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LES ROSES DUDIABLE ou (L'OASIS DU NORD)

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Academic year: 2022

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LES ROSES DU DIABLE ou

(L'OASIS DU NORD)

(3)

DU MEME AUTEUR

LAURA SCOTT. Roman. (Epuisé). Ed. M. Gasnier, Paris.

CONTES NOCTURNES. (Epuisé). Les Presses Lit- téraires de France.

LE CHATEAU D'APHRODITE. Editions de l'Ara- besque, Paris.

EN PRÉPARATION

« CAPTAIN FLAG » ou NOUS N'IRONS PLUS A OLIBA. Roman.

LE BLUFFEUR. Roman.

UNE PARTIE DE POKER. Roman.

LA DAME DE LONDRES. Roman.

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NOUVELLE COLLECTION ECLECTIQUE - ROGER DUGÉNY

LES ROSES DU DIABLE

(L'OASIS DU NORD) OU

EDITIONS DE L'ARABESQUE 50, rue Damrémont

— PARIS —

(5)

Copyright 1966 by Editions de l'Arabesque Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays,

y compris l'U.R.S.S.

(6)

A mes camarades, Français et Indigènes, des 7e et 10e Régiments de Tirailleurs Marocains.

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(8)

AVERTISSEMENT

Il serait vain de vouloir orthographier les expres- sions originales contenues dans cet ouvrage. S'il existe des manuels où nos caractères latins s'érigent en traducteurs des signes de l'alphabet arabe, c'est que la mémoire visuelle s'avère indispensable pour fixer certains mots dans l'esprit.

Ceci dit, que sont ces règles ? Que valent-elles ? Sont-elles immuables ? Elles sont de celles qui, en principe, doivent assimiler, ne valent souvent que pour la forme parce qu'il en faut une et que l'on ne saurait apprendre totalement sans lire, ne sont immuables que dans la mesure où il est estimé, à tort ou à raison, qu'une lettre est censée corres- pondre à un signe.

En ce qui concerne ces phrases et l'usage que fen fais dans ce livre, je n'ai pas le sentiment de porter atteinte à des règles gramnwticales qui, si elles sont strictement établies et respectées dans les Etats du Proche et du Moyen-Orient, ne le sont plus dans le Maghreb et en Lybie, sinon par ceux qui ont le privilège de pouvoir fréquenter les Univer- sités. D'une sécheresse toute militaire, très souvent imparfaites, elles sont moins une prétention qu*un

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désir de faire renaître une ambiance que certains de mes lecteurs ont connue.

Ainsi va ce récit. Bon voyage et bon vent. Si toutefois ses dialogues devaient en ralentir la course, il me resterait l'excuse de pouvoir dire à l'exemple de l'Arabe : « C'était écrit ».

Roger DUGENY.

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PREMIERE PARTIE

« Ce que je bois est si doux et si fort ! Et ma bien-aimée est si belle, plus belle que toutes les images de ce monde ! »

HAFIZ.

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CHAPITRE PREMIER

Cinq mètres sur cinq représentent les dimen- sions de la construction que j'occupe depuis bientôt huit mois. Je n'ose appeler bâtiment ce fortin minuscule qui sert de relais téléphonique au com- mandement militaire de cette région du Moyen- Atlas.

L'unique fenêtre, à gauche, et la porte, à droite, sur le même plan, encadrent la caisse vernie de l'appareil téléphonique. Le cuivre des petits vo- lets d'appel est noir, sauf celui de Midelt, avec qui je converse quotidiennement, et celui de Ksar-es- Souk dont je suis l'intermédiaire pour les messages vers le nord.

Ma tâche n'est pas compliquée mais m'oblige à une présence continuelle dans le cadre des murs blanchis à la chaux.

J'ai installé la lourde table devant la fenêtre, et c'est là que je passe la plus grande partie du temps que j'ai à perdre. De cette position, le re- gard embrasse tout le paysage et voit ce qu'il y a de visible dans ce décor dantesque : des blocs rocheux, auréolés de poussière blonde, cernent presque complètement Ibn-el-Hadji qui somnole à l'ombre de son minaret. A gauche de la petite

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palmeraie, Zemour-Dinn, village berbère accroché aux premiers contreforts de l'Atlas, entasse ses loggias cubiques au-dessus des pentes rocailleuses de la montagne des Djinns (1). Plus à gauche encore, c'est la piste qui remonte vers le nord et rejoint celle près de laquelle campent les gou- miers du capitaine de Ranaudy.

Je connais bien leur toubib, il me rend visite une fois par mois. L'adjudant-chef Bidet, qu'il faut appeler mon lieutenant (2), vient également me voir et ne me quitte qu'après avoir bu tout le pernod espagnol que j'ai la faiblesse d'acheter régulièrement.

Quant aux indigènes, je n'ai guère de rapports avec eux si ce n'est avec un brigadier-chef des goums qui m'apporte des cigarettes et me vend du Kif (3).

Si-Aziz, qui fait aussi office de vaguemestre, est un Chleuh au regard dur, aux traits tourmen- tés de montagnard. La petite étoile bleue tatouée juste sur le bout de son nez lui donne au premier abord un aspect effrayant, farouche, un air obstiné de réfractaire à toute pénétration européenne dans ce pays qui est sien, et quel qu'en soit le but.

Cependant j'ai pu me rendre compte que Si-Aziz est honnête, loyal et surtout courageux comme le sont les guerriers de sa race.

(1) Génies, enchanteurs. Les Arabes du Maroc pronon- cent : Djnins.

(2) Dans la cavalerie et dans l'artillerie, il est d'usage de nommer ainsi les adjudants et adjudants-chefs.

(3) Feuilles de chanvre indien que l'on mélange au tabac ; l'abus de cette composition grise et finit par intoxiquer, bien qu'elle soit infiniment moins dangereuse que l'opium.

(14)

Il m'a promis de me ramener une femme à son prochain retour de permission. Pas une Chleuha, certes, mais une Arabe ou même une Berbère, à la rigueur, bien qu'il lui soit très certainement pénible de montrer la faiblesse d'une fille de la montagne pour la bourse d'un roumi (4).

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, je n'éprouve nullement le besoin d'exagérer en parlant de ma bourse. Ici, je suis au prêt-franc;

j'ai droit à la prime journalière octroyée à chaque militaire détaché de son régiment et se trouvant dans l'impossibilité de se nourrir à une popote collective.

Ainsi, avec mes douze francs par jour, je puis m'offrir le luxe d'une servante-maîtresse.

J'ai bien un petit bâtard, fils d'Arabe et de négresse, qui, moyennant le vivre et le couvert, s'occupe de mon ravitaillement aux souks d'Ibn- el-Hadji. Mais son utilité s'arrête là. N'ayant pas (et je m'en flatte) l'imagination déformée par un isolement qui conduit certains hommes à d'odieuses pratiques, je ne puis admirer chez le petit garçon noir que ses talents de cuisinier et de parfait blan- chisseur.

Je dois pourtant avouer que la solitude pèse d'un poids bien lourd sur mes épaules ; aussi n'ai.

je pas toujours besoin pour me saouler copieu- sement que l'adjudant-chef m'y oblige.

J'espère que Si-Aziz me ramènera de Meknès, ou d'ailleurs, la créature qui me fera oublier les (4) Roumi, Rom, Giaouri : infidèles, insoumis à la loi du Coran.

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ardeurs du soleil et celles non moins chaleureuses qui circulent dans mes veines.

La montagne est devenue mauve ; des ombres bleues flottent sur les escarpements ; les pistes sont grises et comme parées de reflets troubles.

Un dernier jet de flammes percute sur le som- met d'un mont ; l'air fraîchit subitement.

Je n'ai pas entendu le Muezzin (5) se meurtrir la gorge à l'heure de la prière. Sans doute suis-je trop distrait.

Un chacal se met à hurler dans le bled, à proximité du poste. Assam vient d'entrer. Il rit de toutes ses dents très blanches.

— Chouff (6), y en a l'pastèque, y en a l'orange et la Ham (7).

Il me montre des brochettes de mouton.

— Toi y en a pas content ?

Assam a l'air si navré que je souris à mon tour.

Mais le gosse, qui n'aime pas me contrarier, me fait vivement remarquer qu'il y a du vin :

— Andi el shrab dialek ! (8).

— Baraka la oufik, Assam. Koun andek askri (9).

Le nègre me regarde d'un œil ravi.

— Ak ! (10).

(5) Muezzin ou Mouzzen : prêtre musulman.

(6) Regarde.

(7) "Viande.

(8) J'ai du vin pour toi.

(9) Je te rends mille grâces, Assam. Tu seras soldat.

(10) Tiens 1

(16)

Je lui tends une pièce d'argent qu'il enfouit hâtivement dans son séroual (ll) de laine grise.

Je flatte souvent la manie d'Assam qui rêve d'être soldat. Et lui flatte la mienne en m'appor- tant du vin blanc de chez Ibrahim qui a le meil- leur vin de tout l'Islam. Ibrahim n'en boit pas, lui, et pour cause.

Le chacal hurle toujours. Cette fois je décroche mon fusil.

— Boum ! boum ! fait Assam joyeux.

Il ferme la porte du poste et me devance comme le ferait un chien de chasse.

(11) Pantalon flottant serra au-dessus du genou ou aux

chevilles. � , ,

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(18)

CHAPITRE II

Ce matin vers dix heures, le cheirghi (1) s'est levé, faisant monter d'impressionnante façon la flèche de mercure du thermomètre.

A midi, la chaleur est devenue suffocante. Des souffles enflammés passent au travers du fin gril- lage que j'ai adapté à la fenêtre. J'entends la poussière crépiter sur la porte, comme le ferait une averse de pluie. A ce moment j'ai une pensée pour la vieille Europe en songeant aux orages qui laissent de la rosée sur les feuilles et des parfums d'humus dans l'air rafraîchi.

Assam ouvre la porte au milieu de la tornade pour m'annoncer l'arrivée de Bidet.

— Tu es sûr que c'est le chef ?

— Ya, sidi, sur Moulayna (2) j'ti jore que c'est lui !

Je me demande ce que peut bien me vouloir l'adjudant-chef pour remonter la piste par cette température.

— Faut-il que ce vieux porc ait soif ! Assam, qui a compris, éclate de rire.

(1) Vent chaud du sud.

(2) Allah. Moulayna se dit aussi du soleil que certains indigènes considèrent comme l'œil droit de Dieu.

(19)

Il y a des jours où le rire cascadé du petit nègre m'énerve au plus haut point. Des jours où je suis sans indulgence pour cet enfant qui est heureux de montrer sa joie de vivre dans une ambiance qui lui convient.

Le négro se tient le ventre à deux mains. Il rit tant que je ne peux résister au désir de calmer son hilarité.

— S'il n'a pas soif, c'est donc le diable en per- sonne !

Le nègre glousse toujours.

— Tu comprends, Goubi (3) el Chitan !... (4) Le rire s'arrête dans la gorge d'Assam qui se voile la face en suppliant :

— La, sidi, la... (5)

Un tourbillon chaud pénètre dans le poste en même temps que Bidet. Celui-ci repousse la porte en jurant : — Cré nom de Dieu !

— Quel bon vent vous amène, mon lieutenant ?

— Un vent du sud, mon gars...

Bidet déroule le cheich qui lui entoure le visage.

— Quelle chaleur, nom de Dieu !

J'essaye d'amadouer le sous-off qui paraît être de fort méchante humeur.

— Rien de grave chez vous, mon lieutenant ?

— Non, grogne Bidet, la gorge simplement...

Malgré mon cheich je suis certain d'avoir bouffé au moins trois kilos de saloperies !

(3) Noir.

(4) Le diable.

(5) Non, monsieur, non.

(20)

Je vois Assam se tourner contre le mur, un hoquet secoue ses épaules.

Bidet aussi a vu le petit noir ; il fronce les sourcils.

— Qu'est-ce qu'il a donc ce maudit nègre... Oh î goubi, c'est moi qui paye ?...

Assam ne répond pas et appuie sa tête crépue contre la muraille.

L'adjudant-chef s'approche du gamin, le prend par l'épaule et le fait pivoter sur lui-même.

De petites rides prolongent les yeux du nègre qui fait une courbette pour mieux dissimuler la joie puérile déborde de ses prunelles som- bres.

L'énorme nez rouge de Bidet frémit.

— Petite crapule !

Cette fois, c'en est trop, le rire fuse et s'égrène dans l'ambiance lourde de la pièce tandis que le nègre se réfugie derrière moi.

— Nal din omouk ! (6) hurle l'adjudant dont la face est congestionnée par la fureur. — Andou el nif hamra ! Andou el nif hamra ! (7) clame Assam qui sait que Bidet ne comprend guère l'arabe.

Mais la colère de l'adjudant-chef est telle que je suis obligé d'intervenir.

— Laissez-le, mon lieutenant, c'est un gosse, le rire est bien de son âge.

— Tonnerre de Dieu ! il ne faudrait tout de même pas que cela se passe sur mon dos !

(6) Maudite soit ta mère.

(7) Il a le nez rouge 1 Il a le nez rouge !

(21)

J'ai envie d'imiter le nègre en pensant que c'est plutôt du nez de Bidet qu'il est question. Et je comprends que pour clore l'incident une bouteille de Pernod sera la bienvenue.

— Donne-nous à boire, Assam.

— El Spanoli ? interroge le gamin en se garant de l'adjudant-chef (8). — Oui.

Bidet lui décoche un coup de botte au passage.

— Ya ouili ! (9) crie le nègre qui a évité le coup et montre l'éblouissante blancheur de sa den- ture.

Bidet s'est effondré sur un tabouret de bois. La sueur ruisselle sur son visage, de larges plaques sombres apparaissent sur sa veste de toile qu'il vient de dégrafer. Est-ce la présence du négrillon moqueur qui l'empêche de se mettre nu jusqu'à la ceinture ? Probablement, car je devine chez lui l'appréhension d'exposer sa rondeur bouddhique au feu roulant du rire d'Assam.

Ce dernier verse l'eau qui chantonne dans le col de la jarre de terre cuite. Un agréable glouglouti monte des verres ; la liqueur se trouble.

— A votre santé, mon lieutenant.

— A la tienne.

Les verres se choquent. Je vois les veines se gonfler sur le cou de mon visiteur.

— Ce qu'il y a de bonnes choses sur la terre, nom de Dieu ! dit-il en passant une main large ouverte sur ses lèvres mouillées.

(8) L'Espagnol? (Absinthe à 65°).

(9) Exclamation intraduisible.

(22)

— Une autre rasade ne vous fera pas de mal ? ...

La stupeur qui paraît sur le visage du sous-off me fait pouffer, comme le négro.

— Quelle question, n'est-ce pas ?

— Ah ! ah ! fait Bidet dont le nez tremble.

— Assam ! Le gosse me regarde.

— Arra ! (10)

— Ya, sidi.

Il n 'est plus question pour Bidet de repartir après le déjeuner que je lui ai offert. Le soleil brûle la piste qui ressemble à un long ruban d'ama- dou. Le vent du sud est tombé et l'on distingue très nettement les cactus desséchés et les doums (11) piquants.

L'adjudant somnole sur sa chaise. Assam dort à même le sol dans un coin de la pièce. Je sens que je ne vais pas tarder à les imiter.

La sonnerie du téléphone me tire d'un sommeil si lourd qu'il me semble que j'ai dormi longtemps.

— Un message d'Erfoud à transmettre à Midelt.

Ici Ksar-es-Souk.

— J'écoute...

— Terminé ?...

— Terminé.

— Quoi de neuf ?

— Pas grand chose, sinon que l'on crève d'ennui et de chaleur...

— Combien ? (10) Allez!

(11) Genre de palmier nain sauvage.

(23)

— Il y avait 52° à l'ombre à midi. Et chez toi ?

— Le thermomètre vient d'éclater ! J'entends mon correspondant s'esclaffer.

— A bientôt.

— A bientôt.

Bidet s'est retourné sur son siège.

— Quel est le con qui nous a réveillés !... Au camp c'est le clairon qui m'emmerde, ici c'est ton engin !

— C'est le métier, mon lieutenant. Je n'y peux rien.

— Le métier !... dis plutôt que c'est la consigne car tu n'es pas de carrière... — Heureusement !

Bidet me regarde d'un œil torve.

— Ouais, fait-il.

il semble réfléchir.

— Et l'autre faignasse, reprend-t-il après quel.

. ques secondes de silence, va-t-il dormir encore long- temps ?.. Assam ! maudit négro, donne-nous à boire !

Bidet nous quitte dans la fraîcheur du soir qui tombe. Son képi trop profondément enfoncé lui cache presque les sourcils. Bidet est sale ; un énorme crachat macule le revers de sa veste ; du vin a coulé sur son séroual dans lequel, je crois, il s'est délesté du trop plein de sa vessie.

— A bientôt, mon gars.

— Au revoir, mon lieutenant.

L'ivrogne s'éloigne en titubant tandis qu'Assam lui fait un geste obscène.

(24)

CHAPITRE III

Les jours s'écoulent chauds et monotones dans mon coin perdu. Je n'ai pas revu Bidet qui est parti avec ses goumiers faire une tournée de police dans l'Atlas. Si-Aziz est en permission, et je n'ai plus de kif à fumer.

J'avoue que ces visages familiers me manquent, et mon ennui devient plus oppressant lorsque le muezzin psalmodie l'appel à la prière du soir. Le minaret projette son ombre sur la terre jaune de la place. Je vois la poussière s'élever sous les pas des hommes qui se dirigent vers la mosquée.

Quelquefois, quand le vent est favorable ou qu'il n'y en a pas du tout, j'entends le bourdonnement confus qui monte du sanctuaire. Concert de voix qui implorent la grâce du maître ou sollicitent ses bienfaits.

L'eau est rare cette année. Aussi, à différentes reprises, des groupes ont parcouru le Ksar (1) en réclamant d'Allah l'ondée bienfaisante.

— El mâa ! el mâa ! (2) scandent les indi- gènes dont certains brandissent des Moukalas (3)

(1) Ville fortifiée.

(2) L'eau.

(3) Fusil arabe.

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d'un autre âge aux courtes crosses damasquinées.

Souvent l'angoisse m'étreint quand je vois les plus exaltés franchir l'enceinte du Ksar en pous- sant des hurlements qui ressemblent à de vrais cris de guerre. Il en faut si peu pour déclencher une révolte qui, en période de grande sécheresse, pourrait n'être pas spécifiquement locale.

Alors, pensant au Goum perdu dans la monta- gne, j'arme mon fusil et je me poste près de la fenêtre, surveillant avec fièvre les formes gesticu- lantes.

Mais tout rentre dans l'ordre, car les moins sages comprennent que ce ne sont pas les Européens qui détournent l'eau des sources. Je suis le seul, ici, et mes intestins supportent mieux le vin que l'eau du puits, si fraîche soit-elle.

Des heures entières je contemple le soleil qui joue sur les maisons de Zemour-Dinn. Des reflets ocrés rejoignent l'étincellement des cailloux de la piste. Eclats de lumière fauve que le ciel semble vouloir plaquer au sol.

Mon poste est situé sur un promontoire qui domine Ibn-el-Hadji. Deux cents mètres environ me séparent des murs de la petite cité. De cette dernière, des rumeurs me parviennent, assourdies par le vent qui coupe les voix et fait courir la poussière sur les pistes.

Ce paysage me paraît libre et frais parce que je vis presque continuellement entre mes quatre murs. Contraste qui se dissipe dès que je mets le pied dehors ; je sens le vent chaud transformer ma chemise en cataplasme ; je sens le soleil peser sur ma nuque et celle-ci devenir sèche comme la peau d'un tambour. A ce moment je réintègre ma cabane

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qui me semble être devenue un oasis de fraîcheur.

J'ai l'inestimable privilège d'avoir encore un peu d'eau. Sans être croupie, elle est bien loin de pro- curer l'inégalable plaisir dont rêve l'homme qui souffre de la soif, mais elle teinte agréablement le pernod et perd de sa fadeur à son contact.

Je bois avec un soulagement que traduit mieux le claquement de ma langue sur mes lèvres mouil- lées.

Ainsi j'imagine les sources qui jaillissaient dans les jardins merveilleux d'Haroun-al-Rashid. Et cette évocation de mes lectures d'adolescent ne va pas sans que j'imagine également le nu splendide d'une favorite pénétrant avec une délicate méfiance dans l'eau veinée d'argent d'un bassin de marbre.

Je vois le frémissement de la croupe hésitant au contact de l'eau qui paralyse le sang pour quel- ques secondes. J'invente les seins qui se balancent en dégageant le musc ou l'eau de rose dont ils sont imprégnés.

Et tout finit par se confondre dans le liquide opalin de mon verre. Je bois, et je continue jus- qu'à ce qu'Assam vienne me tirer de mon rêve d'ivrogne lyrique.

Il n'a pas toujours la manière de m'éveiller sans heurt. Son rire me fait souvent reprendre conscience de la réalité avec trop de rudesse.

Alors, comparant ce qui m'entoure avec ce que je viens de quitter, j'injurie le nègre. Le rire du gosse décroît insensiblement tandis que ses pas le diri- gent prudemment vers la porte. Au premier de mes gestes, il s'échappe en bondissant comme une gazelle pour ne revenir qu'à la nuit tombée.

(27)

LES ROSES DU DIABLE

Une histoire dont la première partie se déroule dans un cadre tristement d'actualité : L'Afrique Blanche. Toute la poésie des « mi- narets dressés comme des glaives de justice ».

des oueds taris, des couleurs brutalement appli- quées sur des monts sans verdure. La détresse morale de l'homme qui ne veut pas vivre seul.

Ses égarements, ses déboires, ses illusions aussi.

La grande misère du poison quotidien et des rêves qu'il enfante. Songes creux ; songes flatteurs ou insensés. Désirs qui perdront de leur inconsistance quand le miracle d une lettre fera jaillir de son enveloppe un visage féminin.

La seconde partie de ce roman transportera le solitaire vers cette correspondante qui repré- sente pour lui un idéal d'autant plus merveilleux qu'il est lointain.

Que lui réservent les semaines d une per- mission sur laquelle il ne comptait plus ? Boira-t-il davantage pour oublier qu 'il est victime d'une odieuse plaisanterie, ou aura-t-il la joie de respirer « ces Roses » qu'il a peut- être imprudemment choisies ? R. D.

NOUVELLE COLLECTION 290 R " ECLECTIQUE" rrs

(256 pages)

N.M.P.P -

(28)

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