R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
A NDRÉ V IDAL
L’analyse de groupes à variables multiples ou analyse typologique
Revue de statistique appliquée, tome 3, n
o4 (1955), p. 87-94
<
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L’ANALYSE DE GROUPES A VARIABLES MULTIPLES OU ANALYSE TYPOLOGIQUE
par André VIDAL
Le
développement
des connaissances scientifiques ettechniques
s’est faitmoins par
l’application
indéfinie des mêmes méthodes à des lignes de recherche initiales, que par la découverte de nouveaux domaines susceptibles de se prêter à une étudesystématique
et de nouvelles méthodes permettant de progresser dans ces domaines ou de renouveler d’anciennes liqnes quiparaissaient épuisées.
Dans le domaine de la statistique, les méthodes d’étude de données
qualitatives,
par
exemple,
commencent à se faire jour à côté desprocédés plus classiques applicables
à des faitsquantitatifs.
Le but de cet article est de présenter une nouvelle
technique
d’étude statistique(fort
ancienne à bien deségards)
qui est de nature à compléter ou à renouvelernos moyens
d’approche
dans des domaines très divers.Il s’agit de la découverte des
types;
ou, si l’on préfère, de la découverte de la manière dcnt, dans unepopulation
d’objets caractérisés par plusieurs variables, les objets se groupent en familles analogues au point de vue de toutes les variables considérées simultanément; ou, si l’on préfère encore, la découverte des zones de condensation dans un espace à n dimensions.L’ANALYSE
DEGROUPES
AVARIABLES MULTIPLES OU ANALYSE TYPOLOGIQUE
Soit une
population d’objets,
dont chacun est caractérisé par des valeursdans,
parexemple, cinq
variables. Ils’agit,
si l’on veut, de divers échantillons depétrole . Chaque
échantillon a une teneur a dans le constituant x1 , b dans le constituant x 2’ etc ...On
peut représenter
cet échantillon par uneligne brisée,
sur ungraphique comprenant cinq ordonnées,
comme dans lafigure
1.Fig. 1
Il
peut
arriver que les formes et lesemplacements
des différentsprofils,
tels que a b c d e, soient très différents d’un échantillon à l’autre . Il peut arriver aussi
qu’un
nombreplus
ou moinsimportant
d’échantillons aient desprofils
voi-sins et semblablement
placés, qui passent
tous dans un canalplus étroit,
tel que celuiqui
a été hachuré sur laFig.
1. Cegroupement
estdéfini,
si l’on veut, par l’axe du canal et par sesépaisseurs
aux différentes variables . Il constitue cequ’on appelle
untype.
Nousappelons
"intervalles de tolérance" lesépaisseurs
ducanal aux différentes variables.
Si les "intervalles de tolérance" pour
chaque
variable sontgrands,
c’est-à-dire si le canal hachuré est très
large,
il est normalqu’il
y passebeaucoup
d’é-chantillons.
Si,
au contraire, il passebeaucoup
d’échantillons à travers un canal trèsétroit,
il est hautementprobable
que cela n’est pas dû au hasard. La"signi-
ficativité" de l’existence d’un
groupement
est donc fonction directe de l’effectif du groupe et fonction inverse de lalargeur
du canal.Nous ne connaissons encore aucune méthode pour chiffrer cette
significati-
vité. Ce
problème
est actuellement entre les mains demathématiciens,
amis de cetteRevue,
etqui espèrent
arriver à une solution commode de ceproblème
fortdifficile. Mais ce
point
n’est pour nous quesecondaire,
ouplus
exactement se-cond. Le
problème
que nous souhaitons examiner ici est celui de la découverte même destypes.
Etant donné une
population d’objets
caractérisés sur différentesvariables,
sion
reporte
leprofil
dechaque objet
sur la mêmefigure
1, on aboutit à un réseauinextricable. Fixant a
priori
des intervalles de tolérance et un effectif minimum, leproblème
consiste à se demander s’il y a dans ce réseau des canaux de l’é-paisseur
ainsidéfinie , quels
quepuissent
être leur forme et leuremplacement,
et con-tenant un nombre de
profils supérieur
ouégal
à l’effectif admis comme mini-mum. Pour le lecteur
qui préfère
"voir" les choses dansl’espace, chaque objet
est
représenté
par unpoint
dans un espace à ndimensions,
n étant le nombre de variables . Untype
est une sorte de grumeau dans ce nuage depoints.
On décidequ’il
y aura grumeauquand
on trouveraplus
de mpoints
dans une zone de "diamè- tres" déterminés. Bienentendu,
il y a lieu de ne rienprésupposer
en cequi
con-cerne
l’emplacement
du grumeau, car ilpeut
êtren’importe
où. Leproblème
consiste à trouver une méthode pour détecter les grumeaux, tous les grumeaux
répondant
aux seules conditions tolérances eteffectif,
comme le radar détecte l’avion dansl’espace qu’il balaye.
Sur le
plan mathématique,
laquestion
estpratiquement
insoluble par les voies habituelles au-dessus d’un toutpetit
nombre de variables. Auvrai,
elle est traditionnellement considérée comme assortie de difficultés telles quebeaucoup
de
statisticiens,
même fort avertis, en ont oubliéjusqu’à
l’existence . Notre chan-ce a été de trouver une combinaison
qui
s’est révéléevalable,
de considérationsmathématiques
et de "tours de mains" dans le maniement de la carteperforée classique. (1)
Appliqué
à différentsproblèmes
destatistique
industrielle et de recherchepsychologique,
ceprocédé
nous a donné l’occasion de mesurer clairement l’inté- rêtméthodologique
depremier
ordre attaché à cette voied’approche.
Nous enreparlerons plus
loin. ..LIAISONS
ETFRONTIÈRES AVEC
LASTATISTIQUE CLASSIQUE
Les rapports de
l’analyse typologique
avec certaines autrestechniques
statis-tiques
habituelles se laissent assez bienfigurer
par le tableau ci-dessous. On y voit quel’analyse typologique
vient combler une lacune ancienne dans le domaine desstatistiques
multi-dimensionnelles .Partant de données
quantitatives multidimensionnelles,
le statisticienpeut
avoir à découvrir de nouvellesvariables,
encoreinconnues;
ou bien ilpeut
avoir(1 )
Il n’est pas dans nos intentions de publier, au moins pour le moment, cette méthode qui d’ailleurs n’est pas à la portée de chacun, notamment parce qu’elle utilise une trieuse d’un mo-dèle
particulièrement
évolué.- N.d.I.R. Un service spécialisé de l’Organisation dirigée par M. Vidal est à la disposition
des statisticiens pour effectuer de tels travaux.
à
prédire
des valeurs pour d’autresvariables,
dont l’existence estdéjà
connue.Cette distinction
correspond
aux deux colonnes du tableau. D’autrepart,
la varia- ble à découvrir ou àprédire peut
être d’ordrequantitatif,
ou bien consister sim-plement
en donnéesqualitatives,
comme l’existence ou la non-existence d’un ca-ractère, l’appartenance
ou lanon-appartenance
à un groupe. Cetteopposition correspond
aux deuxlignes
du tableau.On
aperçoit
ainsi quel’analyse typologique
est la démarche inverse des fonc- tions discriminantes. Celles-cisupposent
lestypes
connus etpermettent
de rap-porter
les nouvelles observations à l’un de cestypes
connus, defaçon
à rendreminimum le nombre d’erreurs de classification.
L’analyse typologique
se pose leproblème logiquement précédent, qui
est celui de la détermination de cestypes.
On
aperçoit également
quel’analyse typologique
a ceci de commun avec l’ana-lyse
factoriellequ’elle
est aussi une méthodeinductive,
mais ces deux méthodes semblentexplorer
deux "versants"opposés
desphénomènes . L’analyse
factorielle s’intéresse à la définition des dimensions del’espace représentatif
du domaineétudié. Elle s’intéresse ainsi à la
projection
des vecteursreprésentant
les obser- vations sur certainesvariables primaires .
Elle -nous dit comment serépartissent
ouse
groupent
les scores dans les différentesvariables,
mais non comment serépartissent
ou se
groupent
les faits ou lesobjets
étudiés eux-mêmes. Il y a là uneoptique
en- tièrement différente.L’analyse typologique
considère les observations toutes dimensionsréunies
etpeut
ainsi mettre en lumière des faitsimportants
que rienne décèle sur le "versant variables" des mêmes données.
Par
exemple,
sur deuxvariables,
iln’est pas
du tout indifférent que la
population s’organise
comme sur la
figure
2 ou comme sur lafigure
3.Dans le
phénomène représenté
par lafigure 3, beaucoup d’objets
ont un score faible dans lesdeux
variables, beaucoup
ont un score élevé dansles deux
variables,
très peu sont caractérisés parun
couple
de scores de valeur moyenne. Cefait,
dont l’intérêtpratique peut
êtrefondamental,
nepeut
pas nousapparaître
par toute méthode axéesur les variables. Plus encore, le calcul des cor-
rélations,
parexemple, peut
nous conduire à des conclusions erronées dans ledétail, (quoique
va-lables en
gros)
si nousignorons
la structuretypo- logique
de lapopulation.
Parexemple,
deux ré-partitions
à deux variables aussi différentes que lesrépartitions
desfigures
2 et 4peuvent
donner le même coefficient de corrélation entre x et y.Dans le cas de la
figure 4,
il existe dans lapopulation
deuxtypes d’objets,
fortementgroupés
et
qui réagissent
de manièreopposée
àl’égard
des variables x et y. Dans le cas de la
figure 2,
les
objets paraissent
se comporter à peuprès
auhasard par
rapport
aux deux variables . De touteévidence,
ils’agit
là de deuxphénomènes complè-
tement
différents,
que rien ne nouspermettra
dedéceler,
et dedistinguer,
aussilongtemps
quenous nous bornerons à une étude des variables . D’une manière
générale,
les corrélations carac-térisant le nuage d’ensemble sont, ou
peuvent
être,
sansrapport
avec la structure interne du nuage et sadécomposition possible
en groupes
plus
ou moins nettement distincts . Ce fait fondamental doit être rap-pelé,
car il est souventméconnu,
même de statisticiens avertis.Dans le tableau
présenté plus haut,
ilcorrespond
à la situationopposée
del’analyse typologique
et deséquations
derégression
ou,plus généralement,
descorrélations
canoniques.
On
peut
remarquer enpassant
que lephénomène "corrélation",
s’il n’a cer-tainement rien à voir avec le
phénomène "existence
ou non existence detypes"
avraisemblablement
quelque
chose à voir avec la notion de"significativité"
del’existence d’un
type.
Parexemple,
pourreprendre
noscomparaisons concrètes,
une
population d’objets
à trois variables fortement corrélées entre elles donne unnuage en forme de boudin. Il
peut
ou non y avoir des grumeaux dans ceboudin,
tout comme dans la masse
sphérique
que l’on aurait si les variables n’étaient pas corrélées .Cependant,
il doit être moinssurprenant (significativité)
de trouverdes grumeaux dans le boudin que dans la
sphère.
Mais laissons cesujet,
ou l’étu-de
mathématique
en cours est trèssusceptible
de nous démontrer que cette "vrai- semblance" necorrespond
à rien.EFFORTS
ANTÉRIEURS
VERS LADÉCOUVERTE
DESTYPES.
L’originalité
de la méthodeapparaîtra
mieux si on la compare auxprocédés proposés jusqu’ici
pour la découverte destypes .
Onpeut
écarter dès l’abord tou- tes les recherchesqui partaient
detypes
apriori (comme
ce fut le cas debeaucoup
de
typologies
ducaractère).
Il est bien évident que le fait que des individus sélec- tionnés comme introvertis ouextravertis,
parexemple, réagissent
différemment à certains tests n’est nullement la preuve de l’existence dutype
introverti ouextraverti. La réalité d’un
type implique beaucoup plus
que des différences indi- viduelles sur une dimension.On
peut
écarterégalement
la découverte intuitive destypes,
propre à l’an-thropologue
ou aubotaniste,
car ces méthodes ne sontplus applicables
dans desdomaines ou les
types
sont moins clairementmarqués .
Par contre, une
approche
intéressante avait été fournie par M. DELAPORTE(Biotypologie,
Juillet1946).
Sa méthode consistait àprojeter
le nuage à n dimen- sions sur lesn (n- 1) plans passant
par les combinaisons des n axes deux à deux.
Il
put
ainsi mettre en évidence l’existence de différentstypes
defonte,
dans des échantillons caractérisés sur 18 variables . Mais cette méthode ne va pas directe- ment au fait essentiel dugroupement.
Elle reposeuniquement
sur le fait que les groupes ontquelque
chance de se différencier sur certaines dimensions . Il est très faciled’imaginer
des genres degroupement
que rien ne trahirait sur desprojections
en deux dimensions et que cette méthode seraitincapable
de déceler .D’autres méthodes ont été
proposées,
sous la dénominationd’analyse
en"clusters". Notre ami R.B. CATTELL en propose
quatre
dans un article intitulé :"A note on correlation clusters and cluster search methods"
(Psychometrika,
1944, 9, 169-184).
Lapremière
revient à lacomparaison
deux à deux desprofils correspondant
àchaque
observation et auregroupement
des observationsqui
onttoutes un minimum de similarité entre elles. Elle est évidemment
impraticable
dès que le nombre d’observations
dépasse quelques
dizaines.Il en est de même de la seconde
qui
nécessite leréarrangement
dela
tabledes corrélations entre
profils,
pour faireapparaître
des groupeshomogènes
lelong
de ladiagonale.
La troisième est la méthode deTryon, qui
corrèle les colon-nes de corrélations
interprofils
elles-mêmes . Bien queparfois intéressante,
cette méthode nesimplifie
en rien le travail de recherche des groupes,puisqu’elle
doitpartir
d’une table de corrélations de secondordre,
aussiimportante
que la table des corrélationsoriginales .
La
Q-technique
de Stevensonpart
de la même table de corrélations entreprofils,
mais la traite enanalyse
factorielle. Il y a évidemmentquelques
chancespour que les facteurs
passent
au centre desclusters,
définissant ainsi destypes .
Mais ilpeut
en être autrement et, de toutemanière,
on ne saurait découvrirplus
de
types qu’on
ne découvrira defacteurs, quel
que soit le nombre detypes
effec-tivement
présents
dans le nuage depoints .
Les différentes méthodes
qui partent
de la table de corrélations entreprofils
ont d’ailleurs en commun deux graves
inconvénients
inhé’rents à cepoint
dedépart
même. Dans la table entre
profils, les lignes
et les colonnesreprésentent
les ob-jets
et les coefficientsreprésentent
les corrélations entre deuxobjets
sur l’en-semble
des.scores .
Elle nécessite donc le calcul den (n- 1)
coefficients decorré- lations,
n étant le nombred’objets.
Or la recherche detypes impose
un nombred’objets
suffisant pour que l’échantillon soitreprésentatif.
Un échantillon d’une centainepeut
êtreinsuffisant,
et ilcorrespond déjà
au calcul de4.950
coeffi- cients ... D’autrepart,
pour que les coefficients de corrélation soientsignifica- tifs,
il faut que l’ondispose
d’un nombre élevé devariables,
de l’ordre deplu-
sieurs dizaines au minimum. Or les
problèmes
concrets ont leurs variables propres et il est tout aussi difficile d’enmultiplier
le nombre que de leréduire.
La dernière méthode
proposée
parCATTELL,
celle de la délimitation appro- ximative des groupes, est sans doute laplus rapide,
maiscomporte
encore la nécessité de comparerchaque
observation à toutes les autres, cequi
en limiteirrémédiablement la valeur
pratique.
Jamais à notre connaissance une méthode
pratique
n’a étéproposée
pourattaquer
directement leproblème typologique .
Toutes les recherches de
types
onttoujours
cherché à mettre en évidence unedimension
privilégiée
surlaquelle
se différenciaient les groupes. Seule la méthodeproposée (ou
une autreayant
les mêmescaractéristiques) peut permettre
detypiser
directement des milliers d’observations surplus
d’une dizaine de dimen-sions.
POSITION
MÉfiHODOLOGIQUE
DEL’ANALYSE DES
GROUPES.Nous pensons très réellement que cette méthode est de nature à déclencher
une manière de
petite
révolution enstatistique appliquée .
Cela ne se fera pastrès vite,
car même dans les domaines essentiellementévolutifs,
et lastatistique appliquée
en est un, l’homme a une tendance bien affirmée à considérer la nou-veauté d’hier comme
classique
et la nouveauté de demain commedangereuse . En fait,
la mise en évidence detypes d’objets,
c’est-à-dire de zones de condensation dans le nuage d’ensemble est unprogrès
de toutepremière importance
dans lacompréhension
duphénomène
à l’étude. Ellepermet
en effet de conclure à l’exis- tence, entre lesobjets
relevant d’un mêmetype,
de liens deparenté profonde qui
ne sont convenablements décrits par aucune des variables utilisées. D’où résulte la nécessité et l’intérêt d’uneinvestigation
destinée à trouver la nouvelle varia- bleconvenable,
c’est-à-dire àcomprendre
cequi
différencie véritablement deuxtypes
l’un de l’autre. Il y a lesplus grandes
chances pourqu’un progrès
dans lavoie de cette
compréhension
accroisse considérablement l’intérêtthéorique
etpratique
des résultats d’ensemble de la recherche. Autantd’exemples
que l’on voudra viennent àl’esprit,
dans les domaines lesplus
divers.S’il se trouve que les
objets
étudiés se diffé-rencient fondamentalement d’une certaine
façon
etque le chercheur ait eu la
chance ,
ou leflair ,
deprendre
lacaractéristique correspondante parmi
ses variables
d’étude,
lephénomène
luiapparaî-
tra immédiatement car l’une des
projections
dunuage aura la forme nettement multi-modale
(fig . 5)
et il ne lui resteraplus qu’à reprendre
l’en-semble de son étude en
séparant
les différentespopulations.
S’il n’a pas eu cettechance,
le sous-nuage constituant le
type
sera orienté de manièrequelconque
parrapport
au faisceau d’axes et il n’a aucune chance de le voir autrementqu’au
ter-me d’une recherche
systématique.
Sur le
plan théorique,
la recherche des groupes à variablesmultiples repré-
sente donc un effort pour
atteindre,
si l’onpeut
dire, l’essence desphénomènes .
Le choix des variables a
toujours quelque
chose d’accidentel. En manifestant uneparenté
decomportement
àl’égard
des variablesutilisées,
lesobjets appartenant
à un même groupesuggèrent quelque
chose comme une identité de nature. Et,bien
sûr,
cette identité de nature n’estpeut-être
quegroupement
sur une variableprovisoirement
inconnue, mais cela n’enlève rien à sonintérêt,
au contraire.Sur le
plan pratique,
il est tout à fait certain que lesjugements
formulés surla
simple
connaissance desaspects
mesurés par les variablesrisquent
deparaî-
tre fort
sommaires,
si on les reconsidère à la lumière des résultats d’uneanaly-
se des condensations . Dans les mêmes conditions, les décisions faisant suite à
ces
jugements,
notamment enstatistique
industrielle oucommerciale, risquent
de
paraître passablement aventurées.
Parexemple, (voir fig.
2 et4)
onpeut
déci- derd’agir
sur une variable dans le but d’améliorer les scores dans une deuxième variable corrélée avec lapremière,
sans se douter que tous les membres de l’un des deuxtypes
vontréagir
exactement à l’inverse des membres del’autre,
et de lapopulation
d’ensemblequi
a donné lieu à la corrélation utilisée . Plusgénérale-
ment, l’existence de
types ayant
étéconstatée,
tant que le chercheur ne connait pasl’aspect qui
lescaractérise,
il n’a aucunespoir d’agir
sur eux de manièrerationnelle. A
plus
forte raison s’ilignore
leur existence.Il y a
longtemps
que lastatistique,
sur le versant"variables",
s’efforce dejuger,
deprévoir
ou dedécider,
toutes variablesprises
en considération simul- tanément(pronostics
oujugements
par indicespondérés
et corrélationsmultiples;
analyses
de la variance et de la covariance,etc.)
Mais l’existence non-décelée detypes
dans unepopulation
donnée prouveprécisément
que cesprocédés
ont étéinsuffisants,
car ils ont laissé dans l’ombre le faitréel, peut-être fondamental, qu’est
cette existence même.Différents cas sont d’ailleurs
possibles.
Ilpeut
arriver(sans qu’on
lesache,
bienentendu,
audépart)
que la totalité duphénomène,
ycompris
l’existence destypes,
soitdescriptible intégralement
dans la dimensionnalitéutilisée,
c’est-à- dire avec les variables retenues . L’existence detypes implique
alors laprobabi-
lité de
quelque
effetinconnu,
de nature discontinue, dans lejeu
combiné deplu-
sieurs de ces variables. Ce cas est
probablement
assezfréquent lorsque plusieurs
variables
correspondent
à descaractéristiques
causales. Parexemple,
certainesvaleurs de variables décrivant la manière dont a été
réglée
uneopération
de chi-mie
peuvent aboutir,
dans laréalité,
à une certaine variante duproduit fini,
- d’autres valeurs à une autre variante du même
produit.
Une fois ces deuxtypes identifiés,
il sera vraisemblablementpossible
de définir laprojection
selon la-quelle
ils sedistinguent
tout à fait bien l’un del’autre,
c’est-à-dire la combinai-son des anciennes variables
qui
décritparfaitement
la dualitéconstatée,
en mêmetemps qu’elle
ensuggère
aux techniciens uneexplication
correcte.Dans d’autres cas, notamment si
plusieurs
variables sontdescriptives (et
non
causales),
l’existence detypes
entraîne une forteprésomption
pourqu’il
existe ailleurs une nouvelle
variable,
non encore identifiée etqui
conditionne les différences entre les deuxtypes.
Aucune étudestatistique
conduite sur le versant"variables" ne saurait donner une telle
indication,
sauf bien entendu si elle aabouti, grâce
à uneprojection
ou à une factorisation"heureuse",
à la découverte detypes.
De même aucune combinaison des variables utilisées ne saurait se subs- tituer à cette variableinconnue,
car ils’agit
ici dechanger
la dimensionnalité de l’étude. Parexemple,
si la dualité constatée dans leproduit fabriqué
se trouvedépendre
aupremier
chef de la provenance d’une des matièrespremières,
et que cettecaractéristique
nefigure
pas dans les variablesd’étude,
iln’y
a aucunechance pour
qu’elle apparaisse
par une combinaison de ces variables .Certes, l’analyse typologique
n’entraîne pasautomatiquement
l’identification de cette nou-velle
variable,
mais elle ensuggère
l’existence et donne le moyen de la recher-cher,
par une revuesystématique
de tout ce que lesobjets appartenant
à un de cestypes peuvent
avoir de commun, que n’aient pas lesobjets
d’un autretype.
Il convient de
signaler,
en terminant, l’erreurqui
consisterait à conclure que les résultats d’une étude des condensations sont de nature à déconsidérer les résultats d’une étude des variables effectuée sur le même matériel. Les deuxlignes
de recherche sont inoffensives l’une pour l’autre. C’est seulement au stadedes
conclusions,
sur leplan
de la connaissance ou sur leplan
del’action,
que le chercheurrisque
d’être victime de celle des deuxqu’il
auranégligée ...
Un dernier
aspect,
à la foisthéorique
etpratique,
de la démarchetypologique
mérite d’être
signalé.
L’existence d’un groupepermet
dans une certaine mesure de raisonner sur uneportion
connue de l’échantillon comme si tous lesobjets appartenant
au groupe étaientidentiques.
D’où lapossibilité
de substituer augroupe l’un de ses
représentants
centraux(ou quelques-uns)
pour toutb étude ouaction
qui
seraitimpraticable
sans cettesimplification.
Qu’ils’agisse
de chosesaussi différentes que de
calçuler
leprix
de revient d’une commande de fabricationreprésentative
de sontype,
d’habiller des conscrits oud’essayer
unedrogue
surun malade
représentatif
d’unsyndrome,
il est certainqu’il
y a là uneperspective méthodologique,
à la foisthéorique
etpratique,
d’un extrême intérêt.CONCLUSIONS - QUELQUES CAS CONCRETS.
Le
champ
ouvert à ce mode de recherche est en recouvrement à peuprès complet
avec l’ensemble du domaine de lastatistique appliquée.
Il cesse de con-venir dans les seuls cas où le
phénomène apparait
comme une covariation continue devariables,
et où la notiond’objet
ou de fait scorable n’a pas de sens . En biolo-gie,
normale oupathologique,
engénétique,
leslignes d’application
sont éviden-tes. Il en est de même en
économie,
endémographie,
etplus généralement
pour toutes les sciences de l’homme .Quand l’être vivant est
concerné,
aucune recherche nepeut prétendre
maitri-ser
plus qu’une proportion
infime des variables réellementen jeu.
La tendancegénérale
est alors - d’innombrables études entémoignent - d’essayer
de rattacherl’individu,
le cas,l’observation,
le processus... à des"types",
seul moyen de mettre de l’ordre dans unemultiplicité
inabordable par d’autres voies. Et certes, cetteligne
estjustifiée,
mais à la condition que letype
résulte d’une élaborationstatistique
et non d’une définition apriori
ou d’unesynthèse
intuitive, comme c’est engénéral
le cas.En
psychologie appliquée, l’analyse
des groupes à variablesmultiples
est denature à faire progresser sensiblement la
technique, spécialement
dans les étu-des de
postes
et dansl’exploitation
desprofils d’aptitudes.
La même méthodepermettra
de donner aux études de JobRating
la cohérencequi
leur fait assezsouvent défaut.
En
statistique industrielle,
laplupart
des études dequalité
concernant les matièrespremières,
ainsi que lesproduits
semi-finis et finis relèvent àquelque degré
de cette méthodequi
ouvre enparticulier
d’intéressantesperspectives
d’extension pour lestechniques
devenuesclassiques
duQuality
Control. Ellepeut
avoir un intérêt du toutpremier
ordre pour l’étude desopérations
defabrication,
notamment dans le cas où celles-ci revêtent un caractère
discontinu,
et se lais-sent décrire en
populations d’échantillons,
comme c’est le cas de presque toute l’industriechimique.
En
statistique commerciale, technique
dont on commence à deviner actuelle- ment le trèsgrand
avenir, la méthodeapporte
une aide depremière importance
à l’étude desordres-clients,
despopulations
d’intermédiaires ou de consomma-teurs, des gammes d’articles du
point
de vue de leurcomportement
àl’égard
dumarché,
etc ...Il sera nécessaire de conduire un nombre
important d’applications
avantd’asseoir définitivement la
méthodologie
de cettetechnique
et d’enapprécier
l’exacte étendue .
A ce
jour,
nous avons puprocéder
àquatre
essais, intéressants par leur di- versité même.Une fabrication industrielle aboutit à un
produit,
dequalité variable,
carac- térisé sur six variables .L’analyse typologique permet
une classificationobjecti-
ve des différentes
qualités
duproduit,
clefpossible
de toute une série de recher-ches,
"en amont" comme "enaval",
sur laligne qui part
de la matièrepremière
et va
jusqu’à
l’utilisation duproduit
fini. Lesobjets
sont ici des échantillons deproduit,
les variables les résultats desanalyses .
Une autre usine livre un
produit
caractérisé par troisdimensions, qui
sontspécifiées
par le client.L’analyse
aboutit à une normalisation defait,
définissant comment les commandes clients segroupent
autour de formats que l’onpeut prendre
désormais comme standards. Belexemple
pour ceux quepréoccupent
lesquestions
de normalisation. Cettefois,
lesobjets
sont les commandesclients,
les variables les dimensions demandées.Une autre usine conduit des
opérations
de fabricationqui
se caractérisent par des incidents de différentes natures(par exemple :
rebut de telgenre). L’analyse typologique
classe cesopérations
par famillesanalogues
aupoint
de vue de tousles
incidents ,
ouvrant uneligne
de recherche intéressante sur lestechniques
defabrication considérées dans leur
ensemble,
inabordable par toute autre voie . Dans ce cas, lesobjets
sont desopérations
defabrication,
les variables des événementscaractéristiques
du succès ou de l’insuccès de cesopérations.
Dans le cadre de notre propre
Département
Recherches(en psychologie)
lesprofils
dequatre
cents malades mentaux au test M.M.P.I.(7
variablesprincipa-
les)
ont été traités par la même méthode. Dans la mesure(c’est
unelarge
mesu-re)
oùchaque
variable estsignificative
d’un trouble mental biendéfini,
c’est unevéritable
"nosographie objective" qui
est constituée de cette manière.Nous
espérons
avoir bientôt d’autres cas àprésenter (plus
endétail)
auxlecteurs de cette Revue, mais nous ne saurions cette fois abuser
davantage
de sonaimable