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Passé ce point vous n’aurez plus d’issue possible...

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1300 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 13 juin 2012

actualité, info

«Pourquoi faut-il une loi pour donner aux rési- dents des EMS un droit qu’ils sont déjà cen- sés avoir ?». La question, une de plus sur la votation toute prochaine sur l’assistance au suicide dans les EMS vaudois, n’est pas mau- vaise… En Suisse, on admet qu’il existe des cas où se suicider est une décision compré- hensible. On dit parfois même rationnelle.

«C’est ce qu’on dit, que le sage vit tant qu’il doit, non pas tant qu’il peut ; et que le present que nature nous ait faict le plus favorable, et qui nous oste tout moyen de nous pleindre de nostre condition, c’est de nous avoir laissé la clef des champs.»1 Assister le suicide d’une personne qui décide, lucidement et elle-même,

que dans ses conditions elle ne peut plus vivre, on l’admet en Suisse tant que les raisons de la personne qui fournit cette assistance sont altruistes.

Alors oui, pourquoi a-t-on besoin d’une loi de plus ? Etrange chose : parce que l’assis- tance au suicide nous divise, certains EMS limi tent ce droit. C’est aussi parce qu’elle nous divise que nous avons une telle envie de la réglementer. Que les directeurs d’EMS ré- clament un «droit à l’objection de conscience»

alors que personne ne songerait un instant à les contraindre à assister personnellement un suicide. Que le contre-projet introduirait une première suisse en rendant une participation médicale nécessaire. Mais c’est encore parce que l’assistance au suicide nous divise, ce- pendant, qu’elle doit pouvoir faire l’objet d’une décision strictement personnelle. Pourquoi a-t-on besoin d’une loi de plus? Il est des droits sur lesquels il paraît nécessaire d’in- sister.

Ce besoin d’insister est révélateur. Sous le bruit de ce débat, profondément, le désir de mourir chez nos vieux nous trouble. Normal, me direz-vous peut-être. Nous ne leur offrons pas – ou trop rarement – les conditions d’une vie digne. «Peut-on accepter qu’une personne âgée souhaite se suicider pour éviter d’être un fardeau pour ses proches ?» Plutôt que de lui interdire le choix qui lui semble, à elle, le meilleur, peut-être faudrait-il éviter qu’elle se trouve dans cette situation ? Et pourquoi ou- blie-t-on que l’on parle de «liberté ultime», mais rarement de celle de choisir son repas du soir ou son lieu de vie ? Ces suicides sont ici une marque de notre mauvaise cons cience.

Plus facile de mettre sous clé la clé des carte blanche

Pr Samia Hurst Médecin et bioéthicienne Institut d’éthique biomédicale Faculté de médecine CMU, 1211 Genève 4 samia.hurst@unige.ch

Cœur : 44 ans et 2000 greffes plus tard

Il suffit parfois de moins d’un demi-siècle pour que l’extraordinaire se banalise. C’est le cas avec la greffe d’organe en général, celle du cœur en particulier. Sous nos latitudes un site hospitalier est le témoin privilégié de cette accélération de l’histoire de la chirur- gie : le Service de chirurgie thoracique et car- diovasculaire de l’hôpital parisien de La Pitié Salpêtrière. La toute récente communication faite par Alain Pavie devant l’Académie na- tionale (française) de médecine en témoigne, qui a fait un bilan de 44 ans d’activité dans ce domaine.1

Depuis le 27 avril 1968, 1918 transplan- tions cardiaques ont été effectuées dans ce service de La Pitié. Et durant ce petit demi- siècle quatre périodes chronologiques peu- vent être distinguées : une période initiale (53 patients), de 1968 à 1981, avec le traite- ment immunosuppresseur des débuts ; une phase d’expansion (839 patients), de 1982 à 1992, correspondant à l’avènement de la ci-

closporine ; une phase de stabilisation (522 patients), de 1993 à 2003, suivie de celle que les auteurs qualifient de «renouveau» (504 patients), de 2004 à 2010. «Cette période est fortement influencée par la création des super-urgences nationales, l’utilisation de donneurs âgés, de greffons limites, résument les auteurs de la communication. En paral- lèle, la prise en charge des malades hyper- immunisés est devenue une réalité ainsi que la large utilisation de l’ECMO (oxygénation par mem brane extracorporelle) tant en pré- qu’en post-transplantation. En parallèle, le man que de greffons incite à utiliser de plus en plus largement l’assistance circulatoire lourde en attente de transplantation.»

Les premières références bibliographi ques appartiennent ici déjà à l’histoire glorieuse de la chirurgie. Mise au point par Lower et Shumway en 1960,2 puis réussie par Barnard au Cap en 1967,3 la transplantation cardia que a débuté à l’Hôpital de La Pitié, sous l’im-

pulsion de Christian Cabrol, dès le 27 avril 1968 sur la personne de Clovis Roblain (sep- tième transplantation mondiale).4 La sym- bolique étant acquise et la gestuelle codifiée, ce n’est qu’après l’avènement de la ciclospo- rine, au début des années 80, que la trans- plantation cardiaque a réellement pris son essor. Sur les 1918 transplantations cardia- ques effectuées dans le Service de chirurgie cardiaque de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière (jus- qu’en décembre 2010), 1856 ont été réalisées de façon orthotopique et 62 en position hé- térotopique. Il faut aussi compter avec des transplantations cardiaques multi-organes : cœur-rein (23) et, plus récemment, cœur-foie (9). Ainsi qu’avec 164 transplantations cœur- poumons et 50 transplantations pulmonaires.

Soit un total de 2134 transplantations thora- ciques.

La période initiale (1968-1981). De 1968 à 1976, moins de 50 transplantations sont, cha- que année, réalisées dans le monde. De 1979 à 1982, le nombre double mais reste mo- deste malgré l’apparition, dès 1980, de la ci- closporine qui est alors réservée à un très petit nombre d’équipes.

A La Pitié, durant cette période, 53 ma- lades ont été transplantés. Ils sont jeunes (de 14 à 57 ans), les cardiomyopathies dilatées, avancée thérapeutique

Passé ce point vous n’aurez plus

d’issue possible…

CC BY S

haron Mollerus

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champs, que de rendre plus acceptable notre condition dans le grand âge. Plus facile mais pas plus honorable. Nous avons ici du che- min à faire.

Plus insupportable encore cependant : la possibilité que ce chemin ne suffise pas.

Que le désir de mourir soit parfois l’expres- sion de la souffrance que peut être pour cer- tains la vieillesse, par elle-même et malgré tous nos efforts. De cela, personne ne parle. Car voilà sans doute le motif de sui- cide à la fois le plus intelligible et le plus in- supportable. Silence, donc, et détourne- ment du regard. Vouloir barrer d’obstacles l’assistance au suicide dans ces cas préci- sément, c’est un peu une manière de nous cacher une éventualité qui nous fait peur.

Une tentative de régler une angoisse exis- tentielle par un interdit. Ce serait triste et dé- risoire, si ce n’était pas en même temps pro- fondément injuste. Car cette tentative se fait au détriment de personnes âgées dont la vie est souffrance et qui sont laissées à la merci d’autrui. A partir de ce point, vous n’aurez plus d’issue possible… non, dérisoire ne peut pas être ici le mot juste.

1 Montaigne. Essais, livre II ch. 3.

les ischémiques et les valvulaires constituant l’essentiel des indications d’alors. Les prélè- vements sont uniquement locaux, la conser- vation assurée par hypothermie de contact tant chez le donneur que chez le receveur, la technique utilisée celle de Shumway.

La phase d’expansion (1982-1992) est liée à l’avènement de la ciclosporine. Cette période est marquée, en France comme ailleurs dans le monde, par l’augmentation progressive des transplantations pour atteindre un pic

dans la première moitié des années 1990.

L’âge moyen augmente nettement (45 w 12 ans) et les indications s’élargissent avec des étiologies congénitales, hypertrophiques et toxiques, les maladies de système demeu- rant des indications rares. L’équipe de La Pitié effectue son premier prélèvement à distance, le 2 juin 1983 (et ce à Genève), permettant d’élargir l’accès aux greffons.

La phase de stabilisation (1993-2003). Cette période est marquée par la diminution du nombre des donneurs malgré les efforts (de l’Etablissement français des greffes puis de l’Agence de biomédecine) pour maintenir le taux de prélèvements. 522 ma-

lades ont été transplantés, 437 hommes et 85 femmes. L’âge moyen demeure stable, 48 w 12 ans. Les indications de cardio- pathies ischémiques continuent

à croître alors que les cardiopathies dilatées diminuent. Les retransplantations demeu rent rares. Les autres étiologies augmentent pro- portionnellement avec celle des indications chez les myopathes.

La phase de renouveau (2004-2010) a vu 329 hommes et 175 femmes transplantés. «Cette période est caractérisée par l’évolution des règles de répartition des organes établies par l’Agence de biomédecine en accord avec toutes les équipes, résument les auteurs.

Elles sont l’aboutissement d’une analyse de l’Agence qui fait deux constatations en 2002 : l’existence d’une mortalité trop élevée des malades en liste d’attente (16%), près de la moitié des décès survenant dans le premier mois, et le fait que d’excellents organes n’étaient pas utilisés faute de receveurs adé- quats. Par ailleurs, compte tenu du manque de donneurs, il était difficile de proposer des greffons aux malades en choc cardiogé- nique dont le pronostic vital était le plus

menacé.»

Ces réflexions ont abouti à la création en France, il y a huit ans (juin 2004), d’une

«Super-urgence nationale».

Elle s’adresse aux malades en insuffisance cardiaque terminale, dont l’état cli- nique nécessiterait une as- sistance circulatoire méca- nique, ainsi qu’aux mala des déjà sous assistance circu- latoire, ayant fait un acci- dent embolique totalement régressif ; étendue, depuis début 2010, aux malades ayant une infection de leur système. Ces deux catégo- ries sont soumises à l’avis

d’experts indépendants. «Cette nouvelle ap- proche a rapidement eu pour conséquence de permettre la prise en charge de patients qui, auparavant, ne pouvaient accéder à la greffe, observent les auteurs. Ainsi, les gref- fons sont attribués majoritairement aux ma- lades et non plus aux équipes comme par le passé. Après six ans de fonctionnement, on a pu constater que près de 60% des greffons sont attribués au plan national dans le cadre de la super-urgence.»

De manière parallèle, un effort a également été porté sur les donneurs recensés. L’utili- sation des greffons dits «limites» s’est ac-

crue. Ainsi, au final, fort est de constater une nouvelle augmentation du nombre des trans- plantations cardiaques pratiquées en France : 26% en trois ans. Les donneurs âgés de plus de 50 ans représentent aujourd’hui une partie importante des greffons cardiaques. «L’étude plus précise de l’utilisation des donneurs âgés dans notre expérience nous a permis de montrer que les résultats sont comparables à ceux des donneurs plus jeunes, affirment les auteurs de la communication. Par ailleurs, grâce à ces nouvelles règles, la durée d’at- tente a considérablement diminué.» L’âge limite de la transplantation cardiaque, ini- tialement fixé à 55 ans, a progressivement été augmenté à 65 ans. Dans le registre inter- national, 75% des transplantations cardia- ques sont effectuées chez des malades âgés de 35 à 65 ans et les plus de 50 ans repré- sentent près de la moitié des indications. Et malgré des malades plus graves, expliquant une mortalité initiale plus élevée, l’évolu- tion de la survie est parallèle à celle des pé- riodes antérieures.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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