• Aucun résultat trouvé

POKER ALLEZ

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "POKER ALLEZ"

Copied!
68
0
0

Texte intégral

(1)

NUMÉRO

77

LE DESSOUS DES CARTES

POKER SOCIÉTÉ

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Mai 2021 | Gratuit

BIOLOGIE

L’ARN, nouvelle star de la médecine 16

NATURE

Comment sauver l’unique tortue suisse ? 48

FITNESS

Des conseils pour bien se nourrir 54

(2)

L’EXP VO US ÉRIEN CE

AVEZ DE

ASPIRATIO NS

ONT DES ILS

TandemPRO

Le service du réseau mettant en relation les alumni qui

pratiquent un métier avec celles et ceux qui souhaitent l’exercer.

(3)

Allez savoir ! N° 77 Mai 2021 UNIL | Université de Lausanne 3

ISSN 1422-5220

IMPRESSUM Magazine de l’Université de Lausanne

No 77, mai 2021 unil.ch/allezsavoir Éditeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuel

Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring ( UNICOM ) Création de la maquette Edy Ceppi ( UNICOM ) Rédacteurs Sonia Arnal Patricia Brambilla Lysiane Christen Mireille Descombes Élisabeth Gordon Virginie Jobé-Truffer Noémie Matos Sabine Pirolt Nadine Richon François Ruffieux David Trotta Sylvie Ulmann Correcteurs Albert Grun Fabienne Trivier Direction artistique COBRA : Communication

& Branding Photographie Nicole Chuard Couverture

© Pavlo_K / iStock / Getty Images Plus Impression

Genoud Arts graphiques, Le Mont-sur-Lausanne Tirage

16 000 exemplaires Emballé dans du plastique recyclé Parution

Trois fois par an, en janvier, mai et septembre Abonnements allezsavoir@unil.ch ( p. 4 ) 021 692 22 80

COVID-19 :

UN ANGE PASSE

C’

est l’un des gagnants-surprises de la pandémie. L’ange gar- dien a été rappelé du fond des âges pour venir conjurer nos angoisses modernes. Pendant que le coronavirus bloquait les gens chez eux, les néoconfinés ont été nombreux à expliquer sur les réseaux sociaux qu’ils se sentaient protégés par leur intercesseur ailé. Rien d’inhabituel à cela, explique le professeur de l’UNIL David Hamidovic, en page 24 de ce numéro. À chaque fois que les peurs de l’apocalypse ont gagné en inten- sité dans l’Histoire, les humains se sont tournés en myriades vers ce lointain sou- venir du paganisme.

L’ange gardien n’est pas le seul gagnant de la pandémie à planer dans cet Allez savoir ! Vous y trouverez encore l’ARN mes- sager, cette nouvelle recette utilisée pour produire des vaccins révolutionnaires à une vitesse jamais vue, et qui pourrait constituer un tournant dans l’histoire de la médecine.

La dette est le troisième gagnant inat- tendu de la pandémie évoqué dans ces pages. Il y a quelques années encore, des institutions internationales tançaient la Grèce et l’Argentine parce qu’elles multi- pliaient les déficits. Cette époque est bien révolue, puisqu’on conjure désormais les États, les fourmis comme les cigales, à dépenser « quoi qu’il en coûte » pour sauver leurs économies. Le saut de l’ange.

Mais, si l’évocation des gagnants de la pandémie arrive comme un baume après des mois passés à entendre des nou- velles sinistres, ces éclaircies ne doivent

pas dissimuler les innombrables perdants de la Covid-19. Ce d’autant plus que cette liste reste difficile à établir avec préci- sion, parce que de nombreux destins sont encore en suspens.

Avec les secteurs de la restauration, de la culture et du sport, qui ont été largement évoqués, il faut penser aux étudiants, dont personne ne sait vraiment comment ils ont traversé ces nombreux mois de confi- nement. Surtout les plus fragiles, les der- niers arrivés, ceux qui ne connaissaient pas encore la vie sur le campus.

Cette volée a été chassée des gym- nases dans l’urgence de la mi-mars 2020, avant d’être renvoyée des amphithéâtres en octobre, pour tenter l’expérience forcée des études en télétravail permanent. Com- ment a-t-elle réussi dans cet exercice iné- dit qu’elle a testé avec une patience d’ange ? Les prochains mois nous diront si la géné- ration de l’écran a fait preuve de résilience.

Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra faire un retour d’expérience sans concession, dès que le calme reviendra. Il faudra dresser la liste complète des gagnants et des per- dants de la pandémie, après ce crash-test psychique sans précédent, et probable- ment trouver des réparations pour de nom- breux anges déchus. Cette analyse méticu- leuse est indispensable au cas où, comme le pronostiquent certains chercheurs, l’épi- démie de la Covid-19 en annonce d’autres.

Dans cette hypothèse, la pandémie de 2020 deviendra utile si elle nous montre toutes les erreurs qu’il vaudrait mieux éviter à l’avenir. Même si, on le sait, qui fait l’ange fait souvent la bête. 

À CHAQUE FOIS QUE LES PEURS DE L’APOCALYPSE ONT GAGNÉ EN INTENSITÉ DANS L’HISTOIRE, LES HUMAINS SE SONT TOURNÉS VERS LES ANGES.

JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

(4)
(5)

Allez savoir ! N° 77 Mai 2021 UNIL | Université de Lausanne 5

SOMMAIRE

EN DIRECT DU CAMPUS L’actualité de l’UNIL : événements, recherche, prix.

PORTFOLIO Valais, chouettes,

manifestations.

HISTOIRE DES RELIGIONS La résistance de l’ange, de Charlemagne à la Covid-19.

IL EST PASSÉ PAR L’UNIL

Fabien Fivaz, semeur d’idées vertes.

ESCAPADE Payerne aux siècles des siècles.

SOCIÉTÉ Le poker,

drame en quatre actes.

LIVRES Roman, migrants, République helvétique.

BIOLOGIE L’ARN, nouvelle star de la médecine.

6 12 16 23 24 30 35 36 42 47

OUVRE-BOÎTE Sa lampe révèle les drogues en cinq secondes.

48 54 59 60 63 64 65 66

FITNESS

Allez hop ! Des séries de conseils pour bien se nourrir.

LIVRES Lausanne, religions, art.

ÉCRITS Les mots magnifiques de l’art brut.

FORMATION CONTINUE

Un CAS pour les Maigret du virtuel. Jeu vidéo.

HOCKEY HC Ajoie,

un objet de culture populaire.

LIVRES Crime, voyages,

Starobinsky, Alpes, politique et médecine légale.

POP ATTITUDE Arthur, mi-ours, mi-sanglier.

DETTE La Suisse peut emprunter pour soutenir son économie.

NATURE Comment sauver l’unique tortue suisse.

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Mai 2021 | Gratuit

!

(6)

VALAIS,

TERRE INSTABLE

Le 25 janvier 1946, un séisme d’une magnitude de 5,8 ébranlait le canton cher à l’écrivain Charles Ferdinand Ramuz. Quatre per- sonnes ont péri et 3500 bâtiments ont été endommagés. La secousse a été suivie de répliques, dont la plus forte a eu lieu le 30 mai, jour de l’Ascension. Dans cette région qui avance lentement vers l’ouest en raison du contexte tectonique, un tremblement de terre de cette envergure arrive en moyenne tous les 50 à 150 ans. Après 75 années de répit, cela peut donc se repro- duire à tout moment, ont pré- venu les scientifiques le 25 janvier 2021 lors d’un colloque en ligne.

Cet événement public était le pre- mier d’une série de manifestations organisées cette année à l’initia- tive du Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne de l’UNIL avec la participation de plu- sieurs centres de recherche, ser- vices cantonaux et associations scientifiques. Le but ? Renforcer la mémoire du risque sismique dans le canton. Une exposition itinérante est notamment prévue jusqu’en décembre. LC

1) Le Six des Eaux Froides (au nord d’Anzère) à la suite de l’éboulement du 30 mai 1946.

© Raymond Schmid, Bourgeoisie de Sion, Médiathèque Valais – Martigny

2) Dommages et fissures dans un escalier, Sierre. © Hermann Schmidli / Keystone 3) Des ouvriers déblaient des débris dans

une rue, Sion. © Walter Studer / Keystone 4) Intérieur de l’église de Chippis, gravement

détériorée. © Keystone

5) Une cheminée détruite sur le toit d’une maison, Sion. © Walter Studer / Keystone 6) Des ouvriers réparant les dégâts sur un

chantier, Sierre. © Hermann Schmidli / Keystone

7) Cette maison endommagée doit être démolie, Sierre. © Hermann Schmidli / Keystone

8) Dommages dus à des glissements de terrain sur le col du Rawil. Photo prise en juin 1946. © Fritz Grunder / Keystone UNIL.CH/SEISME1946

1 4

(7)

5

7 8 6 2 3

(8)
(9)

DE LA MANIF À L’ÉMEUTE

17 novembre 2020. À Paris, un rassemblement se tient devant l’Assemblée nationale, afin de protester contre la proposition de loi relative à la sécurité globale.

Des heurts sont survenus à la fin de cet événement.

En France, d’autres manifestations ont débouché sur des violences inouïes. Yeux crevés, membres arrachés, vies perdues : les ras- semblements des Gilets jaunes en ont été le théâtre. Mais com- ment en est-on arrivé là ? Dans un livre récent, Olivier Fillieule, pro- fesseur à l’Institut d’études poli- tiques de l’UNIL et Fabien Jobard, directeur de recherche au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales du CNRS, analysent la brutalisation progressive du maintien de l’ordre dans l’Hexagone. Une régression selon eux à l’œuvre depuis les années 2000, après une politique de pacification initiée dès Mai 68.

Les auteurs exposent de multiples facteurs, comme le rapport entre forces de l’ordre et pouvoir poli- tique, les enjeux médiatiques lors des manifestations, mais surtout la réduction volontaire des forces mobiles dès 2007 et ses consé- quences. Richement documentée, l’enquête se fonde sur des obser- vations de terrain, des archives et des entretiens que les deux socio- logues mènent depuis plus de vingt ans. Elle aide à comprendre en profondeur un sujet brûlant d’actualité, qui inquiète sur l’état de la démocratie. LC

PHOTO © SITTLER/REA

POLITIQUES DU DÉSORDRE, LA POLICE DES MANIFESTATIONS EN FRANCE. 

Par Olivier Fillieule et Fabien Jobard Seuil (2021), 304 p.

(10)

L’UNIL GARDE UN ŒIL SUR LES CHOUETTES

Une effraie des clochers, photogra- phiée dans la Broye vaudoise. Ce rapace est au cœur des recherches menées par l’équipe du professeur Alexandre Roulin, au Département d’écologie et évolution de l’UNIL.

Les travaux portent notamment sur le polymorphisme de couleur de l’animal, c’est-à-dire la varia- tion de son plumage du blanc neige au roux foncé. La chouette effraie constitue un « beau sujet de média- tion scientifique, relève Céline Plancherel, biologiste et média- trice culturelle dans le groupe d’Alexandre Roulin. Très aimée en Suisse, elle suscite la curiosité. » Réalisé avec le soutien du Fonds national de la recherche scienti- fique, le nouveau site chouette- effraie.ch offre des informations, des images et des cartes, ainsi que du matériel didactique au sujet de cet oiseau.

Grâce à leur bonne collaboration avec des agriculteurs, les cher- cheurs de l’UNIL ont pu installer près de 400 nichoirs, par exemple dans des granges, entre Morges et Morat. Lors de visites régulières, afin d’assurer le suivi des popula- tions, les scientifiques comptent les œufs, baguent les petits et récoltent des données qui per- mettent de mener des recherches fondamentales ou comportemen- tales. Accompagné de photos, cet important travail de terrain est pré- senté sur le site. DS

ENTRETIEN AVEC CÉLINE PLANCHEREL SUR UNIL.CH/ALLEZSAVOIR

PHOTO : GUILLAUME RAPIN

(11)
(12)

BRÈVES

Le plastique qui protège les exemplaires d’Allez savoir ! destinés à nos 13 000 abon- nés a changé. L’imprimerie Genoud Arts graphiques SA (au Mont-sur-Lausanne) et le relieur Schumacher SA (à Schmitten), qui réalisent ce magazine avec soin, utilisent désormais le produit baptisé

PLASTIQUE ET TIQUES

DANS LES COULISSES D’ALLEZ SAVOIR ! LE SITE

DURABILITÉ

FABULA SOUTENU PAR LA FRANCE

Fabula.org, qui constitue le prin- cipal portail francophone pour la recherche en littérature et en théorie littéraire, a reçu un appui financier considérable du Minis- tère français de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour la modernisation du site web. La Section de français de la Faculté des lettres contribue régulière- ment aux activités de Fabula, par le biais de Marc Escola, profes- seur ordinaire de littérature fran- çaise et directeur de publication du site. Créé en 1999, ce portail comptabilise près de 50 000 vi- sites par jour, venues de toute la francophonie. NM

LÉGUMES AU TOP

Née en 2018, la start-up Légumes Perchés est lauréate du Prix SUD 2020, dont la troisième édition a été organisée par Le Temps et Ro- mande Énergie. L’agriculture ur- baine constitue le cœur des acti- vités de cette structure hybride, mi-association mi-entreprise, dont plusieurs membres ont passé par l’UNIL. À Crissier par exemple, tout en haut des bâtiments neufs du quartier Oassis, Légumes Per- chés a installé 3000 mètres carrés de culture en toiture, comme le re- lève le quotidien romand. Des me- lons sont même sortis de terre, à plus de 20 mètres du sol. L’occa- sion pour les habitants de l’endroit de créer du lien social et de (re)dé- couvrir le jardinage grâce à des ate- liers de formation. DS

legumesperches.ch

« I’m eco », fourni par la société européenne Papier-Mettler.

Plus léger qu’auparavant, l’emballage d’Allez savoir ! est maintenant composé de films de plastique usagés, récupé- rés, broyés puis transformés pour être réutilisés. Ce recy- clage permet d’économiser de la matière première fossile.

Dans une infographie parue dans l’édition de décembre 2020 du magazine de l’UNIL, les tiques ont été qualifiées d’insectes, alors que ces charmantes bestioles sont des arachnides. Cette erreur n’a pas échappé à une lectrice attentive. DS

unil.ch/allezsavoir ENQUÊTE

LES ÉTUDES

AU TEMPS DU VIRUS

Chaque année, le Service d’orientation et car- rières, en collaboration avec la Fédération des as- sociations d’étudiant-e-s, mène l’enquête « Com- ment allez-vous ? » Quelques semaines après la rentrée d’automne, les personnes qui entament leur cursus à l’UNIL reçoivent un coup de fil donné par des étudiants avancés et répondent à un ques- tionnaire. Cette opération s’inscrit parmi les me- sures d’accueil de l’institution.

58,7 % des 1294 répondants ont affirmé que la situation sanitaire les affectait, par exemple à cause du manque de contacts réels, de l’isole- ment ou de l’incertitude. Près de la moitié a indi- qué souffrir de difficultés d’adaptation aux études, une hausse de 10 % par rapport à 2019.

« Ces résultats confirment nos intuitions au su- jet de l’impact négatif de la pandémie sur la vie étudiante », note Orlan Moret. Le responsable de l’enquête au SOC distingue des nuances dans ce tableau. Une partie des personnes tirent leur

épingle du jeu, alors que d’autres vivent très mal la situation. Pour leur venir en aide, l’UNIL a mis en place des soutiens, au niveau psychologique, financier ou de la santé. « L’enquête comporte un volet de mentorat, ajoute Orlan Moret. Motivés, les étudiants avancés qui mènent les entretiens donnent des conseils à leurs correspondants. »

On découvre que 91 % des débutants suivent les cours en ligne en direct, et 48 % les regardent également en différé. Ce système hybride est bien perçu, mais les répondants souhaitent qu’il ne dure pas trop longtemps. « Étudier, ce n’est pas que suivre des cours à l’écran, mais également participer à la vie sociale et culturelle de l’institu- tion », indique Orlan Moret.

Il s’avère que 61,8 % des débutants envisagent de partir en échange. Enfin, 400 commentaires libres – souvent en lien avec la Covid-19 – ont été récoltés, soit le double de l’enquête précédente. DS unil.ch/soc/comment-allez-vous

Des étudiants sont affectés par la situation sanitaire.

59%

Souhaitent partir en échange.

61,8%

Suivent les cours en ligne en direct.

91%

© Dreamstime

(13)

Allez savoir ! N° 77 Mai 2021 UNIL | Université de Lausanne 13

lix Imhof © UNIL

Le nouveau centre de production lausan- nois de la RTS est en cours de construc- tion sur le campus UNIL/EPFL. Le futur site se composera de quatre bâtiments, reliés entre eux par un étage transversal.

Ils seront bâtis sur un terrain situé le long de la route cantonale, juste à côté du Rolex Learning Center. Le centre regroupera les rédactions de l’actualité TV, radio et web,

aujourd’hui basées à Genève et à La Sallaz, dans les hauts de Lausanne. Il comprendra des étages administratifs, des studios et des grands plateaux. Une zone d’accueil et un restaurant seront accessibles au public.

Les travaux de construction ont débuté l’an passé. L’arrivée des premiers employés est, elle, prévue dès 2024 et l’inauguration l’an- née suivante. (RÉD)

LA RTS DÉBARQUE

PLÂTRE ET CIMENT MÉDIAS

L’uniscope, le magazine du campus de l’UNIL, a fait sa mue. Autrefois imprimé et paraissant dix fois par an, il se trouve désormais sur internet. Les articles, repor- tages et entretiens publiés sur le site unil.ch/uniscope rendent compte de l’actualité de l’institution. Ainsi, la recherche, les événements, les personnalités du cam- pus, les publications, la vie étudiante ou les nouvelles constructions par exemple sont traités par une équipe de journalistes professionnels d’Unicom, le service de communication et d’audiovisuel. Des galeries de pho- tos, des vidéos, des podcasts et un jeu enrichissent l’offre. Pour ne rien manquer de la vie de l’UNIL, il est possible de s’abonner à une newsletter, sur le site tout neuf de L’uniscope. (RÉD)

Le nouveau recteur de l’UNIL sera Frédéric Her- man, professeur à la Faculté des géosciences et de l’environnement. Son équipe de six vice-rectrices et vice-recteurs se composera d’Estelle Doudet, pro- fesseure à la Faculté des Lettres, à la tête du dicas- tère Recherche ; Liliane Michalik, professeure à la Faculté de biologie et de médecine, pour le dicastère Égalité, diversité & carrières ; Anne-Christine For- nage, professeure à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique, mènera

le dicastère Relations externes & communication scientifique ; Jérôme Rossier, professeur à la Faculté des sciences sociales et politiques, au dicastère Res- sources humaines ; Benoît Frund, qui entamera son troisième mandat, pour le dicastère Transition éco- logique & campus ; Giorgio Zanetti, professeur à la Faculté de biologie et de médecine, débutera son deuxième mandat en charge du dicastère Ensei- gnement. La nouvelle Direction entrera en fonction le 1er août 2021. (RÉD)

UNE NOUVELLE DIRECTION POUR L’UNIL

INSTITUTION

LE CAMPUS AU JOUR LE JOUR

© DS

LA CONNAISSANCE SE CRÉE, SE TRANSMET ET S’APPREND PAR LES ÉCHANGES ENTRE MEMBRES DE LA COMMUNAUTÉ ACADÉMIQUE.

Nouria Hernandez, rectrice de l’UNIL, dans sa vidéo de la rentrée, le 22 février 2021. À voir sur youtube.com/UNILTV 

© RTS

lix Imhof © UNIL

(14)

BRÈVES

POÉSIE, COVID-19 ET LANGAGE

L’UNIL DANS LES MÉDIAS

ÉGALITÉ,

IL RESTE DU BOULOT

PASSAGE EN REVUE

827

Le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques évaluées par les pairs, en 2021 (d’après Serval, au 8 avril). Dans le 25e numéro de la revue en ligne Social Change in Switzerland, l’évolution des attitudes envers l’égalité des genres en Suisse est exa- minée dans une étude.

Christina Bornatici (chercheuse au Centre de compé- tences suisse en sciences sociales FORS), Jacques-An- toine Gauthier et Jean-Marie Le Goff (tous deux de l’Ins- titut des sciences

sociales de l’UNIL) ont analysé près de 80 000 réponses concernant le rôle des genres, issues du Panel suisse de mé- nages, entre 2000 et 2017. Si les attitudes

des femmes et des hommes évoluent vers davantage d’éga- lité, les hommes continuent à avoir des attitudes plus tra- ditionnelles. En général, l’emploi des femmes est large- ment accepté tant qu’il n’y a pas d’enfant dans le ménage.

Mais une fois devenues mères, elles sont attendues dans la sphère privée de la société suisse.

L’auteure et ses coauteurs montrent également que les attitudes évoluent au gré des expériences de vie. Les femmes qui entrent sur le marché de l’emploi développent ainsi des attitudes plus égalitaires envers le travail des femmes en général et des mères en particulier. En parallèle, l’inverse est également observé : les femmes qui quittent le marché du travail deviennent plus traditionnelles dans leurs attitudes envers les rôles sociaux des femmes.

Les scientifiques s’attendaient à ce que les générations plus jeunes, socialisées dans un contexte plus égalitaire, aient des attitudes moins traditionnelles que leurs aînés.

Étonnamment, les milléniaux (nés après 1980) affichent des attitudes plus traditionnelles envers les rôles de genre.

Ils prêtent ainsi un moindre soutien aux mesures favori- sant l’égalité des genres et sont moins favorables au travail rémunéré des femmes. Les attitudes plus traditionnelles des jeunes interrogent car elles pourraient impliquer un désintérêt croissant pour la réalisation effective de l’éga- lité des genres en Suisse. (FORS).

LES ATTITUDES ENVERS L’ÉGALITÉ DES GENRES EN SUISSE, 2000-2017. 

Social Change in Switzerland No 25 (2021).

Par C. Bornatici, J.-A. Gauthier & J.-M. Le Goff.

socialchangeswitzerland.ch URBANISME

LAUSANNE JOUE SES CARTES

2345

Le nombre d’articles et d’émissions qui ont mentionné l’UNIL ou le CHUV dans les médias romands en 2021 (d’après la revue de presse Argus au 8 avril). Le poète Philippe Jac- cottet est décédé le 24 février. Chercheuse (retraitée) au Centre des littératures en Suisse romande, José-Flore Tappy est alors intervenue dans les médias. En effet, la traductrice et poétesse a été responsable de l’édition des œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade. « Il nous a donné accès à ses brouillons, chose rarissime et expé- rience unique pour nous que de pouvoir mesurer le travail considérable qui est d’écrire », a-t-elle répondu à 24 heures.

La saga de la Covid-19 a mobilisé de nombreux cher- cheurs de la Faculté de biologie et de médecine, que ce soit au sujet des variants ou de la vaccination. Les médias ont également interrogé la direction de l’UNIL au sujet de l’usure engendrée par la pandémie, notamment sur le moral des étudiants.

Étudiante en Lettres, l’athlète Ajla Del Ponte est deve- nue championne d’Europe en salle du 60 mètres le 7 mars à Torun (Pologne), une performance relevée par de nom- breux médias (lire en p. 15).

Élue au Conseil communal de Lausanne chez les Vert- e-s le 7 mars, Valérie d’Acremont est médecin infectio- logue et professeure à l’UNIL. Dans son édition du 11 mars, Le Temps a dressé le portrait de cette chercheuse engagée. « Une des bonnes nouvelles de cette pandémie, c’est l’intérêt nouveau et massif des jeunes pour la santé publique », a-t-elle alors indiqué.

Enfin, plusieurs entretiens avec Alain Damasio ont été filmés à la Maison d’Ailleurs d’Yverdon-les-Bains, dans le cadre des Numerik Games. L’écrivain français s’y exprime sur de nombreux sujets, comme par exemple le langage, « le système le plus libre ». Les vidéos se trouvent sur youtube.com/UNILTV. DS

Cet ouvrage élégant est une véritable mine d’or pour les personnes inté- ressées par Lausanne.

Sous la forme de cartes sobres et de textes courts, un portrait sta- tistique de la ville se dé- voile. Par quartiers, des éléments comme la taille et le revenu des mé- nages, le niveau de for- mation et l’origine des habitants sont mis en scène de manière claire.

Par exemple, les mé- nages les plus petits en moyenne se trouvent au Centre et dans les quar- tiers de Vinet et de la Pontaise, alors que les grandes familles sont installées plus au Nord, à La Sallaz, Vennes ou Sauvabelin. Ce der- nier quartier est par ail- leurs le moins densé- ment bâti.

Dirigé par l’Observatoire universitaire de la ville et du développement durable de l’UNIL, édité avec le soutien de la Ville de Lausanne, cet atlas montre à quel point le Centre est puissant, lui qui compte plus de 50 % des activités de la capi- tale vaudoise dans le ter- tiaire, mais n’héberge que 9 % de sa population.

Toutefois, quelques pola- rités secondaires sont vi- sibles, comme les zones de La Sallaz/Vennes, Montriond/Cour ou Sous-gare/Ouchy. DS

PETIT ATLAS DE LAUSANNE  ET SES QUARTIERS.

Dirigé par l’Observatoire univer- sitaire de la ville et du développe- ment durable & actéon-géogra- phie-urbanisme (2020), 103 p.

© Dreamstime

(15)

Allez savoir ! N° 77 Mai 2021 UNIL | Université de Lausanne 15 À L’HONNEUR

COMPÉTITION

Le 30 mars, 16 doctorants de l’UNIL ont participé à la finale locale du concours « Ma thèse en 180 secondes ». Leur but consistait à présenter leurs recherches, souvent poin- tues, en 3 minutes chrono, en ne s’appuyant que sur un seul élément visuel, et surtout de manière compréhensible par des personnes profanes.

Cette soirée a été diffusée sur YouTube. Un jury et le public ont choisi leurs favoris, au terme d’une compétition de très haut niveau. Les gagnants sont Yohann Thenaisie (1er prix, Faculté de biologie et de médecine), Dylan Bovet (2e prix, Faculté des lettres), Jessica Lavier (3e prix, Faculté de biologie et de médecine) et Vania Sandoz (Prix du public, Faculté de biologie et de médecine). (RÉD)

À revoir sur youtube.com/UNILTV

LES SCIENTIFIQUES

BRÛLENT LES PLANCHES

ATHLÉTISME

UNE ÉTUDIANTE DE COMPÉTITION

Le 7 mars dernier, à Torun (Pologne), Ajla Del Ponte est devenue championne d’Europe du 60 m, grâce à une course terminée en 7’’03. Elle égale ainsi le record de Suisse de Mujinga Kambundji. À 24 ans, la Tessinoise poursuit sa « fulgurante progression », ainsi que l’a qualifiée la RTS. En parallèle de sa carrière de cham- pionne d’athlétisme, Ajla Del Ponte mène des études de master à temps partiel en histoire et italien à la Faculté des lettres. Incarnation du terme « persévérance », la codétentrice du record de Suisse du 4x100 mètres a été distinguée par le Prix de l’Université de Lausanne en 2020. DS

Sur instagram @ajletta

GÉNOME, DROIT, DURABILITÉ ET ONCOLOGIE

Professeure assistante au Dépar- tement de comptabilité et contrôle de la Faculté des HEC, Gaia   Melloni a reçu la bourse de re- cherche du programme de la Fon- dation Philanthropique Famille San- doz (FPFS)-Monique de Meuron pour la relève universitaire. Cette bourse soutiendra les projets de la chercheuse dans le domaine de la comptabilité durable, et en particu- lier l’intégration des informations sociales et environnementales dans les rapports et la communica- tion financiers. Un autre axe de re- cherche porte sur la résilience des entreprises qui ont adopté un com- portement durable pendant la crise de la Covid-19. (HEC)

Sur Twitter : @GaiaMelloni

Le Prix Robert Bing 2020 a été décerné à Johanna Joyce, pro- fesseure à la Faculté de biologie et de médecine au sein du Départe- ment d’oncologie. Décernée tous les deux ans par l’Académie suisse des sciences médicales, cette dis- tinction récompense des travaux exceptionnels qui contribuent à améliorer le diagnostic, le traite- ment et la guérison des maladies du système nerveux. Également membre de l’Institut international Ludwig pour la recherche contre le cancer, Johanna Joyce a été récom- pensée pour ses travaux pionniers sur le rôle des cellules immuni- taires dans le développement des tumeurs cérébrales. (RÉD) Sur Twitter : @Johanna_A_Joyce

Andreas R. Ziegler, professeur au Centre de droit comparé, euro- péen et international de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique, a été élu membre du Conseil exécutif de la Société de droit internatio- nal économique. Il s’agit de la plus importante société académique dans ce domaine. Elle regroupe des universitaires, des praticiens et des responsables du droit éco- nomique international, dans toutes les régions du monde. Elle promeut et facilite la coordination, la colla- boration, la mise en réseau ainsi que le débat entre ces derniers et les organisations nationales ou régionales de cette branche. LC Sur Twitter : @zieglerandreasr

Le Conseil européen de la re- cherche a octroyé un ERC Conso- lidator Grant 2020 à Nadine  Vastenhouw, professeure asso- ciée au Centre intégratif de géno- mique de la Faculté de biologie et de médecine. Cette bourse dotée de deux millions de francs lui per- met de mener dès le 1er juin un pro- jet de recherche qui s’étendra sur cinq ans. L’objectif : mieux com- prendre l’organisation du génome et de la machinerie qui le transcrit au sein du noyau, ainsi que son im- pact sur la régulation des gènes.

La scientifique étudiera en particu- lier le tout début du processus de transcription chez des embryons de poisson-zèbre. LC

Sur Twitter : @NVastenhouw

DR DR

lix Imhof © UNIL @ Aleksandra Szmigiel / Reuters lix Imhof © UNILlix Imhof © UNIL

(16)

Utilisé pour fabriquer des vaccins contre la Covid-19, l’ARN pourrait demain être employé dans la préven- tion d’autres maladies infectieuses. Mais son intérêt ne s’arrête pas là. Il existe toute une famille d’ARN dont des membres pourraient fournir de nouvelles armes contre de multiples pathologies, du diabète aux maladies cardiovasculaires, en passant par les cancers. Avec eux, l’histoire de la médecine est à un nouveau tournant.

TEXTE ELISABETH GORDON

BIOLOGIE

ARN

Chimiquement très proche de l’ADN, l’acide ribonucléique (image d’illustration) se trouve souvent sous forme de simple brin dans les cellules.

@ nobeastsofierce / Shutterstock

L’ARN NOUVELLE STAR DE LA MÉDECINE

L’

ARN fait la Une de l’actualité. À juste titre, puisqu’il est au centre des premiers vac- cins commercialisés en Suisse contre la Co- vid-19. Mais derrière ces trois lettres – A, R, N – se cache en fait toute une famille d’acides ribonucléiques.

Les ARN messagers recopient l’information génétique

Ceux qui sont dans toutes les bouches actuellement sont les ARN messagers (ARNm), puisque ce sont eux

qui sont utilisés dans la fabrication des vaccins de Pfizer-BioNTech et Moderna. Ils sont aussi les mieux connus des biologistes qui ont depuis longtemps com- pris leur rôle.

Comme leur nom l’indique, ils transportent des in- formations, cruciales de surcroît : il s’agit de celles contenues dans l’ADN. On le sait, cette longue mo- lécule en forme de double hélice est précieuse, puisqu’elle renferme le plan de fabrication des pro- téines. Elle reste donc enfermée dans un coffre-fort, le noyau de la cellule. Les ARNm sont chargés de

(17)

Allez savoir ! N° 77 Mai 2021 UNIL | Université de Lausanne 17

(18)

« LES ÉVENTUELLES APPLICATIONS CLINIQUES DE L’ARN MESSAGER SONT ÉTUDIÉES DEPUIS

UNE VINGTAINE D’ANNÉES. »

BLAISE GENTON BIOLOGIE

recopier ses instructions et de les transmettre aux ri- bosomes qui, dans la cellule, sont les usines de fabrica- tion des protéines.

Si nous, béotiens, les découvrons aujourd’hui, leurs éventuelles applications cliniques « sont en fait étudiées depuis une vingtaine d’années, souligne Blaise Genton, chef du Département formation, recherche, innovation et responsable de la vaccination d’Unisanté (Centre uni- versitaire de médecine générale et santé publique à Lau- sanne). On a d’abord songé à eux pour produire des vac- cins thérapeutiques contre le cancer et, depuis environ cinq ans, pour prévenir des maladies infectieuses, comme le chikungunya et l’infection au virus Zika. »

Vaccins à ARN : faciles à fabriquer et à modifier C’est toutefois dans la lutte contre le coronavirus qu’ils ont trouvé leur première application concrète. Alors que les vaccins traditionnels « renferment des fractions du virus tué ou à l’activité atténuée afin de générer des réponses immunes contre des protéines “ étrangères” », précise Blaise Genton, les vaccins les plus récents poussent nos propres cellules à faire le travail.

Certains, comme celui d’AstraZeneca, emploient un vecteur viral. « Il s’agit du virus du rhume du chimpanzé, explique Blaise Genton. On supprime la séquence géné- tique responsable de sa réplication, puis on la remplace par le code génétique de la protéine Spike du coronavirus, la clé qui lui permet d’entrer dans la cellule. » D’autres, les plus innovants, font appel à un ARNm synthétique « qui est enrobé dans une capsule de lipides car sinon, il serait détruit avant même d’entrer dans la cellule », explique le médecin d’Unisanté. Cet ARNm porte les instructions né- cessaires à la fabrication de la protéine Spike.

Ces vaccins à ARNm ont un point faible : ils sont fra- giles. Ils doivent donc être conservés à très basse tempé- rature, « ce qui pourrait bientôt changer, si l’on parvient à augmenter leur stabilité », précise Blaise Genton. Ils ont en revanche d’énormes avantages. Ils sont plus simples et plus rapides à fabriquer que leurs homologues tradition- nels. « Surtout, en modifiant quelques acides nucléiques des ARNm (briques à l’aide desquelles ils sont constitués, ndlr), il est possible de les modifier rapidement lorsque de nouveaux variants du virus circulent . » On devrait donc pouvoir les utiliser pour prévenir bien d’autres maladies infectieuses, y compris la grippe.

Les « non-codants » issus d’une prétendue « poubelle »

Dans la longue molécule qui forme l’ADN, les gènes qui portent le plan de fabrication de protéines – les biologistes disent qu’ils « codent » pour les protéines – ne sont que 20 000. Ils ne représentent que 2 % de l’ensemble de notre génome. Le reste a longtemps été qualifié « d’ADN pou- belle », car il était constitué de gènes, dits non-codants,

« qui étaient considérés comme ne servant à rien. On les voyait comme de simples déchets qui se sont accumulés au cours de l’évolution », constate Romano Regazzi, profes- seur à l’UNIL, directeur du Département des sciences bio- médicales et vice-directeur de l’École de médecine.

En fait, cette prétendue poubelle est fort utile. « Elle produit des ARN dits non-codants qui servent à réguler l’expression des gènes codants pour les protéines. » BLAISE GENTON

Professeur à la Faculté de biologie et de médecine. Chef du Département formation, recherche, innovation et responsable de la vaccination d’Unisanté.

Nicole Chuard © UNIL

Unisanté unisante.ch/fr

(19)

C Y T O P L A S M E N O Y A U

ADN

Long ARN non-codant

TRANSCRIPTION

ARN messager

Ribosome

cellule

= codant

= non-codant

=

=

ADN non-codant

ADN codant

ADN codant

copie copie

ARNm

qui contient «les plans » de fabrication des protéines, est photocopié en ARN messager qui sort du «coffre-fort»

(= noyau) et se dirige vers l’usine de fabrication des protéines (= ribosome).

codons

ARNt

Protéine

> 98%

90 - 98%

75 - 90%

40 - 80%

25 - 50%

2 - 15%

L’ARN NON-CODANT en proportion du génome*

Les ARN de transfert (= ouvriers) scannent le « plan de fabrication » de l’ARN messager et assemblent les bons matériaux (= acides aminés).

acides aminés

= matériaux de construction de la protéine.

ARNm

ARNm

Il contient et transporte l’information génétique sous forme de codons (= 3 nucléotides).

« usine de fabrication des protéines ».

1

2

3

4

5

1

Dans le noyau de la cellule (son « coffre-fort »), les longs ARN non-codants sont transcrits à partir de l’ADN non- codant (en bleu).

Ils régulent l’expression des gènes codants.

PHOTOCOPIE 2

Des gènes codants (en rose) sont transcrits en ARN messagers (ARNm).

Ceux-ci transportent l’information génétique sous forme de codons, soit des séquences de trois nucléotides. À chaque codon est assigné le « plan de fabrication » d’un acide aminé précis.

LECTURE - SCAN 3

L’ARNm quitte le noyau et entre dans

le cytoplasme de la cellule. Il se dirige vers le ribosome (« l’usine »), soit la structure de la cellule chargée de synthétiser les protéines à partir de l’information contenue dans le brin d’ARNm.

FABRICATION

*microARN

4

En guise d’ouvriers, le ribosome emploie des ARN de transfert (ARNt).

Ces derniers « lisent » les informations portées par l’ARNm et associent à chaque « mot » un acide aminé. Ils l’apportent à

« l’usine » qui l’utilisera pour fabriquer une protéine.

Une fois terminée, la protéine toute neuve va accomplir sa mission.

Les microARN, non-codants, inhibent ou dégradent l’ARNm.

Ils régulent ainsi la fabrication de protéines.

microARN*

régule l’expression des gènes codants

humains vertébrés

invertébrés plantes -

champignons unicellulaires

procaryotes

*Des exceptions existent.

The relationship between non-protein-coding DNA and eukaryotic complexity. Taft, Pheasant, Mattick. BioEssays 29:288-299 (2007).

LA GRANDE FAMILLE DE L’ARN

Infographie: STÉPHANIE WAUTERS

(20)

Diabète freiné chez la souris

En utilisant une molécule qui bloque l’action de ces mi- croARN destructeurs, Romano Regazzi et ses collègues ont réussi à « prévenir la mort de cellules bêta, donc à frei- ner le développement du diabète de type 1 chez des sou- ris ». Bien qu’un même mécanisme intervienne chez l’être humain, « on ne peut pas transposer ce traitement en cli- nique, car nous avons utilisé des virus pour mener nos

BIOLOGIE

En d’autres termes, elle est à ces derniers ce qu’un va- riateur est à la lumière : elle les allume avec plus ou moins d’intensité ou les éteint.

Étonnamment, constate Thierry Pedrazzini, profes- seur associé à l’UNIL et directeur de l’unité de cardiolo- gie expérimentale du Service de cardiologie du CHUV, « le nombre de gènes codants est pratiquement le même dans toutes les espèces animales. Mais plus on monte dans la hiérarchie de l’évolution, plus la proportion de gènes non-codants augmente. Ces derniers sont donc à l’origine de la complexité des organismes. » Pour illustrer ce phénomène, le professeur prend l’exemple des notes de musique. « Nous avons tous les mêmes sept notes à notre disposition, pourtant lorsque Mozart en jouait, le ré- sultat était fabuleux du fait de sa complexité, alors que quand je me mets au piano, ajoute-t-il en riant, c’est tout autre chose ! »

Certains de ces ARN non-codants étaient connus de- puis longtemps, comme les ARN de transfert et les ARN ribosomiques (lire encadré p. 22). Mais « la grande révo- lution, précise Thierry Pedrazzini, est intervenue il y a une dizaine d’années, lorsqu’on a pu séquencer l’en- semble de ces ARN cellulaires. On en a alors découvert bien d’autres. »

Ils sont classés en deux catégories, en fonction de leur taille : les courts, qui ont moins de 200 nucléotides (uni- tés de construction des acides nucléiques), les longs, qui en ont plus.

Les microARN interviennent dans le diabète Parmi les courts, les plus connus sont les microARN (miARN) formés d’une vingtaine de nucléotides. « Ils se lient à des régions particulières des ARN messagers dont ils inhibent l’action, les empêchant de produire des pro- téines », explique Romano Regazzi.

Ils ont été découverts pour la première fois dans un petit ver, Caenorhabditis elegans, très utilisé par les biolo- gistes comme organisme modèle. Aujourd’hui, on sait que les cellules des mammifères en possèdent aussi. « Des mil- liers d’entre eux ont déjà été identifiés et l’on estime qu’ils pourraient contrôler 30 à 50 % des gènes humains. Ils sont donc probablement impliqués dans un grand nombre de fonctions physiologiques et de conditions pathologiques. » En particulier dans le diabète de type 1. Les enfants et les jeunes adultes qui en souffrent manquent d’insuline parce que les cellules bêta du pancréas qui produisent l’hormone sont détruites par le système immunitaire. « Ce dysfonctionnement est lié à des changements dans le ni- veau d’expression de certains microARN », explique Ro- mano Regazzi. Son équipe a en effet découvert que, dans le diabète de type 1, les « lymphocytes (composants du système immunitaire) qui infiltrent le pancréas relâchent des vésicules qui transfèrent certains de leurs microARN dans des cellules bêta, ce qui les tue ».

« LES MICROARN SONT PROBABLEMENT IMPLIQUÉS DANS UN GRAND NOMBRE DE FONCTIONS PHYSIOLOGIQUES ET DE CONDITIONS PATHOLOGIQUES. »

ROMANO REGAZZI

ROMANO REGAZZI Professeur à la Faculté de biologie et de médecine. Directeur du Département des sciences biomédicales et vice-directeur de l’École de médecine.

Nicole Chuard © UNIL

La Faculté de biologie et de médecine unil.ch/fbm

(21)

Allez savoir ! N° 77 Mai 2021 UNIL | Université de Lausanne 21 Thierry Pedrazzini – mais l’intérêt qu’ils suscitent est plus récent. Eux aussi jouent les modérateurs. « Ils s’asso- cient à des partenaires – un ARN, l’ADN ou une protéine – et régulent l’expression des gènes codants. » Certains ont un effet local, d’autres agissent sur des gènes situés beau- coup plus loin dans le génome, d’autres encore peuvent sortir du noyau et intervenir dans le reste de la cellule, le cytoplasme. « Un seul long ARN non-codant peut cibler plusieurs gènes et ainsi orchestrer la réponse de la cellule induite par divers stimuli, un stress ou une maladie par exemple », explique le professeur de l’UNIL. En résumé,

« ils sont les régulateurs de l’identité et du comportement cellulaires ». Cela ouvre de vastes perspectives thérapeu- tiques puisque, en intervenant sur ces chefs d’orchestre, on peut inciter une cellule à réagir de façon appropriée face à une pathologie.

Réparer le cœur après un infarctus

L’équipe de Thierry Pedrazzini a choisi d’en tirer parti pour tenter de régénérer le muscle cardiaque après un in- farctus du myocarde. Privées de sang et d’oxygène lors de l’attaque, les cellules du muscle cardiaque, les cardio- myocytes, meurent. Par ailleurs, on assiste à la proliféra- tion de fibroblastes, des cellules rigides qui forment des cicatrices fibreuses. Du fait de ce double processus, le cœur a donc plus de difficultés à se contracter et à jouer son rôle de pompe.

« Les médicaments utilisés actuellement ralentissent la destruction des cellules cardiaques, mais ils ne per- mettent pas leur régénération », constate le chercheur.

D’où son idée d’utiliser un long ARN non-codant qui agit comme un « interrupteur moléculaire. Grâce à lui, on peut reprogrammer le cardiomyocyte et le pousser à faire une chose pour laquelle il n’est pas conçu : proliférer, donc pro- duire de nouvelles cellules. »

En « éteignant » l’un de ces ARN, Wisper, chez la sou- ris, les chercheurs de l’UNIL ont réussi à limiter la fibrose et à permettre au cœur de se réparer plus vite après un infarctus.

Exploitant le fait que « les longs ARN non-codants sont facilement accessibles et qu’il est donc possible de blo- quer leur action à l’aide d’inhibiteurs », l’équipe lausan- noise a tenté l’expérience. Elle a utilisé un petit fragment d’ADN (nommé GapmeR) qu’il est possible de modi- expériences. Il faudra donc trouver un autre moyen d’in-

troduire cette molécule dans les cellules bêta, indique le vice-directeur de l’École de médecine. Par ailleurs, chez les rongeurs, nous avons réussi à intervenir avant l’appa- rition du diabète. On ne sait pas si la méthode fonctionnera quand la maladie s’est déjà déclarée. »

Ces ARN pourraient aussi servir de biomarqueurs.

De nombreuses cellules de l’organisme relâchent en effet des vésicules contenant des microARN que l’on retrouve ensuite dans le sang, l’urine et autres fluides biologiques où l’on peut les quantifier. Ces mesures pourraient per- mettre par exemple « d’identifier une personne qui va dé- velopper un diabète ou de prédire qu’une autre, ayant déjà cette maladie, est à risque d’avoir des complications ».

Les longs ARN non-codants jouent les modérateurs Les longs ARN non-codants sont plus nombreux que les courts – « on en a déjà identifié environ 200 000 », selon

« LES LONGS ARN NON-CODANTS SONT LES RÉGULATEURS

DE L’IDENTITÉ ET DU COMPORTEMENT CELLULAIRES. »

THIERRY PEDRAZZINI

THIERRY PEDRAZZINI Professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine. Directeur de l’unité de cardiologie expérimentale du Service de cardiologie du CHUV.

Nicole Chuard © UNIL

(22)

fier, afin qu’il détruise spécifiquement une cible – en l’occurrence, l’ARN Wisper exprimé uniquement dans les fribroblastes. « Chez la souris, deux injections suffisent à accélérer la récupération du cœur. » Les chercheurs ont d’ailleurs breveté leur procédé et créé une start-up pour le développer. « Avec l’espoir, dit Thierry Pedrazzini, d’en faire un traitement. »

Essais cliniques dans trois ans

Une équipe allemande a récemment « apporté la preuve de la faisabilité de la méthode chez l’être humain », souligne Thierry Pedrazzini qui envisage de lancer des premiers essais cliniques dans trois ans.

Ces longs ARN non-codants étant « impliqués dans toutes les maladies », ils pourraient, eux aussi, servir de biomarqueurs ou encore « de cibles pour de nouveaux trai- tements, y compris dans le domaine des pathologies neu- rologiques dégénératives », note Thierry Pedrazzini.

La saga de la famille des ARN non-codants ne fait donc que commencer. « Lorsque l’on aura compris comment ils fonctionnent, ce qui est loin d’être le cas pour la plupart d’entre eux, on pourra mieux élucider les causes de cer- taines maladies et peut-être trouver d’autres approches pour les traiter », espère Romano Regazzi. De quoi boule- verser le monde de la médecine. 

ARN messager, microARN et long ARN non-codant ne sont que quelques illustres représentants de la famille des ARN qui en compte bien d’autres. Notamment :

• Les ARN ribosomiques (ARNr). Au cours de la suc- cession d’étapes qui conduit à la fabrication des pro- téines, ils interviennent après leurs collègues mes- sagers dont ils traduisent l’information, afin de permettre au ribosome de produire les protéines.

Dans la lutte contre le cancer, « on pourrait agir sur eux pour bloquer le mécanisme biologique dont dispose la cellule tumorale pour proliférer, précise Thierry Pedrazzini. Mais il faudrait pouvoir les cibler spécifiquement, sinon, on n’est pas à l’abri des effets secondaires. »

Une entreprise canadienne en a déjà fait un outil susceptible de déterminer rapidement le succès d’une chimiothérapie anti-cancéreuse. Si l’ARNr présent dans les cellules tumorales est disloqué, la production des protéines est impossible et les cellules meurent.

Dans le cas contraire, le médicament est inefficace.

• Les  ARN  de  transfert  (ARNt). L’ARN messa- ger porte l’information sous forme de mots de trois lettres (codons) qui, chacun, représente le plan de fabrication d’un acide aminé, donc d’une des briques qui forment les protéines. Il revient à l’ARNt de lire le message, d’associer à chaque mot un acide aminé et d’apporter celui-ci au ribosome, l’usine de production des protéines.

• Les ARN interférents (siARN). Ils ont été décou- verts en 1990 à l’occasion d’expériences sur les plantes. Huit ans plus tard, deux chercheurs améri- cains ont élucidé leur fonction chez le ver Caenor­

habditis elegans, ce qui leur a valu de recevoir le Prix Nobel de médecine et de physiologie en 2006.

Ces petits ARN non-codants inhibent les ARN messagers et bloquent les gènes dont ceux-ci sont issus. Ils constituent donc un outil de choix pour

« éteindre » un gène impliqué dans une maladie.

Un premier médicament à base de siARN a été mis sur le marché aux États-Unis en 2018 pour traiter l’amy- lose héréditaire, une neuropathie dont ils freinent l’évolution. Un autre, destiné au traitement de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), est en cours d’essais cliniques. On compte aussi beau- coup sur eux pour enrichir la panoplie des thérapies anti-cancéreuses. 

APPLICATIONS MÉDICALES DE L’ARN NON-CODANT BIOLOGIE

ARNr

Illustration d’un ribosome humain.

L’ARN ribosomique est le constituant principal de cette structure dont la fonction est de synthétiser les protéines.

© Keystone/Science Photo Library/Carlos Clarivan

(23)

OUVRE-BOÎTE

E

n Suisse, plusieurs brigades des stupéfiants disposent depuis quelques mois d’une nouvelle arme qui pourra accélérer leur lutte contre ce trafic. Il s’agit d’un dispo- sitif capable de reconnaître en cinq secondes tous types de drogue : can- nabis, héroïne, cocaïne, MDMA ou en- core kétamine, ainsi que les produits de coupage.

Mis au point par Florentin Cop- pey, doctorant à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’admi- nistration publique, le système se compose d’un appareil produit aux États-Unis ressemblant à une petite lampe de poche, et d’une applica- tion mobile développée par l’agence Apptitude de l’EPFL, grâce à un fi- nancement InnoTREK de 100 000 francs. Pour l’utiliser, il suffit de po- ser l’engin sur la substance illicite et d’appuyer sur un bouton. Instanta- nément, un flash s’enclenche et un dé- tecteur enregistre la variation de lu- mière réfléchie par les molécules du produit. L’information de sa composi- tion chimique et de sa pureté est en- suite envoyée sur le smartphone de l’utilisateur.

Des algorithmes « maison »

« Cette solution répond à un besoin de rapidité exprimé par les agents », explique le doctorant, qui a lancé en mars la start-up NIRLab Sàrl. « En Suisse, on est incriminé selon le taux de pureté. Par exemple, un individu ne peut être emprisonné qu’à par- tir de 18 grammes de cocaïne pure.

Or, une analyse en laboratoire prend en moyenne deux semaines et, pen-

dant ce temps, la police doit travail- ler à l’aveugle, détaille le Valaisan.

NIRLab permet d’obtenir un résultat en un clic, avec un très bon niveau de confiance. »

Ce dispositif est le fruit de sa re- cherche doctorale supervisée depuis quatre ans par le professeur à l’École des sciences criminelles Pierre Es- seiva. Choisissant d’exploiter le po- tentiel de la spectroscopie proche infrarouge, employée habituelle- ment par les industries pharmaceu- tiques et chimiques, le chercheur est

parvenu à adapter cette « lampe de poche » à un usage policier. Il a pour cela programmé des algorithmes ca- pables de traduire les données spec- trales abstraites émises par l’appareil en informations textuelles, compré- hensibles pour des non-initiés.

Un an et demi de tests

Afin que les algorithmes puissent reconnaître les substances mesu- rées sur le terrain, Florentin Cop- pey a scanné près de 4000 échantil- lons issus de saisies policières. Cette banque de données ainsi constituée évoluera constamment grâce à la cen- tralisation en temps réel sur un cloud des mesures effectuées quotidienne- ment par le réseau d’utilisateurs. Un point important, selon lui, « car de nouvelles drogues apparaissent tous les mois ».

Après un an et demi de tests ré- alisés sur le terrain par des polices romandes, le dispositif est déjà com- mercialisé dans plus d’une dizaine de cantons. Pour l’entrepreneur, l’objec- tif est d’être présent dans l’ensemble de la Suisse afin d’avoir un suivi en direct du marché des stupéfiants à l’échelle nationale, via une plateforme de visualisation des statistiques. « Ce qui serait vraiment unique ! » Lors de la phase de test, il avait notamment observé sur un graphique une baisse de la pureté de la cocaïne mesurée au printemps 2020, « sans doute liée à un manque d’approvisionnement lors du semi-confinement », inter- prète-t-il. En cours de finalisation, cette plateforme sera bientôt dispo- nible. LYSIANE CHRISTEN

SA LAMPE RÉVÈLE LES DROGUES EN CINQ SECONDES

Le doctorant à l’UNIL Florentin Coppey a mis au point pour les forces de police une technologie portable d’analyse de stupéfiants. Son dispositif nommé « NIRLab » est déjà utilisé dans plus d’une dizaine de cantons.

Le HUB entrepreneuriat et innovation  unil.ch/hub

FLORENTIN COPPEY Doctorant à l’UNIL et fondateur de NIRLab Sàrl.

Nicole Chuard © UNIL

Allez savoir ! N° 77 Mai 2021 UNIL | Université de Lausanne 23

(24)

HISTOIRE DES RELIGIONS

ANNONCIATION

L’archange Gabriel (détail) vu par le peintre Nicolaes Pietersz Berchem, en 1656.

© Bristol Museum, Galleries

& Archives, Bridgeman Images

(25)

Allez savoir ! N° 77 Mai 2021 UNIL | Université de Lausanne 25

L

es anges ont bien failli prendre la place de Dieu dans le cœur des croyants. À plusieurs reprises, au cours de leur histoire, ces créatures ailées ont provoqué une adoration si forte qu’elle a alarmé les Autorités religieuses. Suffisamment pour qu’elles tentent de

freiner leur envol. C’était notamment le cas dans l’Occi- dent chrétien, en 789 après J.-C., quand le futur empereur Charlemagne a dû annoncer chez lui, lors d’un concile à Aix-la-Chapelle, que tous ceux qui invoqueraient d’autres anges que Michel, Gabriel ou Raphaël, risquaient dé-

LA RÉSISTANCE DE

À plusieurs reprises dans l’histoire, les anges ont pris leur envol, avant d’être freinés dans leur progression.

Mais avec la pandémie, les anges passent et repassent.

TEXTE JOCELYN ROCHAT

DE CHARLEMAGNE À LA COVID-19

(26)

nom d’Ouriel car il symbolisait la lumière de Dieu pour l’Église chrétienne en Occident. Charlemagne ne trouve rien à redire au début de son règne lorsqu’il est couronné roi des Lombards dans l’ancienne ville impériale de Mi- lan. Cet ange de la lumière avait une légitimité au début de son règne. »

Mais cette popularité n’a pas suffi pour le sauver.

Après avoir limité le culte des anges aux seuls Michel, Gabriel et Raphaël, Charlemagne a dû se plier à la nou- velle règle. « Il ne fait pas de doute que dans l’ancienne cathédrale de Milan comme en d’autres lieux, le nom d’Ouriel a été biffé et souvent remplacé par celui de l’ar- change Michel, après l’épisode du concile », précise le pro- fesseur de l’UNIL.

Charlemagne menace d’excommunication

En brandissant la menace de l’excommunication, Charle- magne va plus loin que le pape Zacharie qui était, le pre- sormais l’excommunication. Cette décision fait une

première victime prestigieuse, l’archange Ouriel. « On peut voir sur le plan de l’ancienne cathédrale de Milan, au début du VIIe siècle, sur le site actuel du Duomo, qu’il y avait une tour nommée selon l’archange Ouriel », raconte le professeur de l’UNIL David Hamidovic.

L’archange de la lumière

Ouriel était populaire, parce qu’il symbolisait la lumière de Dieu. « C’était le quatrième archange cité dans des écrits apocryphes, notamment Le Premier livre d’Hénoch, le livre des Veilleurs ou des Vigilants. C’est un livre très ancien qui est encore considéré comme sacré chez les chrétiens d’Éthiopie aujourd’hui, mais qui n’a pas été conservé dans le canon juif ni dans le canon chrétien. »

Pour le spécialiste de l’angélologie à l’UNIL, « il n’est pas étonnant que dans la cathédrale où le prestigieux Père de l’Église, Augustin, a été baptisé, on trouve le

L’Institut romand des sciences bibliques unil.ch/irsb

HISTOIRE DES RELIGIONS

TRIO

Les trois archanges Michel, Raphaël et Gabriel, et le jeune Tobie, vus par Biagio d’Antonio, en 1480. Peinture sur bois. Florence, coll.

Bartolini Salimbeni.

© akg-images / Rabatti & Domingie

(27)

Allez savoir ! N° 77 Mai 2021 UNIL | Université de Lausanne 27 Les anges se sont donc montrés efficaces pour conver- tir les païens, comme le rappellent « de nombreuses cha- pelles qui ont été dédiées à des anges pour supplanter des cultes locaux, ce qui explique qu’il y ait encore au- jourd’hui de nombreuses églises Saint-Michel ». Mais leur pullulement a aussi alerté le clergé, qui craint les pra- tiques hérétiques, et s’inquiète de voir les anges rempla- cer Dieu tout court. « Dans le judaïsme, on a réglé ce pro- blème en réservant la littérature mystique aux meilleurs rabbins, alors que, dans le christianisme, les Autorités re- ligieuses ont préféré réglementer la pratique lors des sy- nodes et conciles de Soissons, de Latran et d’Aix-la-Cha- pelle », explique David Hamidovic.

Aux commencements, l’ange est rare

Heureusement pour ce clergé suspicieux, les anges n’ont pas toujours été aussi nombreux qu’à l’époque de ce sa- cré Charlemagne. Car le développement historique mier, intervenu quelques décennies plus tôt, pour tenter

de freiner le développement rapide du culte des anges.

Lors du synode de Soissons en 744, puis du concile de La- tran en 745, le pape Zacharie avait notamment réagi aux prédications d’un clerc prénommé Adalbert qui sévissait en Champagne.

« Ce prêtre prétendait détenir une lettre du Christ re- çue par l’entremise de l’ange Michel, précise le profes- seur de l’UNIL. Il affirmait aussi avoir une relation conti- nue avec les anges. Il disait qu’il s’adressait notamment à Raguël, Tubuel, Michel, Adinus, Tubuac, Sababoc et Si- miel. Enfin, il assurait que l’un d’eux lui avait confié des reliques permettant d’obtenir tout ce qu’il souhaitait. Bref, il y avait là un culte qui remettait clairement en cause l’au- torité de l’Église. »

Adalbert, c’est un peu la goutte d’eau qui fait débor- der le vase de Soissons. « Le pape se sert probablement de cette affaire pour limiter la vénération aux seuls Michel, Gabriel et Raphaël et il annonce que les autres anges et archanges seront dorénavant assimilés à des démons », es- time David Hamidovic.

Seuls restent Raphaël, Michel et Gabriel

S’il restreint la pratique, le pape Zacharie n’interdit pas le culte des anges, et il consent même à autoriser – c’est une première – la vénération des trois archanges. Il jus- tifie cette exception en expliquant que Michel, Gabriel et Raphaël sont les seuls intercesseurs expressément nom- més dans la Bible.

« Cette décision de 745 explique la survivance de prières et des cultes dédiés à ces trois archanges, jusqu’à notre époque. Elle explique encore pourquoi ces trois noms se sont maintenus dans la culture occidentale, alors que les autres ont été relégués dans les sphères savantes », précise David Hamidovic. Elle explique enfin que nous connaissions un ange de la guérison (Raphaël), un mes- sager céleste (Gabriel) et enfin l’archange Michel, « celui qui est comme Dieu », ce qui lui a valu d’être perçu comme supérieur aux autres.

Les anges sont utiles pour convertir les païens

Quelques décennies plus tard, Charlemagne confirmera le choix restrictif du pape Zacharie, après avoir large- ment utilisé les anges pour tenter d’évangéliser ses cam- pagnes. Car jusque-là, ces intercesseurs étaient des al- liés bienvenus pour les missionnaires qui tentaient de remplacer les cultes païens par le christianisme. Notam- ment l’ange gardien, une figure très appréciée au Moyen Âge. « C’était une alternative commode aux nombreuses figures d’intercession païennes, à qui on demandait de bonnes récoltes, où qui étaient invoquées dans les cultes des eaux et des sources très répandus à l’époque », précise le spécialiste de l’UNIL.

DAVID HAMIDOVIC Professeur à l’Institut romand des sciences bibliques (Faculté de théologie et de sciences des religions).

Nicole Chuard © UNIL (archives)

(28)

Références

Documents relatifs

Quand je pense savoir l’écrire, je l’écris sans modèle sur mon ardoise.. Ecris les mots de l’autodictée sous

Quand je pense savoir l’écrire, je l’écris sans modèle sur mon ardoise.. Ecris les mots de l’autodictée sous

Vous trouverez dans le présent numéro du Bulletin le compte rendu de la dernière Journée de réflexion, or- ganisée cette année encore par l’Institut suisse pour la

Plutôt que de décider a priori de sortir de l'euro pour revenir à la drachme, la peseta ou le franc, ils seront bien inspirés de prendre des mesures unilatérales pour montrer

mande de paiement de subside (formulaire 2, en: 3 exemplaires) et établira une facture égale- ment en 3 exemplaires, avec indication du N° de la demande, le nombre et le genre des

En même temps, je pense que le théâtre doit faire partie de la vie de tous les jours de l'école, y être intégré, reconnu et que cela doit être fait aussi par les profs

Dès le deuxjème trimestre, chaque enfant peut commencer seul sa lettre : date, en- tête (on finit par se repérer dans le jeu d'étiquettes que nous avons préparé

CORRESPONDANCE _~ Ce nunéro de l ·Educateur publie la nouvelle fiche de demande de correspondance Si vous connaissez dès maintenant votre cl asse de l Q année