alors 2.500 élèves. Il est à noter que le
Journal des Economistes, par la plume de Joseph Garnier, salua avec enthousiasme cet avènement de l'économie politique dans nos Facultés. A la
vérité, la nouvelle chaire s'appelait : « Chaire
d'économie politique et de droit public. » L'en¬
seignement en fut confié à Batbie — alors professeur suppléant de droit administratif. Nous
avons la bonne fortune de posséder le texte du premier cours professé par Batbie, puisqu'il le publia deux ans après en volume. Dans les mois qui suivirent, plusieurs Facultés de province, à
l'imitation de Paris, instituèrent des cours volon¬
taires d'économie politique : ils furent faits par Metz-Noblat à Nancy, par Rozé à Toulouse, par Cabantou à Marseillle.
3° 1877: Transformation de l'économiepolitique en matière obligatoire d'examen
Le décret du 26 mars 1877 introduit une ques¬
tion d'économie politique dans l'examen de
deuxième année de licence, ce qui eut comme con¬
séquence l'organisation d'un cours d'économie politique dans toutes les Facultés de droit \ Cette
1 En 1878-1879, Paul Cauwès publia son Cours, et cette publication souleva de vives protestations dans le monde des économistes libéraux « Notre devoirest de dire, écrivit Cour- celle-Seneuil dans le Journal des Economistes, en mai 1878,
, queloind'enseigner l'économie politique àlaFaculté de droit
'> de Paris, on y enseigneson contraire; que cet enseignement,
non seulementantiéconomique, mais antiscientifique, ne sau¬
rait donner aux jeunes gens que des notions fausses et des habitudes intellectuelles déplorables. » Cf., sur ce point,
économie politique et facultés de
droit
fois, les juristes hésitèrent à donner leur adhésion
à laréforme, et de vives critiques furent formulées
contre l'élévation de
l'enseignement
économiqueà la dignité dematière sanctionnée parun examen.
En 1889, l'économie politique fut transférée de deuxième en première année.
4° 1895 : Création du doctorat en droit
(sciences politiques et
économiques)
Le décret du 30 avril 1895, instituant un nou¬
veau régime du doctorat, fut pris à la suite d'une
large consultation des Facultés. A la Faculté de
Paris, une commission nommée au début de 1894
et composée dequatre membres (Esmein, Bufnoir,
Lyon-Caen,
Beudant) procéda à une étude appro¬fondie des projets de sectionnement du doctorat.
Esmein fut chargé du rapport. La Faculté adopta
un projet de création de deux doctorats, l'un de droit privé, l'autre de droit public et science éco¬
nomique. Caen, Montpellier, Rennes, en deman¬
dèrenttrois, et Dijonquatre. Lerégime finalement institué fut très voisin du système de la Faculté de Paris, dont Fernand Faure semble avoit été i,
l'inspirateur.
Gaëtan Pirou, Les Doctrines économiques en France depuis 1870, 3e éd., 1934, pp. 191-192 et infra, p. 62
5° 1905: Extension del'enseignement économique
de licence sur deux annees
Le décret du 1er août 1905, qui réorganisait les
études de licence, doubla la place qu'y occupait
l'économie politique en lui attribuant deux cours obligatoires annuels, en première et en deuxième
année. Il n'est pas sans intérêt de noter que la
Faculté de Paris, sur un rapport de M. Léveillé,
avaitproposé une extension plus grande encore et dressé le programme détaillé d'un enseignement économique étalé sur les trois années de licence.
6° 1925 : Création du diplôme d'études supérieures d'économie politique
La réforme de 1925 a consisté à disloquer les
deux doctorats institués trente ans auparavant,
pour y substituer quatre certificats, entre lesquels
les étudiants peuvent choisir les deux qui ont leur préférence, sans être contraints, comme aupara¬
vant, à l'association obligatoire entre les sciences politiques et les sciences économiques, ou entre le
droit privé et les études romano-historiques. Le
certificat de sciences économiques ainsi créé ne diffère pas d'ailleurs substantiellement de l'exa¬
men économique qu'avaient à subir antérieure-
POLITIQUE ET FACULTÉS DE DROIT ment les candidats au doctorat avec mention :
sciences politiques et économiques. La réforme de 1925 présente cependant une grosse importance pratique en ce qu'elle permet aux étudiants de doctorat l'accouplement, précédemment impos¬
sible, entre l'étude approfondie du droit privé et celle de l'économie politique. L'expérience devait
montrer que cette combinaison était de nature à séduire un grand nombre de candidats.
II
Les gains que comporte, pour l'économie poli¬
tique, son insertion dans les Facultés de droit ne sont certes pas négligeables.
Enumérons les plus notables :
1° Les Facultés de droit ont procuré à l'écono¬
mie politique l'audience d'un large public, qu'elle
n'eûtpas trouvéailleurs; publicnon seulementtrès
important en quantité, mais d'une qualité inté¬
ressante, puisque de lui sort une élite destinée à occuper les postes supérieurs dans les fonctions administratives et judiciaires;
2° Les économistes n'ont pas été sans tirer profit du contact direct et constant avec les spé-
1 cialistes des diverses disciplines juridiques. Un bon
|
économiste
ne peutignorer
ni le droit privé, qui: fixe le statut de la propriété et du contrat, cadres
juridiques de l'activité productrice, ni le
droit
public, qui décrit la physionomie et lespouvoirs
de l'Etat et des collectivités locales dont l'inter¬
vention dans la vie économique sefait chaque jour plus insinuante;
3° Au sein des Facultés de droit, les économistes
ont trouvéun milieu fort agréable, que caractérise
une haute tenue morale, une excellente éducation,
une extrême courtoisie;
4° Au terme des extensions successives que nous
venons derappeler, l'économie politiqueaconquis,
dans le cadre des Facultés de droit, un domaine
assez vaste, et obtenu une certaine autonomie
favorable à son essor. L'enseignement de l'éco¬
nomie générale, étendu, en licence, sur quatre
semestres, permet un exposé suffisamment
précis
et détaillé des grandes lignes de la science écono¬
mique, que complètent plusieurs
enseignements
de troisième année d'un caractère juridico-écono¬
mique (législation industrielle,
financière, colo¬
niale). Les cours spéciaux organisés à partir de
1895 pour le doctorat (sciences
politiques
et économiques), et qui conduisentaujourd'hui
au certificat d'études supérieures économiques, per¬mettent de traiter d'une manière approfondie et scientifique quelques grandes questions
d'écono¬
mie théorique ou pratique, sous leurs aspects historiques ou actuels;
5° Pour ce qui est des professeurs, ils reçoivent
POLITIQUE ET FACULTÉS DE DROIT une préparation qui les met, semble-t-il, en me¬
sure de bien s'acquitter de leur tâche depuis que,
en 1898, une section spéciale de l'agrégation a été créée, dont les épreuves ressortissent unique¬
ment aux disciplines économiques lato sensu.
Cette agrégation jouit d'uneréputation incontestée
d'absolue impartialité doctrinale et ses épreuves
sont aménagées de manière à garantir la valeur pédagogique des élus.
Quand nous aurons ajouté qu'à la Faculté de Paris existe, en fait, une sorte de « département économique », formé des dix à douze professeurs, agrégés, chargés de cours, dont l'enseignement,
de licence ou dedoctorat, se rapporte aux matières économiques; que les membres de ce département
se réunissent, sous la présidence du plus ancien
d'entre eux, toutes les fois que se pose une ques¬
tion de programme ou de recrutement touchant à l'économie politique, et que le plus souvent leurs propositions sont entérinées par la Faculté, nous
en aurons dit assez pour nous permettre de con¬
clure que, du mariage entre l'économie politique
et les Facultés de droit, celui des deux conjoints (\ dont nous examinons ici la situation a retiré des
avantages réels qu'il seraitinjuste de méconnaître.
III
Mais il faut, avec la même franchise, faire voir
lereversdela médaille. Peut-êtremême convient-il d'y insister davantage, du fait que,
généralement,
on a tendance à le passer sous silence.
En premier lieu, il est trop certain
qu'à l'inté¬
rieur des Facultés de droit, l'économie politique
a gardé le caractère d'une discipline
auxiliaire.
Essentiellement et principalement, la Faculté de
droit a pour fonction de former des juristes : ma¬
gistrats, avocats, administrateurs.
Elle manquerait
à sa mission si ellene se proposait comme objectif
dominant defournir à ses élèves des connaissances de droit, et surtout de leur inculquer l'esprit ju¬
ridique. Qu'il soit utile, pour le
juriste, de
ne point ignorerl'économie politique,
quemême il
soit indispensable au futur magistrat,
qui
aura à appliquer une législation sur laspéculation illicite
ou sur la propriété commerciale, d'être au
fait du
mécanisme des prix, c'est ce
qu'aujourd'hui
per¬sonne ne conteste plus sérieusement. Encore faut-
il que ces notions économiques ne
débordent
pas la place qui, rationnellement,leur revient dans
l'éducation et la formation du juriste. Quant à
nous, nous comprenons parfaitement les résis¬
tances et les inquiétudes des professeurs de
droit
ÉCONOMIE POLITIQUE ET FACULTÉS DE DROIT
lorsqu'ils ont vu la nouvelle venue pousser ses tentacules dans des directions diverses, s'étendre,
entant que cours général, de deux à quatresemes¬
tres, et se tailler, dans un doctorat qui continue
de porter le titre de doctorat « en droit », un domaine distinct des études strictement juridiques.
Nous sommes porté à comprendre l'état d'esprit
de certains juristes, précisément parce que nous
sommes absolument convaincu — et sur ce point
notre certitude s'accroît à mesure que notre expé¬
rience augmente — de l'opposition profonde qui
'<j sépare le droit et l'économie politique.
Gonsidère-t-on la nature deces deux disciplines ?
L'économiepolitique, si elle est autrechose qu'une
vaine littérature, a le caractère d'une science.
Entendons par là qu'elle étudie les faits avec le
souci de découvrir les relations de causalité qui
les enchaînent. Le droit, au contraire, n'est en aucune manière une science au sens précis du
terme. Seule la sociologie juridique pourrait pré¬
tendre à ce qualificatif. Mais, dans les Facultés de droit, on fait peu de sociologie juridique. Le droit qu'ony enseigne est une techniqueet un art. Pour
ce qui est du droit positif (légal, jurisprudentiel, coutumier), l'objet de l'enseignement est l'exposé
des règles juridiques d'un pays et d'une époque systématisées et clarifiées par le dégagement d'un
certain nombre de principes. Quant à la philoso-
phie du
droit
ou audroit naturel,
quebeaucoup
de juristes continuent
de considérer
commele
point de départ ou
le couronnement des études
juridiques, ce sont
des spéculations théoriques qui
n'ont pas non plus le caractère
d'une science, à
moins que l'on n'estime
qu'il
y a une «science
»(
de ce qui doit être, cequi
nousparaît
une erreurdeterminologierecouvrant une
confusion de fond.
Cette divergence cle nature s'accompagne
d'un
contraste de méthode. La méthode favorite des juristes est la
déduction. En présence d'une diffi¬
culté donnée, l'esprit juridique
consiste à recher¬
cher quelle solution
découle de la combinaison des
principes et
des
textes.Plus particulièrement
quand il
s'agit de la formation de l'avocat, la
qualité
principale
quel'on s'attache à développer
en lui est une certaine subtilité d'esprit, qui per¬
mettra d'apercevoir
rapidement,
etd'ajuster har¬
monieusement, les arguments et les
raisonnements
grâce auxquels pourraêtre présenté et défendu de
la manière la plus efficace
l'intérêt dont il
ala
charge. N'hésitons pas à
déclarer qu'un tel art
demande plus
d'habileté
quede bonne foi, plus
d'aptitudes à la
déduction
quede patience dans
l'observation et de scrupule dans
l'affirmation. Et
c'est dire que les
qualités qui font le bon juriste
ne sont pas
nécessairement celle qu'on exige du
POLITIQUE ET FACULTÉS DE DROIT savant \ En fait, parmi les spécialistes des disci¬
plines juridiques, seuls les historiens se rappro¬
cheraient des hommes de science, par la nature de leurs études etla forme de leuresprit, parle carac¬
tère non utilitaire de leurs recherches, par le rela¬
tivisme de leurs analyses, par la préférence qu'ils
donnent à l'observation prudente sur la construc¬
tion hardie. Aussi bien, les juristes purs ont-ils
souvent la même défiance des historiens que des
économistes. Non pas, bien entendu, qu'ils jugent
nécessairement illégitimes ou stériles les études
historiques ou économiques. Ils soutiennent sim¬
plement que, dans la préparation du juriste, l'histoire et l'économie politique ne peuvent être placées au premierplan, parcequ'elles formeraient
des esprits trop scrupuleux et trop critiques, tout
en nuances et en hésitations, alors qu'il faut au
juriste une haute dose de dogmatisme.
1 Est-il nécessaire de préciser que nous ne mettons nulle¬
ment en doute la «bonne foi » de nos collègues juristes? Il ne s'agit pas, ici, de la valeur morale des hommes, mais uniquement de la nature des disciplines. Quand, par ailleurs,
nous dénions au droit le caractère d'une science, nous ne le mésestimons pas pour autant. Nous neprétendons pas queles sciences représentent la forme la plus haute des spécula¬
tions humaines. Dire, par exemple, que la philosophie, ou la morale, ou l'art, ne sont pas des sciences, ce n'est nulle¬
mentles rabaisser. Ainsi qu'aimait à leproclamer unhomme dontnos collègues juristesnecontesteront pasl'autorité, Léon Duguit : « Il faut appeler du même nom les choses sem¬
blables et de noms différents les choses différentes. »
De cette opposition latente de méthode et
d'es¬
prit 1, bien des preuves
pourraient être données.
Un de ses symptômes les plus significatifs me paraît être la divergence
d'appréciation
quel'on
peut fréquemment constater aux soutenances
de
thèses, lorsque s'y rencontrent juristes et écono¬
mistes. Lejuriste se résigne malaisément à
admet¬
tre qu'une thèse puisse être un bon
travail
et présenter une réelleoriginalité lorsque l'auteur
n'y soutient pas une «thèse», au sens
traditionnel
du terme. Une monographie d'industrie, l'analyse
d'une institution financière, abstraction faite de
la réglementation qu'elle reçoit
du droit positif
ou des problèmes contentieux
qu'elle soulève, lui
semblent d'ordinaire indignes de valoir à son au¬
teurle titre de docteur avec une brillante mention.
Et redisons encore que cette opinion est
parfaite-
1 Pour plus de développement sur la question des rapports
entreledroitetl'économie politique, on me permettrade ren¬
voyer à mon étude Léon Duguit et l'Economie politique,
Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1933. Sur les relations de
ces deux disciplines avec la morale, cf. la série d'articles en
cours de publication dans la Revue d'Economie politique,
amorcée par G. Del Vecchio, continuée par L. Einaudi, et
qui se poursuivra pardescontributions de F. Yito et F. Garli.
Cf. également levolume Droit, Morale, Mœurs (Paris, Librai¬
rie du Recueil Sirey, 1936), qui reproduit les travaux de la
seconde session tenue par l'Institut international de philo¬
sophie du droit et de sociologie juridique. Les Archives de
Philosophie du Droit et de Sociologie juridique, que dirige
mon collègue M. Le Fur, se sont également beaucoup occu¬
pées de ces problèmes.
POLITIQUE ET FACULTÉS DE DROIT ment fondée lorsque le doctorat dont il s'agit porte, comme c'est le cas actuellement, la qualifi¬
cation de doctorat « en droit ». Le plus souvent, dans la vie courante des Facultés, la divergence
netournepas autragique, et leschoses s'arrangent
en raison de cette courtoisie que nous avons pré¬
cédemment signalée. Mais pourquoi dissimuler
que sous ces formes courtoises se cache souvent,
en réalité, un dédain réciproque. Au fond, le juriste tend généralement à considérer l'écono¬
miste comme un bavard ou un rêveur, cependant
que l'économiste tient fréquemment le juriste
pourun empirique ou un sophiste ou unmétaphy¬
sicien.
S'il en est ainsi, on comprend que les juristes
souhaitent que l'économie politique ne prenne pas
trop de place dans le programme des enseigne¬
ments et des examens de la Faculté de droit, et
on comprend aussi que les économistes supportent
malaisément d'être considérés comme des parents pauvres, condamnés à la portion congrue. Nous admettons, disent ces derniers, que l'économie politique est, pour le droit, une discipline
auxi-^
liaire. Mais nous prétendons qu'elle mérite, par
ailleurs, d'être étudiée en dehors de toute attache
avec le droit, qu'elle a sa méthode et son objet
propres, et que la formation d'un économiste
implique un ensemble de connaissances suffisam-
ment nombreuses, et d'une technique assez
déli¬
cate, pour suffire, à
elles seules, à
occuper unétudiant pendant plusieurs années.
Que les Facultés de droit
n'offrent,
aujeune
homme désireux de recevoir une culture écono¬
mique, ni les
enseignements théoriques, ni la
formation pratique que cette
culture implique, il
est facile de le montrer.
Pendant les trois années de licence, le jeune
étudiant dé la Faculté de droit suit des cours qui,
pour la plus
large
part,assortissent
auxdisci¬
plines juridiques :
c'est ici qu'apparaît de la
ma¬nière la plus éclatante le
caractère secondaire et
subordonné que présente
(et
ne peut pas ne pas présenter) unenseignement économique encastré
dans un ensemble juridique. Mais
il
y aplus
:les
cours d'économie politique eux-mêmes se ressen¬
tent nécessairement de cette ambiance. Parlant à
un auditoire dont il sait qu'en majorité
il
se com¬pose d'élèves
destinés à prendre des carrières
touchant à la pratique
juridique, le professeur
aura scrupule à
entraîner
cetauditoire
sur unterrain trop scientifique et trop
technique. Ajoutez
une difficulté supplémentaire,
spéciale à la Faculté
de droit de Paris : l'auditoire y est beaucoup trop
considérable pour qu'il
soit possible d'envisager
une initiation qui associerait
les auditeurs soit à
POLITIQUE ET FACULTÉS DE DROIT
des travaux d'économie concrète, soit à des re¬
cherches d'économie abstraite, qui ne peuvent se faire qu'en laboratoire et par petites équipes.
Apprendre aux élèves à dresser un graphique, les préparer au maniement des statistiques, compléter l'enseignement ex cathedra par des visites indus¬
trielles apparaît, dans ces conditions, comme
chimérique.
En dépit de laspécialisation du diplôme d'études supérieures économiques, nous y retrouvons des imperfectionset deslacunes analogues. Ce diplôme
est loin d'opérer la sélection que son libellé paraît impliquer. C'est un fait, tout d'abord, que ceux
qui en abordent la préparation sont souvent
inaptes à suivre avec profit les enseignements spéciaux qui leur sont donnés. Le souvenir des
cours d'économie politique élémentaire, naguère entendus, est souvent assez estompé. Ils sont,
par suite, armés d'un bagage insuffisant pour
aborder avec fruit les études économiques dites supérieures. Les cours spéciaux qui leur sont, à ce moment, offerts n'ont point, d'ailleurs, la
variété qui conviendrait. En province, ils se limitent souvent à deux enseignements. A Paris même, où la diversité est plus grande, il s'en
faut debeaucoup qu'elle corresponde à ce que l'on
serait en droit de demander pour un niveau d'étu¬
des économiques vraiment supérieures. L'ensei-
gnement de la
statistique, inexistant
enprovince,
demeure facultatif à Paris. Pas de cours spécial
ni sur les opérations de banque,
ni
surle méca¬
nisme des bourses, ni sur les transports, ni sur l'organisation et la
comptabilité industrielles et
commerciales, ni sur les grands marchés
de
ma¬tières premières, ni sur
l'histoire des faits écono¬
miques, ni sur la
théorie économique. Que l'on
compare cette pauvreté avec
le
programmedes
cours et des diplômes des grandes
universités
étrangères, par exemple
de l'Université Bocconi
à Milan, ou de la London School of
Economies x,
ou même qu'on se reporte à
l'affiche de l'Ecole
libre des Sciences Politiques2, et on sentira
cruel¬
lement notre infériorité. Pratiquement, et bien
quele niveau en
ait
étésensiblement relevé
en cesderniers temps, le D. E.
S. d'économie politique
s'obtient trop souvent après
quelques mois de
travail, durant lesquels le
candidat abandonne
momentanément les matières juridiques pour revoir hâtivement, dans un manuel
élémentaire,
l'économie politique
générale
etabsorber quatre
cours spéciauxqui,
lorsqu'ils
sontde qualité supé¬
rieure, risquent de passer
au-dessus de
satête,
en1 Cf. Arnold Plant et Lionel Robbins, LaLondon School of
Economies, in L'Enseignement économique en France et à
l'Etranger, Sirey, 1937.
2 Cf. J. Rueff, L'Ecole libre des Sciences politiques, in
'•k> L'Enseignement économique enFrance et àl'Etranger, Sirey,
1937.
POLITIQUE ETFACULTÉS DE DROIT
sorte qu'il en est parfois réduit à les apprendre
par cœur, sans être en mesure de les comprendre.
Le sommet de l'édifice n'est point exempt des
vices que nous avons rencontrés à la base et à
l'étage intermédiaire. Le candidat à l'agrégation
des sciences économiques (ou plus exactement à
l'agrégation des Facultés de droit, section des sciences économiques) arrive à ce concours par
un étrange chemin. Pendant trois années, on l'a contraint à des études qui ne se rapportaient à l'économique que d'une manière accessoire. En¬
suite, pendant une année, il a pu se spécialiser
en économie politique — dans les conditions im¬
parfaites que nous venons de retracer. Mais,
comme pour obtenir son pardon, le voilà, alors qu'il est déjà engagé à fond dans cette spécialité, obligé d'en ressortir pendant plusieurs mois, afin
de se livrer à l'étude (qui ne saurait pour lui qu'être fastidieuse et purement scolaire), de ma¬
tières de droit pur en vue de l'obtention d'un troisième diplôme, faute duquel l'accès à l'agré¬
gation lui serait refusé. Et l'on a vu d'excellents candidats empêchés de se présenter au concours en raison d'un échec à ce troisième certificat. En
revanche, de ce futur économiste, on n'exige
aucuneformation, niphilosophique, ni historique,
ni pratique. Il peut n'avoir jamais pénétré à la Bourse, n'avoir jamais vu l'intérieur d'une usine,