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La mobilité de la maind œuvre dans l industrie de la construction : le cas du Québec et de l Ontario, un débat inachevé

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6

La mobilité de la main-

d’œuvre dans l’industrie de la construction : le cas du

Québec et de l’Ontario, un débat inachevé…

1 re partie

En décembre 1996, les gouvernements de l’Ontario et du Québec signaient un accord bilatéral destiné à faciliter la mobilité entre les travailleurs de l’industrie de la construction des deux provinces

1

. Sa conclusion marquait l’aboutissement d’une phase de négociations qui s’était amorcée en juin de la même année, à la demande du gouvernement de l’Ontario.

Toutefois, pour qui s’intéresse un tant soit peu à cette question, la signature de cette entente s’inscrivait dans le sillage d’une trame événementielle de vingt ans environ, ponctuée de tensions politiques entre les deux gouvernements, de temps morts et, à certains moments, d’un battage médiatique, surtout du côté ontarien.

Cet article vise un double objectif : exposer, à larges traits, les origines lointaines et immédiates de l’Entente de décembre 1996 et en analyser le contenu en continuité avec l’Accord conclu en 1994 sur la même question. La première partie de l’article, traitant des origines de l’Entente de 1996, paraît en octobre. Une seconde et dernière portion consacrée celle-là au contenu de cette entente, en référence à l’Accord de 1994, ainsi qu’aux réactions observées au Québec à ce sujet, de même qu’aux perspectives entrevue en la matière, paraîtra dans le numéro de novembre.

Les origines de l’Entente de décembre 1996

Une mise en perspective

Le concept de la mobilité géographique de la main- d’œuvre renvoie usuellement à la facilité plus ou moins grande avec laquelle les travailleurs peuvent se déplacer d’une région à l’autre, soit à l’intérieur d’un même pays ou d’une même province, soit d’une province ou d’un pays à un autre, afin d’y exercer leur métier ou d’y occuper un emploi. Divers traits propres à l’industrie de la construction, en particulier le caractère temporaire et saisonnier des travaux, le nombre élevé d’entrepreneurs

placés en situation de concurrence, la prédominance et la variété des spécialités dont la contribution est nécessaire à la production des biens livrables ainsi que le degré élevé de sensibilité à la rareté des emplois font de la mobilité géographique — et, plus largement, des règles relatives au placement de la main-d’œuvre — un enjeu fondamental pour l’ensemble des intervenants de l’industrie

2

. D’un côté, les travailleurs recherchent, dans leur spécialité, les occasions d’emploi qui peuvent se présenter sur les chantiers de construction dans une région donnée — en premier lieu dans celle où ils habitent — et ils visent bien évidemment à réduire leur temps d’attente entre deux emplois, étant entendu qu’ils se trouvent en concurrence avec d’autres salariés pour les occuper.

D’un autre côté, hormis leur main-d’œuvre

permanente, les entrepreneurs doivent pourvoir plusieurs

postes, souvent dans de courts délais et selon un

ordonnancement rigoureux, en raison de l’apport de

plusieurs spécialités ou métiers à l’exécution des travaux

3

.

Dans ce contexte d’instabilité de l’emploi, il ne faut

pas se surprendre si, très tôt dans l’histoire nord-américaine

du syndicalisme dans l’industrie de la construction, les

travailleurs ont cherché à contrôler l’offre de travail et à

augmenter la stabilité de leurs revenus de travail et ce, de

diverses manières. Parmi ces moyens, on songe notam-

ment au contrôle syndical du système d’apprentissage, à

la fixation, dans les conventions collectives, des propor-

tions, dans chacun des métiers, entre le nombre d’ap-

prentis et de compagnons et à l’établissement de règles

conventionnelles destinées à répartir équitablement les

possibilités d’emploi entre les salariés syndiqués. Au

surplus, la négociation de clauses d’atelier fermé sur le

plan de la sécurité syndicale

4

, conjuguée à l’instauration

des bureaux de placement

5

, confère à l’institution

syndicale, du moins dans le modèle nord-américain

traditionnel, un levier de négociation important, pour ne

pas dire redoutable, lorsque les travaux sont réalisés sur

des chantiers où la main-d’œuvre est syndiquée.

(2)

7

Certaines différences fondamentales

De cette brève mise en perspective, il faut d’abord retenir que la question du placement dans l’industrie de la construction revêt, du point de vue syndical, une importance primordiale qui s’est notamment traduite par la mise en place de mécanismes conventionnels ou institutionnels visant à régir les mouvements de main- d’œuvre d’un chantier à l’autre et d’une région à l’autre.

Il convient aussi d’indiquer que la baisse significative de la main-d’œuvre syndiquée aux États-Unis et, dans une moindre mesure, au Canada

6

a certainement contribué à réduire l’efficacité des mesures évoquées précédemment et le contrôle syndical de l’accès au marché du travail, encore qu’au Canada à tout le moins les syndicats de métiers continuent de jouer un rôle déterminant au regard de la formation professionnelle et du placement des salariés, surtout sur les grands chantiers

7

. On doit ajouter que le déclin de la densité syndicale dans l’industrie canadienne de la construction montre des différences régionales importantes : alors que, dans certaines provinces comme l’Alberta, la Saskatchewan et Terre- Neuve on observait des baisses du taux sectoriel de syndicalisation les plus fortes, la situation était loin d’être identique en Ontario et au Québec

8

au point où, en 1996, il se situait approximativement à 64 %␣ et 70 % respectivement

9

.

S’agissant enfin du régime de la négociation collective applicable en Ontario et au Québec dans l’industrie de la construction, il importe de rappeler que les origines des deux systèmes comportent des différences importantes.

Issu en ligne directe du modèle états-unien, le régime ontarien repose sur le principe du monopole syndical rattaché à la notion de métier, un cadre formel de négociation éclaté selon le sous-secteur d’activité, une distinction assez claire entre les volets de la formation professionnelle et celui des relations du travail

10

et, enfin, sur un interventionnisme moins élevé de la part de l’État au regard du fonctionnement de l’industrie

11

. Cette réalité est facilement vérifiable au chapitre du placement de la main-d’œuvre alors que seules les dispositions conventionnelles régissent les mouvements de main- d’œuvre.

D’inspiration européenne

12

, le système québécois des relations du travail s’appuie d’abord sur la reconnaissance du pluralisme syndical dans toute l’industrie, l’existence d’une structure de négociation similaire dans les quatre secteurs définis à la loi — en l’occurrence un cadre multimétier —, des frontières plus floues entre les domaines de la formation et de la qualification professionnelles et celui des rapports collectifs du travail proprement dits, sans compter une présence plus significative de l’État dans l’organisation de l’industrie

13

.

Pour illustrer ces contrastes, seuls quelques faits sont ici rapportés qui peuvent en montrer l’importance. Ainsi, l’industrie ontarienne de la construction est divisée en sept secteurs distincts

14

pour la tenue des rapports collectifs du travail. Dans le seul qui est regroupé sous le secteur industriel, commercial et institutionnel et qui est totalement syndiqué, les syndicats de métiers concluent autant de conventions collectives d’étendue provinciale

qu’il y a de métiers ou d’unions. Il existe ainsi dans ce seul secteur 25 conventions collectives

15

, une par corps de métier. Dans les six autres secteurs, la loi permet actuellement la conclusion de conventions collectives à divers paliers, soit provincial, régional ou local, mais, en tout état de cause, les conventions collectives de portée provinciale ne visent qu’un corps de métier en particulier et ne lient que les entrepreneurs dont la main-d’œuvre est syndiquée. Dans le secteur de la construction résidentielle, là où le taux de syndicalisation est le moins élevé, les conventions collectives ont une portée locale ou régionale et il n’est pas aisé d’en évaluer l’incidence réelle sur les conditions de travail qui prévalent en milieu non syndiqué. Au Québec, où la syndicalisation est obligatoire lorsque les travaux de construction entrent dans le champ d’application de la loi régissant les rapports collectifs du travail, l’industrie est, depuis les amendements adoptés en 1993

16

, découpée en quatre secteurs

17

. Cependant, si les négociations sont conduites, dans chacun de ces quatre secteurs, à l’échelle provinciale ou nationale, elles visent, dans chacun des cas, tous les métiers et les tâches moins spécialisées regroupées sous la dénomination

«occupations», si bien que cette approche multimétier, fixée par la loi, doit donner lieu à quatre conventions sectorielles complétées par un ensemble de dispositions communes

18

. Vu sous cet angle, la connaissance des conditions de travail négociées en milieu québécois paraît plus facile à maîtriser, ne serait-ce qu’en raison du nombre de conventions collectives en vigueur, contrairement à ce qui peut exister en Ontario

19

.

Un second aspect à signaler porte sur les liens entre

la qualification professionnelle et les rapports collectifs du

travail. En Ontario, la formation en apprentissage et la

qualification professionnelle font l’objet d’une loi de portée

générale qui ne concerne pas uniquement l’industrie de

la construction. Il s’agit de la Loi sur la qualification

professionnelle et l’apprentissage des gens de métier

20

,

actuellement placée sous la responsabilité du ministre de

l’Éducation et de la Formation, qui fixe les grands principes

de fonctionnement du système de la qualification

professionnelle. Parmi ces principes, on remarque d’abord

que le caractère obligatoire du contrôle de la formation

professionnelle dans les métiers, sanctionné par la

délivrance obligatoire d’un diplôme ou d’un certificat de

compétence professionnel, est limité à quelques métiers,

en l’occurrence à dix-huit, dont huit dans l’industrie de la

construction

21

. Les notions de qualification facultative et

de programmes de formation agréés par les seuls

employeurs y sont expressément reconnues, ce qui

augmente d’autant les voies d’accès à la pratique de

plusieurs métiers et, de manière prosaïque, les types de

certificat dont on peut être titulaire. L’enregistrement des

apprentis est, tout comme au Québec, obligatoire, mais il

est davantage centré, du moins à première vue, sur le

soutien des individus en phase d’apprentissage : le dépôt,

auprès de la direction concernée au ministère de

l’Éducation et de la Formation, des contrats d’appren-

tissage conclus entre les employeurs et leurs apprentis

s’impose aux premiers tout comme l’attestation, par

module, de la maîtrise des connaissances requises au fur

et à mesure de la progression académique et profession-

(3)

8

nelle de l’individu. Enfin, et c’est sans doute là l’élément le plus important au point de vue social, l’élaboration des normes de qualification professionnelle, qu’il s’agisse de normes obligatoires ou volontaires, s’effectue sans doute avec la collaboration des acteurs de l’industrie concernée et, au premier chef, dans les secteurs où les interlocuteurs patronaux et syndicaux sont bien organisés, mais c’est l’État qui, au bout du compte, édicte les normes qu’il juge nécessaires et les fait appliquer

22

.

En contrepartie, la régulation du fonctionnement interne de l’industrie, en particulier au chapitre des relations du travail, est davantage laissée aux parties à la négociation collective. Par exemple, selon la tradition propre au syndicalisme nord-américain, les conflits de compétence de métier qui peuvent se présenter par rapport à l’exécution de certaines tâches sont résolus selon les mécanismes convenus entre les syndicats eux-mêmes.

Quant aux règles précises régissant les mouvements de main-d’œuvre et l’ordre des rappels au travail, elles sont fixées de manière conventionnelle.

Au Québec, la situation se présente de manière passablement différente. En effet, selon les dispositions de la loi

23

, le domaine de la qualification professionnelle des salariés est intimement lié au champ des relations du travail. Ce sont les interlocuteurs patronaux et syndicaux qui en gèrent le processus, par le truchement de l’orga- nisme tripartite qu’ils financent presque entièrement

24

, c’est-à-dire la Commission de la construction du Québec et, de manière plus précise, par le Comité sur la formation professionnelle dans l’industrie de la construction. De cette manière, la Commission soumet au ministre de tutelle, le ministre du Travail, les projets réglementaires visant à définir le cadre d’exercice des métiers et des «occupations»

de l’industrie, à le modifier au besoin ainsi qu’à veiller au respect des normes de pratique, notamment par la vérification des certificats de compétence des travailleurs de l’industrie sur les chantiers de construction. En vertu de la réglementation applicable, tous les métiers de l’industrie, au nombre de 26 depuis le début du mois d’août 1997

25

, sont assujettis à un processus obligatoire de qualification professionnelle, contrairement à ce qui prévaut en Ontario, et les examens visant à sanctionner la compétence des travailleurs — attestée par la délivrance d’un certificat de compétence-compagnon —, sont effectués sous la surveillance de la Commission elle-même.

De la sorte, un contrôle assez serré est exercé sur la main- d’œuvre dans l’industrie, d’autant que les heures de travail réalisées sur les chantiers de construction assujettis à la loi doivent être déclarées à cet organisme.

Le contrôle des acteurs patronaux et syndicaux sur l’offre de travail se manifeste également de diverses manières, par exemple la délivrance du certificat de compétence-apprenti au terme de la formation acquise en milieu scolaire, qui est rendue conditionnelle au dépôt d’une garantie de travail de 150 heures

26

ou encore par l’impossibilité d’obtenir un certificat de compétence- occupation, sauf lorsque les bassins régionaux de main- d’œuvre révèlent, dans le cas des manœuvres et des ouvriers semi-spécialisés, une pénurie de main-d’œuvre inférieure à 5 %

27

.

Quant au fonctionnement interne de l’industrie, l’encadrement législatif y occupe une place prépondérante, notamment au chapitre des relations du travail, en raison de la concurrence intersyndicale qui caractérise l’industrie.

En guise d’illustration, les conflits de compétence des métiers sont, chez nous, tranchés par un tribunal spécialisé, le commissaire de la construction. Dans un autre ordre d’idée, les efforts réalisés en 1993 et en 1995 par le législateur pour rapprocher le régime québécois des relations du travail du modèle canadien dans son ensemble ne l’ont pas empêché de maintenir le dispositif réglementaire sur le placement des salariés

28

, malgré la nouvelle possibilité d’introduire des dispositions relatives à la mobilité de la main-d’œuvre et aux mouvements de main-d’œuvre dans les conventions collectives sectorielles.

En réalité, l’exposé de ces quelques différences dans les régimes de rapports collectifs du travail se veut une simple illustration des obstacles institutionnels auxquels peut se buter la conclusion d’ententes intergouvernemen- tales sur la mobilité de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, sans parler des embûches politiques proprement dites, comme on aura l’occasion de le voir.

Les origines lointaines : le premier débat

Dans ce dossier, les premières frictions intergouverne-

mentales entre l’Ontario et le Québec apparaissent en

1977, au moment où le gouvernement québécois adopte

l’arrêté en conseil 3282-77

29

qui établit, après quelques

tentatives infructueuses

30

, un nouveau régime de sécurité

d’emploi. Ce règlement introduit notamment et ce, à

compter du 1

er

juillet 1978, un régime de préférence

d’emploi appuyé sur l’introduction d’un certificat de

classification désormais obligatoire

31

. La délivrance et le

renouvellement de ce certificat, assimilables pour bonne

part à une reconnaissance officielle de l’ancienneté et du

statut professionnel dans l’industrie, reposent sur deux

critères : le nombre d’heures travaillées dans la

construction au Québec ou hors Québec (a. 3.01 à 3.06

et 3.11)

32

ainsi que le statut professionnel selon qu’il s’agit

d’ouvriers spécialisés, non spécialisés ou d’apprentis. Ainsi,

quatre types de certificat («A», «B», «C» et «apprenti»)

peuvent être délivrés aux travailleurs domiciliés au Québec

(a. 12.14) mais, en contrepartie, on introduit la notion de

certificat de classification spécial à l’égard des travailleurs

domiciliés hors Québec (a. 3.07). Selon la règle fixée par

l’Office de la construction du Québec, la délivrance d’un

tel certificat spécial présuppose que le salarié ait

préalablement obtenu une garantie d’emploi d’un

employeur ontarien ou québécois enregistré à l’Office et

qu’on satisfasse à l’un ou l’autre des critères suivants :

l’absence de salarié titulaire d’un certificat de classification

qui soit disponible pour cet emploi ou la nécessité, pour

le travailleur domicilié hors Québec, de faire partie de la

main-d’œuvre régulière de l’employeur (a. 3.07). Dans les

faits, c’est sans doute la réalisation de la seconde

éventualité qui, seule, rendait probable l’entrée sur le

marché du travail québécois de travailleurs domiciliés hors

Québec. Le texte réglementaire ajoutait que les heures de

travail exécutées par le titulaire d’un certificat spécial ne

pouvaient être prises en compte pour l’obtention d’un

(4)

9

certificat de classification «régulier», à moins que le travailleur n’élise domicile au Québec (a. 3.08).

Ce sont ces dispositions qui, à l’époque, alimentèrent le débat politique entre les gouvernements de l’Ontario et du Québec, mais avant d’en traiter de manière spécifique, il paraît important d’indiquer de façon plus explicite les objectifs associés à cette réglementation. Il s’agissait de reconnaître les véritables travailleurs de l’industrie, par opposition à la main-d’œuvre occasionnelle qui y accédait pour gagner un revenu d’appoint, en établissant un ordre de préséance ou une préférence d’emploi, d’abord au bénéfice des titulaires d’un certificat de classification «A» à l’intérieur d’une région (a. 9.01).

On y consacrait aussi l’idée de la préférence d’embauche régionale et en matière de placement l’instauration d’un nouveau système axé sur la possibilité de recourir à divers canaux d’embauche, par exemple la référence par l’Office lui-même (a. 12.08), l’embauche sans intermédiaire (a.

12.02) ou le recours à une agence syndicale de placement, reconnue par l’Office (a. 11.01) et soumise à un code de déontologie (annexe «A» du règlement)

33

.

En réalité, le règlement de placement qui visait essentiellement à favoriser une priorité d’emploi et une moins grande insécurité du revenu aux véritables travailleurs de l’industrie rejoignait, dans sa finalité, la teneur des dispositions conventionnelles, observées ailleurs qu’au Québec, sur le régime de l’atelier fermé et, de manière corrélative, sur les bureaux de placement syndicaux : la répartition, aussi équitable que possible, des occasions d’emploi

34

. Les éléments distinctifs du règlement venaient de ce qu’il s’adressait, comme il se devait, à tous les acteurs du système assujettis au décret fixant les conditions de travail dans l’industrie et qu’il comportait expressément des dispositions relatives au domicile du salarié.

C’est ce dernier aspect qui souleva des objections de la part du gouvernement de l’Ontario. L’exigence du domicile québécois fut reçue très négativement car l’implantation du nouveau régime défavorisait les travailleurs ontariens, surtout ceux de la région d’Ottawa- Carleton, et élevait, prétendit-on à l’époque, une barrière à l’emploi jugée inacceptable, voire inconstitutionnelle, au regard du principe de la libre circulation des personnes d’une province à l’autre

35

.

La trame événementielle soulevée par ce débat a été rapportée avec beaucoup d’exactitude ailleurs

36

, si bien qu’il n’apparaît pas nécessaire d’insister outre mesure sur cette période de l’histoire qui s’étend approximativement de décembre 1977 jusqu’à mars 1979, plusieurs mois après la mise en œuvre du règlement de placement

37

.

Complétée par la consultation de la correspondance disponible entre les hauts fonctionnaires et les ministères du Travail de l’Ontario et du Québec

38

, la lecture des auteurs Leclerc et Sexton permet de tirer les enseignements suivants.

• Il se dégage d’abord l’impression d’assister à un dialogue de sourds, chaque partie se contentant

d’exposer, avec force détails, sa position. Du côté québécois, on insiste sur les fondements du régime de placement et la possibilité pour les travailleurs de l’Ontario d’obtenir, sur demande, un certificat de classification spécial lorsqu’ils font partie de la main- d’œuvre régulière d’un employeur et que ce dernier est en mesure de fournir une garantie d’emploi. Du côté ontarien, on invoque le caractère discriminatoire de l’article du règlement restreignant aux seuls salariés domiciliés au Québec l’accès aux certificats de classification «A», «B», «C» ainsi que ceux d’apprenti et, de manière corrélative, l’absence de réciprocité dans la reconnaissance des heures de travail (a. 3.08 et 3.11).

• On remarque aussi que le Québec a tenté, sans succès apparent, d’aborder le système ontarien des bureaux de placement et les effets discriminatoires que ce système pourrait entraîner à l’égard des salariés québécois membres de syndicats nationaux, par opposition aux unions dites internationales. Vu la réalité du pluralisme syndical au Québec, pouvait-on en effet imaginer que des bureaux de placement localisés en Ontario feraient régulièrement de la référence de salariés minoritaires, par exemple d’adhérents à la CSD-Construction ou à la CSN- Construction ? C’est probablement à cette réalité que le Québec faisait allusion lorsque, dans une proposition de règlement transmise officiellement à la partie ontarienne à la fin du mois de mars 1979, il lui demandait notamment :

«[...] de se pencher sur les problèmes qui pourraient être soulevés par une certaine discrimination à cause de leur appartenance [les salariés du Québec] à un régime syndical différent, qui pourrait être exercée à l’endroit du Québec […]

39

.

En plus du caractère quelque peu évasif de cette dernière requête, il y a lieu d’indiquer aussi que, s’agissant du point de vue de l’Ontario sur cette question, les autorités gouvernementales d’alors n’ont pas souscrit à l’idée que le fonctionnement des bureaux de placement syndicaux en Ontario pouvait engendrer des pratiques inéquitables ou discriminatoires à l’égard des Québécois, fondées sur le lieu de leur domicile.

• L’affaire a suscité de nombreuses réactions

médiatiques et politiques, surtout en juin et juillet

1978 dans la presse anglophone

40

, amplifiées par deux

événements concomitants : la demande du

gouvernement de l’Ontario aux autorités fédérales de

vérifier, auprès de la Cour suprême, la constitution-

nalité du règlement québécois

41

, et le dépôt à

l’Assemblée législative de l’Ontario de deux projets

de loi — l’un en mai 1978, l’autre en juin de la même

année — ayant pour effet de restreindre l’accès des

travailleurs québécois aux chantiers de construction

ontariens

42

. La menace de l’adoption d’une telle

législation n’a pas à l’époque infléchi la position du

Québec au regard de son règlement de placement.

(5)

10

(suite à la page 67)

• Lors de cette querelle Québec-Ontario sur le caractère apparemment irréconciliable entre l’objectif de l’entière mobilité de la main-d’œuvre dans la construction et celui de l’instauration d’une plus grande sécurité d’emploi dans cette industrie, des chiffres ont été véhiculés quant à l’importance relative du phénomène de la mobilité de la main-d’œuvre entre le Québec et l’Ontario. Par exemple, la partie québécoise estimait que, pour l’année 1977, près de 2 000 résidants ontariens avaient exécuté des travaux sur des chantiers de construction situés au Québec

43

, alors que la partie ontarienne évaluait entre 5 000 et 6 000 le nombre de salariés québécois ayant exécuté des travaux en Ontario

44

.

Deux remarques s’imposent relativement à ces données. Sans égard à leur degré de précision, il y a d’abord lieu d’ajouter que la très grande part des travailleurs ontariens concernés habitaient la région immédiate d’Ottawa (1 490 sur un total de 1 950, soit une proportion de 76 %), ce qui a naturellement conduit le Québec à proposer à l’Ontario de considérer la zone géographique d’Hull-Ottawa comme une région commune de placement aux fins de l’application du règlement en cause. En août 1978, cette proposition fut formellement rejetée. Dans un autre ordre d’idée, force est d’ajouter que la correspondance parcellaire à laquelle nous avons eu accès omet de relier ces données numériques à des indicateurs démographiques et économiques appropriés, par exemple la valeur des immobilisations dans les régions de l’Outaouais et d’Ottawa-Carleton, le nombre de travailleurs qui résident d’un côté ou de l’autre de la frontière et certains facteurs — dont le prix des maisons — pouvant expliquer cette distribution

45

. Pourtant, une telle analyse apparaît nécessaire si l’on cherche à apprécier l’importance relative du poids réel joué par ces territoires frontaliers par rapport aux règles sur le placement, afin de rendre compte du nombre de travailleurs qui se déplacent d’une province à l’autre près de la capitale fédérale.

• Qualifiée en 1980 «d’immense tempête dans un verre d’eau» par le ministre québécois du Travail et de la Main-d’œuvre, cette querelle ne connut pas de suites fâcheuses, du moins dans l’immédiat, entre les deux gouvernements, d’autant que, selon les propos du ministre québécois, «compte tenu de la diminution d’activité dans la construction, la proportion de travailleurs de la construction résidant à l’extérieur du Québec et qui viennent travailler sur les chantiers québécois est demeurée sensiblement la même avant et après l’adoption du règlement de placement

46

».

Même si la tempête s’était apaisée — et elle le fut de manière durable pendant plus d’une décennie —, rien n’assurait cependant que le calme relatif en résultant serait fixé à jamais, surtout lorsque les possibilités d’emploi se feraient plus rares dans l’industrie.

Les origines plus immédiates : les accords de décembre 1993 et de mai 1994

Lors de la conférence fédérale-provinciale et territoriale des premiers ministres sur l’économie tenue en novembre 1987, à peu près au moment où le Canada et les États- Unis achevaient la négociation en vue de la conclusion de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États- Unis (ALE), les dirigeants politiques avaient affirmé leur volonté d’éliminer ou, à tout le moins, de réduire les obstacles au commerce interprovincial en s’attaquant d’abord aux pratiques gouvernementales élevant de telles barrières. Ce n’est toutefois qu’en mars 1993 que s’amorcèrent des négociations multilatérales, globales et sectorielles, sous la conduite du Comité des ministres responsables du commerce intérieur. Ces pourparlers, qui devaient aboutir à la conclusion de l’Accord sur le commerce intérieur en juillet 1994

47

, n’empêchaient aucunement les gouvernements de négocier des ententes bilatérales sur des sujets d’intérêt commun, par exemple l’accès aux marchés publics, le commerce de la bière et la mobilité de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction. De plus, il est à noter que, lors d’une rencontre tenue en juin 1993, les membres de ce comité intergouvernemental avaient réitéré l’engagement pris en mars de la même année de ne pas élever de nouvelles barrières au commerce intérieur tant et aussi longtemps que se poursuivrait le processus de négociation multilatéral

48

et ce, malgré l’existence de problèmes soulevés bien avant la tenue de cette rencontre et qui mettaient en cause l’ouverture des chantiers québécois de construction aux travailleurs du Nouveau-Brunswick

49

. Sans doute pour tenir compte des représentations politiques du moment, le Conseil de gestion ontarien — l’équivalent du Conseil du trésor au Québec — avait pourtant adopté, dès septembre 1993, des directives internes à l’intention des ministères, des sociétés de la Couronne et des organisations du secteur parapublic qui bénéficient de transferts de crédits gouvernementaux. Ces directives introduisaient en matière d’achats publics des normes restrictives à l’égard des entreprises québécoises de construction ainsi que des matériaux fabriqués au Québec

50

. Plus tard, en l’occurrence le 25 novembre de la même année, le ministre du Travail de l’Ontario déposa à l’Assemblée législative le projet de loi 123, Loi de 1993 sur la gestion de la main-d’œuvre de la construction

51

, ayant pour objet d’interdire à tout résidant québécois de travailler en Ontario ou d’y fournir des services relatifs à la construction et ce, à compter du 4 avril 1994. Son adoption éventuelle aurait également prohibé aux entrepreneurs ontariens de recourir aux services de sous-traitants et de travailleurs québécois de la construction.

On s’explique d’autant moins ce geste, si ce n’est à la

lumière du déroulement de la première querelle entre les

deux gouvernements

52

, qu’au moment du dépôt de ce

projet de loi, le gouvernement du Québec avait déjà

présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi qui visait,

(6)

67

La mobilité de la main-d’œuvre...

(suite de la page 10)

pour l’essentiel, à mettre en place un nouveau régime de négociation collective dans l’industrie

53

et, de manière subsidiaire, à lever certains obstacles relatifs à la mobilité des entrepreneurs et des salariés et fondés sur le lieu de résidence.

De façon plus particulière, la «loi 142» soustrayait les salariés de l’industrie de l’obligation d’être domicilié au Québec comme condition de délivrance d’un certificat de compétence et elle conservait le droit, pour toute personne domiciliée hors Québec et titulaire d’un certificat de compétence, de choisir la région à l’intérieur de laquelle elle désirait exercer une préférence d’emploi

54

. En complément, le législateur retirait de la Loi sur le bâtiment

55

l’obligation d’avoir une «place d’affaires», c’est-à-dire un établissement situé au Québec, comme condition d’obtention de la licence d’entrepreneur en construction, obligatoire chez nous

56

.

C’est sur cette toile de fond, caractérisée à la fois par le dépôt d’un projet de loi public porteur de mesures de représailles à l’encontre du Québec et la volonté clairement manifestée par le Québec d’éliminer deux barrières importantes, que s’engagea la seconde manche de la négociation devant mener à la conclusion des premiers accords bilatéraux sur la mobilité de la main-d’œuvre.

Conjugués à l’importance économique des échanges commerciaux que l’Ontario et le Québec entretiennent au sein d’un même espace géographique

57

, tous ces facteurs ont exercé des pressions supplémentaires sur le Québec pour qu’il règle à l’amiable ce contentieux. Il en résulta une accélération des pourparlers et la conclusion, le 24 décembre 1993, d’une première entente bilatérale portant à la fois sur les achats gouvernementaux ou les marchés publics et la mobilité de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction

58

.

En réalité, cette première entente énonce, en matière de mobilité de la main-d’œuvre dans la construction, le principe du plein accès aux occasions d’emploi des travailleurs ontariens exerçant un métier ou une occupa- tion par la délivrance rapide et non discriminatoire des certificats de compétence en vigueur au Québec. En outre, elle engage les deux gouvernements à conclure, au plus tard le 31 mars 1994, «un accord complémentaire sur la reconnaissance mutuelle des qualifications, des compé- tences et des expériences de travail pour tous les corps de métier et occupations de la construction

59

».

Sur le plan des principes, l’Entente va encore plus loin quand elle fait obligation aux gouvernements de prendre les mesures nécessaires pour rétablir le plein accès aux occasions d’emploi et d’affaires s’il advenait que ce dernier se trouve compromis par des conventions collectives créant des conditions discriminatoires fondées sur le lieu de résidence. Cette entente traite aussi de l’assurance du Québec de ne pas fixer d’exigence de résidence ou de présence locale à l’égard des entrepreneurs en construction établis en Ontario. Enfin, en contrepartie de l’ensemble des obligations contractées par le Québec, l’Ontario convient de suspendre l’étude de la Loi de 1993 sur la gestion de la main-d’œuvre de la construction, puis à la

retirer lorsque les deux gouvernements estimeront que les dispositions de l’Entente auront été honorées

60

.

Cette entente de décembre 1993 a ouvert la voie à la signature de deux accords complémentaires, tous deux datés du 3 mai 1994. Le premier concrétise l’engagement de l’Ontario et du Québec à élaborer un système mutuel de reconnaissance de la qualification professionnelle des salariés de l’industrie

61

, tandis que le second porte sur l’achat de biens et de services par les gouvernements ainsi que sur l’attribution des contrats de construction

62

.

Quelques observations peuvent se dégager du résultat des négociations intergouvernementales ayant conduit à ces premiers accords sur la mobilité de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction.

• L’Entente de décembre 1993 et l’Accord complémen- taire se sont conclus, tout comme lors du débat de 1978 et 1979, sous la menace de l’adoption, par le gouvernement de l’Ontario, d’une loi destinée à restreindre l’accès au marché du travail des travailleurs québécois.

Dans le premier cas toutefois

63

, l’objectif visait surtout à stabiliser l’emploi dans l’industrie — tout comme le règlement québécois sur le placement — alors que le second projet de loi

64

comportait de réelles mesures de rétorsion contre le Québec. Non seulement les résidants d’une province désignée par le gouverne- ment de l’Ontario n’auraient pu, sous peine de sanctions sévères, travailler dans l’industrie de la construction en Ontario entendue dans un sens très large, mais ils n’auraient pu également y offrir des services professionnels, d’ingénierie ou d’architecture, par exemple, ou encore livrer des matériaux de construction.

• La signature de ces premiers accords sur la mobilité de la main-d’œuvre s’inscrit également dans un cadre où le discours politique est axé, au palier canadien, sur la nécessité, toujours actuelle

65

, de réduire les obstacles au commerce intérieur et, plus près de nous, sur une déréglementation substantielle des activités de construction résidentielle.

On se rappellera en effet que le projet de loi 142

66

retirait du champ d’application de la Loi sur les

relations du travail, la formation professionnelle et la

gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la

construction (L.R.Q., c. R-20) la construction de

bâtiments réservés exclusivement à l’habitation

lorsque ces derniers comprenaient, au total, huit

logements ou moins. Cette exclusion était de taille

puisqu’elle conduisait à soustraire du champ

d’application de la loi la construction de plus de 80 %

des unités de logement neuf mis en chantier au

Québec, soit l’équivalent de 90 % du marché de la

construction résidentielle

67

. Vu la forte intégration

économique des régions de Hull et d’Ottawa, cette

soustraction ouvrait une part importante du secteur

de la construction résidentielle à une concurrence

beaucoup plus vive sur le marché du travail et

(7)

68

s’inscrivait pleinement dans le courant néolibéral de la déréglementation.

Le gouvernement de l’Ontario, fut-il d’orientation néo- démocrate, s’est sans doute appuyé, entre autres considérations, sur les effets prévisibles de la libéralisation du marché du travail dans le secteur de la construction résidentielle, en particulier dans la région frontalière de l’Outaouais, pour adhérer à ces deux accords.

• Autre point commun avec la manière dont la problé- matique s’était posée en 1978 : l’accent placé sur le déséquilibre entre le nombre de résidants de l’Ontario, titulaires d’une exemption ou d’un certificat de compétence délivré par la Commission de la construction du Québec, et le nombre de travailleurs québécois, membres d’une section locale d’un syndicat de la construction dans la région de l’Est de l’Ontario. Considéré à lui seul, l’écart important entre les deux données (380 contre 4 200)

68

, à la défaveur de la main-d’œuvre ontarienne, laissait entendre que le régime québécois des relations du travail comportait des règles discriminatoires à l’égard des travailleurs hors Québec. Ici encore, ces données n’étaient pas placées en relation avec des indicateurs sociodémo- graphiques touchant l’importance et le poids des deux régions frontalières. C’est ainsi que, dans une note produite ultérieurement par le ministère québécois du Travail et remise aux représentants gouvernementaux de l’Ontario, l’auteur réitérait notamment l’une des conclusions formulées ailleurs

69

, à savoir que la dépendance de la population active de l’Outaouais envers les emplois en Ontario était dix fois plus grande que celle de la main-d’œuvre de la région métropoli- taine d’Ottawa à l’égard des emplois du Québec

70

. Comme cet aspect de la réalité n’a pratiquement pas été mis en relief lors des pourparlers et que le Québec évolue dans un environnement plus réglementé par l’État, on ne se surprendra pas si les engagements gouvernementaux au regard de la réglementation sur l’accès à l’industrie, qui sont consignés dans la partie 4 de l’Accord complémentaire du 3 mai 1994, ne s’adressent qu’au gouvernement du Québec.

• Tout comme en 1978, la conclusion d’accords bilatéraux s’inscrit également dans un contexte tout à fait particulier. Au début de 1994, en effet, la perspective de tenir une élection générale au Québec dans un avenir immédiat s’impose de plus en plus

71

et il paraît sans doute nécessaire, aux yeux des autorités gouvernementales, de démontrer leur capacité à tisser des liens solides avec d’autres gouvernements au Canada, à l’intérieur du cadre politique canadien. À cet égard, il est significatif d’observer que l’Accord complémentaire de mai 1994 a été signé par les premiers ministres eux-mêmes

72

, ce qui n’avait pas été le cas de l’Entente initiale du 24 décembre 1993.

• Portant exclusivement, comme le révélait son titre, sur la qualification professionnelle des salariés de l’industrie, l’Accord complémentaire de mai 1994

laissait irrésolus deux problèmes importants : la portée ou l’étendue du champ d’application de l’Accord et l’engagement du Québec à réformer, de manière substantielle, le système de qualification en vigueur dans le cas des occupations. Au surplus, une difficulté supplémentaire allait apparaître au regard d’une exigence légale faite aux entrepreneurs en construction domiciliés en Ontario et qui n’avaient aucun établissement au Québec.

En ce qui concerne l’étendue du champ d’application de l’Accord, le mot «construction» ne reçoit pas une même acception au Québec et en Ontario et ce, pour des raisons institutionnelles. Au Québec, c’est le champ d’application de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction qui, globalement, détermine l’assujettissement des travaux aux exigences de qualification professionnelle imposées aux salariés. En Ontario, celles-ci proviennent soit de la législation, soit des normes conventionnelles ou encore de règles fixées par les employeurs.

Au Québec, par exemple, les travaux de montage du verre plat étaient régis, jusqu’à tout récemment, par la Loi sur les décrets de convention collective et cela, depuis 1973

73

; par voie de conséquence, le métier de monteur-mécanicien relevait d’un régime particulier de qualification professionnelle hors construction, ce qui n’était pas le cas en Ontario. À l’inverse, le lavage extérieur des vitres des édifices en hauteur faisait partie, en Ontario, des travaux exécutés par les manœuvres syndiqués dans le secteur industriel, commercial et institutionnel de l’industrie de la construction. Au Québec, les mêmes tâches étaient confiées à des salariés ou à des artisans du personnel d’entretien d’édifices publics

74

.

Mais de manière encore plus significative, la définition du terme métier ne coïncidait pas au Québec et en Ontario, au point où des tâches particulières pouvaient relever, dans le premier cas, d’une partie des activités confiées au compagnon alors que, dans le régime ontarien de qualification professionnelle, de telles fonctions ne dépendaient pas nécessairement d’un système formel de sanction des compétences. Enfin, certaines occupations, telles qu’elles sont définies au Québec, par exemple les soudeurs ou les monteurs de ligne, sont plutôt assimilées à des métiers dans le contexte ontarien.

La seconde difficulté laissée en héritage dans l’Accord de mai 1994 avait précisément trait à la réforme du système de qualification régissant l’accès aux occasions d’emploi qui peuvent se présenter dans le cas de l’une ou l’autre des occupations au Québec.

Vu le taux élevé de disponibilité des travailleurs

québécois titulaires d’un certificat de compétence-

occupation et considérés comme actifs dans

l’industrie, une solution de compromis avait dû

être élaborée, d’autant que la partie ontarienne

recherchait un accès généralisé aux possibilités

d’emploi comme manœuvre semi ou non spécialisé,

(8)

69

à l’avantage de ses salariés expérimentés. Jumelée à l’engagement de la partie québécoise de changer substantiellement le système de qualification dans les occupations, la solution de compromis comportait un double volet : la possibilité, pour les salariés permanents de l’entrepreneur ontarien, d’obtenir des exemptions temporaires de l’obligation de détenir un certificat de compétence-occupation lorsqu’ils accompagnent leur entrepreneur au Québec et, de manière concurrente, la fixation de quotas d’exemptions, valables dans trois régions de placement, pour ceux qui cherchent de l’emploi de leur propre chef

75

.

Le pendant de cette ouverture partielle, c’est-à-dire la réforme des exigences professionnelles dans le cas des occupations, devait se concrétiser au plus tard le 30 juin 1995, précisait le texte de l’Accord. En réalité, ce sont de nouveaux amendements introduits en février 1995

76

à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main- d’œuvre dans l’industrie de la construction qui disposèrent en quelque sorte de cet engagement.

L’adoption du projet de loi 46 donnait d’ailleurs suite à une promesse électorale formulée par le parti appelé à former le gouvernement en septembre 1994 : la réinsertion, dans le champ d’application de la loi régissant les relations du travail dans l’industrie, des travaux de construction de bâtiments de huit logements ou moins exclusivement réservés à l’habitation et, par voie de conséquence, la restaura- tion de l’obligation de détenir le certificat de compé- tence approprié (compagnon, apprenti ou occupation) pour accéder aux chantiers de construction, sans égard au secteur considéré

77

.

On imagine sans peine que la partie ontarienne a réagi de manière négative à ce rétablissement du champ d’application de la loi, sachant que cette modification avait pour conséquence principale de soumettre à nouveau aux exigences légales et réglementaires un secteur de l’activité très peu syndiqué chez elle, du moins en dehors des milieux urbains comme Ottawa et Toronto. Pour tenter de rétablir un équilibre que l’Ontario considérait comme rompu à la suite du dépôt du projet de loi, le Québec dut consentir à introduire dans le texte de loi diverses mesures — certaines temporaires, d’autres permanentes␣ — de nature à faciliter l’intégration à l’industrie des travailleurs au secteur résidentiel. Ces mesures ont été décrites ailleurs

78

mais, par-delà le nombre important d’articles de loi consacrés à ces mesures dont certaines ne s’adressaient qu’aux travailleurs ontariens, l’accès aux possibilités d’emploi dans les occupations s’en trouva facilité, du moins pour les travailleurs domiciliés en Ontario. Il leur était désormais possible d’obtenir une exemption de l’obligation de détenir un certificat de compétence-occupation pourvu qu’ils aient au préalable exécuté en Ontario des tâches rattachées à une ou plusieurs de ces occupations. Comme de telles exemptions pouvaient désormais être renouvelées sans frais sur une base annuelle, sous réserve de conditions minimales à satisfaire, il devenait alors

beaucoup plus facile à ces travailleurs d’accéder aux chantiers québécois de construction. Faut-il pour autant en conclure que le gouvernement venait, par ces dispositions, honorer son engagement de

«réformer en profondeur [...] le système de qualification en vigueur dans le cas des occupations régissant le secteur réglementé de l’industrie de la construction

79

» ?

Considérée de manière formelle, la réponse à cette question devrait être négative, d’une part parce que les solutions retenues dans le cadre de la «loi 46» ne modifiaient pas en substance les règles relatives à la reconnaissance de la qualification professionnelle dans les occupations, d’autre part parce que le dispositif des exemptions récurrentes que nous venons d’évoquer ne s’adressait qu’aux seuls travailleurs domiciliés en Ontario. À notre avis, l’introduction de telles exemptions servait davantage de mesure compensatoire partielle au réassujettissement de la construction résidentielle au champ d’application de la loi. Avec le recul du temps, cette conclusion s’impose avec plus de certitude, d’autant que l’Entente de décembre 1996, décrite plus loin, a notamment eu pour effet de remplacer cet accord de mai 1994 et, par voie de conséquence, de délier le gouverne- ment du Québec des engagements qu’il avait pris en vertu de cet accord

80

.

La dernière difficulté majeure découlait de l’adoption de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales

81

qui vise essentiellement à protéger le public dans ses relations économiques avec les entreprises, en lui permettant d’avoir accès à des informations fiables sur leur identité et ce, peu importe leur forme juridique. Adoptée en 1993 à peu près au même moment où l’Assemblée nationale disposait du projet de loi 142

82

, elle oblige les assujettis, en l’occurrence les personnes morales, les sociétés et les personnes physiques

83

, à s’immatriculer auprès du greffier de la Cour supérieure ou de l’Inspecteur général des institutions financières, selon l’identité de l’assujetti.

La loi sur la publicité légale introduit aussi l’obliga- tion, pour l’assujetti n’ayant pas de domicile ou d’établissement au Québec, de désigner un fondé de pouvoir qui, lui, doit résider au Québec. Assimilable en droit commercial à la notion civiliste de mandataire, ce fondé de pouvoir représente l’assujetti aux fins de l’application de la loi et de toute procédure qui peut être exercée contre lui en vertu d’une loi, même après la radiation de son immatriculation. C’est dire qu’à peu près au même moment, les entrepreneurs domici- liés en Ontario n’étaient plus tenus de déclarer une

«place d’affaires» située au Québec pour obtenir une licence d’entrepreneur, mais qu’en vertu d’une autre législation, ils devaient désigner un fondé de pouvoir résidant au Québec !

Dès la conclusion de l’Accord complémentaire de mai

1994, l’apparente contradiction entre ces deux

principes alimenta un certain ressentiment du côté

ontarien, notamment chez les entrepreneurs en

(9)

70

construction de la région d’Ottawa-Carleton, et ce, pour les motifs suivants. La contiguïté temporelle de l’adoption des deux lois fit d’abord douter de la volonté réelle du Québec à lever les obstacles à la mobilité d’autant que celui-ci, dans l’Entente de décembre 1993, s’était lié de la manière suivante :

Le gouvernement du Québec s’engage de plus, en ce qui concerne les entrepreneurs et sous-traitants, à ce que dès le, à partir du et après le 31 mars 1994 :

— pour les entrepreneurs établis en Ontario, il n’y aura pas d’exigence de résidence ou de présence locale pour l’attribution des permis ou pour la participation comme entrepreneur et comme sous-traitant dans l’industrie québécoise de la construction [...]

84

.

Au surplus, l’exigence québécoise au regard du fondé de pouvoir ne trouvait pas de contrepartie dans la législation ontarienne, du moins pour les personnes morales. La Loi sur les personnes morales extraprovinciales

85

introduisait bien l’obligation de désigner un mandataire — chargé, tout comme le fondé de pouvoir, de recevoir signification des brefs, des avis ou d’autres actes de procédure — mais cette exigence ne visait que les personnes morales constituées ou maintenues en vertu des lois relevant d’une compétence législative extérieure au Canada.

Cette difficulté fut finalement aplanie en juin 1996 lorsque le gouvernement prit un décret qui dispense maintenant les entrepreneurs en construc- tion établis en Ontario, mais qui sont domiciliés au Canada, de l’obligation de désigner un fondé de pouvoir, sauf s’il s’agit de sociétés en commandite

86

.

La querelle de 1996

À la faveur de la tardiveté du règlement survenu dans le dossier du fondé de pouvoir et, de manière plus persistante, des pressions exercées par les partenaires de l’industrie de la région d’Ottawa-Carleton

87

, les critiques du gouvernement ontarien se firent de plus en plus virulentes à l’égard de la maigreur des résultats obtenus en matière de mobilité depuis la conclusion de l’Accord du 3 mai 1994 et, surtout, des contraintes encore imposées par le Québec aux entrepreneurs et aux salariés ontariens de l’industrie. Misant à la fois sur la volonté affirmée du gouvernement du Québec de développer des partenariats économiques avec d’autres gouvernements au Canada et en utilisant comme levier une nouvelle menace de l’adoption d’une loi parrainée par un député de l’opposition officielle

88

, l’Ontario réussit, tout comme en 1993, à prendre l’initiative de la négociation d’une nouvelle entente sans devoir recourir au mécanisme de dénonciation déjà prévu dans l’Accord alors en vigueur, lequel prévoyait un préavis minimum de six mois

89

.

Dès le mois de mars 1996, la partie ontarienne sensibilisa ses vis-à-vis du Québec au caractère insatisfaisant des résultats de l’Accord et à son intention de fixer des objectifs quantitatifs à court et moyen terme pour en mesurer l’efficacité. En effet, à la fin de mars et malgré la relativité des données prises isolément, l’Ontario

pouvait faire état d’une disproportion marquée entre le nombre de salariés québécois exécutant des travaux sur des chantiers syndiqués de la région d’Ottawa et celui des salariés ontariens qui avaient bénéficié des dispositions de l’Accord ou des avantages consentis en vertu des dispositions de la «loi 46»

90

. Selon elle, en effet, il y avait toujours plus ou moins 4 000 Québécois du côté ontarien de la rivière Outaouais contre 426 Ontariens

91

de l’autre côté de la rive.

On mit aussi en cause la pertinence même du système des examens de qualification professionnelle comme condition de délivrance de la licence, exigée en vertu des dispositions de la Loi sur le bâtiment, les contrôles bureaucratiques et les délais d’obtention des licences, des certificats de compétence et des exemptions. L’Ontario réclama en outre d’élargir la portée de l’Accord, tant au regard du nombre de certificats ontariens pouvant faire l’objet d’une reconnaissance officielle que du bassin même des tâches appariées.

La volonté politique du Québec d’aplanir rapidement ces difficultés, sans doute stimulée par la crainte de représailles économiques réelles ou appréhendées, se manifesta par la brièveté du calendrier fixé pour en arriver à une entente et, par voie de conséquence, par le tempo accéléré des pourparlers. Même si la négociation débuta plus formellement en août, on en arriva à un accord de principe au début d’octobre, puis à la conclusion d’une entente comme telle le 6 décembre 1996.

Signalons, enfin, que cette entente remplace entière- ment l’Accord du 3 mai 1994 et qu’elle fut complétée en mars 1997 d’un addenda signé par les premiers ministres concernés. Dans cet ajout, on y traite notamment de l’achèvement et de la distribution d’un guide relatif à l’application du texte de l’Entente, de la tenue d’une réunion, en 1997, du comité tripartite — appelé

«Observatoire» — mandaté pour en cerner les difficultés d’implantation et, de manière plus générale, de la poursuite des travaux devant mener à une plus grande mobilité de la main-d’œuvre.

D’un point de vue formel, nous nous trouvons donc devant une situation pour le moins complexe sur cette question. En plus du chapitre sept de l’Accord sur le commerce intérieur concernant la mobilité de la main- d’œuvre, deux accords bilatéraux coexistent, ceux de décembre 1993 et de décembre 1996, sans compter les mesures récurrentes introduites en février 1995, dans le projet de loi 46

92

, pour faciliter l’accès des travailleurs domiciliés en Ontario sur les chantiers québécois. Pourtant, la mobilité de la main-d’œuvre interprovinciale est et demeurera encore un enjeu politique, ne serait-ce qu’en raison des difficultés d’application sur le terrain où se vit le quotidien des relations du travail.

11. Il s’agit de l’Entente entre l’Ontario et le Québec sur la mobilité de la main- d’œuvre et la reconnaissance de la qualification professionnelle des compétences et des expériences de travail dans l’industrie de la construction.

Conclue le 6 décembre 1996, cette entente est entrée en vigueur le même jour et elle a été signée par les ministres du Travail et les ministres responsables des Affaires intergouvernementales canadiennes.

12. Sur cette question, voir par exemple Steven G. Allen, «Developments in Collective Bargaining in Construction in the 1980 s and 1990 s», dans Paula

(10)

71

B. Voos (sous la dir.), Contemporary Collective Bargaining in the Private Sector, Madison, Wisconsin, Industrial Relations Research Association, 1994, aux pages 411 à 445, et plus particulièrement aux pages 412 et 413 ; André Bergeron et Frédéric Bessette, «L’industrie de la construction␣ : un monde en soi, un monde à part ou des relations particulières (1re partie)», L’Écriteau, vol. 4, n° 3, septembre 1996, aux pages 10 et 11 ; Gérard Hébert, Traité de négociation collective, Boucherville, Gaétan Morin, 1992, 1 242 pages, aux pages 1035 et 1036 ; Claudine Leclerc et Jean Sexton, La sécurité d’emploi dans l’industrie de la construction au Québec. Un rêve impossible?, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1983, 275 pages, aux pages 28 à 34 en particulier.

13. Pour se convaincre de la prépondérance et de la variété de l’expertise professionnelle mise à contribution lors de la réalisation de travaux de construction, il n’est que de considérer les données factuelles suivantes. Au 31 décembre 1996, on dénombrait un total de 97 345 certificats de compétence en vigueur au Québec et la proportion de certificats délivrés par la Commission de la construction du Québec aux manœuvres et aux ouvriers semi ou non spécialisés ne représentait qu’environ 15 % du nombre de certificats (14 459). On note aussi que le système québécois de qualification professionnelle reconnaît 24 métiers distincts, dont 3 (électricien, opérateur d’équipement lourd et tuyauteur) comportent une ou plusieurs spécialités.

Voir à ce sujet Commission de la construction du Québec, La Commission de la construction du Québec, un lieu de concertation pour l’industrie, deuxième édition, janvier 1997, miméo, 51 pages, aux pages 12 et 13 ; Règlement sur la formation professionnelle de la main-d’œuvre de l’industrie de la construction (c. R-20, c. 6.2) à l’annexe A.

14. De telles clauses d’atelier fermé rendent l’adhésion syndicale non seulement obligatoire, mais elles font de cette appartenance une condition préalable à l’embauche et au maintien de l’emploi. D’où l’importance de l’institution syndicale aux yeux du travailleur, d’autant que de telles dispositions sont jumelées, dans le modèle nord-américain, à l’existence des bureaux de placement syndicaux. Appliquée à l’industrie de la construction, la distinction semble plus ténue qu’il n’y paraît entre des clauses d’atelier fermé et d’atelier syndical parfait, dans la mesure où les nouveaux travailleurs peuvent aisément, et sans discrimination, joindre les rangs du syndicat pouvant leur fournir de l’emploi. Sur ces distinctions et leurs modalités d’application dans l’industrie de la construction, voir Gérard Hébert, op. cit., 1992, aux pages 98 à 104 ; Gérard Picard, «La sécurité syndicale et le syndicat», dans Convention collective - Sécurité syndicale, rapport du deuxième congrès des relations industrielles de Laval, Québec, Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, 1947, 1 992 pages, aux pages 151 à 166.

15. De tels bureaux de placement, appelés autrement bureaux d’embauchage syndical, ne se limitent généralement pas à fournir un service de présentation des salariés aux divers employeurs. Dans l’industrie de la construction, en effet, l’efficacité de tels organismes dépend de l’engagement formel des employeurs à recruter exclusivement auprès d’eux la main-d’œuvre dont ils peuvent avoir besoin. Une telle pratique dispense d’ailleurs les employeurs de l’industrie, surtout ceux de petite taille qui en forment le segment le plus important sur le plan numérique, de consacrer beaucoup d’énergie au recrutement et à la sélection de la main-d’œuvre.

16. Sur cette question, voir en particulier Steven G. Allen, 1994, supra, note 2, aux pages 418 à 420 et 428 à 435 et, du même auteur, «Declining Unionization in Construction: The Facts and the Reasons», Industrial and Labor Relations Review, vol. 41, n° 3, avril 1988, aux pages 343 à 359. Dans un volume comparant la présence syndicale aux États-Unis et au Canada, l’auteur fait valoir que le déclin du syndicalisme américain a été plus marqué dans les secteurs d’activité traditionnels, y compris dans l’industrie de la construction.

Voir à ce sujet Pradeep Kumar, From Uniformity to Divergence: Industrial Relations in Canada and the United States, Kingston, IRC Press, 1993, 195 pages, aux pages 11 à 19. Dans un tableau tout à fait significatif produit aux pages 34 et 35, cet auteur montre l’évolution de la densité syndicale, ventilée sur la base du secteur d’activité économique, dans les deux pays. Entre les années 1968 et 1989 inclusivement, le taux de syndicalisation dans l’industrie de la construction est passé, aux États-Unis, de 70,1 à 21,5, en baisse de plus de 48 points de pourcentage. La même tendance était observable dans l’ensemble canadien, mais de façon beaucoup moins abrupte. En effet, la densité syndicale dans la construction était passée de 60,1 à 53,5, en baisse de 7 points de pourcentage environ, au cours de la même période d’observation.

17. Malgré les pressions concurrentielles de plus en plus vives exercées sur le milieu syndiqué au Canada, l’auteur d’un bilan sur l’évolution des relations du travail dans l’industrie de la construction au cours de la décennie 1980 n’en conclut pas moins qu’à l’exception de la situation observée en Alberta et en Saskatchewan, l’institution de la négociation collective a su, dans les autres provinces, s’adapter aux conditions du marché. Il constate aussi le caractère mineur des changements apportés à des mécanismes tels que les clauses d’atelier fermé, le recours aux bureaux de placement syndicaux, l’usage de la sous-traitance ainsi que les exigences en matière de placement. Il ajoute enfin que, même en Alberta et en Saskatchewan, les travaux sur les grands chantiers ou les projets spéciaux ont continué d’être réalisés en grande partie, sinon totalement, par des salariés syndiqués. Voir Joseph B. Rose, «Industrial Relations in the Construction Industry in the 1980 s», dans Richard P. Chaykowski et Anil Verma (sour la dir.), Industrial Relations in Canadian Industry, Toronto, Holt, Rinehart and Wiston, 1992, 491 pages, aux pages 187 à 219 et, de manière plus particulière, aux pages 215 et 216.

18.Supra, note 7, à la page 198.

19. Pour la donnée ontarienne, voir ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario, ministère du Travail de l’Ontario et ministère du Travail du Québec, Guide d’application de l’Entente de décembre 1996 entre l’Ontario et le Québec sur la mobilité de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, Québec, polycopié, mai 1997, 202 pages plus annexes, à la page 4. Le taux de 1996 se compare sensiblement au taux de syndicalisation (61,6 %) publié par Statistique Canada pour l’année 1992, dernière année pour laquelle de tels renseignements sont disponibles. Voir Statistique Canada, CALURA, Labour Unions/Syndicats 1992, catalogue 71-202, Ottawa, novembre 1994, 47 pages, à la page 39 (annexe 1.6). S’agissant du taux québécois fixé à 70 %, il est tiré du texte suivant : Réjean Courchesne et Roger Shawl «La présence syndicale au Québec en 1996», Le Marché du travail, vol. 18, nos 1 et 2, janvier-février 1997, aux pages 6 à 8 et 97 à 99, et, de manière précise, du tableau présenté à la page 7. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un taux de syndicalisation, mais plutôt d’un taux de protection des salariés par convention collective. En réalité, cette distinction apparaît plutôt secondaire dans le cas qui nous occupe étant donné que le numérateur comprend le nombre total des salariés actifs de l’industrie, tel que le rapporte la Commission de la construction du Québec,

— qui sont tous syndiqués — ainsi qu’un nombre restreint de salariés visés par une convention collective conclue en vertu du Code du travail.

10. Alors que le régime des rapports collectifs du travail est régi par la Loi de 1995 sur les relations du travail (L.O., 1995, chap. 1) et plus particulièrement par les articles 126 à 168, le domaine de la formation professionnelle et de l’apprentissage relève d’une loi complètement distincte, la Loi sur la qualification professionnelle des gens de métier et des apprentis (R.S.O., 1990, chap. T.17).

11. Si la Loi de 1995 sur les relations du travail prévoit, à l’article 168, la création d’un organisme tripartite ayant pour objet d’aider les parties à la négociation collective dans le secteur industriel, commercial et institutionnel, il n’en demeure pas moins que les dispositions particulières de la loi quant au fonctionnement interne de l’industrie et au contenu des conventions collectives sont à peu près silencieuses, sauf pour ce qui concerne la reconnaissance des parties, le champ d’application des conventions collectives et la durée préfixe des conventions provinciales, en l’occurrence tous les trois ans, au 30 avril, après le 30 avril 1992. Voir en particulier les articles 47, 51 (4), sous par. d), 127, 151 et 162 (3) de la loi.

12. Sur les origines du système québécois des relations du travail dans l’industrie de la construction, fondées sur le régime des décrets de convention collective, lui-même d’inspiration européenne, voir notamment Commission de la construction du Québec, Historique des relations du travail dans l’industrie de la construction au Québec, Montréal, Service recherche et organisation, décembre 1990, polycopié, 50 pages, aux pages 1 à 3 ; Gérard Hébert, Les relations du travail dans la construction au Québec. Première partie␣ : régime des relations du travail, étude publiée par le Conseil économique du Canada, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1977, 182 pages plus appendices, aux pages 5 à 24 en particulier.

13. Non seulement l’État contrôle-t-il et gère-t-il à l’heure présente la qualification professionnelle des entrepreneurs de l’industrie, mais le caractère pluraliste du syndicalisme l’a conduit à identifier, de manière législative, les associations représentatives (groupements syndicaux reconnus), à préciser le rôle des divers intervenants patronaux au regard de la négociation collective, à identifier des clauses interdites et celles qui doivent être communes aux conventions sectorielles. Au surplus, l’État confie à la Commission de la construction du Québec le mandat de collaborer à l’application des lois fiscales dans l’industrie, dans le but évident de contrer le travail au noir. Voir en particulier la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) et les articles suivants de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (L.R.Q., c. R-20) : 7.1, 7.3, 28, 41, 61.2, 61.1 et 4, 9°, dernier alinéa.

14. Il s’agit des secteurs suivants : 1) industriel, commercial et institutionnel ; 2) l’habitation ; 3) les routes ; 4) les conduites d’eau et les égouts ; 5) l’industrie lourde ; 6) les canalisations (pipelines) ; 7) le réseau d’énergie hydroélectrique.

Voir la définition du mot secteur à l’article 126 de la Loi de 1995 sur les relations du travail.

15. Voir à ce propos ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario, ministère du Travail de l’Ontario et ministère du Travail du Québec, supra, note 9, mai 1997, à la page 4.

16. C’est la Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction et modifiant d’autres dispositions législatives (projet de loi 142, devenu le chapitre 61 des lois de 1993) qui a introduit dans l’industrie le principe de la négociation sectorielle, rompant ainsi avec l’approche industrie (une seule convention collective étendue par voie de décret) établie en 1968.

Voir au paragraphe 10° de l’article 1 de la loi précitée.

17. Il s’agit des secteurs suivants : 1) génie civil et voirie ; 2) industriel ; 3) institutionnel et commercial ; et 4) résidentiel. Voir à ce sujet les paragraphes c.2), v), w), x) et y) de l’article 1 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction.

18. Les dispositions communes aux quatre conventions sectorielles sont énumérées à l’article 61.1 de la «loi R-20». Au moment où ces lignes sont écrites, en l’occurrence en juillet 1997, trois des quatre conventions collectives avaient été signées le 27 avril 1997 (secteurs industriel, institutionnel et commercial) ou le 9 mai 1997 (secteur du génie civil et de la voirie), en plus des dispositions communes (le 9 mai 1997).

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